Pourquoi l’Iran préfère la guerre des drones par procuration

Une photo publiée par le bureau de l’armée iranienne le 5 janvier 2021 montre des responsables militaires inspectant des drones exposés avant une opération militaire dans un endroit non divulgué au centre de l’Iran. (AFP/Bureau de l’armée iranienne)
Une photo publiée par le bureau de l’armée iranienne le 5 janvier 2021 montre des responsables militaires inspectant des drones exposés avant une opération militaire dans un endroit non divulgué au centre de l’Iran. (AFP/Bureau de l’armée iranienne)
Short Url
Publié le Jeudi 21 octobre 2021

Pourquoi l’Iran préfère la guerre des drones par procuration

  • Les cibles comprennent les aéroports civils, les principaux sites de stockage de pétrole, les expéditions commerciales et les installations militaires et diplomatiques
  • Selon les experts, l’utilisation par le Corps des gardiens de la révolution islamique de mandataires comme les Houthis et les milices chiites irakiennes pour mener des frappes par drones lui accorde la possibilité du déni plausible

WASHINGTON: Au cours des derniers mois, des attaques par missile rôdeur – un genre de drone conçu par le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran – ont été lancées contre des établissements civils dans diverses parties de la péninsule Arabique.

Les Houthis, pions politiques de l’Iran au Yémen, ont acquis le savoir-faire et les éléments nécessaires pour utiliser la technologie dans le cadre d’une stratégie régionale qui a conduit à des attaques accrues de drones dans tout le Moyen-Orient.

Lors d’une attaque particulièrement dévastatrice qui a eu lieu le 14 septembre 2019, les installations pétrolières d’Abqaïq et de Khurais en Arabie saoudite ont été gravement endommagées par une combinaison de missiles et de drones, provoquant des ondes de choc sur le marché mondial du pétrole.

La fabrication des drones est relativement peu coûteuse. Ces derniers sont difficiles à contrer, en particulier les munitions vagabondes – ou drones suicides – utilisées de plus en plus par l’Iran et ses mandataires pour porter atteinte aux intérêts arabes, américains et israéliens au Moyen-Orient.

Les cibles comprennent les aéroports civils, les principaux sites de stockage de pétrole, les expéditions commerciales et les installations militaires et diplomatiques.

Les planificateurs des politiques de défense et les responsables militaires ont du mal à trouver une stratégie qui puisse contrer efficacement l’exploitation réussie par l’Iran de la guerre asymétrique pour renforcer ses capacités nationales en matière de production de drones.

Ali Bakir, chercheur adjoint au centre Ibn Khaldon pour les sciences humaines et sociales de l’Université du Qatar, affirme que Téhéran profite des frappes de drones menées par ses mandataires extrémistes pour renforcer sa position dans la région. Une réponse coordonnée des alliés régionaux est nécessaire pour éviter de nouvelles attaques, ajoute-t-il.

«Bien qu’ils ne soient pas sophistiqués, les drones de l’Iran constituent une menace croissante pour les pays voisins et compromettent la sécurité dans le Golfe», déclare M. Bakir dans un entretien à Arab News.

«Cette menace découle du fait que Téhéran utilise des drones dont la technologie est relativement primitive pour compenser le manque de munitions adéquates et de systèmes de ciblage perfectionnés. Équiper la franchise régionale du Corps des gardiens de la révolution islamique avec ces drones permet à l’Iran d’étendre sa portée et son pouvoir meurtrier.»

«Malgré les dégâts graves causés par les drones iraniens utilisés pour attaquer les installations pétrolières stratégiques de l’Arabie saoudite en 2019, il est surprenant de constater qu’aucune réponse adéquate et tactique n’a encore été mise en place pour contrer la menace des drones de Téhéran, que ce soit par les pays arabes ou les États-Unis.»

L’utilisation par le Corps des gardiens de la révolution islamique de mandataires comme les Houthis et les milices chiites irakiennes à l’image des Kataeb Hezbollah pour mener des frappes par drones lui accorde la possibilité du déni plausible. À ce jour, sa production en plein essor n’a jamais fait l’objet d’une intervention militaire.

missile
Un missile fabriqué en Iran est tiré par des Houthis sur l’Arabie saoudite en 2017. (AFP)

Un missile fabriqué en Iran est tiré par des Houthis sur l’Arabie saoudite en 2017. (AFP)

En conséquence, les attaques par drones se sont poursuivies, y compris la frappe de ce mois-ci contre l’aéroport du roi Abdallah dans la ville de Jazan, au sud de l’Arabie, qui a fait au moins dix blessés parmi les civils.

Les analystes ont également mis en évidence la capacité de l’Iran à contourner les sanctions mondiales en vue d’acquérir les composants et la technologie nécessaires pour produire en masse des drones chargés d’explosifs.

Cela a permis à des groupes terroristes désignés, entraînés et équipés par la force extraterritoriale Al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique d’utiliser des drones, des hauteurs du Golan au détroit d’Ormuz.

Sans une stratégie régionale globale qui adopte une attitude proactive pour dissuader et affaiblir les capacités de l’Iran en matière de drones de combat, Téhéran et son réseau transnational de groupes militants pourraient conclure que les avantages l’emportent sur le coût de l’intensification des attaques.

«Je pense que la réponse à la menace croissante de l’Iran devrait être proactive, collective et multidimensionnelle», poursuit M. Bakir.

iran
Une photo fournie par le ministère saoudien des Médias le 10 février 2021 montre la coque endommagée d’un avion Flyadeal Airbus A320-214 sur le tarmac de l’aéroport international d’Abha, dans la province d’Asir, au sud de l’Arabie saoudite. (AFP/Ministère saoudien des Médias)

«En d’autres termes, contrer la menace des drones de Téhéran devrait intégrer des efforts de renseignement pour bloquer les composants étrangers introduits en contrebande d’Allemagne, de France, des États-Unis et d’autres pays en Iran pour être utilisés dans son programme de drones.»

«Sur le plan militaire, il est important de mettre en place des solutions dynamiques, technologiques et rentables pour relever ce défi, mais la réponse ne devrait pas reposer uniquement sur des mesures défensives. L’acquisition de compétences pointues de même nature peut s’avérer une dissuasion crédible et établir un équilibre de menace favorable.»

«Reste à régler le problème des milices armées iraniennes qui sont plus difficiles à dissuader et ont, pour la plupart, peu à perdre. Lorsque cela est nécessaire, les expéditions de drones doivent être ciblées avant qu’elles ne parviennent aux groupes concernés. Il faudrait mener des attaques furtives contre les milices iraniennes qui utilisent ces drones pour augmenter les coûts et, si nécessaire, en faire porter la responsabilité à l’Iran.»

Lors d’une conférence récente à Chicago, le Conseil national de la résistance iranienne – une organisation rassemblant des personnalités de l’opposition iranienne en exil – tente de souligner la nécessité de reconnaître la menace croissante posée par le programme de drones iranien pour la sécurité nationale devant un large public américain.

Alireza Jafarzadeh, directeur adjoint du bureau du Conseil national de la résistance iranienne à Washington, affirme que le cerveau derrière le programme de drones de Téhéran, le général de brigade Saeed Aghajani, a personnellement orchestré les attaques de 2019 contre les installations pétrolières saoudiennes.

«Il devrait y avoir une politique globale pour réussir à contenir la menace du régime iranien en ce qui concerne ses drones et le soutien à ses mandataires», confie M. Jafarzadeh à Arab News.

«L’élément central d’une bonne politique devrait être la responsabilité. Lorsque Téhéran se livre au terrorisme, prend des personnes en otage et fait appel aux services de mandataires, il les utilise comme un outil pour obtenir des concessions de ses homologues. En l’absence de responsabilité, le terrorisme de régime n’a jusqu’à présent été que renforcé.»

iran
Une photo fournie par l’agence de presse saoudienne (SPA) le 27 février 2021 montre des débris sur le toit d’un immeuble à Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite, à la suite d’une attaque par missile revendiquée par la milice houthie du Yémen. (AFP/SPA)

«Le comportement illégal et voyou du régime ne devrait pas demeurer impuni. Lorsque l’ancien commandant de la force Al-Qods, Qassem Soleimani, a été éliminé, le public iranien était très heureux. Cela a semé la peur parmi les commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique et de la force Al-Qods, démoralisé les mandataires de l’Iran et réduit encore plus l’influence du régime dans la région.»

«Téhéran a menacé de se venger, mais cela ne s’est pas produit au cours des vingt-deux derniers mois. De plus, le régime a perdu plusieurs autres personnes clés sans possibilité de représailles. C’est le meilleur moyen de prouver que Téhéran est beaucoup plus faible qu’il ne le prétend.»

Cependant, il semble peu probable que Washington se lance dans une politique plus proactive qui augmenterait les enjeux pour l’Iran et ses mandataires. L’administration Biden a déjà levé les sanctions contre un certain nombre de personnalités impliquées dans le programme iranien de missiles balistiques, tout en faisant part de sa volonté de reprendre les négociations sur le plan d’action conjoint, également connu sous le nom d’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Ces mesures suggèrent que la Maison Blanche n’est pas très encline à s’attaquer de front à la campagne de drones de faible intensité menée à travers le Moyen-Orient par le Corps des gardiens de la révolution islamique.

Ceux qui sont fortement en désaccord avec l’approche plus conciliante de l’administration américaine comme Alireza Jafarzadeh affirment que toute relance des négociations ne devrait pas exclure la responsabilité de l’Iran pour les attaques de drones.

«Téhéran doit payer le prix de chaque complot terroriste, de chaque missile qu’il tire, de chaque drone qu’il lance et de chaque personne qu’il tue dans la région ou en Iran», soutient M. Jafarzadeh.

Une photo publiée par le bureau de l’armée iranienne le 5 janvier 2021 montre des responsables militaires inspectant des drones exposés avant une opération militaire dans un endroit non divulgué au centre de l’Iran. (AFP/Bureau de l’armée iranienne)

«Pour les nations musulmanes et arabes, il est très important de miser sur l’expérience des quarante dernières années. Le régime iranien veut faire une démonstration de force pour obliger les pays à lui accorder des concessions, mais seule la détermination porte ses fruits.»

«Le régime est surtout très faible et vulnérable et ses ressources stratégiques et régionales sont désormais très limitées.»

Que Téhéran se sente suffisamment enhardi pour mener des attaques de drones contre des pétroliers, des aéroports internationaux et d’autres cibles civiles, malgré une série de sanctions mises en place pour les empêcher, ainsi que leurs mandataires, de développer de telles capacités, montre que cette stratégie doit être repensée, selon les analystes.

«Nous sommes convaincus que les sanctions n’aideront pas», déclare à Arab News Tal Beeri, chef du département de recherche au Centre de recherche et d’éducation d’Alma en Israël.

«Les Iraniens savent comment agir militairement sous sanctions, à la fois en termes de renforcement et d’utilisation de la force. Ce qui s’est passé au cours des dernières années confirme bien cette théorie.»

iran
Une photo publiée par le bureau de l’armée iranienne le 5 janvier 2021 montre des responsables militaires inspectant des drones exposés avant une opération militaire dans un endroit non divulgué au centre de l’Iran. (AFP/Bureau de l’armée iranienne)

Si les sanctions s’avèrent insuffisantes, la neutralisation de la menace stratégique posée par le réseau iranien d’attaques de drones par procuration nécessitera probablement une certaine coopération et un partage des connaissances de la part des États de la région qui se sont retrouvés dans la ligne de mire des groupes militants iraniens.

L’Iran n’est pas le seul pays de la région à disposer d’un solide programme de drones. Une plus grande coopération régionale – y compris un meilleur partage de renseignements et l’acquisition de systèmes de drones – pourrait contrer les ambitions de Téhéran à grande échelle.

Les systèmes de défense aérienne statiques peuvent maintenir le cap jusqu’à un certain point contre les tactiques et la technologie de plus en plus sophistiquées des drones entre les mains des mandataires du Corps des gardiens de la révolution islamique.

«La menace réside surtout dans le vaste déploiement et l’accessibilité du programme de drones», insiste M. Beeri.

«Le programme est maintenant accessible à tous les mandataires iraniens au Moyen-Orient. Aujourd’hui, tous les mandataires ont des drones de collecte de renseignements et des drones d’attaque, et ils savent les manier avec un professionnalisme exemplaire.»

«Le programme des drones est désormais une réalité. Nous pensons qu’il ne peut être contrecarré, mais perturbé.»

 

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
Short Url
  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Short Url
  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Short Url
  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.