Rétrospective 2021: L'inflation teste la force de la reprise économique mondiale

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Publié le Jeudi 30 décembre 2021

Rétrospective 2021: L'inflation teste la force de la reprise économique mondiale

  • Le FMI estime que le produit intérieur brut mondial a augmenté de 5,9% au cours de l'année
  • Les pénuries sur les marchés de l'énergie ont fait grimper les prix du gaz et du charbon à un niveau record en Europe

DUBAÏ: Selon tous les indicateurs économiques et financiers conventionnels, 2021 a été une année de forte reprise après la «récession de confinement» de l'année précédente.

Mais malgré la flambée des prévisions de croissance, l'envolée des marchés boursiers et la vigueur des prix des produits de base, en cette fin d’année, deux ombres planaient sur les perspectives économiques: la menace du variant omicron apparu en novembre et la hausse des tendances inflationnistes mondiales qui menaçaient de semer le trouble dans les calculs des décideurs économiques.

Gita Gopinath, économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), a souligné la nature contradictoire des perspectives économiques mondiales.

«Alors que l'économie mondiale se remet de la pandémie, une grande incertitude demeure quant aux nouveaux variants de la Covid-19 et aux pressions inflationnistes accrues dans de nombreux pays», a-t-elle déclaré.

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Alors que l'économie mondiale se remet de la pandémie, l’incertitude demeure quant aux nouveaux variants de la Covid-19 et aux pressions inflationnistes accrues. (Photo, AFP/Archives)

 

«Si on le laisse se propager de manière incontrôlée, l'omicron pourrait entraîner des hospitalisations à grande échelle et de nouvelles restrictions de la mobilité et des déplacements, ce qui aura à nouveau un impact négatif sur les économies mondiales, tant développées qu'émergentes.

Des économistes régionaux ont réitéré la mise en garde à son égard. Nasser Saidi, expert économique du Moyen-Orient, a déclaré: «À moins que le rythme de vaccination ne s'améliore radicalement (en particulier dans les pays à faible revenu) et que le nouveau variant soit rapidement maîtrisé, l'économie mondiale pourrait voir des limitations à la croissance au moins au premier trimestre de l'année prochaine.»

Cependant, les réserves suscitées par le nouveau variant ne peuvent masquer le fait que l'économie mondiale a connu une forte reprise en 2021. Le FMI a estimé que le produit intérieur brut mondial a augmenté de 5,9% au cours de l'année – un grand retournement de situation par rapport à la baisse de 3,1% que le PIB total a subie en 2020 lorsque la pandémie a frappé et que tous les pays sont entrés en confinement.

Pour la plus grande économie du monde, les États-Unis, le renversement de tendance est encore plus notable: après un déclin de 3,4% en 2020, l'économie devrait croître de 6% en 2021. Une économie américaine saine entraîne le reste du monde avec elle.

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Si la flambée des prix de l'énergie et des autres produits de base inquiète les grandes économies avancées, c'est l'inverse pour le Moyen-Orient. (Photo, AFP/Archives)

 

L'élection du président Joe Biden, engagé dans une politique agressive de mesures antivirus couplée à des initiatives de plusieurs milliards de dollars pour investir dans les infrastructures, a donné un gros coup de pouce à l'économie et aux marchés financiers au cours de l'année.

Les marchés boursiers américains, stimulés par les programmes de dépenses de Biden et le soutien continu des autorités financières américaines, ont connu l'une de leurs meilleures années. Le S&P 500, l'indice le plus fiable de la santé des actions américaines, a augmenté de près de 30% sur l'année.

Mais il y avait encore des signes précurseurs aux États-Unis qui ont rendu les décideurs nerveux. En particulier, les pressions inflationnistes qui continuent d'augmenter. Le taux d'inflation officiel a atteint 6,8% en décembre, son niveau le plus élevé depuis près de quatre décennies.

Le président de la Réserve fédérale, Jay Powell, a insisté pendant une grande partie de l'année sur le fait que la hausse des prix était «transitoire», mais il a continué à faire preuve de prudence sur la question de savoir si la Réserve fédérale allait «réduire progressivement» son soutien aux marchés financiers jusqu'en 2022 et augmenter lentement les taux d'intérêt.

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Les économies régionales, notamment dans les grands pays exportateurs de pétrole du Golfe, ont connu une année d’expansion solide et de reprise après les confinements de 2020. (Photo, AFP/Archives)

 

«Les déséquilibres de l'offre et de la demande liés à la pandémie et à la réouverture de l'économie ont continué de contribuer à des niveaux élevés d'inflation. Ces problèmes ont été plus importants et plus durables que prévu, aggravés par les vagues de virus», a expliqué Powell.

Pour cet autre grand moteur de la croissance économique mondiale, la Chine, l'année a été nettement contrastée. Le FMI prévoyait une croissance du PIB de 8% en 2021, soit un retour presque complet aux niveaux stupéfiants qui ont été à l’origine du progrès économique mondial au cours des deux premières décennies du siècle, mais «l’élan se ralentit», a averti le FMI, projetant un taux de croissance du PIB de 5,6% en 2022.

Les craintes concernant le potentiel de l'économie chinoise à tirer le reste du monde vers le haut étaient centrées sur de graves défauts structurels, tels que la faiblesse du marché immobilier illustrée par l'effondrement virtuel du groupe immobilier Evergrande.

On craignait également que l'économie chinoise ne renonce à son rôle de stimulant économique mondial. Des experts tels que Ian Bremmer, président du cabinet de conseil Eurasia Group, ont averti que le retrait de la Chine des marchés boursiers américains et d'autres formes de coopération commerciale dans le domaine technologique avec les États-Unis et le reste du monde étaient problématiques pour l'économie mondiale.

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Les marchés boursiers américains, stimulés par les programmes de dépenses de Biden, ont connu l'une de leurs meilleures années, mais les experts craignent que le retrait de la Chine des marchés boursiers américains et d'autres formes de coopération commerciale dans le domaine de la technologie avec les États-Unis et le reste du monde ne soit problématique. (AFP/Fichier Photos)

 

«Les dangers que le président Xi se trompe sont graves, pour son propre prestige et l'industrie des semi-conducteurs dont dépend la Chine», a révélé Bremmer.

La troisième grande force économique mondiale, l'Europe, a également connu une forte reprise économique en 2021, les prévisions du FMI indiquant une croissance du PIB de 5% dans la zone euro et de 6,8% dans le Royaume-Uni post-Brexit.

Bien que ces projections soient encourageantes pour les décideurs européens, elles masquent également la réalité des restrictions sévères résultant du variant omicron dans de nombreux pays et d'une crise énergétique hivernale imminente pour beaucoup sur le continent.

Les prix du gaz et du charbon ont atteint des niveaux record en Europe, les pénuries sur les marchés mondiaux de l'énergie étant aggravées par les tensions politiques avec le principal fournisseur de gaz, la Russie. Les prix du pétrole sont également élevés, ce qui renforce les craintes inflationnistes des Européens.

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Le marché financier de Dubaï, qui souffre depuis longtemps, a enregistré une croissance de 27%, tandis que la Bourse des valeurs d'Abu Dhabi a connu une augmentation spectaculaire de 67% de la valeur des actions. (Photo, AFP/Archives)

 

Mais si la flambée des prix de l'énergie et des autres produits de base inquiète les grandes économies développées, c'est l'inverse pour le Moyen-Orient. Les économies régionales, en particulier dans les grands pays exportateurs de pétrole du Golfe, ont connu une année d’expansion solide et de reprise après les confinements de 2020.

En Arabie saoudite, la hausse du prix du pétrole brut en 2021, ainsi que l'expansion des secteurs non pétroliers de l'économie du Royaume, signifient que la prévision de 2,8% de croissance du PIB faite par le FMI est susceptible d'être battue.

Le budget saoudien, annoncé en décembre, a montré que les décideurs politiques s'attendent à pouvoir enregistrer un excédent en 2022, pour la première fois depuis près d'une décennie, grâce à la vigueur des prix du pétrole et à la reprise postpandémique qui s’opère dans l'économie du Royaume.

Le ministre des Finances Mohammed al-Jadaan a assuré: «Nous disons à nos citoyens et au secteur privé ou à l'économie dans son ensemble que vous pouvez planifier avec prévisibilité. Les plafonds budgétaires seront maintenus de manière stable, indépendamment de l'évolution du prix du pétrole ou des revenus.»

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En Arabie saoudite, la hausse du prix du pétrole brut en 2021, ainsi que l'expansion des secteurs non pétroliers de l'économie du Royaume, signifient que la prévision de croissance du PIB de 2,8% faite par le FMI est susceptible d'être dépassée. (Photo, AFP/Archives)

 

Le spectre de l'inflation qui plane sur l'économie mondiale n'est pas considéré comme une menace importante pour l'économie saoudienne, avec des prévisions comprises entre 1 et 2% en 2022 bien inférieures aux comparaisons internationales. Néanmoins, les experts prédisent que l'Arabie saoudite et d'autres économies de la région liées au dollar devront suivre la Réserve fédérale américaine si elle augmente les taux d'intérêt en 2022.

Une caractéristique commune des économies régionales en 2021, qui devrait se poursuivre en 2022, est la croissance spectaculaire des marchés financiers, alimentée par la flambée des cours des actions et l’explosion des introductions en bourse dans les principaux centres d'investissement.

Sur le marché saoudien Tadawul, les prix des actions ont augmenté de près de 30% en glissement annuel, aboutissant à l'introduction en bourse réussie et sursouscrite du Tadawul lui-même. D'autres introductions en bourse sont en préparation pour 2022, prédisent les analystes financiers.

Aux Émirats arabes unis, les marchés boursiers ont connu une explosion similaire, stimulée par une série d'introductions en bourse liées au gouvernement. Le marché financier de Dubaï, qui souffre depuis longtemps, a enregistré une croissance de 27%, tandis que la Bourse des valeurs d'Abu Dhabi a connu un bond spectaculaire de 67% de la valeur des actions.

Tarek Fadlallah, directeur général de Nomura Asset Management au Moyen-Orient, a déclaré à Arab News: «Le Moyen-Orient a connu une bonne année en termes de marchés économiques et financiers. La région est en train d’acquérir une réputation de refuge en ces temps troublés de la Covid-19 pour les investisseurs, les hommes d'affaires et les touristes.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Gastat: les exportations non pétrolières de l’Arabie saoudite augmentent de 4,4%

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  • Selon l’Autorité générale des statistiques, la valeur totale des exportations non pétrolières a atteint 21,86 milliards de riyals saoudiens
  • La Chine a été le principal partenaire commercial de l’Arabie saoudite en février

RIYAD: Les exportations non pétrolières de l’Arabie saoudite, notamment les réexportations, ont connu une hausse de 4,4% en février par rapport à la même période en 2023, selon des données officielles.

Selon l’Autorité générale des statistiques (Gastat), la valeur totale des exportations non pétrolières a atteint 21,86 milliards de riyals saoudiens (SAR), soit une hausse par rapport aux 20,93 milliards enregistrés au cours de la même période de l’année précédente (1 SAR = 0,25 euro).

L’augmentation des exportations non pétrolières est due à une hausse de 8,3% des exportations de produits en caoutchouc et en plastique en février, qui représentent 24,1% des exportations totales.

Le renforcement du secteur privé non pétrolier est essentiel pour l’Arabie saoudite, qui poursuit ses efforts de diversification économique qui visent à réduire sa dépendance à l’égard du pétrole.

Le rapport dévoile une baisse de 4,1% en glissement annuel des exportations non pétrolières du Royaume, à l’exclusion des réexportations, en février. En revanche, la valeur des marchandises réexportées a grimpé de 32,3% au cours de la même période.

Cependant, la Gastat a noté qu’en février, le nombre total de marchandises expédiées par l’Arabie saoudite a diminué de 2% par rapport à la même période de l’année précédente.

Selon le rapport, ce déclin est principalement dû à une diminution de 3,8% des exportations de pétrole en février par rapport au même mois en 2023.

De même, le pourcentage des exportations de pétrole par rapport aux exportations totales est tombé à 77% en février, contre 78,4% au cours de la même période de l’année précédente.

Les exportations de pétrole ont chuté en raison de la décision du Royaume de réduire sa production de brut, conformément à un accord conclu par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés, collectivement connus sous le nom d’«Opep+».

En avril 2023, l’Arabie saoudite a réduit sa production de pétrole de 500 000 barils par jour, une décision que le ministère de l’Énergie vient de prolonger jusqu’à la fin décembre 2024.

Par rapport à janvier 2024, la valeur des exportations totales de marchandises a connu une légère hausse de 0,1% pour atteindre 95,02 milliards de SAR.

La Gastat a révélé que les importations de l’Arabie saoudite ont progressé de 12,3% en glissement annuel en février.

D’autre part, l’excédent de la balance du commerce des marchandises a diminué de 21,8% par rapport à la même période de l’année précédente.

La Chine a été le principal partenaire commercial de l’Arabie saoudite en février, les exportations vers le pays asiatique s’élevant à 12,57 milliards de SAR. L’Inde et le Japon viennent ensuite, avec des exportations respectives vers ces pays de 9,43 et 8,55 milliards de SAR.

La Corée du Sud, les Émirats arabes unis et la Pologne figurent également parmi les principales destinations des exportations saoudiennes, de même que l’Égypte, les États-Unis et la France.

La Chine a par ailleurs occupé la première place du côté des importations, représentant 19,9% des échanges, soit 12,58 milliards de SSAR, en février.

D’après le rapport, le port maritime du roi Abdelaziz de Dammam a été classé comme le point d’entrée le plus important pour les marchandises en Arabie saoudite, accueillant 26,7% des exportations totales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.