Les perspectives de médiation maghrébine semblent réduites

Les relations entre les voisins nord-africains sont tendues depuis des décennies. (AFP)
Les relations entre les voisins nord-africains sont tendues depuis des décennies. (AFP)
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Publié le Lundi 11 octobre 2021

Les perspectives de médiation maghrébine semblent réduites

Les perspectives de médiation maghrébine semblent réduites
  • La France pourrait et devrait jouer un rôle dans cette médiation
  • On espère que la récente rencontre du ministre algérien des Affaires étrangères avec son homologue d'un pays du Golfe permettra de sortir plus rapidement de cette impasse

Rarement, dans les relations internationales, deux États qui possèdent des ethnies, des croyances religieuses et des similitudes culturelles relativement homogènes présentent des interactions aussi tumultueuses que le Maroc et l'Algérie. On aurait pu espérer que les défis économiques mondiaux des deux dernières années facilitent une sorte de rapprochement et que la nécessité d'un commerce et d'une coopération régionales l’emportent sur l’intérêt à court terme d'une escalade politique; mais cela n’a pas été le cas.

Avec la fermeture des frontières entre les deux pays, le fait que l'espace aérien de l'Algérie ait été interdit au Maroc et les échanges de diatribes entre les deux parties à l'ONU [Organisation des nations unies, NDLR] la semaine dernière, c’est à une tierce partie d’entrer en jeu et de tenter une médiation afin d’éviter un conflit qui serait inutile et inopportun. Une intervention au niveau régional constituerait la solution diplomatique la plus directe, mais les relations à travers le Maghreb, bien qu’elles ne soient pas catastrophiques, ne sont guère cordiales.

Le Maroc a cherché à résoudre le conflit en Libye en organisant une série de pourparlers, mais ce pays déchiré par la guerre a perdu le rôle de puissance africaine dont il jouissait. Les troubles constitutionnels de la Tunisie, auxquels s’ajoutent les propres tensions qu’elle connaît avec Alger, l'empêchent également de jouer un rôle de premier plan. Dans ces circonstances, l'Union du Maghreb apparaît «moribonde», comme le roi Mohammed VI du Maroc l'avait décrite en 2006.

L'Union africaine (UA), que Rabat n'a rejointe qu'en 2017, après avoir été le seul pays du continent à ne pas y prendre part pendant des décennies, dispose d’une marge de manœuvre limitée. Le Nigeria et l'Afrique du Sud s'opposent obstinément aux prétentions historiques du Maroc ainsi qu’au rôle positif que pourrait jouer l’UA.

La reconnaissance croissante de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental au niveau international après la décision du gouvernement américain d'ouvrir un consulat dans cette zone provoque un nouveau clivage régional. Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a évoqué «l'autodétermination inaliénable» du territoire. Son homologue marocain a quant à lui dénoncé la «perpétuation d'un conflit régional inventé».

Au niveau arabe, on espère que la récente rencontre du ministre algérien des Affaires étrangères avec son homologue d'un pays du Golfe permettra de sortir plus rapidement de cette impasse. Cependant, l'envoyé algérien pour le Sahara occidental et le Maghreb, Amar Belani, déclare que «la décision qui consiste à rompre les relations diplomatiques avec le Maroc n'est pas négociable» et «ne fera l'objet d'aucune discussion». 

C’est à une tierce partie d’entrer en jeu et de tenter une médiation afin d’éviter un conflit qui serait inutile et inopportun.

Zaid M. Belbagi

Les propos de Belani font écho à la position affichée par Lamamra lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, qui s’est déroulée le mois dernier au Caire. Il avait déclaré que la rupture des liens était une «décision souveraine, finale et irréversible», soulignant que toute résolution au niveau de la Ligue arabe était à l’heure actuelle impossible pour Alger.

Cependant, la France pourrait et devrait jouer un rôle dans cette médiation. Les décisions territoriales arbitraires de la France pendant la colonisation de l'Algérie et le protectorat du Maroc comptent parmi les causes les plus importantes des mauvaises relations que les deux pays entretiennent aujourd'hui. Lorsque le protectorat français du Maroc a pris fin, plusieurs questions territoriales clés sont restées sans réponses alors que la France menait sa guerre, désormais tristement célèbre, pour garder l'Algérie sous sa coupe. C'est Paris qui a dessiné la frontière séparant ces deux peuples qui partageaient depuis des siècles le même sort et étaient dirigés par le même sultan.

Rabat a déclaré sans équivoque qu'elle s'engageait à rester un bon voisin et un ami du peuple algérien en dépit des récentes divergences politiques. C'est également ce que souhaite la Ligue arabe. Et la coopération reste l'aspiration des peuples des deux côtés de la frontière. Il est dans l'intérêt des parties régionales et internationales qu'un ton plus conciliant et plus engageant soit adopté.

Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (GCC). Twitter : @Moulay_Zaid

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.