Les raisons de l’actuelle poussée de fièvre américano-chinoise

A part les F-16 américains et les Mirages 2000 français, Taiwan a développé son propre chasseur, le F-CK-1. (Photo, AFP)
A part les F-16 américains et les Mirages 2000 français, Taiwan a développé son propre chasseur, le F-CK-1. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 29 octobre 2021

Les raisons de l’actuelle poussée de fièvre américano-chinoise

  • Un nombre record d'incursions d'avions de guerre chinois au large de Taiwan alors que Pékin est désormais en mesure d'envahir l’île et d'en prendre le contrôle
  • Dans un contexte de confrontation grandissante avec Pékin, cette nouvelle donne a poussé Washington et ses alliés à s'activer pour dissuader la Chine de passer à l'acte
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Moderne est bien équipée, l'armée taïwanaise a toujours bénéficié de la technologie occidentale, américaine, mais aussi française et européenne. (Photo, AFP)

 

WASHINGTON : Déjà vives, les tensions entre les Etats-Unis et la Chine connaissent une nouvelle poussée autour de la question de Taïwan, qui ressurgit avec acuité.

Quelles sont les positions traditionnelles?

Après avoir perdu la guerre civile face aux communistes, les forces nationalistes chinoises se sont installées à Taïwan en 1949, créant leur gouvernement aujourd'hui régi par un système démocratique.

Les Etats-Unis, d'abord fidèles à cette République de Chine retranchée sur l'île, ont finalement instauré des relations diplomatiques en 1979 avec le pouvoir communiste de Mao contrôlant l'énorme territoire continental -- au détriment de Taïwan.

Mais parallèlement, le Congrès américain a imposé à Washington de fournir à Taipei des armes pour son autodéfense.

C'est ce que l'on appelle "l'ambiguïté stratégique" des Américains.

Elle consiste à aller aussi loin que possible dans leurs liens avec Taïwan, sans pour autant traiter ce territoire comme un Etat souverain. Une doctrine qui a permis de préserver le statu quo, même si elle agace la Chine, déterminée à opérer une "réunification" avec ce qu'elle considère comme une de ses provinces.

 

Que se passe-t-il?

Dans un contexte de confrontation sino-américaine sans précédent autour des ambitions grandissantes de Pékin sur la scène internationale, le dernier accès de fièvre semble aller au-delà des précédentes poussées.

Ce qui a attiré l'attention très récemment: un nombre record d'incursions d'avions de guerre chinois dans la zone d'identification de défense aérienne (Adiz) de Taïwan, un périmètre qui commence à 200 km des côtes taïwanaises.

Les Etats-Unis ont dénoncé des "provocations". Surtout, leur président Joe Biden a affirmé que les Américains avaient "un engagement" à défendre militairement Taipei en cas d'attaque chinoise, semblant rompre avec "l'ambiguïté stratégique" -- même si son équipe a ensuite nié tout changement de politique.

En fait, "l'activité militaire de la Chine autour de Taïwan s'est renforcée au cours des deux dernières années", relève Bonnie Glaser, du cercle de réflexion German Marshall Fund of the United States, évoquant aussi des manœuvres simulant des débarquements ou des bombardements de ports taïwanais.

 

Pourquoi maintenant?

Pour cette analyste, un changement de taille a modifié les équilibres: "Cette dernière année, il a été constaté que l'armée chinoise est désormais en mesure, ou est sur le point de l'être, d'envahir Taïwan et d'en prendre le contrôle".

Un haut responsable du Pentagone avait affirmé en mars que la Chine pourrait envahir l'île d'ici 2027.

Cette nouvelle donne a poussé les Etats-Unis et leurs alliés à s'activer pour dissuader Pékin de passer à l'acte.

Un responsable américain a ainsi reconnu début octobre la présence de soldats de l'US Army sur l'île pour former l'armée taïwanaise -- confirmée pour la première fois cette semaine par la présidente de Taïwan Tsai Ing-wen.

Sur le plan diplomatique, l'administration Biden tente de renforcer le statut de Taipei au sein des institutions de l'ONU.

Le précédent hongkongais a aussi joué un rôle déterminant.

En imposant sa domination sur l'ex-colonie britannique qui bénéficiait jusque-là d'une large autonomie, la Chine a semblé pour certains démontrer sa détermination à contrôler ce qu'elle considère comme son pré-carré. Dans ce scénario, Taïwan risquerait d'être le prochain domino.

D'autant que "la démolition dramatique par Pékin du modèle de Hong Kong" a "durci les dispositions de beaucoup de monde à Taïwan" contre le pouvoir chinois, dit Carl Minzner, de l'institut de recherche Council on Foreign Relations.

Sur les deux rives du détroit, les positions se sont donc radicalisées, comme aux Etats-Unis, qui ont vivement haussé le ton à l'égard de la Chine depuis la présidence de Donald Trump (2017-2021).

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Le président chinois Xi Jinping et son homologue américain Joe Biden. (Photos, AFP)

 

Que peut-il se passer?

Pour Carl Minzner, "avec Pékin qui augmente le nombre et l'intensité de ses activités militaires -- aériennes, navales, sous-marines -- dans les eaux autour de Taïwan, et avec d'autres puissances qui répondent par des activités similaires, il y a un risque accru d'affrontement accidentel qui pourrait échapper à tout contrôle et déclencher un conflit plus vaste".

Le sort de Taïwan est de fait considéré comme le seul susceptible de faire glisser la confrontation actuelle au parfum de Guerre froide entre les deux superpuissances nucléaires vers une vraie guerre.

Certains experts redoutent que le président chinois Xi Jinping veuille pousser son avantage.

"La Chine prend garde depuis des années d'éviter une confrontation militaire avec les Etats-Unis", souligne toutefois Bonnie Glaser, estimant qu'en cas de conflit, elle "mettrait en danger tous ses autres objectifs".

Pour elle, le risque de guerre, s'il existe, reste donc "faible". Mais la Chine, prévient-elle, va continuer à "instiller la peur parmi les Taïwanais" dans l'espoir qu'ils finissent par se résigner à une "réunification".

 

 

 

Plus de 50 ans d'antagonisme

 

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Le bureau de Sun Yat Sen, fondateur de la première république chinoise en 1911, sur les ruines de l'Empire de Chine, tel qu'on le voit dans un musée qui lui est consacré à Nanjing. Pour les communistes comme pour les nationalistes de Taiwan, Sun Yat Sen est le "le fondateur de la Chine moderne". (Photo, AFP)

 

Les relations entre la Chine et Taïwan sont tendues depuis leur séparation de facto en 1949.

La séparation

Le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclame l'avènement de la République populaire de Chine à Pékin.

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L'omniprésent portrait de Mao Zedong (Mao Tsé Toung) domine toujours la Place Tian'anmen à Pékin. (Photo, AFP)

 

Réfugiés sur l'île de Taïwan (ex-Formose), les nationalistes du Kuomintang emmenés par Tchang Kaï-chek (1887-1975) forment un gouvernement le 7 décembre et interdisent tout lien entre l'île (officiellement la "République de Chine") et la Chine communiste.

En décembre, première d'une série de tentatives de l'Armée populaire chinoise (APC) de s'emparer des îlots de Quemoy et Matsu.

Taïwan devient en 1950 un allié de Washington en guerre contre la Chine en Corée.

 

Le siège à l'ONU attribué à Pékin

Le 5 octobre 1971, le siège de la Chine à l'ONU, occupé par Taïwan, est attribué à Pékin.

En 1979, Washington rompt ses relations diplomatiques avec Taipei pour reconnaître Pékin, mais le Congrès américain impose de fournir des armes à Taïwan pour son autodéfense.  

Depuis, comme presque toute la communauté internationale, les Etats-Unis s'en tiennent à la politique d'une seule Chine, avec Pékin comme gouvernement légitime. Washington reste cependant l'allié le plus puissant de l'île et son premier fournisseur de matériel militaire.

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Un musée en plein air dédié au chef des nationalistes chinois, Tchang Kaï-chek, réfugiés à Taiwan après leur déroute face aux Communistes de Mao. (Photo, AFP)

 

Loi antisécession

Le 2 novembre 1987, les Taïwanais sont autorisés à se rendre en Chine continentale pour des réunions de famille, ouvrant la voie aux échanges commerciaux. En 1991, Taipei abroge les dispositions instaurant l'état de guerre avec la Chine.

Mais en 1995, Pékin suspend des négociations vers une normalisation pour protester contre un voyage du président Lee Teng-hui aux Etats-Unis. En 1996, la Chine tire des missiles près des côtes taïwanaises peu avant la première élection présidentielle au suffrage universel le 23 mars à Taïwan.

Le 14 mars 2005, Pékin adopte une loi antisécession prévoyant des moyens "non pacifiques" si Taïwan déclare l'indépendance.

 

Dialogue inédit

En 2008, Pékin et Taipei reprennent leur dialogue suspendu en 1995. En 2010, ils signent un accord-cadre de coopération économique, puis nouent, quatre ans plus tard, un dialogue entre gouvernements.

Le 7 novembre 2015, les présidents chinois et taïwanais se rencontrent à Singapour, une première depuis 1949.

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Célébrations officielles avec le drapeau de la "République de Chine", le nom officiel de leur pays pour les Taiwanais. (Photo, AFP)

 

Tensions

En 2016, Tsai Ing-wen, issue d'un parti favorable à l'indépendance, devient présidente. Pékin suspend toute communication avec Taïwan, le nouveau gouvernement n'ayant pas reconnu le concept d'"une seule Chine".

En 2017, Donald Trump autorise une importante vente d'armes à Taïwan. L'année suivante, les Etats-Unis adoptent une loi renforçant leurs liens avec Taïwan.

 

Pressions

En 2019, Xi Jinping affirme qu'il ne renoncera pas à la force pour récupérer Taïwan, puis avertit Washington de "ne pas jouer avec le feu" après une nouvelle vente d'armes à Taïwan. Plusieurs contrats d'armes suivront.

En janvier 2020, Tsai Ing-wen, réelue, affirme que Taïwan est "un pays en tant que tel".

Début octobre, Xi Jinping demande à l'armée de "se préparer à la guerre".

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En 2016, Tsai Ing-wen, issue d'un parti favorable à l'indépendance, devient présidente de Taiwan. (Photo, AFP)

 

Incursions records

Le 12 avril 2021, 25 avions militaires chinois, un record ensuite dépassé, pénètrent dans la zone d'identification de défense aérienne (Adiz) de Taïwan, à quelque 200 km des côtes. Au total, de janvier à début octobre, plus de 600 avions chinois ont été détectés dans cette zone.

Le 7 octobre, Washington, "très inquiet" de la "provocation" de Pékin, reconnaît entraîner l'armée taïwanaise depuis des mois.

Alors que Xi Jinping a promis une "réunification" inéluctable avec Taïwan par des moyens "pacifiques", le président américain Joe Biden affirme, le 22, que les Etats-Unis sont prêts à défendre militairement Taïwan en cas d'attaque chinoise.

Le 27, la Chine rejette une proposition américaine d'accorder à Taïwan une "participation significative" à l'ONU.

Le lendemain, la présidente de Taïwan reconnaît publiquement, une première depuis 1979, la présence de troupes américaines sur son sol. La Chine "s'oppose fermement" à ces contacts militaires.

 

 


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.