Présidentielle: les nouveaux territoires de l'abstention

Un secrétaire de vote dépose des bulletins dans l'urne de "l'abstention" le 22 octobre 2010, au Sénat à Paris. JACQUES DEMARTHON / AFP
Un secrétaire de vote dépose des bulletins dans l'urne de "l'abstention" le 22 octobre 2010, au Sénat à Paris. JACQUES DEMARTHON / AFP
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Publié le Jeudi 16 décembre 2021

Présidentielle: les nouveaux territoires de l'abstention

  • La montée inexorable de l'abstention, devenue spectaculaire avec les élections municipales de 2020 et régionales de 2021, a conquis de nouveaux territoires, aussi bien géographiques que sociologiques
  • Depuis la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, le phénomène s'est accéléré et l'abstention a battu des records à chaque élection

PARIS: La montée inexorable de l'abstention, devenue spectaculaire avec les élections municipales de 2020 et régionales de 2021, a conquis de nouveaux territoires, aussi bien géographiques que sociologiques, qui seront scrutés avec attention lors de la présidentielle dans quatre mois.

L'abstention s'est durablement installée dans le paysage politique français à partir de la fin des années 80, en franchissant un premier seuil de 30% d'abstentionnistes lors des législatives de 1988.

Mais depuis la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, le phénomène s'est accéléré et l'abstention a battu des records à chaque élection, à l'exception des européennes de 2019, pour culminer lors des régionales en juin (66,72% et 65,31%), soit 31 millions de Français qui ont boudé les urnes sur un corps électoral de 47,9 millions d'inscrits.

Extension sociologique

Si les facteurs les plus déterminants du désengagement électoral sont les mêmes depuis 40 ans (jeunesse, faible niveau de diplômes et fragilité économique), le phénomène change de physionomie quand il atteint une telle ampleur, en conquérant de nouvelles populations.

Les abstentionnistes, réserves de voix surtout pour la gauche et le RN ?

Après l'abstention record des régionales, tous les candidats appellent à un regain de participation électorale en avril lors de la présidentielle, mais selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, c'est surtout la gauche et le RN qui auraient le plus à y gagner.

Car, comme le soulignent les spécialistes des élections, le premier enjeu pour un candidat ou un parti, c'est de réussir à mobiliser ses électeurs potentiels.

Et en la matière, ce sont surtout Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Yannick Jadot (EELV), et, à un degré moindre, Anne Hidalgo (PS) et Marine Le Pen (RN), qui ont les plus grandes marges de progression dans les récents sondages d'intention de vote, avertit Antoine Bristielle, directeur de l'Observatoire de l'Opinion de la Fondation Jean-Jaurès et auteur de cette étude publiée fin novembre.

"On se rend compte qu'on a une abstention qui est assez différentielle en fonction des électorats, en fonction des candidats", explique-t-il à l'AFP, en précisant qu'"à l'heure actuelle, l'électorat qui est le plus mobilisé, c'est celui d'Eric Zemmour, et au contraire celui qui est le moins mobilisé, c'est celui de Jean-Luc Mélenchon". 

Dans le détail, en se basant sur l'enquête électorale de l’institut de sondage Ipsos pour Le Monde et la Fondation Jean-Jaurès, Antoine Bristielle montre que parmi les personnes qui déclarent vouloir voter pour Eric Zemmour, il y en a 70% qui sont certaines d'aller voter. Pour LR (c'est Xavier Bertrand qui avait été testé), 69% sont certaines d'aller voter, pour Emmanuel Macron 67%, alors que pour Jean-Luc Mélenchon, on est seulement à 55% (à 61% pour Jadot, à 64% pour Le Pen et à 65% pour Hidalgo).

Le contraste est encore plus net entre les électeurs de droite (66% certains d'aller voter) et ceux de gauche (57%). 

"Quand on regarde les sondages d'opinion à l'heure actuelle, la gauche est à un niveau extrêmement faible et assez loin du seuil de qualification pour le second tour mais elle a des réserves de voix potentielles", analyse Antoine Bristielle.

"Tout l'enjeu de la campagne, ça va être: est-ce qu'elle va être en mesure de les mobiliser pour potentiellement réussir à gagner quelques points et éventuellement accéder au second tour ?", ajoute-t-il.

Les partis politiques en sont d'ailleurs bien conscients, à l'instar de LFI qui a fait du combat contre l'abstention sa priorité pour cette campagne électorale.

"Notre principal adversaire, c'est la résignation et l'abstention. Si les milieux populaires se mobilisent alors nous pouvons être qualifiés au second tour", clame le numéro deux de LFI Adrien Quatennens.

Même analyse à l'autre bout du spectre politique pour le RN. "Vu que Marine Le Pen a un électorat très populaire qui se mobilise le plus tardivement, elle est à des seuils qui sont assez bas dans les enquêtes d'opinion", explique Antoine Bristielle. 

Mais "si elle réussit à mobiliser cet électorat lors de la campagne, ce qui se fait traditionnellement, elle pourrait gagner justement les quelques points qui lui permettraient d'avoir une marge un petit peu plus confortable sur Eric Zemmour et d'accéder au second tour", fait-il valoir.  

Pour le politologue Pascal Perrineau, l'abstention touche "aujourd'hui des électrices et des électeurs intéressés par la politique et par la chose publique, qui ne sont exclus ni culturellement ni socialement". 

"Elle touche absolument tout le monde, même les professions intellectuelles et la bourgeoisie", insistait-il lors d'une audition parlementaire en octobre, en prenant l'exemple de ses étudiants de Sciences Po Paris, où, selon lui, "aujourd'hui, environ 40 % des étudiants affirment ne pas avoir l'intention d'aller voter".

Et si les catégories socio-professionnelles continuent de déterminer la participation, l'abstention aux régionales a été si forte qu'elle a réduit les écarts en progressant plus rapidement chez les catégories les plus aisées. 

Au premier tour des législatives en 2017, l'abstention concernait 45 % des cadres contre 66 % des ouvriers, mais cet écart s'est réduit à six points aux dernières élections régionales, relève un récent rapport parlementaire sur le sujet.

Nouvelle géographie

De la même façon, la poussée de l'abstention a enrichi sa géographie.

Depuis longtemps, des villes populaires de banlieue sont identifiées comme des bastions historiques de l'abstention. Hors présidentielle, une commune comme Vénissieux, en banlieue sud de Lyon, enchaîne les chiffres vertigineux d'abstentionnistes à chaque scrutin: 67% des inscrits ont boudé les urnes aux régionales de 2015 et aux législatives de 2017, 65% aux européennes de 2019. Puis dans un contexte de Covid, 71% des inscrits se sont abstenus aux municipales de 2020 et 83% aux régionales 2021.

Durtal, son château, ses 3 400 habitants et son abstention à 80%

"Je m'y intéresse très peu", "je trouve ça compliqué": à Durtal, commune de 3.400 habitants dans le Maine-et-Loire où le taux d'abstention atteint des sommets, il est difficile de trouver des citoyens motivés par la présidentielle.

Sur le marché, au pied d'un superbe château Renaissance et à proximité des flots tumultueux du Loir, les candidats ou les programmes politiques font peu recette dans cette commune qui a connu un taux d'abstention frôlant les 80% aux régionales et départementales en juin remportées par la droite.

"Je ne me plains pas, comme je ne m'y intéresse pas, je n'ai pas grand-chose à dire", explique Candice Vincent, 31 ans, en remballant ses produits. "On respecte les opinions de chacun mais ce n'est pas souvent qu'on échange autour de la politique" avec les amis, car ce sont "des sujets à dispute", ajoute cette ancienne infirmière.

Franck, tourneur fraiseur de 48 ans, "n'a jamais voté". Et ça ne devrait pas changer en avril prochain, même si "Emmanuel Macron, de ce que j'ai vu, a fait des bonnes choses dernièrement pour les gens à faibles revenus", comme lui.

Dans son camion charcuterie, Anthony Dalibon, 34 ans, se souvient d'avoir entendu gamin "ses parents parler politique. Nous, entre copains, on n'en parle jamais", reconnaît-il, ajoutant qu'il devrait toutefois se rendre aux urnes au printemps "en se basant sur les programmes reçus" par courrier.

La patronne du bar "A Casa" Marie-Christine Orsini, 67 ans, tente une explication. "Beaucoup de gens pensent des choses et ont peur d'en parler (...), un peu comme quand on parle d'argent", glisse-t-elle, évoquant la crainte de discorde. Il lui semble loin l'époque où le comptoir était "le parlement du peuple", selon le mot de Balzac.

"Dans les années 1990, il y avait des piliers de bar. Le Covid a vidé les lieux. Nos petits vieux qui étaient assis au bar les jours de marché, qui refaisaient le monde, c'est fini...", maugrée-t-elle. Cette femme d'origine corse, qui à une époque a eu pour client le socialiste Michel Rocard, confie son "inquiétude" pour la démocratie.

Attitude « très très perso »

Pour Renée Barret, 84 ans, issue d'une famille gaulliste, voter est "un devoir". Et elle pointe l'individualisme. "On se désintéresse de beaucoup de choses. Je crois que tout le monde est très très perso et les gens ne s’occupent que d’eux-mêmes", s'attriste la vieille dame rencontrée devant l'office de tourisme.

En 2020, le maire Pascal Farion, qui n'a pas souhaité répondre à l'AFP, a été élu par 27,16% des inscrits (693 voix sur 2.553 inscrits). L'ancienne maire Corinne Bobet regrette que "les gens ne s'engagent plus comme auparavant. On a ce phénomène également dans toutes nos associations, qu'elles soient sportives ou culturelles. On voit bien que le bénévolat a du mal".

A l'occasion d'une législative partielle en 2020, pendant la crise sanitaire, Anne-Laure Blin (LR) a été élue avec une participation famélique de 17,84%. Concrètement, cela signifie que la nouvelle députée a obtenu 7.329 bulletins de vote dans une circonscription comptant... 71.034 inscrits. Et à Durtal, où elle est arrivée en tête, 166 personnes ont voté pour elle.

"Quand on est responsable politique il faut tenir compte de cette abstention pour avoir une action au plus près des concitoyens", explique Mme Blin. "Je fais une tournée de l'ensemble des villages de mon territoire, ça me semble très important que les citoyens identifient leurs élus et leur disent de façon très simple leur préoccupation du moment. Malheureusement il y a un détachement et un éloignement du citoyen et du politique", ajoute cette ancienne juriste.

Selon le politologue Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS, en France, "on est sur des niveaux de défiance des institutions de l'action publique très très hauts par rapport à nos homologues européens".

Et l'abstention connaît une "augmentation tendancielle et globale", souligne Thomas Frinault, maître de conférence en sciences politiques à Rennes 2, même si elle touche moins la présidentielle. Au deuxième tour de 2017, l'abstention n'avait atteint que 22% à Durtal. 

Même constat en banlieue parisienne ou en régions dans des villes affectées par la désindustrialisation, à l'instar de Hayange en Lorraine avec quelque 64% d'abstentionnistes aux législatives de 2017 comme aux municipales de 2020.

Mais désormais, des territoires qui étaient relativement épargnés par l'abstention sont touchés à leur tour. 

Même si les régionales de 2021, dans le contexte particulier du Covid, ont connu des records d'abstention partout (sauf en Corse), certains chiffres ont plus surpris que d'autres, comme dans les Pays de la Loire (68% d'abstention). 

Des petits villages guère abstentionnistes habituellement y ont été particulièrement confrontés comme Morannes sur Sarthe (76% d'abstentions) ou Durtal, dans le Maine-et-Loire (près de 80%).

Les facteurs explicatifs ne sont pas toujours simples à appréhender. Dans un rapport pour la fondation Jean-Jaurès, le politologue Jérôme Fourquet évoque le "cas" particulier du littoral atlantique et breton, qui combine une "forte proportion de seniors et un taux d'abstention élevé".

Il y note la "perte de force du rite républicain" au niveau local, en raison d'un "intense brassage de population". "De nombreux retraités installés dans ces communes balnéaires ne sont pas originaires de la région et entretiennent avec elle un lien plus distendu", avance-t-il.

Reste à savoir si la présidentielle saura leur faire retrouver le chemin des urnes. "Même l'élection reine de la Ve République n'est pas à l'abri d'une surprise abstentionniste, malgré l'intérêt que les Français continuent à avoir pour elle", met en garde le politologue Pascal Perrineau.


Pour le Noël des armées, Macron fait cette année le choix des Emirats

La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
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  • En se rendant aux Émirats arabes unis pour le Noël des armées, Emmanuel Macron adresse un message de soutien aux militaires français tout en réaffirmant l’engagement stratégique de la France dans une région marquée par de fortes tensions géopolitiques
  • Ce déplacement met en lumière la solidité du partenariat de défense franco-émirien, pilier de la présence militaire française dans le Golfe et vecteur de stabilité régionale

En choisissant les Émirats arabes unis pour célébrer, les 21 et 22 décembre, le traditionnel Noël des armées françaises, le président Emmanuel Macron a voulu adresser un message clair à ses militaires engagés loin de leurs familles, mais aussi aux partenaires de la France dans une région marquée par de fortes turbulences géopolitiques.

Ce déplacement présidentiel, à la fois militaire et diplomatique, illustre la solidité d’un partenariat stratégique noué de longue date entre Paris et Abou Dhabi.

Comme le veut la tradition, le président de la République partagera un moment privilégié avec les forces françaises déployées sur place, après une séquence bilatérale avec les autorités émiriennes.

Selon le palais de l’Élysée, Emmanuel Macron se rendra directement auprès des militaires : il dînera avec eux, avant de consacrer la matinée suivante à des échanges de terrain et à des démonstrations opérationnelles, au plus près de la réalité de leur engagement en période de fêtes.

Si le choix des Émirats arabes unis n’a rien d’anodin, c’est parce que la région concentre aujourd’hui un grand nombre de crises majeures : conflits persistants au Moyen-Orient, tensions maritimes affectant le commerce mondial, instabilité chronique de plusieurs États.

Un déplacement stratégique dans une région sous tension

Le Golfe est devenu un carrefour stratégique où se croisent enjeux sécuritaires, diplomatiques et économiques et, en s’y rendant, le chef de l’État entend rappeler que la France demeure un acteur militaire et diplomatique engagé à l’échelle mondiale.

Mais ce déplacement est aussi l’occasion d’incarner la relation de confiance qui lie Paris et Abou Dhabi depuis plus de trente ans.

Le partenariat de défense franco-émirien, formalisé et renforcé par un accord signé en 2009, s’est progressivement imposé comme l’un des piliers de la présence française dans la région. Il repose sur une coopération étroite, une interopérabilité accrue des forces et un partage d’objectifs communs en matière de stabilité régionale.

Les Émirats arabes unis accueillent en effet un dispositif militaire français structurant. À Abou Dhabi se trouve un état-major interarmées, à la tête duquel est placé un amiral commandant à la fois les Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFAU) et les forces françaises déployées dans l’océan Indien.

Cette implantation est complétée par une base navale française, ainsi que par une base aérienne située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, où sont notamment stationnés des avions de combat Rafale.

À environ 70 kilomètres à l’ouest d’Abou Dhabi, dans une zone désertique, est également déployé le 5ᵉ régiment de cuirassiers, équipé de matériels de dernière génération, dont des chars Leclerc et des véhicules blindés de combat.

C’est sur ce site que se déroulera l’essentiel de la séquence militaire du déplacement présidentiel, avec une démonstration interarmées illustrant les capacités opérationnelles françaises.

Au total, près de 900 militaires français sont stationnés aux Émirats arabes unis. Ils jouent un rôle clé dans plusieurs opérations majeures.

Un partenariat militaire franco-émirien au cœur de la présence française dans le Golfe

Les moyens aériens basés aux Émirats contribuent notamment à l’opération Chammal de lutte contre le terrorisme, tandis que les capacités maritimes participent à l’opération européenne Aspides, destinée à sécuriser le trafic international en mer Rouge, récemment menacé par des attaques visant la navigation commerciale.

Au-delà de la dimension opérationnelle, la présence française aux Émirats arabes unis constitue un symbole fort de coopération stratégique et traduit la volonté partagée de renforcer la stabilité régionale, de sécuriser les grandes routes maritimes internationales et de soutenir les efforts de paix dans des zones fragilisées comme l’Irak, le Yémen, la Libye ou encore le Soudan.

Tous ces sujets pourraient être abordés lors des échanges entre le président français et le président émirien, Cheikh Mohamed ben Zayed.

En se rendant auprès des forces françaises à Noël, accompagné de la ministre des Armées, Emmanuel Macron entend surtout témoigner de son attachement personnel aux militaires engagés loin de la métropole.

Le message qu’il veut leur adresser est autant humain que politique, puisqu’il s’agit d’exprimer la reconnaissance de leur engagement et d’affirmer la crédibilité militaire française.

Dans un contexte international tendu, le choix des Émirats arabes unis pour le Noël des armées apparaît ainsi comme un signal fort : celui d’une France fidèle à ses alliances, pleinement investie dans la sécurité internationale et consciente que sa présence militaire est indissociable de relations diplomatiques durables et de partenariats stratégiques solides.


Municipales à Paris: vers un accord historique à gauche dès le premier tour

A  Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati. (AFP)
A Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati. (AFP)
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  • Depuis 09H00 ce mercredi, les écologistes parisiens sont invités à voter pour cet accord afin de faire "une liste commune, une union très très large de toutes les forces de gauche qui le souhaitent. C'est nouveau, c'est vraiment quelque chose d'historique
  • Si socialistes et écologistes gouvernent ensemble la capitale depuis 2001, ils n'avaient encore jamais mené campagne commune dès le premier tour

PARIS: A Paris, socialistes, écologistes et communistes s'apprêtent à sceller pour la première fois leur union dès le premier tour des municipales, derrière l'ex-premier adjoint socialiste Emmanuel Grégoire. Une alliance arrachée au terme de négociations délicates, mais réclamée sur le terrain face à une droite revigorée autour de Rachida Dati.

Depuis 09H00 ce mercredi, les écologistes parisiens sont invités à voter pour cet accord afin de faire "une liste commune, une union très très large de toutes les forces de gauche qui le souhaitent. C'est nouveau, c'est vraiment quelque chose d'historique pour nous", a déclaré sur franceinfo le candidat écologiste David Belliard.

Si socialistes et écologistes gouvernent ensemble la capitale depuis 2001, ils n'avaient encore jamais mené campagne commune dès le premier tour.

Cet accord, qui prévoit le désistement de David Belliard et de son homologue communiste Ian Brossat, sera soumis au vote des trois formations politiques, dont les 2.500 adhérents écologistes.

"Ce soir, dans la nuit, on connaîtra la réponse et (...) dès demain (jeudi) moi je suis prêt, dans toutes les configurations, à continuer la campagne", a ajouté M. Belliard, disant souhaiter "bousculer cette élection en faisant quelque chose d'historique".

"Quand une droite extrémisée menace, nous avons le devoir d'unir nos forces", a posté sur X Ian Brossat.

Interrogé sur la possibilité d'une union au second tour avec LFI, David Belliard s'est dit favorable à une "candidature unique à gauche".

"On est dans une élection difficile, dans laquelle il y a des enjeux (...) énormes pour Paris (...)  Et nous avons face à nous une droite qui est une droite populiste, affairiste, qui aujourd'hui est très brutale", a-t-il souligné.

Selon l'accord consulté par l'AFP, les partenaires s'engagent "à tout faire pour qu'il n'y ait qu'une seule liste de gauche au second tour", excluant toute alliance avec le candidat Horizons soutenu par Renaissance Pierre-Yves Bournazel.

"Parfois douloureux" 

Initialement annoncée pour octobre, cette alliance, qui devrait également associer Place publique et possiblement L'Après (ex-LFI), est le fruit de plus de trois mois de tractations serrées.

"Si un accord historique comme celui-ci n'avait jamais été réalisé auparavant c'est d'abord parce que c'est difficile et parfois douloureux. Cela implique que certains sortent des listes", a glissé une source socialiste.

Les discussions achoppaient notamment sur la place des écologistes en lice pour le Conseil de Paris dans un contexte de changement de mode de scrutin. Cette réforme est vivement critiquée par l'exécutif sortant, qui y voit une manoeuvre visant à faire gagner la droite.

Selon l'accord, 36 écologistes seraient éligibles contre 28 élus actuellement.

Source de profondes crispations chez les militants socialistes, les écologistes ont également obtenu que David Belliard soit tête de liste dans le XIe arrondissement, où fut élu Léon Blum et où l'est l'actuelle maire socialiste Anne Hidalgo. Une troisième mairie verte en plus de celles du XIIe et du XIVe qu'ils administrent déjà.

"C'est une révolution du point de vue de la gouvernance car il prévoit un meilleur partage entre les différents membres de cette alliance au sein de laquelle personne n'aura la majorité seul", souffle un cadre écologiste.

Revendiquant leur rôle central dans la transformation de l'espace public, de l'essor des pistes cyclables aux "rues aux écoles", les écologistes conditionnaient de fait leur retrait à l'obtention de concessions significatives.

L'accord prévoit également un renforcement des pouvoirs des maires d'arrondissement.

Parmi les "marqueurs communs" figurent notamment la revalorisation du périscolaire, un service de garde d'enfant universel, l'objectif de 40% de logement public (dont 30% de logement social), ou encore la poursuite de la piétonnisation et du verdissement de la ville.

Parmi les points de divergence, on trouve l'avenir du Parc des Princes.

"C'est un rassemblement historique qui a un coût très important pour les socialistes", a reconnu une source à gauche, pour qui les écologistes en sortiront "renforcés" alors qu'ils "reculent partout en France".

"Avec cette liste d'union il y aura un effet vote utile (...) Ca va forcément ouvrir une dynamique", estime-t-on de même source.

A l'instar de Paris, la plupart des grandes villes dirigées par la gauche ont franchi le pas d'une alliance dès le premier tour.

 

 


Crise de la dermatose en France : les vétérinaires cibles de menaces

La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession. (AFP)
La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession. (AFP)
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  • La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins
  • "Il a essayé de péter ma vitre (de voiture) avec son poing", a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie (est), qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs

PARIS: "Vétérinaires = assassins", cliniques taguées "vétos = collabos"... "On a le droit à tout", déplore David Quint, président du Syndicat français des vétérinaires libéraux, qui témoigne du malaise dans la profession, en première ligne dans la gestion de l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession.

"Il a essayé de péter ma vitre (de voiture) avec son poing", a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie (est), qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs.

Durant l'été, elle a été mandatée pour abattre un cheptel dans une exploitation. "Deux voitures se sont garées au milieu de la route comme des cowboys pour nous bloquer le passage et on nous a demandé si nous étions +fiers de ce que nous avions fait+, mon confrère et moi", se souvient-elle.

"Ils étaient quatre, c'était stressant, j'ai appelé la gendarmerie et porté plainte le soir même", rapporte la vétérinaire.

"Pris en étau" 

"On est pris en étau entre la souffrance du monde agricole d'un côté et le fait de devoir faire notre métier de l'autre", a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires.

Lundi, le vétérinaire a reçu cette menace: "dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d'une pique", après s'être exprimé sur la chaîne d'information BFMTV, une première en 35 années d'expérience.

Une enquête a été ouverte mardi par le parquet de Bergerac (sud-ouest) pour menaces de mort après la plainte du praticien.

"Il ne faut pas laisser passer", défend-il, appelant ses confrères à porter plainte en cas de menaces.

Il n'y a "rien qui justifie que l'on menace quelqu'un de mort", a réagi mardi David Quint, lors d'une conférence de presse de l'Ordre des vétérinaires et de plusieurs organisations syndicales, qualifiant ces intimidations d'"inacceptables".

La stratégie gouvernementale de lutte contre cette maladie animale très contagieuse, non transmissible à l'homme mais qui peut toucher très durement le cheptel, prévoit l'abattage systématique d'un troupeau dès la détection d'un cas, ce qui cristallise les tensions d'une partie des agriculteurs, notamment de la Coordination rurale (deuxième syndicat) et de la Confédération paysanne (3e).

"N'allez pas trop loin sinon vous n'aurez plus de vétérinaires !", a mis en garde le président du Conseil national de l'Ordre, Jacques Guérin, interrogé par l'AFP en marge de la conférence.

Droit de retrait ? 

Face à la pression qui a "monté d'un cran", il a appelé les vétérinaires à faire valoir leur droit de retrait "si les conditions ne réunissent pas leur sécurité et celle de leurs proches".

Cela signifie qu'un vétérinaire habilité et mandaté par une préfecture pour abattre un élevage pourrait refuser sa tâche, tout en argumentant les raisons auprès du préfet, explique l'Ordre, qui ne soutiendra toutefois pas les clauses de retrait "de principe".

Le standard de l'Ordre des vétérinaires est "submergé d'appels de personnes complotistes, antivax, anti-tout, qui déversent des tombereaux de bêtises à l'encontre de la profession. Cela finit par impacter fortement le moral des vétérinaires", déplorait son président il y a quelques jours auprès de l'AFP.

"C'est inadmissible de s'en prendre aux vétérinaires", a réagi auprès de l'AFP Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne, arguant que la "responsabilité du climat de défiance" est à "aller chercher du côté du ministère de l'Agriculture".

La Coordination rurale, syndicat concurrent, "condamne" également "toutes les menaces" envers les vétérinaires, selon François Walraet, secrétaire général du syndicat, joint par l'AFP.

"Ce sont nos partenaires (...) Ce n'est pas à eux qu'il faut s'adresser si on veut que le protocole évolue", abonde-t-il.

Les mesures actuelles sont "absolument ce qu'il faut faire" pour éradiquer ce "virus extrêmement résistant dans les milieux extérieurs", insiste par ailleurs la présidente de l'association de vétérinaires SNGTV, Stéphanie Philizot.