En France, des Libanais entre traumatisme et rage après les affrontements de Beyrouth

Les forces de sécurité sur le site au lendemain de heurts meurtriers à Beyrouth (Capture d’écran, AFP).
Les forces de sécurité sur le site au lendemain de heurts meurtriers à Beyrouth (Capture d’écran, AFP).
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Publié le Samedi 16 octobre 2021

En France, des Libanais entre traumatisme et rage après les affrontements de Beyrouth

  • A Beyrouth, une manifestation du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, a débouché sur plusieurs heures de combat urbain
  • «C'était une manifestation pour protéger les politiciens, avec des protestataires en arme dès le début» alors qu'"un système corrompu a explosé dans notre visage" explique une libanaise vivant en France

PARIS: A l'entrée d'un supermarché parisien, Odette Helou-Chesnot tend une liste de courses aux clients : "C'est pour le Liban". Puis elle raconte à l'AFP le choc jeudi, quand de violents affrontements à Beyrouth l'ont ramenée à son enfance dans un pays en guerre.

"J'ai grandi pendant la guerre. Je l'ai très mal vécu", raconte cette psychologue exerçant notamment au Liban. "Là, on est encore dans le même schéma. Rien n'a changé".

Son jeudi, Odette Helou-Chesnot, 44 ans, explique l'avoir passé dans son canapé. "Il n'y a pas un Libanais qui n'était pas devant sa télévision en se demandant : +Mais est-ce que cela va s'arrêter ?+"

A Beyrouth, une manifestation du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, a débouché sur plusieurs heures de combat urbain. Ces deux organisations chiites accusent les Forces Libanaises, chrétiennes, d'avoir posté des snipers pour viser leurs partisans, ce que celles-ci démentent.

Sept personnes sont mortes et des dizaines ont été blessées. Les plus violents affrontements qu'a connu le Liban depuis des années ravivent le spectre d'un nouvelle guerre, après celle de 1975-1990, qui avait tué plus de 150.000 personnes.

Le conflit reposait sur des tensions confessionnels, que les leaders communautaires, restés au pouvoir trente ans plus tard, sont accusés de ne  pas avoir apaisé. Aujourd'hui, "tout le monde veut se venger : chrétiens, musulmans", observe la psychologue.

«Humiliation»

Le Liban, en faillite après des années de gestion financière calamiteuse, connaît en outre l'une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale. D'après l'ONU, 78% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté.

Odette Helou-Chesnot, qui a passé sa vie entre France et Liban, a cofondé l'Association libanaise des victimes du terrorisme, afin de soulager psychologiquement les personnes traumatisées. Elle collecte à présent nourriture et produits d'hygiène qu'elle envoie par containers.

"Jamais je n'aurais pensé faire ça pour mon pays. Les gens sont obligés de mendier. Il n'y a plus d'électricité, plus de gaz, plus d'essence, plus de médicaments. L'humiliation est totale", juge-t-elle. "S'il n'y a pas de solution en profondeur, on va déboucher sur une guerre civile".

Hanaa Jabbour, 49 ans, est rentrée cet été avec ses trois enfants en France, un pays qu'elle avait quitté il y a dix ans pour aider à "reconstruire" le Liban. "J'y croyais", soupire-t-elle.

Mais le salaire de cette directrice marketing s'est réduit à peau de chagrin avec la chute de la livre libanaise, qui a perdu plus de 90% de sa valeur face au dollar. Et ses économies sont coincées en banque, des restrictions draconiennes ayant été imposées sur les retraits.

Les manifestations de 2019-2021, qui ont vu les Libanais marcher "tous main dans la main dans les rues, quelle que soit leur confession", contre leur classe politique, n'ont abouti à aucun changement, regrette-t-elle.

«Théâtre macabre»

Jeudi, les combats dans Beyrouth l'ont "anéantie". "J'étais en larmes. Moi qui pensais ne pas avoir de séquelles, tout est ressorti", explique-t-elle, après avoir vu des photos d'enfants paniqués dans des écoles. "Je me suis vue comme eux, sous les pupitres, blottie contre la maîtresse quand les bombes passaient tout près".

Hezbollah et Amal manifestaient pour exiger le remplacement du juge réputé incorruptible chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a fait plus de 200 morts. Car le magistrat avait émis mardi un mandat d'arrêt contre un ex-ministre d'Amal dans cette affaire.

"C'était une manifestation pour protéger les politiciens, avec des protestataires en arme dès le début" alors qu'"un système corrompu a explosé dans notre visage", dénonce la chanteuse et scénariste Michelle Keserwany, venue à Paris en 2019.

Son but était "de faire revivre au Liban ses traumatismes de guerre avant les élections", pour pousser les votants au vote confessionnel aux législatives de 2022, analyse-t-elle.

"J'étais en rage", acquiesce Khatchig Ghosn, 27 ans, qui qualifie d'"inadmissible (...) une mini-guerre civile menée par ceux qui ont fait la guerre en 1975".

Samedi, il collectera des denrées dans le même supermarché qu'Odette Helou-Chesnot. Travailleur social en France, où il est arrivé pour étudier en 2020, il se dit "contre l'assistanat". Mais pour le Liban, "c'est la seule solution en ce moment".


France: l'adoption d'un budget compromise après le rejet des députés

Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a rejeté massivement en première lecture le budget 2026, renvoyant le texte au Sénat et illustrant l’extrême fragmentation politique depuis la dissolution de 2024
  • Le gouvernement minoritaire, sous pression pour réduire un déficit public record, peine à trouver une majorité, malgré l’espoir d’un compromis sur fond de tensions entre blocs politiques

PARIS: Les députés français ont rejeté à la quasi-unanimité en première lecture le budget de l'État pour 2026, dans la nuit de vendredi à samedi, un vote inédit depuis des décennies qui augure mal d'une adoption avant la fin de l'année.

Après des semaines de débats parfois houleux sur la fiscalité du patrimoine, ou celle des grandes entreprises, 404 députés ont rejeté la partie "recettes" du texte (un seul a voté pour), emportant ainsi l'ensemble du projet de loi, sans même étudier la partie "dépenses".

En vertu des procédures parlementaires françaises, ce vote renvoie le texte initial du gouvernement à la chambre haute du Parlement, qui s'en saisira la semaine prochaine.

Dans un paysage politique très facturé depuis la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron en 2024, la difficulté à adopter un budget de l'Etat constitue le sujet majeur à l'origine de la chute des derniers Premier ministres.

Le gouvernement minoritaire de Sébastien Lecornu, un proche d'Emmanuel Macron, se trouve pourtant sous forte pression pour réduire le déficit public, le plus élevé de la zone euro, dont l'ampleur inquiète les marchés financiers.

L'Assemblée avait déjà rejeté en 2024 le budget de l'État, de manière inédite depuis l'adoption de la Ve République en 1958. Mais c'est une première qu'il le soit avec une telle ampleur.

Les groupes de gauche et l'extrême droite ont voté contre, ceux du camp gouvernemental se sont divisés entre votes contre et abstentions. Seul un député centriste a voté en faveur du texte.

- Compromis? -

Si l'exécutif espère toujours une adoption avant la fin de l'année, cela apparaît comme une gageure, en terme de délais comme en terme de majorité pour le voter.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, avait promis de laisser le dernier mot au Parlement pour éviter une censure.

Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

Si elle a vu dans le "plus long débat budgétaire" de la Ve République, un "travail utile", la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a aussi déploré un "certain nombre de mesures inconstitutionnelles, irréalistes ou inapplicables".

Dans le viseur du camp gouvernemental, plusieurs hausses d'impôts, dont un "impôt universel" sur les multinationales, une hausse de taxe sur les rachats d'action, ou une contribution sur les dividendes.

Avec elles, le déficit passerait à "4,1%" du PIB (contre un objectif à 4,7% dans le texte initial), sans elles il serait de "5,3%", a estimé Amélie de Montchalin.

Sur X, elle a dénoncé l'"attitude cynique" des "extrêmes", se disant cependant "convaincue" de la possibilité d'un compromis.

"Le compte n'y est pas", a lancé le chef de files des élus socialistes, Boris Vallaud, estimant les "recettes" insuffisantes pour "effacer" des économies irritantes sur les politiques publiques.

Le PS continuera toutefois à "chercher le compromis", a-t-il assuré.

Les socialistes, qui avaient accepté de ne pas censurer le Premier ministre en échange notamment de la suspension de la réforme des retraites, espéraient que les débats permettent d'arracher une taxe sur le patrimoine des ultra-riches. Mais les propositions en ce sens ont été rejetées.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


Narcobanditisme: la porte-parole du gouvernement sera à la marche blanche samedi à Marseille

La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
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  • "Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement
  • "Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi

PARIS: La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat".

Le jeune homme de 20 ans a été assassiné le 13 novembre par deux hommes à moto, et la justice étudie la piste d'"un crime d'intimidation" lié au militantisme de son frère.

"Le gouvernement sera présent et je me rendrai samedi à Marseille en compagnie de mon collègue Vincent Jeanbrun, qui est ministre de la Ville et du Logement", a déclaré Maud Bregeon sur TF1 vendredi, ajoutant que ce drame avait "profondément choqué tous nos concitoyens".

La porte-parole a assuré que son déplacement serait fait "humblement, avec la modestie et la pudeur que cet événement nécessite, sans communication sur place".

Il s'agit, selon elle, de "marquer l'engagement total du gouvernement et le soutien de l'État, du président de la République et du Premier ministre, à cette famille et aux proches de Mehdi Kessaci".

"Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement où habitants, élus locaux et nationaux feront bloc contre le narcotrafic", a précisé l'entourage de Maud Bregeon à l'AFP.

La porte-parole retrouvera à Marseille de nombreuses autres personnalités politiques, dont beaucoup issues de gauche, comme Olivier Faure (PS) ou Marine Tondelier (les Ecologistes).

"Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi.

Si les courants politiques s'accordent sur le constat, ils s'opposent sur les voies à suivre pour contrer le narcotrafic.

Le député LFI du Nord Ugo Bernalicis a ainsi affirmé sur franceinfo que "ce qu'on demande au gouvernement, c'est pas tant la participation à cette marche, c'est de faire en sorte que les moyens soient à la hauteur des enjeux". Et "le compte n'y est pas", a-t-il dit.

Il a notamment appelé à s'attaquer au "cœur du problème" en légalisant le cannabis, dont la vente est "le moteur financier" des trafiquants, selon lui.

Le député insoumis des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard, qui sera présent samedi, a exhorté à un "changement de doctrine complet", demandant par exemple plus de moyens pour la police judiciaire.

"Plutôt que d'envoyer des policiers chasser le petit consommateur, je pense au contraire qu'il faut concentrer les moyens dans le démantèlement des réseaux de la criminalité organisée", a-t-il dit.

Quant à la suggestion du maire de Nice Christian Estrosi d'engager l'armée contre le narcotrafic, Maud Bregeon a rappelé que ce n'était "pas les prérogatives de l'armée" et "qu'on a pour ça la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice de la République française".


Une centaine de personnes en soutien à un directeur d'école menacé de mort

Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme. (AFP)
Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme. (AFP)
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  • Cet enseignant a porté plainte le 14 octobre "pour des faits de menace de mort datant du 10 octobre", a affirmé jeudi le procureur de la République de Rennes, Frédéric Teillet. Le rectorat a également porté plainte
  • "On reproche simplement au collègue d'être un homme et d'encadrer des jeunes enfants", a déploré Mickaël Bézard, du syndicat Force Ouvrière (FO) des écoles, présent devant l'établissement

RENNES: Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme.

Cet enseignant a porté plainte le 14 octobre "pour des faits de menace de mort datant du 10 octobre", a affirmé jeudi le procureur de la République de Rennes, Frédéric Teillet. Le rectorat a également porté plainte.

Selon des sources syndicales, la famille n'aurait pas toléré que l'instituteur accompagne la fillette aux toilettes.

"On reproche simplement au collègue d'être un homme et d'encadrer des jeunes enfants", a déploré Mickaël Bézard, du syndicat Force Ouvrière (FO) des écoles, présent devant l'établissement.

"Il n'y a pas d'aspect religieux derrière tout ça" a insisté Fabrice Lerestif, un autre représentant de ce syndicat à l'échelle départementale, reprenant les termes du ministre français de l'Éducation, Édouard Geffray, en marge d’un déplacement la veille près de Lyon (centre-est).

Environ 150 personnes, dont des enseignants d'écoles voisines et une trentaine de parents d'élèves, étaient présents devant l'école, fermée pour la journée. "Soutien à notre collègue", "Parents unis! Respect et soutien total à nos enseignants", clamaient deux pancartes accrochées aux grilles.

Parmi les parents d'élèves, Pierre Yacger est venu avec ses enfants soutenir l'équipe éducative "en qui on a pleinement confiance". Concernant le directeur, "on n'a jamais eu de retour négatif", a-t-il affirmé.

Choqué, l'enseignant est depuis en arrêt de travail. Il est "meurtri par la situation" qui a "eu un impact fort sur l'ensemble de l'école", alors qu'il s'agit d'un établissement "où tout se passe bien", a précisé Mickaël Bézard.

Le corps enseignant demande que la fillette, toujours scolarisée dans cette école, soit changée d'établissement, "pour retrouver aussi un climat serein", a-t-il poursuivi.

"Cette enfant, peut-être, va être scolarisée ailleurs", a estimé Gaëlle Rougier, adjointe à l'éducation à la municipalité de Rennes. "Il va bien falloir poursuivre une médiation avec la famille", a-t-elle ajouté.