Les livres, le front oublié de la désinformation autour du Covid

Un homme entre dans un magasin Fnac à Paris, le 30 octobre 2020 (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 19 octobre 2021

Les livres, le front oublié de la désinformation autour du Covid

Un homme entre dans un magasin Fnac à Paris, le 30 octobre 2020 (Photo, AFP)
  • De nombreux livres, pour certains des succès, véhiculent leur lot d'infox, conférant légitimité et crédibilité à ces théories
  • «Quand on écrit un livre, c'est sérieux, on se pare d'une posture d'autorité, ça n'a pas la même valeur qu'un post Facebook», renchérit l'historienne Marie Peltier

PARIS: Désinformation, complotisme et pseudo-sciences autour du Covid s'épanouissent aussi dans les librairies en France: de nombreux livres, pour certains des succès, véhiculent leur lot d'infox, conférant légitimité et crédibilité à ces théories.  

Des internautes se sont récemment indignés que des ouvrages aux relents conspirationnistes soient placés en tête de gondole dans des magasins Fnac (distributeur français de produits culturels, ndlr) ou en haut des résultats de recherche sur les plateformes de vente en ligne.  

Parmi eux, « Big Pharma Démasqué! », sorti au printemps 2021 (ed. Guy Trédaniel): quelque 14 000 exemplaires vendus, « un bon succès », selon l'éditeur.   

Il figure parmi les meilleures ventes « Covid » à fin août, d'après le cabinet GfK, avec les succès de librairie des Pr Christian Perronne et Didier Raoult, figures médicales françaises controversées de la crise sanitaire.  

Contrairement à ce qu'affirme l'auteur dès le début du livre, vitamine D, ivermectine ou hydroxychloroquine n'ont pas d'efficacité avérée contre la Covid, comme l'explique l'essentiel de la communauté scientifique depuis des mois.  

Des théories relayées sur les réseaux sociaux et déclinées dans certaines émissions radio ou télé. Le tout créant alors une sorte de boucle auto-alimentée qui contribue à faire du complotisme un « discours ambiant », expliquent les experts interrogés par l'AFP.  

« On a beaucoup mis l'accent sur l'influence des réseaux sociaux en oubliant que complotisme et désinformation se fabriquent sur internet mais sont importés de canaux plus traditionnels: des livres, mais aussi des conférences, des séminaires de formation, c'est tout un business », note Sebastian Dieguez, spécialiste du complotisme à l'Université de Fribourg (Suisse).  

« Business »  

Offert par un proche, conseillé par un libraire, le livre « donne un aspect de crédibilité aux thèses présentées » et « contribue à rendre le complotisme grand public, accessible à tous », relève Sylvain Delouvée, spécialiste du sujet à l'Université Rennes 2.  

Le « complotisme, ça marche, ce n'est pas étonnant que les plateformes (de vente en ligne) les mettent en avant », ajoute l'universitaire, rappelant que le succès de tels ouvrages « n'est pas neuf », comme l'a montré en 2002 le livre à succès du Français Thierry Meyssan sur le 11 septembre.  

Subsiste encore l'idée que « quand on écrit un livre, c'est sérieux, on se pare d'une posture d'autorité, ça n'a pas la même valeur qu'un post Facebook », renchérit l'historienne Marie Peltier, experte du sujet à la Haute Ecole Galilée de Bruxelles.  

D'autant que, relève M. Dieguez, ces ouvrages « miment les livres académiques, avec des notes, des documents etc.. » et échappent largement au travail de vérification par des journalistes ou des scientifiques.  

Si l'on cherche « Covid » sur Fnac.com, est proposé en tête « Enquête sur un virus » (Le Jardin des Livres, 7 000 exemplaires depuis mars), qui reprend lui aussi l'idée d'une pandémie orchestrée par les élites mondiales.   

Il apparaît aussi dans les dix premiers résultats Amazon, aux cotés de « The Truth about Covid-19 », du Dr Joseph Mercola, considéré comme l'un des plus gros pourvoyeurs de désinformation anti-vaccinale sur internet.  

Aux Etats-Unis, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren a écrit en septembre à Amazon pour dénoncer la présence de cet ouvrage dans les meilleures ventes du site.  

Algorithmes  

Avec le mot-clé « vaccins », c'est « Les vaccins à l'heure de la Covid » (près de 8 000 exemplaires depuis avril, selon les éditions Kiwi) qui apparaît régulièrement en tête sur les plateformes: son auteur Michel de Lorgeril -ancien du CNRS (Centre national français de la recherche scientifique) - milite contre les vaccins depuis des années, relayant notamment l'idée fausse d'un lien avec l'autisme.  

Du côté des plateformes comme des éditeurs, on plaide la liberté d'expression.  

« La science peut aussi être sujette à controverse, notamment dans le traitement d'une nouvelle épidémie. Le Pr Didier Raoult est hautement qualifié pour s'exprimer sur le sujet », estime Elsa Lafon (éd. Michel Lafon), rejetant catégoriquement le terme de « désinformation » pour désigner le « travail » du chercheur marseillais (sud).  

« Nous vendons les livres qui sont autorisés à la vente en France. Nous ne portons aucun jugement ni de censure sur les livres (...). C'est au lecteur de se faire son propre avis », explique-t-on chez Decitre, entreprise de librairies.  

A la Fnac, on se défend de « toute prescription » volontaire de livres qui pourraient être taxés de complotistes, les ouvrages proposés en tête de résultats étant le fruit d'algorithmes mêlant « taux de clic, consultation des fiches produits et vente ».  

Quant « aux coups de cœur libraires », l'enseigne indique « modérer » depuis septembre « tous les coups de cœur entrants sur les catégories sensibles » et certains peuvent être retirés.   

Amazon renvoie à ses « directives », qui proscrivent la vente de certains livres (incitation à la haine, apologie ou promotion de la pédocriminalité, du viol, du terrorisme...). 


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi.