GAZA: Mahmoud al-Dakhni faisait partie des milliers de Palestiniens rassemblés devant le siège de la Chambre de commerce de Gaza afin de demander des permis de travail en Israël.
Ils appartiennent à des tranches d’âge et à des milieux différents, et comptent parmi eux des titulaires de diplômes. Ils se sont pressés à l’extérieur du bâtiment dans l’espoir d’obtenir l’approbation d'Israël pour demander un permis qui leur permettrait de passer par le poste-frontière d’Erez et d’échapper à la réalité économique qui de détériore à Gaza.
Depuis que le Hamas s’est emparé de Gaza par la force en 2007, Israël a imposé un siège qui a nui aux conditions économiques des Palestiniens.
La situation s’est aggravée en raison des restrictions imposées par Israël depuis la dernière guerre en mai 2020.
M. Al-Dakhni confie que, depuis cette guerre, il n’a travaillé que pendant quelques jours, ne dépassant pas le nombre de «doigts de la main».
«Il est plus rentable de travailler en Israël, où le salarié touche 300 shekels (ILS: 1 ILS = 0,27 euro) ou plus, qu’à Gaza, où le salaire ne dépasse pas 50 ILS par jour, avec des heures de travail plus longues et misérables», explique l’ouvrier de 33 ans, père de six enfants.
Pour obtenir un permis de travail, M. Al-Dakhni, comme d’autres, s’est inscrit au registre commercial auprès de la Chambre de commerce pour prouver qu’il est un commerçant, condition nécessaire pour obtenir l’approbation d’Israël.
M. Al-Dakhni a emprunté la somme qu’il a payée pour s’inscrire au registre de commerce. «Tout le monde le fait», souligne-t-il. «Israël n’annonce pas que ce sont des permis de travail, mais plutôt des permis pour les commerçants. La vérité, c’est que ceux qui les obtiennent les utilisent pour travailler en Israël.»
Mahmoud Haniyeh et quatre de ses amis ont opté pour la même démarche, obtenant un enregistrement commercial après en avoir partagé les frais. «Nous avons payé chacun 1 700 ILS et nous espérons compenser cette somme en travaillant en Israël.»
M. Haniyeh, 45 ans, travaillait comme tailleur dans la zone industrielle d’Erez avant de perdre son emploi lorsque le Hamas s’est emparé de Gaza.
Cet homme, qui soutient une famille de huit personnes, a raconté qu’il avait dû acheter une voiture en plusieurs versements pour travailler comme chauffeur de taxi afin de subvenir aux besoins de sa famille. Mais c’est devenu un fardeau pour lui en raison des mauvaises conditions économiques touchant la majorité de la population.
«Je travaille au volant tous les jours, de six heures jusqu’au soir, et bien souvent, ce que je gagne ne répond pas aux besoins fondamentaux de ma famille... Nous voulons seulement que nos enfants vivent une vie digne.»
Des vidéos de demandeurs de permis de travail ont circulé sur les réseaux sociaux. Leur colère est dirigée contre le Fatah et le Hamas, qu’ils tiennent pour responsables des crises que traverse Gaza.
Dans une séquence, on voit un homme d’une trentaine d’années affirmer qu’il a obtenu son diplôme universitaire en 2009 et que sa femme l’a obtenu cette année, mais qu’ils n’ont aucun espoir de trouver un emploi.
«Les diplômes universitaires sont devenus inutiles au vu de la division, surtout si vous n’êtes pas affilié à une faction politique», lance-t-il dans la vidéo.
L’Égypte s’efforce actuellement de consolider la trêve qu’elle a initiée entre le Hamas et Israël et qui a mis fin à la guerre de onze jours en mai dernier. Cependant, la médiation égyptienne n’a pas encore réussi à rapprocher les deux parties.
La radio publique israélienne a indiqué que le nombre total de permis accordés aux travailleurs et commerçants palestiniens de Gaza pour travailler en Israël était de 7 000, alors que leur nombre était de près de 5 000 en août dernier.
En 2019, Israël a autorisé les habitants de Gaza à présenter des demandes d’emploi pour la première fois, le nombre de travailleurs en Israël en provenance de Gaza s’élevant à quelque 120 000 avant la deuxième Intifada en 2000.
À l’époque, le travail de ces salariés contribuait à près de 20 % de l’économie palestinienne à Gaza, selon les données locales.
La Chambre de commerce a précisé qu’elle avait reçu environ 10 447 demandes, en une seule journée, pour obtenir des permis de travail en Israël et en Cisjordanie.
Le ministère du Travail de Gaza assume la «responsabilité de l’accumulation du chômage à Gaza, qui a atteint des chiffres sans précédent, en raison de la poursuite du siège imposé pour la quinzième année consécutive, et de la politique de fermeture des postes-frontières».
Les demandeurs de permis doivent répondre à plusieurs critères. Ils doivent être âgés de 26 à 60 ans, être mariés, au chômage et vaccinés contre la Covid-19.
Plus de deux millions de personnes à Gaza pâtissent de mauvaises conditions économiques en raison d’un blocus israélien imposé depuis 2006, qui a provoqué une augmentation des taux de pauvreté et de chômage.
Selon un rapport publié par le Bureau central palestinien des statistiques en août, le nombre de chômeurs dans la bande de Gaza a atteint 212 000, avec un taux de chômage de 45 %.
Le président du Syndicat des travailleurs de Gaza, Sami al-Amsi, a souligné qu’Israël n’avait pas encore autorisé les travailleurs de Gaza à travailler dans le pays et que tous les permis octroyés étaient destinés aux commerçants.
M. Al-Amsi estime que le fait qu’Israël accorde des permis aux commerçants et non aux travailleurs, n’oblige pas les employeurs en Israël à respecter les droits de ces travailleurs.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com