Procès du 13-Novembre: les parcours de vie des accusés

Ce croquis d'audience réalisé le 15 septembre 2021 montre Salah Abdeslam, le principal suspect des attentats de Paris, lors du procès des attentats de Paris de novembre 2015. (AFP)
Ce croquis d'audience réalisé le 15 septembre 2021 montre Salah Abdeslam, le principal suspect des attentats de Paris, lors du procès des attentats de Paris de novembre 2015. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 06 novembre 2021

Procès du 13-Novembre: les parcours de vie des accusés

  • «Je vivais comme vous m'avez appris à vivre en Occident», a poursuivi Salah Abdeslam, qui voulait «comme tout le monde (se) marier et avoir des enfants»
  • Belge d'origine marocaine de 35 ans, Yassine Atar a six frères et sœurs, dont Oussama, commanditaire des attentats, présumé mort et jugé par défaut au procès

PARIS: La cour d'assises spéciale de Paris a passé en revue toute la semaine les parcours de vie de 14 hommes accusés à des degrés divers d'avoir participé aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, qui ont fait 130 morts.

Sans évoquer à ce stade leur religion, la cour a survolé la jeunesse, souvent "heureuse", des accusés présents - six autres sont jugés par défaut -, leurs expériences professionnelles et antécédents judiciaires. 

Salah Abdeslam 

Seul membre encore en vie des commandos projetés par le groupe Etat islamique (EI), ce Français de 32 ans, fils d'immigrés marocains, qui a grandi dans le quartier bruxellois de Molenbeek, a été le premier interrogé par la cour.


Muet pendant l'enquête, véhément au début du procès, il a adopté un ton calme pour dresser un autoportrait très lisse.


Dans sa vie "d'avant", Salah Abdeslam était "gentil, calme, serviable", "bon élève" et "ambitieux", a-t-il dit un sourire en coin.


"Je vivais comme vous m'avez appris à vivre en Occident", a poursuivi l'accusé, qui voulait "comme tout le monde (se) marier et avoir des enfants".


"Ce projet-là, je l'ai abandonné à partir du moment où je me suis investi dans autre chose, c'est-à-dire les affaires qu'on me reproche aujourd'hui", explique laconiquement celui qui s'est présenté à la cour comme un "combattant de l'Etat islamique".

Mohamed Abrini 

Ami d'enfance de Salah Abdeslam, ce Belge de 36 ans est bien plus prolixe que son voisin de Molenbeek et de box. "L'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles a le parler franc, il est "spontané", remarque son avocate.


En échec scolaire, Mohamed Abrini entre dans la "moyenne délinquance" et pour la première fois en prison six jours avant ses 18 ans.


Dans un quartier où, dit-il, la violence est partout, il vit "à 1 000 à l'heure", gaspille certains jours "jusqu'à 4/5 000 euros". 


Son destin a été "percuté de la même manière" que celui de Salah Abdeslam: "j'ai perdu un frère", Souleymane, mort en Syrie, "il a perdu un frère", Brahim, tueur et kamikaze des terrasses le 13 novembre 2015.

Mohammed Amri 

Belgo-marocain de 33 ans, il arrive à Molenbeek à l'adolescence, à la faveur d'un regroupement familial. Il a travaillé comme chauffeur pour les maraudes du Samu social et, "au noir", en tant que barman dans le café de Brahim Abdeslam.


Il est aussi connu pour "ne pas aimer le conflit" et être "très serviable", insiste sa défense.


Il est accusé d'avoir exfiltré Salah Abdeslam de France après les attentats.

Yassine Atar 

Belge d'origine marocaine de 35 ans, il a six frères et sœurs, dont Oussama, commanditaire des attentats, présumé mort et jugé par défaut au procès.


"Oussama Atar, c'est Oussama Atar", avait martelé au début du procès celui qui considère qu'il n'a "plus de frère" depuis longtemps, et a renommé son fils, qui portait ce prénom. La cour rappelle aussi les noms de ses "très proches" cousins, les frères El Bakraoui, kamikazes des attentats de Bruxelles.


Il balaie, préfère parler de ses passions pour le football, les voitures et les voyages "all-in" dans des hôtels des quatre coins du monde. Il a arrêté sa scolarité avant le bac et enchaîné les petits boulots. Chemise de marque, bien coiffé, il est selon ses proches "beau parleur, social, bavard".

Hamza Attou 

Ce Belge de 27 ans au visage poupin décrit comme d'autres "une bonne enfance", choyé par ses parents "honnêtes" et "chouchouté" par ses sœurs, avant de devenir accro au cannabis - il fumait jusqu'à "5 grammes" par jour.


Son "train de vie" l'amène à travailler et à dealer au café de Brahim Abdeslam, rendant aussi "des services" aux frères. 


A fleur de peau à la barre, Hamza Attou dit se reconnaître dans le portrait que fait de lui sa famille: "naïf, généreux". "Malheureusement, ça ne m'a pas beaucoup porté chance".

Sofien Ayari 

Compagnon de cavale de Salah Abdeslam après les attentats, ce Tunisien de 28 ans avait gardé le silence pendant l'enquête. 


Crâne rasé, grosse barbe taillée, l'air grave - "une carapace" pour son avocat - il en dit un peu plus devant la cour: une enfance heureuse en banlieue de Tunis dans une famille de la classe moyenne, des parents qui poussent aux études - il fera un BTS en génie électrique. Il avait une petite amie, "elle voulait terminer la fac" avant le mariage.


Très proche d'elle et de sa famille, il n'avait prévenu personne de son départ en Syrie. "S'il y a quelque chose qui pouvait me retenir, c'était les larmes de ma mère".

Mohamed Bakkali 

Belgo-Marocain de 34 ans, crâne rasé, barbu, il est décrit par son entourage comme tranquille, calme, sans nervosité. "Ce n'est peut-être plus toujours le cas", sourit-il. 


Comme d'autres accusés détenus, il raconte comment l'isolement "a pu influer" sur son caractère.


"Je me sens comme un hamster (...) Qu'on le veuille ou non, l'être humain est un être social. Si on lui enlève sa sociabilité, on lui enlève son humanité", dit celui dont l'accusation rappelle "les réelles capacités intellectuelles".

Spécialisé avant son incarcération dans le travail "pas vraiment déclaré" comme la contrefaçon de vêtements, il a obtenu une licence en sociologie en prison. "Ça a été un plaisir et une manière de résister à ce que je vivais".

Abdellah Chouaa 

Petites lunettes, mèche coiffée sur le côté, le Belgo-marocain comparaît libre. A 40 ans, il est le plus vieux des accusés devant la cour. "Qu'est-ce que tu fais avec des gamins ?", lui avait dit son frère à propos de ses "mauvaises fréquentations", dont Mohamed Abrini.


"Il disait +c'est des délinquants du quartier+ mais pour moi c'était des bons amis, je m'amusais", évacue-t-il.


Lui aussi a grandi à Molenbeek, dans une famille de neuf enfants. Son père imam est "très strict". Il travaille jeune, puis décroche un CDI à l'aéroport de Zaventem.

Ali El Haddad Asufi 

Visage rond, barbe naissante, le Belgo-marocain de 37 ans était chauffeur à l'aéroport de Zaventem.

"Chouchou de la famille" car "petit dernier", il est décrit par ses proches comme "fêtard, joyeux". Fan de boxe, de kickboxing et de football.

"Et les armes, vous vous y intéressez ?", demande la cour. Il est notamment accusé d'avoir rencontré des fournisseurs avec Ibrahim El Bakraoui, proche copain de lycée.    

Adel Haddadi 

Algérien de 34 ans, il tient devant la cour à s'exprimer en français, "appris en prison". Il a grandi dans une famille kabyle très pauvre - "on était sept enfants dans une chambre" - en banlieue d'Alger.  

Crâne dégarni et grosses lunettes, ce passionné d'oiseaux ("je faisais de l'élevage") était un "élève moyen", a été brûlé aux yeux à 14 ans par son frère "violent". Il arrête l'école en quatrième, travaille avec son père sur les marchés, comme serveur, vend des tickets dans les bus. "Une vie de rêve" avec le recul d'aujourd'hui, confie-t-il.    

Farid Kharkhach

Grand gabarit, petite queue de cheval sur le haut du crâne, le Belgo-marocain de 39 ans est le seul à dire ne connaître "personne" dans le box.

Dernier de dix enfants, il s'installe en Belgique pour une femme. Pour elle, il "quitte tout", vend son magasin d'informatique "à moitié prix"... et se retrouve à la rue dans un pays qu'il ne connaît pas quand leur histoire capote.

La suite est une succession de "petits boulots" et de "poisse", explique Farid Kharkhach, accusé d'avoir été l'intermédiaire entre la cellule jihadiste et un réseau de fabrication de faux papiers.

Osama Krayem 

Ce Suédois de 29 ans est l'un des principaux accusés du procès, et aussi l'un des plus mystérieux. 

"Je n'aime pas les détails", lance-t-il dans le box, se contentant d'évoquer en peu de mots une enfance "heureuse" et "simple" au sein d'une famille palestino-syrienne, son travail dans la construction de routes pour la municipalité de Malmö, le foot... 

Son interrogatoire laisse deviner toutefois une intégration difficile dans un quartier "sans Suédois" et quelques fêlures: après la guerre en Syrie, "mon cœur a durci", lâche Osama Krayem: "avant, j'étais une autre personne".

Ali Oulkadi 

Originaire de Molenbeek, ce Français de 37 ans était un "très, très" proche ami de Brahim Abdeslam, dont il fréquentait régulièrement le café. Aux "Béguines", où il se rend plusieurs fois par semaine, il écoute du rap, joue aux cartes, aux échecs, avec plusieurs de ses coaccusés.

"Une tête, le plus intelligent de la famille", "naïf" aussi, disent de lui les proches de ce père de famille, ancien soudeur qui travaille aujourd'hui "dans le rail".

Muhammad Usman 

Peu bavard et mal à l'aise avec les dates, ce Pakistanais a livré quelques bribes de son enfance au sein d'une famille pauvre, le décès de son père, le travail aux champs, les études coraniques, l'accident de moto adolescent, la passion du cricket.


Mais est-il bien né le 15 mai 1993 comme il le prétend ? Muhammad Usman était arrivé en Grèce par la route des migrants avec un faux passeport syrien portant 1981 comme date de naissance, un "écart assez considérable" qui avait déjà interpellé le juge d'instruction.


"Je ne veux pas vous offenser mais vous faites un peu plus âgé" que 28 ans, lui lance l'avocate générale Camille Hennetier. 


"Tout ça c'est à cause de l'isolement" en prison, balaie Muhammad Usman, crâne rasé et collier de barbe, laissant la cour dubitative.


Européennes: après LFI, Raphaël Glucksmann veut donner des gages sur le social à Amiens

La tête de liste PS/Place publique aux européennes Raphaël Glucksmann veut donner des gages à gauche sur la question sociale avec un déplacement à Amiens auprès des salariés de l'usine du biochimiste Metex, en redressement judiciaire, au lendemain d'une visite similaire de sa concurrente insoumise Manon Aubry. (AFP).
La tête de liste PS/Place publique aux européennes Raphaël Glucksmann veut donner des gages à gauche sur la question sociale avec un déplacement à Amiens auprès des salariés de l'usine du biochimiste Metex, en redressement judiciaire, au lendemain d'une visite similaire de sa concurrente insoumise Manon Aubry. (AFP).
Short Url
  • Après un début de campagne axé sur la défense européenne et l'Ukraine, puis une séquence sur l'écologie, l'essayiste de 44 ans, étiqueté par ses détracteurs comme trop Parisien et "hors-sol", est crédité de 14% des intentions de vote
  • Au début de sa campagne, Raphaël Glucksmann avait promis d'aller "partout", dans les usines, les fermes, et dans les territoires "où l'Europe est lointaine et où je suis perçu comme trop Parisien"

PARIS: La tête de liste PS/Place publique aux européennes Raphaël Glucksmann veut donner des gages à gauche sur la question sociale avec un déplacement à Amiens auprès des salariés de l'usine du biochimiste Metex, en redressement judiciaire, au lendemain d'une visite similaire de sa concurrente insoumise Manon Aubry.

Après un début de campagne axé sur la défense européenne et l'Ukraine, puis une séquence sur l'écologie, l'essayiste de 44 ans, étiqueté par ses détracteurs comme trop Parisien et "hors-sol", est crédité de 14% des intentions de vote et talonne la candidate de la majorité Valérie Hayer.

Dans la ville d'Emmanuel Macron, mais aussi dans une région qui a largement voté contre le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, celui qui avait regretté en 2019 que sa classe sociale se sente "plus chez soi à New York ou à Berlin, a priori, culturellement, qu'en Picardie", vient soutenir les salariés de Metex.

Cette usine, la seule en Europe à produire de la lysine, un acide aminé, est confrontée à l'envol des prix des matières premières, notamment le sucre, et à un "dumping" des producteurs chinois.

Il arrive juste après Manon Aubry, venue la veille avec le député de la circonscription François Ruffin, qui avait reproché à Raphaël Glucksmann d'être "hors sol et déconnecté", dans un échange épistolaire en janvier.

"Il y a dix ans, pour les experts, les ministres, les socialistes, les usines c'était dépassé, ça puait, ça polluait. Aujourd'hui, ils viennent. C'est notre victoire idéologique", a jugé lundi soir François Ruffin, lors du meeting de sa candidate.

Au début de sa campagne, Raphaël Glucksmann avait promis d'aller "partout", dans les usines, les fermes, et dans les territoires "où l'Europe est lointaine et où je suis perçu comme trop Parisien".

"Il l'a fait. Depuis des semaines, Raphaël est allé voir des ouvriers, des travailleurs", martèle un membre de son équipe de campagne. "Il ne fait pas une campagne parisienne".

Cette visite "vient boucler des semaines de campagne sur la nécessaire réindustrialisation de l'Europe", ajoute le même, rappelant que l'eurodéputé avait soutenu Systovi, entreprise de panneaux photovoltaïques près de Nantes, juste avant son placement en liquidation judiciaire, là encore du fait de la concurrence chinoise.

Pour Raphaël Glucksmann, Metex est un "symbole de l'incapacité de l'Europe à défendre ses intérêts".

Déçus du macronisme

Il défend un "protectionnisme écologique européen" et "un Buy European Act" pour réserver en priorité les commandes publiques européennes aux productions européennes.

Un membre du gouvernement ironise sur le fait que tous les concurrents aux européennes "doivent sentir le roussi et essayent de s'emparer du sujet" de la réindustrialisation.

"On a décidé de faire de la question sociale et industrielle la question centrale de la campagne", répond Pierre Jouvet, candidat socialiste en troisième position sur la liste.

Objectif: "parler à l’ensemble de la gauche et des écologistes, et aux déçus du macronisme", "ceux qui en sont revenus après la réforme des retraites et la loi immigration", ajoute l'eurodéputé PS Christophe Clergeau. "Il faut montrer qu'il y a une différence claire entre la macronie et nous".

Un macroniste historique le reconnaît: le risque Glucksmann a été "négligé" par la majorité.

Alors qu'Attal venait d'être nommé, "j’avais dit: 'vous allez voir Glucksmann, ça va se faire tout seul'", a-t-il observé, déplorant la désaffection des électeurs de la majorité issus de la gauche. Il a cité comme exemples "la loi immigration qui a été mal comprise et mal appréciée", ou les déclarations du ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini sur le licenciement des fonctionnaires.

Raphaël Glucksmann doit présenter ses mesures sociales lors d'un meeting mardi soir à Amiens. Il propose notamment un prix réglementé de l'énergie, l'encadrement des prix de l'alimentaire, une tarification sociale de l'eau pour les premiers mètres-cube consommés, ou encore un "plan Marshall" pour le logement social.

Il prône aussi des écarts de salaires réduits de 1 à 20 dans une même entreprise, un "bouclier emploi face aux transformations écologiques et numériques", et l'extension du dispositif "Territoires zéro chômeurs de longues durée".


Trois agents pénitentiaires français tués lors de l'évasion d'un détenu

Un homme a blessé grièvement deux policiers dans un commissariat de Paris le 9 mai après s'être emparé d'une arme, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Un homme a blessé grièvement deux policiers dans un commissariat de Paris le 9 mai après s'être emparé d'une arme, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Short Url
  • Le délit de fuite a eu lieu en fin de matinée à un péage routier à Incarville, dans le nord de la France
  • Le détenu était transporté entre les villes de Rouen et d'Evreux en Normandie

Trois agents pénitentiaires français ont été tués et deux autres blessés mardi dans l'attaque d'un fourgon pénitentiaire transportant un détenu qui s'est évadé, a indiqué à l'AFP une source policière.

Le délit de fuite a eu lieu en fin de matinée à un péage routier à Incarville, dans l'Eure, dans le nord de la France, a ajouté une autre source proche du dossier.

Le détenu était transporté entre les villes de Rouen et d'Evreux en Normandie.

 

 


Après une nuit de violences en Nouvelle-Calédonie: couvre-feu, appels au calme et nombreuses interpellations

Une photo montre des caddies endommagés dans la rue après le pillage d'un supermarché et la vandalisation de magasins dans le quartier N'Gea de Nouméa, le 14 mai 2024. (AFP)
Une photo montre des caddies endommagés dans la rue après le pillage d'un supermarché et la vandalisation de magasins dans le quartier N'Gea de Nouméa, le 14 mai 2024. (AFP)
Short Url
  • Les premières altercations ont commencé dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée à Paris à l'Assemblée nationale
  • Les indépendantistes estiment que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak"

NOUMEA: Magasins pillés, maisons incendiées, tirs sur les gendarmes: des affrontements d'une extrême violence ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi en Nouvelle-Calédonie, alors que l'Assemblée nationale examine à Paris une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes.

"La violence n'est jamais justifiée ni justifiable", a estimé Gabriel Attal. "La priorité, évidemment, pour nous, c'est de rétablir l'ordre, le calme et la sérénité", a ajouté le Premier ministre en marge d'un déplacement en Savoie.

Le représentant de l'Etat dans l'archipel français du Pacifique sud, Louis Le Franc, a décrété le couvre-feu pour la nuit de mardi à mercredi dans l'agglomération de Nouméa.

"On n'a pas de morts, il n'y a pas de blessés graves pour l'instant, il y aurait pu y en avoir", a déclaré le haut-commissaire de la République devant la presse.

Les forces de l'ordre ont procédé à 82 interpellations ces deux derniers jours, a détaillé Gérald Darmanin devant la presse.

Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a "condamné de façon extrêmement forte ces violences", qu'il a qualifiées d'"émeutes commises par des délinquants, parfois des criminels".

Un total de 54 gendarmes et policiers ont été blessés, certains "gravement", a ajouté M. Darmanin, précisant que des familles de gendarmes avaient été "évacuées".

A Nouméa, le haut-commissaire de la République a appelé la population au calme, tout comme le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou.

Le président de l'Union calédonienne (indépendantiste) Daniel Goa a demandé à la jeunesse de "rentrer chez elle" et condamné pillages et exactions. "Les troubles de ces 24 dernières heures révèlent la détermination de nos jeunes de ne plus se laisser faire par la France", a-t-il commenté.

«Exfiltrations d'habitants»

Les premières altercations entre manifestants et forces de l'ordre ont commencé dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée à Paris à l'Assemblée nationale, visant à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie.

Les indépendantistes estiment que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

M. Le Franc a rapporté "des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes" dans la nuit de lundi à mardi dans la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa.

Dans les quartiers nord de Nouméa, le représentant de l'Etat a déploré "des destructions de commerces, de pharmacies et de domiciles".

"On a malheureusement pu constater des exfiltrations d'habitants de leur domicile pour qu'ensuite leur domicile soit brûlé", a ajouté Louis Le Franc.

Des éléments du GIGN, l'unité d'intervention d'élite de la gendarmerie, sont intervenus pour secourir une personne âgée de 81 ans dont la maison était en flammes, a indiqué Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale.

Le ministre a précisé que l'octogénaire était le père de Sonia Backès, la présidente de la province Sud de l'archipel et principale figure du camp non-indépendantiste.

"S'il n'a pas été attaqué parce qu'il était mon père, il a au moins été attaqué parce qu'il était Blanc", a affirmé sur BFMTV l'ancienne secrétaire d'Etat, déplorant des "insultes racistes".

"Nous avons été confrontés depuis plus de vingt-quatre heures à un vrai déchaînement de haine, un déferlement de jeunes, manifestement manipulés et d'une violence assez inouïe", a déploré le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie.

Des brigades de gendarmerie ont été attaquées, selon la même source, évoquant des émeutiers essayant de pénétrer dans les lieux "avec des sabres", des "caillassages" et des "tirs".

«Tristesse»

Dans la crainte d'un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID, son équivalent pour la police, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés.

Sept escadrons de gendarmerie sont sur place, contre trois à quatre en temps normal, selon la gendarmerie.

Les pompiers de Nouméa ont dit avoir reçu près de 1 500 appels dans la nuit de lundi à mardi et être intervenus sur environ 200 feux.

Selon une organisation patronale, une trentaine de commerces, usines et entreprises ont été incendiés.

"J'ai un sentiment de tristesse", confie à l'AFP Jean-Franck Jallet, propriétaire d'une entreprise de boucherie sauvée des flammes par les pompiers.

"Nous avons 40 salariés, on est passé à côté de la catastrophe. On a cru que le vivre-ensemble était possible mais ça n'a pas marché, il y a trop de mensonges", a déploré ce patron.

Rassemblements interdits 

Tout rassemblement a été interdit dans le grand Nouméa, a indiqué le haut-commissariat, qui a invité les 270.000 habitants de Nouvelle-Calédonie à rester chez eux.

Le gouvernement calédonien a de son côté annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu'à nouvel ordre. L'aéroport international a été fermé jusqu'à jeudi.

Au cours d'une séance tendue lundi à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin avait appelé les députés à adopter sans modification la réforme, qui ouvre le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l'île.

Les débats n'ont pas pu être menés à leur terme dans la nuit, en raison d'un grand nombre d'amendements déposés notamment par le groupe La France insoumise (LFI).

La conférence des présidents de l'Assemblée a cependant décidé mardi matin que le vote sur le projet de loi constitutionnelle resterait à l'ordre du jour de la journée.

Après celle du Sénat, l'approbation de l'Assemblée est nécessaire avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.