«L'évasion du coronavirus» modifie les habitudes d'écran au Moyen-Orient

Avec peu de sources de divertissement accessibles au-delà des émissions de télévision et des films, les services de streaming et les réseaux de télévision ont connu, d’une manière prévisible, une augmentation extraordinaire du nombre de téléspectateurs lors des périodes de confinement de COVID-19 au Moyen-Orient. (Photo, Shutterstock)
Avec peu de sources de divertissement accessibles au-delà des émissions de télévision et des films, les services de streaming et les réseaux de télévision ont connu, d’une manière prévisible, une augmentation extraordinaire du nombre de téléspectateurs lors des périodes de confinement de COVID-19 au Moyen-Orient. (Photo, Shutterstock)
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Publié le Vendredi 25 septembre 2020

«L'évasion du coronavirus» modifie les habitudes d'écran au Moyen-Orient

  • Le streaming en ligne a été galvanisé avec l’augmentation extraordinaire du nombre de téléspectateurs depuis mars
  • De longues heures sont passées devant les écrans à cause de la fermeture d'écoles, de bureaux et de lieux publics

DUBAI : Amener temporairement votre esprit loin de la routine banale de la réalité vers l'univers plus excitant de la télévision est devenu une activité extrêmement populaire pendant la pandémie de coronavirus.

A partir du 1er mars, les fermetures non planifiées d'écoles, de bureaux, de services de divertissement et d'autres espaces publics à travers le monde ont mené les populations à passer le plus clair de leurs temps à la maison, les yeux rivés sur les écrans.

Avec peu de sources de divertissement accessibles au-delà des séries télévisées et des films, les services de streaming et les réseaux de télévision ont connu, tel que prévu, une augmentation extraordinaire du nombre de téléspectateurs au Moyen-Orient, profitant de l'opportunité d'attirer des millions de clients dans un monde de loisirs où la Covid-19 n’existe pas.

L’exemple le plus évident est celui de Netflix, qui a connu son meilleur trimestre à ce jour quant à la croissance des abonnés, ajoutant un record de 15,8 millions d'abonnés dans le monde au cours des premiers mois de la pandémie.

Aux EAU uniquement, le service de streaming a annoncé une augmentation de 26% du nombre de téléspectateurs au cours du mois de mars, selon l'autorité de contrôle des télécommunications du pays.

De même, les audiences de Shahid OTT de MBC ont triplé en mars et avril, avec Shahid VIP qui a multiplié par 10 fois son audience.

Un autre exemple est le service de streaming STARZPLAY, qui lui a enregistré une forte croissance du nombre d'utilisateurs à partir de 2019, atteignant 141% en avril 2020 au plus fort de la pandémie.

« Par rapport au mois de mars 2019, le nombre d'installations de l'application STARZPLAY en mars 2020 a augmenté de 328% et en avril 2020 de 486%. La consommation de contenu en mars 2020 a augmenté de 230% par rapport à la même période en 2019 et en avril 2020 de 340% », a déclaré Maaz Sheikh, PDG et co-fondateur de STARZPLAY, à Arab News. « L'ensemble de l'industrie en a bénéficié pendant la période confinement et en particulier pendant le Ramadan, car la consommation a augmenté avec davantage de personnes qui passent la majorité de leur temps à la maison. »

Le service de streaming Orbit Showtime Network (OSN) a signalé de son côté une augmentation de 900% de la consommation de contenu, toutes catégories confondues, entre le 1er mars et le 26 avril.

Avec leur lancement opportun de la chaîne Disney Plus en mars, les films Disney originaux représentaient 75% des meilleurs films familiaux visionnés au cours de la même période.

« Nous avons constaté de solides chiffres d’abonnement au cours des derniers mois. L'Arabie saoudite en particulier a enregistré une moyenne de plus de cinq heures de visionnement par abonnement, et ce par jour. Plus de 50% des nouveaux téléchargements proviennent d'Arabie saoudite, suivie des Émirats arabes unis et du Koweït », a déclaré à Arab News Zahra Zayat, vice-présidente principale d'OSN.

« D'après nos chiffres, les gens avaient soif de contenu et ils ne faisaient que saisir tout ce qui leur était présenté. C’est notre interprétation ».

Une augmentation de 35% du temps d’écran a également été signalée sur les chaînes linéaires d’OSN, les chaînes d’information ayant notamment vu une augmentation de 250% du temps de visionnement.

Pourtant, malgré le pic initial, la pandémie n'a pas généré une demande réelle des émissions axées sur les nouvelles, dit Zayat.

« L'augmentation devenait de plus en plus forte pour les autres catégories de divertissement, comme si les gens étaient fatigués de regarder les nouvelles et ont développé un dégoût des développements de la pandémie », a-t-elle déclaré, notant que l'audience des nouvelles continuait de baisser pendant les mois d'été.

Pourtant, avec un public plus large qui se penche vers les contenus télévisuels « dignes de visionner en boucle » et « de réconfort », passer de longues heures devant un écran est rapidement passé du statut d’habitude temporaire à une attitude à long terme dans de nombreux ménages.

Selon le Dr Saliha Afridi, psychologue clinicienne et directrice générale de Lighthouse Arabia à Dubaï, la tendance peut être attribuée au fait que de nombreuses personnes ont choisi la télévision « comme objet de prédilection pour se distraire et se désensibiliser face aux émotions difficiles » pendant la pandémie et plus particulièrement lors de la période de confinement. 

« En regardant la télévision, elles sont transposées dans la vie d'autres personnes et dissociées de leurs propres inquiétudes et tristesse, tout en créant un soulagement temporaire », a-t-elle déclaré à Arab News.

Afridi a déclaré que de nombreux réseaux de streaming conservent l'engagement du public grâce à des algorithmes sophistiqués, tels que le démarrage automatique du prochain épisode, qui attire des observateurs excessifs.

Cependant, l’impact du visionnement excessif sur les téléspectateurs pendant la pandémie peut avoir deux effets.

« Pour les personnes qui ont des tendances addictives de l’utilisation de la télévision, qui est une dépendance socialement sanctionnée, leur dépendance est probablement aggravée pendant la pandémie où il n'y a pas beaucoup d'occasions de faire autre chose que de rester à la maison et de regarder la télévision comme source de divertissement.», a déclaré Afridi.

« D'autres, qui ont soif de relations sociales, d'activités physiques en plein air, de voyages et d'autres divertissements préféreront probablement cela à la télévision une fois que sortir facilement est une option possible. »

Zahra Zayat, vice-présidente principale d'OSN (Photo fournie)
Zahra Zayat, vice-présidente principale d'OSN (Photo fournie)

De plus, la pandémie a également créé de nouvelles habitudes en ce qui concerne les heures de visionnage populaires.

L'OSN a enregistré une augmentation de 100% du nombre de visionnements entre 3 heures du matin et 6 heures du matin au cours des six premières semaines de la pandémie, durant lesquelles de nombreux pays du Moyen-Orient ont été étroitement confinés et mis en quarantaine.

« Historiquement, l'heure de pointe commençait à 20 heures jusqu' à 1 h ou 2 h du matin. Cependant, pendant cette période, la période de pointe commençait à 18 h et se terminait à 5 heures du matin le lendemain… notre engagement a donc augmenté de plus de 11 fois… avec un maximum de demande venant d'Arabie saoudite », a déclaré Zayat.

Elle a ajouté que certains des titres les plus populaires étaient des séries préférées de tous les temps, notamment "Game of Thrones", "Grey’s Anatomy" et "Westworld", qui ont attiré des fans anciens et nouveaux.

Des titres comme « Aladdin », « Avengers : End Game » et « The Lion King » ont également continué à figurer en tête des contenus les plus visionnés sur l'application de streaming.

Toutefois, une augmentation de visionnement a également été signalée dans certaines des catégories les moins populaires pendant la pandémie, car certains téléspectateurs se sont montrés plus curieux et se sont aventurés dans des genres tels que la télé-réalité, les émissions de cuisine et les documentaires.

De même, les services de streaming STARZPLAY ont enregistré une augmentation significative de (20%) du nombre total d'heures de visionnage, en particulier parmi les                                     utilisateurs saoudiens, qui ont signalé une augmentation du nombre d'heures par utilisateur, passant de 11,83 heures en janvier 2019 à 18,06 heures en mai 2020.

3.	Un pic de consommation de contenus familiaux tels que les classiques Disney et les favoris de Warner Bros. a été signalé.  Le contenu arabe ayant également quintuplé sa popularité dans la région MENA au cours des premiers mois de la pandémie (Photo, Reuters / Archives)
Un pic de consommation de contenus familiaux tels que les classiques Disney et les favoris de Warner Bros. a été signalé.  Le contenu arabe ayant également quintuplé sa popularité dans la région MENA au cours des premiers mois de la pandémie. (Photo, Reuters / Archives)

Un pic de consommation de contenus familiaux tels que les classiques Disney et les favoris de Warner Bros. a été signalé.  Le contenu arabe ayant également quintuplé sa popularité dans la région MENA au cours des premiers mois de la pandémie.

« Nous avons également constaté une demande croissante pour le contenu DC dans la région, en particulier les coffrets. Selon notre récente analyse de l'audience, 42% de nos téléspectateurs regardent en boucle des émissions de DC », a déclaré Sheikh, faisant référence à un intérêt pour les séries d’enquêtes criminelles parmi les fans de DC en Arabie saoudite.

Les trois émissions les plus regardées par les téléspectateurs de STARZPLAY étaient                                          « Vikings », « Power » et « The Big Bang Theory ».

Tandis que les plates-formes OTT et les chaînes de télévision semblent prospérer pendant la pandémie, l'un des inconvénients de ce succès a été une baisse des revenus publicitaires au cours du deuxième trimestre de l'année, qui a coïncidé avec le mois de Ramadan.

Selon le rapport de milieu d'année de la société d'investissement dans les médias Group M pour la région MENA, qui prévoit l'avenir des investissements au Moyen-Orient, les dépenses publicitaires télévisées dans tous les pays seront en baisse de 29% en 2020 par rapport à 2019.

Dans l'ensemble, le temps moyen passé sur les chaînes d'information et de cinéma au cours de la première période de la pandémie et du ramadan a augmenté de 30%, tandis que les chaînes de divertissement ont connu une augmentation entre 20 et 30%.

Pourtant, malgré la croissance de la consommation de contenu télévisuel dans des pays comme l'Arabie saoudite, l'Égypte et le Maroc, les investissements dans le secteur ont chuté de 30% par rapport à l'année dernière.

Cela ne peut signifier qu'une chose : Pendant que la pandémie atteint un certain plateau, avec la réouverture de nombreux bureaux et écoles, l'objectif principal de nombreux réseaux de télévision et de services de streaming est d’encourager leur considérable public de quarantaine à maintenir les mêmes comportements, et à accueillir encore plus d’abonnés - à moins qu'une autre vague d'infections ne frappe cet hiver et ne le fasse pour eux.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com  


Israël dit avoir intercepté un tir de missile depuis le Yémen, revendiqué par les rebelles

Les rebelles Houthis, qui contrôlent de larges pans du Yémen, ont affirmé dans un communiqué avoir visé une base aérienne "à l'est de la région occupée de Haïfa, à l'aide d'un missile balistique hypersonique". (AFP)
Les rebelles Houthis, qui contrôlent de larges pans du Yémen, ont affirmé dans un communiqué avoir visé une base aérienne "à l'est de la région occupée de Haïfa, à l'aide d'un missile balistique hypersonique". (AFP)
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  • "A la suite de sirènes qui ont retenti il y a peu de temps dans plusieurs régions d'Israël, un missile lancé depuis le Yémen a été intercepté", a indiqué l'armée israélienne dans un bref communiqué sur Telegram
  • L'engin a été intercepté avant qu'il ne pénètre en territoire israélien, est-il précisé

JERUSALEM: Les forces armées israéliennes ont annoncé vendredi avoir intercepté un missile lancé à partir du Yémen, un tir revendiqué par les rebelles houthis, soutenus par l'Iran.

"A la suite de sirènes qui ont retenti il y a peu de temps dans plusieurs régions d'Israël, un missile lancé depuis le Yémen a été intercepté", a indiqué l'armée israélienne dans un bref communiqué sur Telegram.

L'engin a été intercepté avant qu'il ne pénètre en territoire israélien, est-il précisé.

Les rebelles Houthis, qui contrôlent de larges pans du Yémen, ont affirmé dans un communiqué avoir visé une base aérienne "à l'est de la région occupée de Haïfa, à l'aide d'un missile balistique hypersonique".

Ces insurgés soutenus par l'Iran ont mené des dizaines d'attaques avec des missiles et des drones contre Israël,  depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas sur Israël le 7 octobre 2023, en affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens.

Ils ont également pris pour cible des navires qu'ils estiment liés à Israël en mer Rouge, une zone essentielle pour le trafic maritime mondial.

Ces attaques avaient cessé avec la trêve entrée en vigueur le 19 janvier entre Israël et le Hamas, mais les Houthis les ont relancées après la reprise par Israël de son offensive à Gaza le 18 mars.

Les "opérations de soutien se poursuivront jusqu'à ce que l'agression contre Gaza cesse et que le siège soit levé", a déclaré leur porte-parole militaire, Yahya Saree, selon le communiqué.

Les Etats-Unis, alliés d'Israël, avaient commencé en janvier 2024 à frapper les positions des Houthis pour les contraindre à cesser leurs tirs. La campagne s'est intensifiée après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier.

Le Pentagone a indiqué fin avril avoir frappé plus de 1.000 cibles au Yémen depuis mi-mars, tuant "des combattants et des dirigeants houthis".


Gaza : les opérations humanitaires «au bord de l'effondrement total», affirme la Croix-Rouge

Wissam Wishah, un père palestinien qui a perdu trois de ses enfants, Said, Salma et Eline, lors de frappes israéliennes à proximité de leur maison, rassemble leurs jouets pour les accrocher aux décombres de leur maison dans le camp de réfugiés d'al-Bureij, au centre de la bande de Gaza, le 1er mai 2025. (AFP)
Wissam Wishah, un père palestinien qui a perdu trois de ses enfants, Said, Salma et Eline, lors de frappes israéliennes à proximité de leur maison, rassemble leurs jouets pour les accrocher aux décombres de leur maison dans le camp de réfugiés d'al-Bureij, au centre de la bande de Gaza, le 1er mai 2025. (AFP)
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  • Les opérations humanitaires dans la bande de Gaza sont "au bord de l'effondrement total", a mis en garde le le Comité international de la Croix-Rouge vendredi, après deux mois de blocus total de toute entrée d'aide par Israël
  • "Si l’acheminement des secours ne reprend pas immédiatement, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ne disposera pas des vivres, médicaments et produits de première nécessité dont il a besoin"

GENEVE: Les opérations humanitaires dans la bande de Gaza sont "au bord de l'effondrement total", a mis en garde le Comité international de la Croix-Rouge vendredi, après deux mois de blocus total de toute entrée d'aide par Israël.

"Si l'acheminement des secours ne reprend pas immédiatement, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ne disposera pas des vivres, médicaments et produits de première nécessité dont il a besoin pour poursuivre bon nombre des programmes qu'il mène à Gaza", souligne le CICR  dans un communiqué.

"Les autorités doivent permettre l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza. Les otages doivent être libérés. Les civils doivent être protégés. Il faut agir de toute urgence, faute de quoi Gaza s'enfoncera encore plus profondément dans un chaos dont aucun effort humanitaire ne pourra la sortir", met en garde l'organisation basée à Genève.

Depuis le 2 mars aucune aide humanitaire n'est autorisée à entrer dans le territoire où vivent 2,4 millions de personnes, pour forcer, selon les autorités israéliennes, le mouvement islamiste Hamas à libérer les otages pris le 7-Octobre encore entre ses mains.

"Pour les civils à Gaza, chaque jour est une lutte acharnée pour survivre aux dangers des combats et supporter les conséquences des déplacements incessants – tout cela sans pouvoir compter sur une aide humanitaire d'urgence", déclare Pascal Hundt, directeur adjoint des opérations du CICR, cité dans le communiqué.

"Nous ne pouvons pas permettre que cette situation déjà critique s'aggrave davantage", insiste-t-il.

Jeudi, Mike Ryan le directeur général adjoint de l'OMS avait dénoncé ce qui se passe à Gaza comme "une abomination".

Obligation d'aider 

Or si le blocus se poursuit, des programmes tels que les cuisines collectives du CICR – qui fournissent à de nombreuses personnes leur unique repas quotidien – ne pourront pas être maintenus plus de quelques semaines, précise le communiqué.

Depuis l'instauration du blocus, l'ONU ne cesse de dénoncer la catastrophe humanitaire et sanitaire et le risque de famine.

Le Programme alimentaire mondial a annoncé il y a quelques jours qu'il "avait épuisé tous ses stocks".

Le CICR rappelle aussi que conformément au droit international humanitaire, Israël a l'obligation, dans toute la mesure de ses moyens, de veiller à ce que les besoins essentiels de la population civile placée sous son contrôle soient satisfaits.

La situation à l'hôpital de campagne de l'organisation est également critique, certains médicaments et produits de santé étant épuisés.

"Les hôpitaux et autres structures de santé réorganisent leurs réserves et établissent des priorités pour pouvoir continuer à fonctionner. Sans réapprovisionnement rapide, ils risquent de ne plus être en mesure de prodiguer des soins vitaux aux patients", souligne le CICR, qui dénonce aussi "les attaques répétées qui empêchent le personnel de santé de faire son travail".

La guerre de représailles menée par Israël depuis le 7-Octobre a fait plus de 52.400 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

L'attaque du Hamas le 7 octobre 2023, sur le territoire israélien, a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, pour la plupart des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Parmi les 251 personnes enlevées ce jour là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 mortes, selon l'armée israélienne.

 


Israël bombarde près du palais du président syrien accusé de «génocide» des Druzes

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  • Des heurts à proximité et au sud de Damas entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite du président Ahmad al-Chareh illustrent l'instabilité persistante en Syrie
  • L'ONU a exhorté "toutes les parties à faire preuve d'un maximum de retenue" et la diplomatie américaine a fustigé "les dernières violences et la rhétorique incendiaire" antidruzes "répréhensibles et inacceptables"

DAMAS: Israël a mis vendredi sa menace à exécution contre la Syrie en bombardant les abords du palais présidentiel à Damas après que le chef de la minorité druze, protégée par le pouvoir israélien, eut accusé le pouvoir du nouveau président syrien Ahmad al-Chareh de "génocide".

Le plus influent chef religieux druze en Syrie, cheikh Hikmat al-Hajrin, venait de dénoncer jeudi soir une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils" de sa communauté, après des affrontements confessionnels en début de semaine qui ont fait plus de 100 morts selon une ONG.

Le chef religieux druze alors réclamé "une intervention immédiate de forces internationales" et Israël -- voisin de la Syrie avec laquelle il est en état de guerre et qui a pris fait et cause pour les Druzes -- avait aussitôt menacé de répondre "avec force" si Damas ne protégeait pas cette minorité religieuse.

Quelques heures après, à l'aube vendredi, "des avions de combat ont frappé les environs du palais" présidentiel à Damas, a annoncé l'armée israélienne sur Telegram.

"C'est un message clair envoyé au régime syrien. Nous ne permettrons pas que des forces (syriennes) soient dépêchées au sud de Damas ou menacent de quelque manière que ce soit la communauté druze", ont martelé dans un communiqué, publié en anglais par le journal Times of Israel, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Israël Katz.

Des heurts à proximité et au sud de Damas entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite du président Ahmad al-Chareh illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement de son prédécesseur Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement. (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, en prétendant que ce sont des éléments incontrôlés", avait dénoncé le cheikh druze.

"Rhétorique incendiaire" 

L'ONU a exhorté "toutes les parties à faire preuve d'un maximum de retenue" et la diplomatie américaine a fustigé "les dernières violences et la rhétorique incendiaire" antidruzes "répréhensibles et inacceptables".

Des combats cette semaine à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des Druzes, ainsi qu'à Soueïda, ville à majorité druze, ont réveillé le spectre des massacres qui avaient fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite, dans l'ouest du pays.

Ces violences avaient été déclenchées par des attaques de militants pro-Assad contre les forces de sécurité du nouveau pouvoir.

Mercredi déjà, l'armée israélienne avait frappé près de Damas, en forme "d'avertissement" contre un "groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de la ville de Sahnaya", selon M. Netanyahu.

Les Druzes sont une minorité de l'islam chiite. Ses membres sont répartis entre le Liban, la Syrie et Israël.

"Nous sommes une partie inaliénable de la Syrie", a souligné un porte-parole du rassemblement des autorités religieuses, chefs traditionnels et groupes armés druzes à Soueïda, ajoutant que la communauté rejetait "toute division" du pays.

Les combats en Syrie ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un Druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet.

L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les autorités syriennes ont accusé des éléments échappant à son contrôle d'avoir provoqué les violences.

102 morts 

Selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), ces affrontements ont fait 102 morts, dont 30 membres des forces de sécurité et combattants affiliés, 21 combattants druzes et 11 civils à Jaramana et Sahnaya. Dans la province de Soueïda, 40 combattants druzes ont péri, dont 35 dans une embuscade, d'après l'ONG.

A Jaramana, des accords entre représentants des Druzes et du pouvoir avaient permis de rétablir le calme mardi soir, de même mercredi soir à Sahnaya à 15 km au sud-ouest de Damas où des forces de sécurité ont été déployées.

Et le pouvoir syrien avait réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze".

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les Druzes, cherchant, selon l'analyste indépendant Michael Horowitz, à se ménager des alliés dans le sud syrien à un moment où l'avenir de ce pays reste incertain.