Élection présidentielle française: l’incertaine confrontation entre Macron et les droites

Le tapis rouge est déroulé pour l'arrivée du président italien à l'Elysée à Paris le 5 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
Le tapis rouge est déroulé pour l'arrivée du président italien à l'Elysée à Paris le 5 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Jeudi 28 octobre 2021

Élection présidentielle française: l’incertaine confrontation entre Macron et les droites

  • Macron ne tire pas profit de dividendes du maigre bilan de son mandat, mais des déchirements au sein des droites et de l’absence de personnalités crédibles et bien placées pour l'affronter
  • Parmi les scénarios les plus probables figurent Macron contre Le Pen (le scénario de 2017), Macron contre Zemmour, ou contre Bertrand

PARIS: L’acte I de la campagne présidentielle est bel et bien lancé, avec en toile de fond un paysage politique de plus en plus éclaté. Même si les sondages indiquent un pays ancré à droite, la présidentielle de 2022 pourrait être marquée par une rude confrontation dont l’issue est plutôt incertaine. La France s’orientera très probablement vers un duel entre Emmanuel Macron et un concurrent ou une concurrente sorti victorieux du premier tour.

Selon les derniers sondages, Macron dispose d’une confortable avance, puisque plus de la moitié des Français affirment que l'actuel chef de l'État sera réélu lors de l’élection présidentielle de 2022. Il ne tire pas profit de dividendes du maigre bilan de son mandat, mais des déchirements au sein des droites et de l’absence de personnalités crédibles et bien placées pour l'affronter.

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Xavier Bertrand, l'un des candidats favoris du LR. (AFP).

Un sondage d'opinion publié le 16 octobre dernier indique que Macron arriverait en tête au premier tour quel que soit le candidat de droite, avec 25 à 27% des votes. Marine Le Pen serait toujours deuxième (elle obtiendrait entre 17 et 18,5%), talonnée par Éric Zemmour (entre 16 et 17%). Quant au camp de la droite classique, le meilleur parmi ses candidats déclarés serait Xavier Bertrand (15%), puis Valérie Pécresse (10%) et, enfin, Michel Barnier (8%).

 

Photographie électorale

À six mois de l’élection présidentielle française, voici les candidats déclarés ou pressentis à ce jour:

  • Emmanuel Macron, actuel président de la république 
  • Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (RN, anciennement Front national)
  • Éric Zemmour, écrivain et journaliste populiste de droite, qui n'a pas encore officiellement annoncé sa candidature
  • Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Michel Barnier, principaux candidats en compétition au sein du parti Les Républicains (LR, principal parti traditionnel de droite)
  • Yannick Jadot, candidat d’Europe Écologie-Les Verts issu des primaires écologistes 
  • Jean-Luc Mélenchon, gauche radicale (La France insoumise, LFI)
  • Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste (PS), désignée par les militants 
  • Fabien Roussel, candidat du Parti communiste français (PCF) 
  • Arnaud Montebourg, indépendant de gauche et ancien ministre de l'Économie
  • Nicolas Dupont-Aignan, candidat gaulliste populiste 
  • Jean Lassalle, indépendant de centre-droite, ancien ministre et député
  • Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, deux candidats trotskistes (ultragauche)

L’impact du traitement de l'islam et des Français d’origine arabe

Malgré la priorité donnée par l’opinion publique aux questions sociales et économiques, les facteurs identitaires, historiques, et religieux occupent une place importante dans le débat électoral et font l’objet de tiraillements entre les candidats à la présidentielle.

Il y a bien sûr les sorties populistes (délibérément spectaculaires) du supposé candidat Éric Zemmour, mais pas seulement: dans les thèmes abordés par la campagne, on note aussi l’ambiguïté de différentes perceptions sur l’islam, la place des Français musulmans ou d’origine arabe, ou encore le litige historique franco-algérien.

Sans doute, l’avènement d’une société française plurielle et multiculturelle représente un choc pour certains, qui considèrent que ce n’est pas une richesse.

Éric Zemmour, journaliste et chroniqueur devenu militant politique classé à l’extrême-droite, est connu depuis des années pour ses tirades polémiques et sa stigmatisation de la culture des membres des communautés musulmanes de France. Il s’attaque aux rituels religieux, aux habitudes de vie et à la langue arabe. Récemment, le polémiste (un juif d’origine algérienne ou, comme il se présente, un juif d’origine berbère) s’est illustré par une déclaration controversée, affirmant que s'il devenait président, il empêcherait les enfants de prendre le prénom de Mohammed.

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Eric Zemmour, un juif d’origine algérienne ou, comme il se présente, un juif d’origine berbère. (AFP). 

Cette déclaration et d’autres sorties «folkloriques» créent une ambiance délétère teintée de racisme et d’islamophobie. Sans doute, l’avènement d’une société française plurielle et multiculturelle représente un choc pour certains, qui considèrent que ce n’est pas une richesse. Si l’immigration a été le cheval de bataille du Front national (FN) dans les années 1980-1990, la priorité nationale et la question identitaire apparaissent désormais comme des thématiques clés pour une bonne partie de la droite. Pour la gauche et les Verts, au contraire, ces questions sont secondaires.

Affirmer que la France risque d’être islamisée, c’est estimer de façon exagérée que chaque musulman sera forcément un islamiste!

Dans les perceptions des uns et des autres de l’islam et de sa place dans la République, la confusion règne parfois, au point que Xavier Bertrand, l’un des principaux candidats de droite, a proposé en août dernier d’interdire le «salafisme», qu’il désigne comme vecteur d’une «idéologie politique incompatible avec les valeurs françaises et la primauté de la loi de la République». Cette proposition, qui apparaît à première vue simple et applicable, est juridiquement impossible à réaliser, car on ne peut pas proscrire une pensée religieuse. Cette confusion entre l’islam politique et l’islam comme religion, tout comme celle entre islam et terrorisme, dessert tout effort d’insertion, surtout si l’on fait de cette question un sujet de surenchère électorale.

Toutefois, les chiffres réels et les estimations invalident les thèses extrémistes et islamophobes comme celle de Zemmour, qui suggère que «la France sera à moitié islamique en 2050». Cette prédiction qui prétend refléter une évolution démographique est bien illusoire. Selon le Pew Research Center (un think tank américain spécialisé dans l’étude du poids des religions), la France compte un peu plus de 8% de musulmans (majoritairement non pratiquants) et en compterait de 12 à 18% en 2050. Il est impossible de prédire combien seront pratiquants et à quel point. Affirmer que la France risque d’être islamisée, c’est estimer de façon exagérée que chaque musulman sera forcément un islamiste!

Toutefois, le rationalisme ancré dans la pensée française l’emporte: le président Macron, comme plusieurs hommes et femmes politiques, refuse la stigmatisation systématique des adeptes de l’islam et insiste sur le respect de la liberté du culte.

Quant aux Français d’origine arabe ou immigrés actifs venant de pays arabes, ils subissent comme les autres les affres de crises et peuvent parfois être la cible de discriminations. Mais ils commencent progressivement à peser dans la société et le paysage politique. Lors de la crise sanitaire, beaucoup d’étrangers actifs, dont une bonne partie sont issus de pays arabes, se sont illustrés par leur persévérance et leur présence déterminantes pendant la période critique de la pandémie. Ainsi, le 21 septembre 2021, la ministre déléguée à la Citoyenneté a annoncé la naturalisation de 12 000 travailleurs étrangers en première ligne pendant la pandémie. Cet exemple, comme tant d’autres, constitue une note positive dans l’ambiance délétère d’une campagne qui s’annonce houleuse, avec une opinion publique déstabilisée.

Dans le camp des gauches, le populiste Mélenchon se contenterait de 8%. Mais il devance le candidat d’Europe Écologie-Les Verts, Yannick Jadot, qui recueillerait 7% des suffrages. Puis viennent Anne Hidalgo, la candidate socialiste (entre 5 et 5,5%), le communiste Fabien Roussel (entre 1,5 et 2%), qui obtient sensiblement le même score qu’Arnaud Montebourg. Les autres candidats oscilleraient entre 0,5 et 1% des voix.

Moins de six mois avant le premier tour, qui se tiendra le 10 avril 2022, il est difficile de donner une estimation précise des résultats et il semble ardu de désigner ceux qui accéderont au second tour. Parmi les scénarios les plus probables figurent Macron contre Le Pen (le scénario de 2017), Macron contre Zemmour ou contre Bertrand.

macron
Pour Macron, ce mandat marqué par la pandémie et par l’emprise du président «autoritaire» sur l’exécutif, le bilan a été maigre par rapport aux réformes promises et nécessaires. (AFP). 

Pour l’instant, Macron reste le plus confiant dans sa progression, mais il faut attendre le congrès du parti Les Républicains (LR), en décembre prochain, qui devrait trancher entre plusieurs concurrents. Si Xavier Bertrand l’emporte, il est possible que la balance penche en sa faveur, ce qui aura son importance dans la course finale.

Macron entre défis et surprises

Dans cette mêlée, et dans tous les cas de figure, Emmanuel Macron paraît en position de force, à six mois de l'élection. Cela semble surprenant pour un président qui, sur l’ensemble de son quinquennat, compte parmi les hommes d’État de la Vᶱ République les plus contestés, comme l’atteste la longue phase de manifestations des Gilets jaunes et la mobilisation contre le passe sanitaire.

De surcroît, dans ce mandat marqué par la pandémie et par l’emprise du président «autoritaire» sur l’exécutif, le bilan a été maigre par rapport aux réformes promises et nécessaires. Ainsi, le manque d’élan réformateur et la longue crise sanitaire n’ont pas permis de réalisations concrètes… Mais Macron conserve pour le moment son avantage. Afin de consolider sa place dans la course présidentielle, il a lancé récemment un ambitieux programme d'investissements, intitulé «France 2030»: plusieurs dizaines de milliards d'euros seront destinés aux secteurs identifiés comme stratégiques. Parmi les priorités ciblées: l’énergie (hydrogène, batteries électriques et nucléaire), le numérique, l’agriculture, l’espace, ou encore la santé.

Le chef de l’État a constaté le retard pris en France dans certains domaines, notamment durant la pandémie de Covid-19 et les pénuries de produits cruciaux qu’elle a entraînées. Cet électrochoc a incité Macron à plaider pour la réindustrialisation de l'indépendance nationale et de l’autonomie stratégique européenne, derrière un mot d'ordre: souveraineté. Cependant, la tâche n’apparaît pas simple après toutes les délocalisations opérées depuis les années 1980. Un projet aussi ambitieux suppose d’y consacrer plusieurs dizaines de milliards d'euros; or, ils sont difficiles à trouver.

En réalité, le plan France 2030 n’est que le programme économique de la campagne 2022 face aux «alternatives de décroissance ou de repli sur soi» défendues par certaines oppositions... Ces propositions interviennent alors que les candidats croisent essentiellement le fer sur l’immigration (ou la peur de l’Autre, une thématique chère à l’étoile montante du populisme, Éric Zemmour).

C'est le pouvoir d'achat qui figure en tête des préoccupations des Français. Cette thématique est placée juste avant la sécurité et la protection sociale. Ainsi, le programme macroniste tient compte des thématiques économiques qui reviennent au premier plan, carte maîtresse de la stratégie 2030 face à un éparpillement politique en général, et à droite en particulier.

Fluidité de l’opinion dans un pays ancré à droite

Alors que le quinquennat de Macron entre dans sa phase finale, le paysage politique français s’annonce aussi mouvant qu'incertain, avec une fluidité plus grande des électorats que par le passé. Toutefois, une photographie de l'opinion souligne que la France se situe de plus en plus à droite. Plusieurs spécialistes l'affirment, s'appuyant sur des sondages. D'autres figures politiques, comme Jean-Luc Mélenchon, appellent les Français à ne pas se laisser influencer. Mais on peut affirmer que le choix de la majorité des électeurs de droite se révélera décisif.

En attendant le congrès du parti Les Républicains, l’attention se concentre actuellement sur le duel à distance du premier tour entre Marine Le Pen et Éric Zemmour. Macron est perplexe, lui qui pariait sur une confrontation avec Marine Le Pen au second tour, scénario dans lequel ses chances de succès seraient garanties. L’irruption d’Eric Zemmour brouille les cartes.

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l’attention se concentre actuellement sur le duel à distance du premier tour entre Marine Le Pen et Éric Zemmour. (AFP). 

Cette fois, en France, le phénomène électoral n'est ni Jean-Marie Le Pen ni sa fille, mais incontestablement Zemmour. Le courant populiste et celui de la droite endurcie ont trouvé dans le polémiste un candidat combatif et beau parleur qui répond aux inquiétudes du Français moyen. De manière inédite, un homme extérieur à la sphère politique entre en jeu et met tous les traditionalistes en difficulté. Il pourrait même embarrasser Macron.

Avec un duel serré, au premier tour, entre Le Pen et Zemmour (si ce dernier confirme sa candidature), l’arrivée tardive du candidat de la droite classique et un camp de la gauche et des écologistes fragmenté, Emmanuel Macron bénéficie de la posture classique du président-candidat et apparaît comme un pôle de stabilité.

 


Après «Bloquons tout» et les promesses de «rupture», les syndicats dans la rue jeudi

"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
"Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées. (AFP)
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  • Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi
  • Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme"

PARIS: "Le budget va se décider dans la rue": à l'instar de la CGT, les organisations syndicales appellent à faire grève et manifester jeudi pour contester des mesures budgétaire "brutales" annoncées cet été et que le nouveau Premier ministre n'a pour l'heure pas écartées.

Après sa rencontre avec Sébastien Lecornu lundi, la cheffe de file de la CGT, Sophie Binet, se montrait plus que jamais déterminée, malgré l'abandon de la suppression de deux jours fériés samedi. "(Il) ne s'est engagé à rien du tout. Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", a-t-elle lancé.

Dès son arrivée à Matignon, Sébastien Lecornu avait promis des "ruptures sur le fond" et "pas que sur la forme". Depuis vendredi, il reçoit les syndicats représentatifs - à l'exception de Frédéric Souillot (FO) qui souhaite le rencontrer après le 18. Mais ces derniers maintiennent leur appel à la mobilisation du 18, espérant peser de tout leur poids sur les futures orientations budgétaires.

CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires seront ainsi unis jeudi dans la rue, pour la première fois depuis le 6 juin 2023 - date de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites.

Les mesures avancées cet été sont "d'une brutalité sans précédent", dénonçaient-ils fin août dans un communiqué commun, regrettant que l'ancien gouvernement choisisse "encore une fois de faire payer les travailleuses et les travailleurs, les précaires, les retraité·es, les malades".

Ils pointent "des coupes dans les services publics, (...), une énième réforme de l'assurance chômage, le gel des prestations sociales et celui des salaires des fonctionnaires comme des contractuel·les, la désindexation des pensions de retraites, le doublement des franchises médicales, la remise en cause de la 5ème semaine de congés payés…".

L'abandon de la suppression de deux jours fériés, unanimement décriée par le monde syndical, constitue "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a estimé Sophie Binet.

Même la CFDT, pourtant peu rompue aux cortèges syndicaux, maintient sa participation: vendredi, Marylise Léon a réaffirmé que son syndicat était "plus que jamais motivé pour aller dans la rue", à l'issue de son entrevue avec Sébastien Lecornu.

"Le budget tel qu'il a commencé à être construit n'est pas compatible avec la justice sociale, fiscale et environnementale donc il y a vraiment besoin de le revoir de fond en comble", a-t-elle estimé lundi sur France Inter.

Sur la durée ? 

Sur la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat, Mme Léon a pourtant apprécié que le Premier ministre dise être conscient de la nécessité de "faire quelque chose".

"Le budget, il va se décider dans la rue", insiste Mme Binet. Ainsi, "il faut faire une démonstration de force jeudi prochain et après", laissant entrevoir une mobilisation dans la durée.

Lundi, la CGT annonçait déjà plus de 220 manifestations, un chiffre encore amené à évoluer.

Les organisations syndicales parviendront-elles à dépasser l'affluence du mouvement citoyen "Bloquons tout" - qui a rassemblé près de 200.000 personnes le 10 septembre selon le ministère de l'Intérieur, sans toutefois parvenir à paralyser le pays ? Les manifestants du 10, parfois méfiants vis-à-vis des syndicats, participeront-ils à cette nouvelle journée ?

Aucune inquiétude côté syndical: "Nous avons déjà d'excellents retours sur la mobilisation de jeudi", assure Frédéric Souillot (FO).

"Nous avons l'objectif d'avoir un million de personnes avec nous", avance de son côté Cyril Chabanier (CFTC).

"La colère sociale est toujours là", abonde Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

De leur côté, les autorités s'attendent à une mobilisation plus importante que le 10 septembre et craignent la présence de plusieurs centaines de manifestants radicaux dans des cortèges. Une cellule de crise sera ouverte dès mardi au ministère de l'Intérieur.

Après le 18, ce sera le tour des agriculteurs de la FNSEA, le 26 septembre, de mener "une grande journée d'actions" autour des échanges internationaux de produits agricoles.


Lecornu va mettre fin aux "avantages à vie" des ex-ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu participe à une réunion alors qu'il visite le centre de santé départemental à Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu concrétise une promesse phare pour réduire le « décalage » entre les élites politiques et la réalité des Français, dans un contexte de forte défiance envers sa nomination

PARIS: Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens de Matignon: les avantages octroyés aux ex-Premiers ministres seront "supprimés" dès 2026, a annoncé lundi Sébastien Lecornu, concrétisant l'une de ses premières promesses, très symbolique pour l'opinion.

Il n'est "pas concevable" que les anciens ministres "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a écrit le locataire de Matignon sur X, confirmant la mise en place de cette réforme dès le 1er janvier 2026.

"La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée, et reconduite en fonction de la réalité du risque. Tous les autres moyens mis à disposition des anciens Premiers ministres à vie le seront dorénavant pour une durée limitée", a expliqué M. Lecornu sur ce réseau social.

Sollicité par l'AFP, Matignon a expliqué que le gouvernement avait préparé une "instruction" à destination du Secrétariat général du gouvernement, en vue de revoir le décret du 20 septembre 2019, qui avait déjà restreint les privilèges accordés aux anciens Premiers ministres.

Ces derniers peuvent actuellement se voir octroyer "sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile", à la charge de l'Etat. Ils peuvent aussi bénéficier d'un "agent pour leur secrétariat particulier" pendant dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans.

Des avantages qui ne s'appliquent pas pour les "ex" de Matignon lorsque ces derniers disposent déjà de ces privilèges via leur mandat (parlementaire ou local) ou leur fonction publique.

- "Mettre fin aux derniers privilèges" -

Une autre instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

"On ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l'État n'en font pas. La réforme, ce n'est pas toujours +pour les autres+, cela crée la suspicion", avait lancé Sébastien Lecornu dans un entretien donné à plusieurs titres de la presse régionale durant le week-end.

"Beaucoup de choses ont été réglées pour les anciens présidents de la République. Je vais donc mettre fin aux derniers privilèges", avait-il encore promis, quelques jours seulement après sa prise de fonctions à Matignon, durant laquelle il s'était inquiété du "décalage" observé entre la vie politique et la vie "réelle" des Français.

Le Premier ministre, nommé mardi par Emmanuel Macron après la chute de François Bayrou, met ainsi en musique l'une de ses premières promesses, alors qu'il consulte en parallèle les forces politiques, syndicales et patronales en vue de former un gouvernement susceptible de survivre aux menaces de censure des oppositions.

Il doit aussi batailler contre une opinion publique très défiante vis-à-vis de sa nomination, même si les chiffres de confiance des Français à son égard varient selon les instituts de sondage.

Son prédécesseur, François Bayrou, avait déjà annoncé vouloir passer au crible ces privilèges ministériels: il avait confié fin août une mission à l'ex-député socialiste René Dosière pour identifier les "avantages indus, excessifs, inacceptables" dans un contexte de dérapage des finances publiques.

En réalité, l'économie à espérer de ces annonces est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards d'euros recherchées par les gouvernements successifs. Les privilèges accordés au titre du décret de 2019 (chauffeur, secrétariat, véhicule) ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat en 2024, selon le gouvernement.

Un montant auquel il faut ajouter les dépenses de protection policière, évaluées à 2,8 millions d'euros par an dans un rapport parlementaire de 2019.


L’histoire de Donia, arrivée de Gaza à Paris, le quotidien morbide des Gazaouis qui ne veulent que vivre

Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous. (AFP)
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  • Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
  • Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable.

PARIS: Depuis le début de la guerre à Gaza, les récits qui parviennent à franchir les ruines et le silence imposé sont rares.
Derrière les chiffres et les bilans atones relayés par les médias, il y a des voix : celles de civils qui ont vu leur existence basculer en quelques heures.
Parmi elles, Donia Al-Amal Ismail, poète, journaliste et mère de quatre enfants, habitante de Gaza, arrivée à Paris il y a presque trois mois. Elle raconte son histoire à Arab News en français.
Difficile de ne pas se sentir anéantie face à ce visage doux et tendre, à ces yeux verts empreints d’une tristesse insondable. Donia témoigne de ce que signifie vivre la guerre : vivre avec la peur, la faim, fuir sous les bombes, errer d’un abri de fortune à un autre.
Marcher pour ne pas crever, marcher avec le seul souci de garder en vie ses deux enfants (une fille et un garçon) restés avec elle, les deux autres étant en Égypte.
Marcher la peur au ventre, occultant la faim et la fatigue, enjamber des gravats, des cadavres, marcher dans des égouts, tenir sans espoir aucun, se sachant, comme tous ses semblables, abandonnée par tous.
Son récit, émouvant par-dessus tout, saccadé par de longs silences et des larmes qui coulent spontanément sur les joues, n’en est pas moins ferme : pour elle, indéniablement, Gaza est le foyer des Gazaouis qui feront tout pour reconstruire.