Dans son livre The Good Equation, Simon Anholt avise les dirigeants du monde

Simon Anholt a développé le Nation Brand Index (NBI) qui mesure scientifiquement l'opinion publique à l'égard des marques nationales. (Photo Fournie)
Simon Anholt a développé le Nation Brand Index (NBI) qui mesure scientifiquement l'opinion publique à l'égard des marques nationales. (Photo Fournie)
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Publié le Jeudi 17 septembre 2020

Dans son livre The Good Equation, Simon Anholt avise les dirigeants du monde

  • Dans son nouveau livre, Anholt met en lumière certains problèmes avec le monde d'aujourd'hui et explique ce qu'il faut pour être un «bon pays»
  • En tant que créateur du concept de Nation Brands, il aborde les idées fausses courantes que de nombreux responsables et praticiens du marketing semblent répéter

Quand je commence à lire un livre, je suis une règle simple pour décider de poursuivre ou non la lecture. Si le livre ne parvient pas à attirer mon attention dans les quatre-vingt-dix premières secondes, je le pose et ne le reprends plus jamais.

C'est pourquoi j'ai brièvement hésité lorsqu’un de mes bons amis, le conseiller gouvernemental de renommée internationale Simon Anholt, m'a demandé de revoir son nouveau livre, The Good Country Equation. Je connais Simon depuis 2008, alors qu'il donnait des conférences dans le monde entier et qu’il était interviewé par les principaux organes de presse. À l’époque, je me faisais encore les dents en tant que rédacteur en chef junior de la publication sœur d'Arab News, le quotidien londonien Asharq Al Awsat. Simon a eu la gentillesse de proposer de discuter de son travail.

Le résultat a été une interview d'une page intitulée «The Man Who Sold the World», en français «L'homme qui a vendu le monde» (bien que le titre ne sonne pas aussi cool en arabe… j'étais un fan de Nirvana à l’époque). C'était la première explication en arabe de Nation Brands, un terme que Simon lui-même avait inventé en 1998. Au moment où je l'ai rencontré, il avait également développé le Nation Brand Index (NBI), qui mesure scientifiquement l’opinion publique à l'égard des marques nationales.

Bien sûr, le sujet en lui-même est fascinant et l'interview a attiré beaucoup d'attention dans le monde arabe. Mais ce qui a été plus fascinant pour moi, c'est de suivre de près l'évolution de ce concept. Ce que j'ai eu la chance de faire de première main, puisque Simon et moi sommes restés en contact et sommes devenus amis.

Ainsi commence mon hésitation… Que faire si je devais appliquer ma règle et abandonner le nouveau livre de Simon après quatre-vingt-dix secondes? En tant qu'ami, je suis ravi de pouvoir dire que je ne l'ai pas fait! En fait, il a capté mon attention presque immédiatement. «Avez-vous remarqué combien de temps nous passons à nous soucier de l'état du monde ces jours-ci?», est-il écrit dans la préface du livre. En tant que rédacteur en chef d'un grand journal régional, une grande partie de mon travail consiste à m'inquiéter de l'état du monde.

En effet, quiconque ne se soucie pas de ce qui se passe autour de nous aujourd'hui est soit naïf soit égoïste. Il y a eu un échec mondial catastrophique pour faire face à de la pandémie de coronavirus. Et le monde a connu une série de catastrophes naturelles monstrueuses – les incendies horribles en Australie et en Californie et l’ouragan Sally dans l’est des États-Unis. À un moment de l'histoire humaine, avons-nous jamais été aussi confus sur ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas? Qu'en est-il de la montée internationale des mouvements d'extrême droite? Même le Pentagone a encouragé la croyance en la vie extraterrestre en publiant des vidéos d'objets volants non identifiés.

The Good Country Equation n’offre pas de solution à tous les problèmes du monde et n’essaie pas non plus. Ce qu'il fait, cependant, c'est nous donner l'occasion de réfléchir à la façon dont la pensée gouvernementale a évolué au cours des deux dernières décennies. Ce qui est fascinant, en particulier si vous avez lu les livres précédents de Simon Anholt, c’est la façon dont ses théories ont évolué, et pas nécessairement de la même manière que de nombreux dirigeants mondiaux.

Dans ce contexte, «bon» n'est pas le contraire de «mauvais», mais le contraire d’«égoïste». Pour qu'un pays soit classé comme «bon» (et obtienne un score élevé dans le Good Country Index créé par l'auteur), il doit être un bon pays non seulement pour sa propre population, mais aussi pour les autres. C'est l'opposé de la vague «mon pays d'abord» que les politiciens de nombreuses démocraties établies (et de régimes non-démocratiques) chevauchent depuis quelques années. Et bien que cette vague puisse gagner le soutien de la population, elle n'est pas nécessairement durable ou saine pour le bien-être mondial.

Si nous avons appris quelque chose de la pandémie de Covid-19, c'est que nous avons tous besoin les uns des autres pour survivre. (Vous n'êtes pas d'accord? Bien… Mais que ressentiriez-vous si le pays qui créait le premier vaccin efficace contre le coronavirus refusait de le donner à quiconque, en dehors de ses propres citoyens?)

Un concept en évolution

Selon les sages paroles du défunt Steve Jobs: «Vous ne pouvez relier les points en regardant vers l'avant, vous ne pouvez les relier qu'en regardant en arrière.» Cela me vient à l'esprit chaque fois que Simon parle de la première fois qu'il a utilisé l’expression «National Brand», dans une revue sur le marketing en 1998. Il ne se rendait pas compte – ni personne d’autre – que ces deux mots auraient un impact mondial durable et prendraient une vie propre. L'argument était simple: les pays qui ont une image positive (le Japon et la Suisse, par exemple) bénéficient de ce fait d’un avantage commercial, et ont plus de facilité à attirer les touristes, les investissements étrangers, les événements internationaux et les consommateurs pour leurs exportations.

Dans les années qui ont suivi, les gens qui vendaient des détergents et du shampooing se sont soudainement réinventés en tant que consultants en «image de marque nationale». Toute une industrie a été créée, englobant des conférences internationales, des publications et des prix annuels, dans le seul but d'enseigner aux représentants de gouvernements «l'art» de gagner les cœurs et les esprits.

Vous pouvez penser que Simon était fier de son article original et de son impact, mais si vous lisez The Good Country Equation ou que vous l'écoutez parler, vous aurez le sentiment qu'il le considère comme son péché originel!

Il vous dira que les termes qu'il a utilisé était «National Brand» et non «National Branding» – un concept auquel il s'oppose.

Les outils de marketing tels que la publicité, les relations publiques et la promotion des ventes ont leur place dans le positionnement des villes, en attirant des investissements étrangers ou en promouvant des destinations touristiques. Mais s’il s’agit d’un pays, Simon croit que les actions sont plus éloquentes que les mots.

«Se vanter de son propre pays, c'est comme un humoriste qui monte sur scène et dit au public à quel point il est drôle», écrit-il. «Ne leur dites pas de rire. Soyez amusant. Et de même, pour les pays, ne leur dites pas de vous admirer. Soyez admirable.»

Peu de temps après avoir défini les Nations Brands, Simon a créé un nouveau terme (et a également écrit un livre à ce sujet) appelé «Competitive Identity» ou, en français, «Identité compétitive». Comme vous pouvez le lire dans son nouvel ouvrage, le concept a évolué pour devenir celui d'un «bon pays». Le cœur et l'âme de ce nouvel argument est que ce dont le monde a besoin, c'est d'une coopération, et non d'une concurrence, entre les pays.

«Tous les gouvernements du XXIe siècle ont deux tâches : prendre soin de leurs citoyens et participer à une plus grande communauté de nations», soutient-il. Et si vous pensez que c'est irréalisable, l'auteur donne des exemples de la façon dont les pays qui veulent être «bons» peuvent trouver des moyens de combiner ces deux tâches et de jongler entre priorités et intérêts, bien que ce soit loin d'être simple.

Il existe plusieurs lectures possibles de ce livre.

La première consiste à y voir un recueil d'expériences personnelles et de souvenirs d'un conseiller vétéran de près de 50 gouvernements.

Une autre serait de le lire comme s'il s'agissait d'un manuel permettant aux fonctionnaires de réfléchir et d'apprendre des expériences d'autres pays, et éventuellement de mettre en œuvre ce que dit Simon.

Une troisième façon, peut-être la plus intéressante, est pour les lecteurs – qu'il s'agisse de spécialistes du marketing, d'universitaires ou de représentants du gouvernement – de remettre en question tout ce qu'ils pensent savoir sur les «Nation Brands» ou «marques nationales».

Et si vous acceptez ce défi, soyez prêt à être surpris d'apprendre que les dépenses en relations publiques pourraient aggraver votre problème d'image; que nous avons utilisé des mots à la mode, tels que «soft power», tous faux; et que contrairement à ce que beaucoup pensent, les événements sportifs mondiaux ne rendent pas nécessairement un pays plus désirable.

Faisal J. Abbas est rédacteur en chef d'Arab News

The Good Country Equation, de Simon Anholt, est publié par Berret-Koehler et est disponible dans les librairies en ligne et sur Amazon dans le monde entier.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com