Au procès du 13-Novembre, le «stressé» et le «poissard»

Ce croquis d'audience réalisé le 4 novembre 2021 montre Jean-Louis Périès, président de la cour. (Photo, AFP)
Ce croquis d'audience réalisé le 4 novembre 2021 montre Jean-Louis Périès, président de la cour. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 06 novembre 2021

Au procès du 13-Novembre, le «stressé» et le «poissard»

  • Accusé d'avoir servi d'intermédiaire entre la cellule jihadiste et un réseau de fabrication de faux papiers, Farid Kharkhach estime son rôle «bidon»
  • Avant lui, Ali Oulkadi a raconté comment «l'affaire» pour laquelle il est jugé «a bousillé» ses proches, et le «stress» qui l'a envahi à l'approche du procès

 PARIS : Une vie de "poisse" pour l'un, le "stress" d'être "mêlé à ce type d'histoire" pour l'autre. Au procès du 13-Novembre, la cour d'assises spéciale de Paris a interrogé vendredi les derniers accusés sur leurs parcours avant les attentats.    

Grand gabarit, Farid Kharkhach se penche sur le micro pour se faire entendre. Depuis le début mardi des interrogatoires de personnalité des 14 accusés présents - six autres sont jugés par défaut - le Belgo-Marocain de 39 ans est le premier à affirmer ne connaître "personne" dans le box.

"D'ailleurs je ne sais pas ce qu'il fait ici", avait lâché Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos projetés par le groupe Etat islamique le 13 novembre 2015.

Accusé d'avoir servi d'intermédiaire entre la cellule jihadiste et un réseau de fabrication de faux papiers, Farid Kharkhach estime son rôle "bidon".

Face à la cour, qui ne l'interrogera sur les faits qu'en 2022, il se montre bavard, n'hésitant pas à vouloir expliciter des éléments touchant au fond du dossier pour ne pas être traité de "menteur". 

Pull sans manches sur chemise rose pâle, lunettes et bouc poivre et sel, Farid Kharkhach revient avec aisance sur sa grande fratrie, son diplôme en informatique décroché au Maroc, son déménagement en Belgique pour la femme dont il est tombé amoureux.

Le couple se sépare, il tombe en dépression. Il rencontre une autre femme, vit de petits boulots avant d'ouvrir un garage en 2009, qu'il doit fermer pour un contrat non déclaré un an plus tard. 

"C'est là que la malchance a commencé", dit Farid Kharkhach, toujours aussi disert pour raconter la succession de "poisses" dans sa vie.

Il se lance dans "le transport de sacs non accompagnés" (de vêtements ou de pistaches), les marchandises sont saisies. Il achète et revend un terrain au Maroc, se fait détrousser par un "pickpocket". "Rebelote" quand il acquiert deux voitures de luxe et qu'un ami qui en conduit une le percute.

"Je recommence ma vie, je sais que j'ai la poisse toujours", raconte Farid Kharkhach, qui en rigole.

"C'est bien d'en rire", commente le président de la cour, Jean-Louis Périès, afin d'abréger la liste. 

«Bousillé»

L'accusé change de ton pour décrire comment "cette affaire a cassé (sa) vie". Incarcéré depuis juin 2017, Farid Kharkhach, qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs, voit "des microbes partout". Il a même "attrapé la pelade (une perte de cheveux) à cause du stress". 

Avant lui, Ali Oulkadi a aussi raconté comment "l'affaire" pour laquelle il est jugé "a bousillé" ses proches, et le "stress" qui l'a envahi à l'approche du procès.

Soupçonné d'avoir aidé Salah Abdeslam à se cacher à Bruxelles après les attentats de Paris, ce Français de 37 ans, marié et père de trois enfants, comparaît libre. 

Juste avant son interrogatoire à la mi-journée, il a fait un malaise dans la salle d'audience, retardant la reprise du procès. Sans que la cour ou ses avocates n'en disent un mot.

Son interrogatoire se focalise autour de ses relations avec Brahim Abdeslam, frère du principal accusé, tueur et kamikaze des terrasses le 13-Novembre.

Ce dernier n'était "peut-être pas" son meilleur ami, comme il l'a dit au juge d'instruction, "mais un très bon ami oui", déclare à la cour Ali Oulkadi, cheveux courts et sweat-shirt bleu foncé. 

Il avait fait sa connaissance en 2013, dans le café que Brahim Abdeslam gérait dans le quartier bruxellois de Molenbeek, où ont grandi plusieurs accusés.

Les deux hommes jouaient "souvent aux cartes" ou aux échecs, écoutaient aussi la même musique, du "rap français". "On a vite sympathisé", confie Ali Oulkadi. "On est nés le même mois dans le même hôpital, on est du même village au Maroc", détaille-t-il. 

Quand il est interpellé, il trouve "très difficile d'être mêlé à ce type d'histoire". "Se faire appeler le terroriste", ce sont "des coups de couteau dans le cœur à chaque fois", affirme Ali Oulkadi, qui souhaiterait désormais avoir la vie de "n'importe qui".    

        


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.