Comment la Finlande a donné des cours secrets aux enfants de l'EI détenus en Syrie

Des femmes et enfants dans le camp d'al-Hol en Syrie. (Photo, AFP)
Des femmes et enfants dans le camp d'al-Hol en Syrie. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 29 novembre 2021

Comment la Finlande a donné des cours secrets aux enfants de l'EI détenus en Syrie

  • «Certains des enfants ne savaient pas ce qu'était un bâtiment, ce qu'était une maison, parce qu'ils ont toujours été dans une tente (...) Il y avait tellement de choses qu'ils devaient apprendre»
  • Surpeuplé, manquant d'hygiène et théâtre de violences, le camp d'Al-Hol abrite plus de 60.000 déplacés, dont un tiers sont des enfants d'épouses de combattants de Daech en Syrie

HELSINKI : Des phrases en anglais et en finnois défilent et se mêlent aux photos d'animaux: dans sa maison en banlieue d'Helsinki, Ilona Taimela relit les centaines de messages échangés sur WhatsApp pendant plus d'un an avec ses élèves en Syrie.


L'an dernier, cette enseignante a été sollicitée pour donner secrètement des cours, via le service de messagerie, à des enfants finlandais de membres de l'organisation Etat islamique, détenus dans le camp syrien d'Al-Hol par des forces kurdes.


"Certains des enfants ne savaient pas ce qu'était un bâtiment, ce qu'était une maison, parce qu'ils ont toujours été dans une tente (...) Il y avait tellement de choses qu'ils devaient apprendre", raconte la Finlandaise à l'AFP.


Surpeuplé, manquant d'hygiène et théâtre de violences, le camp d'Al-Hol abrite plus de 60.000 déplacés, dont un tiers sont des enfants de mères étrangères venues en Syrie pour épouser des combattants djihadistes de l'organisation État islamique (EI). 


"C'est un endroit misérable, hors de contrôle", explique Jussi Tanner, envoyé spécial de la Finlande chargé de garantir les droits fondamentaux des enfants finlandais à Al-Hol, notamment leur accès à l'éducation.


La propagande extrémiste y "est libre de circuler sans contre-message", souligne-t-il.


M. Tanner a donc eu l'idée de proposer des cours par téléphone aux enfants finlandais d'Al-Hol, au moment où l'enseignement à distance s'est démocratisé avec la pandémie de Covid-19.


Avec l'aide d'une fondation finlandaise, il embauche Mme Taimela, spécialisée dans l'enseignement aux enfants finlandais à l'étranger - ainsi qu'un autre enseignant, pour élaborer un programme - avant de transmettre les détails aux mères. 


Bien que les téléphones soient interdits dans le camp - les cours se déroulent en secret - "le jour même (...) nous avons reçu peut-être huit enfants", raconte Mme Taimela. 


Rapidement, 23 noms - sur la bonne trentaine d'enfants finlandais du camp - se verront inscrits.


Le projet, sensible en Finlande, a été pendant plusieurs mois caché de l'opinion publique. 


Centaines d'échanges
"Bonjour ! Nous sommes le jeudi 7 mai 2020. Le premier jour de l'école à distance !", écrivait à l'époque Ilona Taimela, dans un message accompagné d'un selfie.


Les enseignants ont rapidement échangé chaque jour des centaines de messages écrits et vocaux avec les enfants, qui recevaient un ou deux cours quotidiens en fonction des niveaux.


"Les petits avaient toujours finnois, et les plus grands géographie ou histoire, certains voulaient aussi apprendre l'anglais", explique Mme Taimela.


Elle et son collègue, qui a souhaité rester anonyme, étaient "constamment inquiets pour leur bien-être", "surtout quand nous apprenions qu'ils étaient malades, ou qu'il y avait une tempête".


Certaines familles "se sont échappées du camp et participaient donc à l'école alors qu'elles étaient en fuite dans le nord-ouest de la Syrie, une zone active de conflit", explique M. Tanner. 


"D'autres ont été soudainement rapatriés et ont quitté le groupe pour de bon", quand la Finlande a décidé d'oeuvrer à leur rapatriement après un débat intense dans le pays.

Retrouvailles

Après plusieurs mois de cours, la mère d'une fillette de six ans révèle à l'enseignante que sa fille sait désormais lire.


"C'était un moment +eurêka+", savoure Mme Taimela. 


Pour la professeure, qui dit éprouver "de la tristesse plutôt que de la colère" envers ces mères, beaucoup d'entre elles étaient vulnérables et "leur religion leur promettait une sorte de paradis".


Si Ilona Taimela s'était faite à l'idée qu'elle n'aurait jamais de nouvelles des enfants rapatriés, en juillet 2020, elle a été appelée dans un centre d'accueil en Finlande.


Elle y a rencontré certains de ses élèves pour la première fois. "Ce furent quelques heures pleines d'émotion", se souvient-elle.


Le ministère finlandais des Affaires étrangères a rapatrié à ce jour 23 enfants et sept adultes. Selon M. Tanner, il ne reste plus qu'une quinzaine de personnes "plus difficiles à atteindre" - dont dix enfants - dans les camps en Syrie.


Mi-2021, l'enseignement a pris naturellement fin et le ministère a rendu le projet public. 


Ilona Taimela cherche désormais à savoir comment utiliser ce modèle d'enseignement dans d'autres régions en crise. Elle a déjà reçu des demandes concernant la Grèce, la Birmanie ou la Colombie. 


"L'enseignante d'Al-Hol, c'est l'étiquette que je porterai désormais", sourit-elle. "Mais je suis fière de ce que nous avons fait".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.