La Tunisie, une terre désormais peu sûre pour les demandeurs d’asile

Selon les statistiques les plus récentes du HCR, la Tunisie accueille 8648 demandeurs d’asile au 31 août 2021, dont 5856 originaires de pays d’Afrique subsaharienne. (AFP)
Selon les statistiques les plus récentes du HCR, la Tunisie accueille 8648 demandeurs d’asile au 31 août 2021, dont 5856 originaires de pays d’Afrique subsaharienne. (AFP)
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Publié le Vendredi 19 novembre 2021

La Tunisie, une terre désormais peu sûre pour les demandeurs d’asile

  • L’enlèvement, puis l’expulsion d’un opposant algérien par les autorités tunisiennes a révolté les organisations humanitaires locales et étrangères
  • Même ceux qui ont la chance d’obtenir le statut de réfugié et de pouvoir rester en Tunisie ne sont pas à l’abri

PARIS: La vie de Slimane Bouhafs a basculé le 25 août 2021. Ce jour-là, vers treize heures, trois personnes l’extirpent de sa maison à la Cité Ettahrir et l’embarquent à bord d’une voiture noire vers une destination inconnue, selon le témoignage d’un parent recueilli par Amnesty International (1). Cet opposant algérien vivait depuis avril 2018 en Tunisie sous la protection du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui lui a accordé le statut de réfugié en septembre 2020.

Toujours d’après l’ONG de défense des droits de l’homme, la famille de Slimane Bouhafs a appris quatre jours plus tard qu’il était détenu dans un poste de police à Alger, et qu’il avait été présenté le 1er septembre à un juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, qui a décidé son emprisonnement en vue d’un jugement pour répondre de six accusations.

L’extradition de l’opposant algérien a révolté la société civile, ainsi que les organisations humanitaires tunisiennes et étrangères. Une quarantaine d’entre elles ont publié une déclaration intitulée «Affaire Sliman Bouhafs: la Tunisie viole à nouveau ses obligations internationales de protection des réfugiés» (2). Dans ce texte, elles «expriment leur indignation devant le dangereux précédent causé par l’État tunisien de remise d’un réfugié bénéficiant d’une protection internationale aux autorités de son pays, qui le poursuivent sur le fond de ses positions politiques et exigent qu’elles fournissent des éclaircissements à l’opinion publique». Les ONG appellent aussi «l’État tunisien à respecter ses engagements internationaux dans cette circonstance délicate, et à assurer la protection des droits humains et des droits des réfugiés». Elles considèrent enfin «que l’établissement de relations amicales avec un pays ami ne doit pas se faire au détriment du respect des obligations internationales qui protègent les réfugiés et les demandeurs d’asile, et du respect du principe de non-refoulement et de non-extradition».

Contrairement à ce qu’affirment les signataires, l’affaire Slimane Bouhafs ne constitue pas tout à fait un précédent. En effet, le 24 juin 2012, il y a presque dix ans, le gouvernement tunisien de l’époque, sous la houlette du parti islamiste Ennahdha, avait déjà livré un réfugié à son pays, l’ancien Premier ministre libyen, Baghdadi al-Mahmoudi. «La différence est que Slimane Bouhafs bénéficiait du statut de réfugié», rappelle Romdhane ben Amor, le porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).

En réalité, même ceux qui ont la chance d’obtenir le statut de réfugié et de pouvoir rester dans le pays, ne sont pas à l’abri. Ils sont confrontés à de multiples difficultés, aussi bien avant qu’après l’éventuelle obtention du statut de réfugié, précise M. Ben Amor. Le premier problème, explique-t-il, est que la Tunisie ne dispose pas de cadre légal pour les réfugiés, «bien qu’elle soit signataire du Traité de Genève de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés». Du coup, c’est le HCR qui s’occupe d’eux et accorde le statut de réfugié, en collaboration avec des organisations de la société civile tunisienne, précise-t-il.

En outre, certaines personnes ignorent que leur situation leur permet de demander le statut de réfugié. L’obtention de ce sésame n’est pas aisée. D’autant que «les procédures sont très complexes en raison des critères sur lesquels se base le HCR. Les personnes venant de pays considérés comme stables, si l’on excepte les situations particulières, en sont exclues». Les candidats ne bénéficient pas «d’un accompagnement suffisant dans la préparation de leur demande d’asile», poursuit le porte-parole de la FTDES.

Les difficultés se poursuivent même après l’obtention du statut de réfugié. Les heureux élus «croient que ce statut va leur garantir la protection, mais sont confrontés à une très dure réalité», regrette M. Ben Amor. Premier choc pour eux: «L’État tunisien n’accorde absolument rien aux réfugiés, même pas une carte de résident». Deuxième déception, «les maigres aides financières accordées par le HCR et ses partenaires ne permettent pas aux réfugiés de vivre dignement».

Réfugiés et demandeurs d’asile n’ont également pas accès à des droits fondamentaux comme la santé, l’éducation, etc. Enfin, quand ils arrivent à trouver du travail, «ils sont exploités et moins bien payés que les Tunisiens». Cette situation ne risque pas de s’améliorer de sitôt, car l’adoption d’une loi de protection des réfugiés, envisagée un temps, et qui devait se traduire notamment par la création d’une Instance nationale de protection des réfugiés, semble reportée aux calendes grecques.

en bref

Un flux en très forte croissance depuis trois ans

Alors qu’on comptait moins de 700 demandeurs d’asile jusqu’en 2018, leur nombre a très fortement augmenté ces trois dernières années. Le nombre des arrivées est passé de 1589 en 2019 à 3089 en 2020, avant de baisser légèrement durant les huit premiers mois de 2021, avec 2926 demandes de protection.

Selon les statistiques les plus récentes du HCR, la Tunisie accueille 8648 demandeurs d’asile au 31 août 2021, dont 5856 originaires de pays d’Afrique subsaharienne. Les 2792 autres sont issus de trois pays arabes. À eux seuls, la Côte d’ivoire (3502) et la Syrie (2209) totalisent près des deux tiers des réfugiés et demandeurs d’asile. Les 18-59 ans constituent la majorité des demandeurs. Une très grande partie des réfugiés et demandeurs d’asile sont installés dans trois régions: le Grand Tunis (4346), le Nord, Sfax (1854) et Médenine (1019) dans le Sud.


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté.