Dans une ville du Kurdistan irakien, les femmes aux manettes malgré les obstacles

Au Kurdistan irakien, les femmes souffrent toujours de discriminations (Photo, AFP).
Au Kurdistan irakien, les femmes souffrent toujours de discriminations (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 21 octobre 2021

Dans une ville du Kurdistan irakien, les femmes aux manettes malgré les obstacles

  • Près d'une dizaine de femmes occupent des postes élevés dans l'administration locale de Halabja, ville d'environ 115 000 habitants
  • Une exception au Kurdistan? Ici, seuls 14% des femmes en âge de travailler sont sur le marché du travail

HALABJA: A Halabja, la directrice de la municipalité Kwestan Faraj se souvient du jour où être une femme lui a peut-être sauvé la vie. En Irak la parité demeure un rêve lointain, mais dans cette ville du Kurdistan les femmes gravissent les échelons du pouvoir local.

Maire, doyenne d'université, directrice du département vétérinaire, porte-parole du département de la Santé: près d'une dizaine de femmes occupent des postes élevés dans l'administration locale de Halabja, ville d'environ 115.000 habitants, dans le nord-est de l'Irak.

De quoi surprendre, quand on sait qu'au Kurdistan irakien seule une poignée d'hommes et leurs clans ont la haute main sur les affaires publiques. Et que les femmes souffrent toujours de discriminations et des valeurs conservatrices d'une société patriarcale les cantonnant à la sphère privée.

"Quand on est une femme, gravir les échelons se fait au prix de sacrifices", reconnaît Mme Faraj, 55 ans.

Adjointe au chef de la municipalité pendant 15 ans, Mme Faraj s'est lancée en politique alors qu'elle était encore étudiante, distribuant des tracts contre le régime de Saddam Hussein.

Elle se souvient d'un homme armé venu un jour pour des démarches administratives illégales. Il s'est mis en colère quand elle a refusé de signer.

"J'ai cru qu'il allait sortir son pistolet et tirer. Il s'est levé et il m'a dit +si tu n'étais pas une femme, tu sais ce que j'aurais fait?+", raconte-t-elle.

Ici, l'impulsion paritaire est portée par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), un des deux partis historiques Kurdes, explique la responsable. Des habitants dénoncent, eux, des mesures cosmétiques, visant à masquer les manquements des autorités locales.

«Barrières»

Minoritaire à Erbil, la capitale du Kurdistan, l'UPK tient le poste de président du Parlement de la région autonome. Et c'est une femme, Rewaz Faiq, membre de la direction de l'UPK, qui a été nommée.

Le parti "croit en l'égalité homme-femme dans tous les domaines", assure Mme Faraj, vêtue d'une traditionnelle robe longue décorée de fines rayures dorées.

"Cela nous a permis de réaliser un équilibre des genres au sein des postes administratifs à Halabja", ajoute la responsable qui occupe le sien depuis 2016.

Aujourd'hui, Halabja se targue d'avoir la première doyenne d'université du kurdistan irakien, Mahabad Kamil Abdullah, qui rappelle qu'au début du XXème siècle, une femme, la célèbre Adela Khanum, était maire de Halabja.

"Les partis islamistes étaient parmi les premiers à me féliciter", se souvient la doyenne.

Une exception au Kurdistan? Ici, seuls 14% des femmes en âge de travailler sont sur le marché du travail --pour les trois-quarts dans le secteur public-- selon un rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).

"Les traditions sociétales cantonnent les femmes au rôle de mère. Les heures de travail (...) qui peuvent les garder hors de la maison jusqu'à tard le soir, ou les positions qui les obligent à travailler avec des hommes, sont des barrières qui contribuent au fait que les femmes du Kurdistan irakien ne travaillent pas", résume le rapport.

Améliorer leur image

Aux législatives organisées le 10 octobre dans tout l'Irak, plus de 90 femmes ont été élues, selon des résultats préliminaires, surpassant le quota de 83 imposé pour le Parlement de 329 députés.

Si le Kurdistan autonome cultive une image de stabilité et de tolérance, les militants des droits des femmes dénoncent pêle-mêle excision, mariages forcés ainsi que le poids des traditions.

"Ce n'est pas suffisant d'avoir des femmes à des postes élevés, il devrait y avoir plus de femmes aux bas échelons", plaide Gulistan Ahmed, à la tête de la commission gouvernementale des droits humains de Halabja.

Dans les ruelles du souk, plus que la parité des sexes, ce sont les manquements des autorités locales qui préoccupent la population.

"Il n'y a pas eu de changements notables dans la ville durant leur mandat, que ce soit au niveau des services publics ou avec le lancement de nouveaux projets", déplore Wshyar Abdulkarim, marchand de 45 ans qui tient une boutique d'épices.

"Pendant six ans j'ai travaillé au marché, personne n'a jamais construit ici de toilettes publiques pour les femmes", regrette Mujda Ahmed.

Saluant la présence de femmes à des postes de responsabilités, elle reste circonspecte. "J'ai l'impression qu'elles sont utilisées par leurs partis qui veulent améliorer leur image sur le dossier de la parité, rien de plus".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.