Adieu à l’argent facile de 2021 et bienvenue à la lutte contre l’inflation en 2022

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Publié le Mercredi 05 janvier 2022

Adieu à l’argent facile de 2021 et bienvenue à la lutte contre l’inflation en 2022

  • La politique de l’argent facile alimentée par la pandémie en 2021 devrait enfin prendre fin en 2022
  • Les projections, qui prévoient que l’économie mondiale devrait croître de 5,9% en 2021 et de 4,9% en 2022, commencent à sembler très optimistes

LONDRES: Du grand confinement à la grande reprise? Au début de cette année, l’optimisme battait son plein avec la conception de vaccins pouvant restreindre la propagation mondiale de la Covid-19. En décembre 2020, les vaccins ont commencé à être administrés à une large échelle. Depuis, le nombre de morts a triplé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

S’il est vrai que le vaccin n’a jamais prétendu pouvoir éradiquer la pandémie, on espérait toutefois qu’il limiterait sa propagation et que les finances et le commerce mondiaux pourraient reprendre sans entrave.

Cependant, malgré une restauration de la confiance avec la vaccination dans le monde entier en 2021, une augmentation de la demande a beaucoup perturbé la chaîne d’approvisionnement qui existait avant la pandémie. Les prix mondiaux de l’énergie ont exercé des pressions inflationnistes au sein de la chaîne logistique. Le prix du baril de pétrole brut Brent, qui était à 50 dollars américains (1 dollar = 0,88 euro) au début de l’année 2021, a atteint 85 dollars en octobre.

Crise de l’énergie

La flambée des prix du gaz naturel en octobre a été encore plus importante. Le TTF néerlandais – référence européenne du gaz en gros – a atteint un record de 137 euros par mégawattheure, soit une augmentation de plus de 75%. En Asie, les prix du GNL (gaz naturel liquéfié) ont dépassé l’équivalent de plus de 320 dollars le baril de pétrole.

La hausse des prix du gaz, notamment en Europe, a été exacerbée par une baisse des exportations du géant russe Gazprom, en partie causée par des problèmes réglementaires avec son gazoduc, Nord Stream 2, qui devrait doubler les livraisons de gaz à l’Allemagne, tout en contournant l’Ukraine. Dans un contexte de tensions géopolitiques entre le président russe, Vladimir Poutine, et l’Occident, une autre flambée des prix du gaz devrait se produire au premier trimestre 2022.

Pendant ce temps, la crise de la chaîne d’approvisionnement a mis en évidence le système d’externalisation de la production et de livraison juste-à-temps. En mars, le porte-conteneurs Ever Given est devenu le navire le plus célèbre depuis le Titanic lorsqu’il a bloqué le canal de Suez pendant six jours.

La revue Lloyd’s List a évalué les pertes de l’Ever Given par jour de blocage à 9,6 milliards de dollars. Les estimations suggèrent que le navire sinistré a fait perdre jusqu’à 0,4 point de croissance annuelle du commerce mondial.

Alors que la forte augmentation de l’inflation mondiale a d’abord été considérée comme transitoire et attribuée à une inadéquation temporaire entre la demande et l’offre lors de la réouverture des économies, les pressions sur les prix semblent désormais être plus ancrées et seront la mauvaise surprise en 2022.

Changement climatique

En 2021, l’autre grande difficulté pour les économies mondiales, en particulier les producteurs de pétrole du Golfe, a été le changement climatique.

En août, un rapport de l’ONU a averti, en des termes crus, que les gouvernements du monde devaient déployer plus d’efforts pour lutter contre le changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Même l’Agence internationale de l’énergie a demandé aux investisseurs de cesser de financer de nouveaux projets pétroliers et gaziers pour garantir que le monde atteigne l’objectif zéro émission nette d’ici à 2050.

Les États-Unis et la Chine sont à la tête du classement mondial en matière d’émissions.

Cependant, alors que le président américain Joe Biden a annoncé le retour des États-Unis à l’Accord de Paris sur le climat et que la Chine a accepté de cesser de financer les centrales à charbon à l’étranger, les émissions de carbone ont augmenté en 2021, alors que les économies se remettaient de la première phase de la pandémie.

Lors de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) en novembre dernier à Glasgow, les pays se sont engagés à prendre des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, mais les intentions sont loin de se concrétiser.

Lors de la COP26, Joe Biden a insisté sur la nécessité de se débarrasser des carburants fossiles. Il a également demandé à l’Opep de pomper plus de pétrole, les prix de l’essence américaine  ayant atteint des niveaux record. L’inflation aux États-Unis est au plus haut depuis quarante ans. Pendant ce temps, la Chine a augmenté sa production nationale de charbon.

La COP26 s’est terminée par un engagement plutôt faible de «réduire progressivement» les centrales à charbon et de mettre fin aux subventions «inefficaces» des carburants fossiles.

L’effet de résonance plasmonique de surface

Quelques jours plus tard, Biden a autorisé la libération de cinquante millions de barils de pétrole de la réserve stratégique américaine vers son marché intérieur et s’est engagé à en libérer davantage pour réduire les tarifs de l'énergie. Au lieu de faire baisser les prix, cette mesure a entraîné une augmentation du prix du brut à court terme.

En bref, si l’appui à la limite d’1,5 °C a reçu un nouveau soutien politique en 2021, il semble qu’elle restera hors de portée en 2022.

Cependant, le changement climatique a continué d’avoir une incidence sur le pétrole et le gaz. Les problèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance, en plus d’autres pressions qui pèsent sur l’industrie, ont entraîné une baisse des investissements de plus d’un tiers dans le monde. Un rapport publié cette semaine par la société Rystad Energy a également révélé que les découvertes mondiales de pétrole et de gaz sont sur le point d’atteindre leur niveau annuel le plus bas en soixante-quinze ans si les dernières semaines de 2021 n’aboutissent pas à des découvertes importantes.

Les marchés de capitaux

Un autre fait marquant de l’économie mondiale cette année a été la résistance générale des marchés des capitaux malgré la pandémie.

En novembre, aux États-Unis, l’indice Standard and Poor’s 500 et le Dow Jones ont atteint des sommets historiques, tout comme le Nasdaq. La hausse des prix du pétrole et des actions du secteur minier a également entraîné le FSTE 100 à la hausse cette année. La flambée des prix du pétrole a stimulé l’indice boursier saoudien Tadawul All Share, qui a crû de plus d’un tiers cette année. La bonne performance du Royaume a également stimulé l’indice MSCI des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). L’indice, qui inclut Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, a augmenté de la même manière au cours de l'année.

De solides marchés boursiers ont joué un rôle vital dans les fusions et acquisitions mondiales, qui ont atteint un niveau record en 2021, dépassant les 5 000 milliards de dollars pour la première fois. Les volumes des fusions et acquisitions ont grimpé de 63% à 5 600 milliards de dollars le 16 décembre, selon un rapport publié par Dealogic. Un chiffre bien supérieur au record de 4 400 milliards de dollars réalisé en 2007 avant la crise du crédit.

Cette augmentation s’explique en partie par la demande comprimée de l’année dernière, lorsque le rythme des fusions et acquisitions a atteint son niveau le plus bas en trois ans.

Marché des cryptomonnaies

L’année qui s’achève est également celle où le marché des cryptomonnaies est arrivé à maturité. Après une année en dents de scie, la valeur totale des cryptomonnaies est passée à 3 000 milliards de dollars le mois dernier, avec  le Bitcoin en tête.

La politique de l’argent facile alimentée par la pandémie – la caractéristique principale du soutien économique mondial en 2021 – devrait enfin prendre fin en 2022.

Les perspectives économiques sont désormais dominées par les répercussions des pressions inflationnistes et d’une politique monétaire de plus en plus stricte, ainsi que par l’incertitude autour du variant Omicron. Tous ces facteurs pourraient freiner la reprise économique dans le monde.

Les banques centrales, plus particulièrement la Réserve fédérale américaine (FED) et la Banque d’Angleterre, ont signalé que des pressions inflationnistes élevées persistantes conduiront à des taux d’intérêt plus élevés au cours de l’année à venir. La Banque d’Angleterre a récemment relevé son taux directeur de 0,1% à 0,25%. La FED a indiqué qu’elle visait trois hausses de taux l’année prochaine. La Banque centrale européenne passe également à une politique plus stricte, quoique de manière plus progressive.

Inflation

L’inflation aux États-Unis est actuellement de 6,8%, alors qu’elle est de 5% dans l’ensemble de la zone euro. En Allemagne, la plus grande économie d’Europe, l’inflation est de 6% et de 5% au Royaume-Uni.

En 2022, les banques centrales devraient réduire les achats de titres de créance d’environ 2 000 milliards de dollars dans les quatre grandes économies avancées. JPMorgan estime que la demande d’obligations des banques centrales aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et dans la zone euro chutera de 2 000 milliards de dollars en 2022, après une réduction de 1 700 milliards de dollars en 2020.

Cette réduction est nécessaire après que le Fonds monétaire international (FMI) a publié, ce mois-ci, un rapport qui montre que l’année 2020 a enregistré la plus forte augmentation de la dette sur un an depuis la Seconde Guerre mondiale, atteignant 226 000 milliards de dollars. Les emprunts des gouvernements représentent plus de la moitié de ce chiffre.

Le rapport du FMI révèle que la dette mondiale a augmenté de 28% à 256% de la production mondiale.

Cependant le chiffre le plus frappant dans le contexte d’une politique monétaire plus stricte, est l’augmentation de la dette privée, qui représente 178% du produit intérieur brut mondial. Alors que les taux d’intérêt grimpent, les dettes mondiales impayées pourraient augmenter l’année prochaine, d’autant plus que la propagation des variants Omicron et Delta ont poussé les gouvernements du monde entier à imposer de nouvelles restrictions à l’activité économique.

Dans ce contexte, les chances d’un autre confinement et d’une reprise retardée diminuent de jour en jour.

L’économiste principal de Berenberg, Holger Schmieding, s’attend désormais à une baisse trimestrielle de 1% du PIB de la zone euro et du Royaume-Uni au premier trimestre 2022, révisant à la baisse les prévisions de croissance antérieures.

De ce fait, les projections, qui prévoient que l’économie mondiale devrait croître de 5,9% en 2021 et de 4,9% en 2022 commencent à sembler très optimistes

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le FMI avertit que les frappes américaines contre l'Iran pourraient perturber l'économie mondiale

Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. (Getty via AN)
Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. (Getty via AN)
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  • La directrice générale a déclaré que le FMI suivait de près la situation au Moyen-Orient.
  • Le rapport d'avril du FMI a mis en garde contre l'affaiblissement de l'économie mondiale.

DJEDDAH : Le Fonds monétaire international a averti que les frappes aériennes américaines sur l'Iran pourraient amplifier l'incertitude économique mondiale, avec des retombées potentielles bien au-delà des marchés de l'énergie, a déclaré son directeur à Bloomberg lundi.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a déclaré que le Fonds suivait de près la situation au Moyen-Orient, en particulier l'impact du conflit sur les prix du pétrole et du gaz et sur les voies d'approvisionnement.

Les remarques de Mme Georgieva interviennent après que l'armée américaine a mené des frappes ciblées sur des sites nucléaires en Iran, s'impliquant de fait dans la campagne d'Israël visant à démanteler le programme nucléaire du pays, malgré les menaces de représailles de Téhéran qui pourraient déclencher un conflit régional plus large.

Le président américain Donald Trump a déclaré que les principaux sites nucléaires iraniens avaient été "complètement et intégralement oblitérés" et a mis en garde le pays contre des attaques de représailles, affirmant que les États-Unis pourraient frapper d'autres cibles "avec précision, rapidité et compétence."

Mme Georgieva a déclaré à Bloomberg que le FMI considérait cela « comme une autre source d'incertitude dans un environnement très incertain », ajoutant que l'institution surveillait deux choses : « Premièrement, l'impact sur les primes de risque pour le pétrole et le gaz. Il y a eu un certain mouvement à la hausse, mais jusqu'où ira-t-il ? Deuxièmement, y aurait-il des perturbations dans l'approvisionnement en énergie ? »

Elle poursuit : "Pour l'instant, non. Mais voyons comment les événements évolueront - si des voies de livraison ou des retombées dans d'autres pays peuvent se produire. Je prie pour que ce soit le cas."

Selon Bloomberg, le pétrole brut Brent a brièvement augmenté de 5,7 % pour atteindre 81,40 dollars le baril au début des échanges asiatiques le 23 juin, avant de redescendre.

Lorsqu'on lui a demandé si le mécanisme de transmission, en particulier les canaux où elle voit le plus grand impact du choc du Moyen-Orient, se reflète actuellement dans les prix de l'énergie, la directrice générale a confirmé que c'était le cas.

"Il pourrait y avoir des impacts secondaires et tertiaires. Disons qu'il y a plus de turbulences qui affectent les perspectives de croissance des grandes économies, et qu'il y a alors un impact déclencheur dans une révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale", a-t-elle déclaré à Bloomberg.

"Comme vous le savez, nous avons déjà revu à la baisse les projections de croissance pour cette année et nous présenterons nos prochaines projections en juillet.

Mme Georgieva a poursuivi : "Ce que nous observons au cours des deux premiers trimestres de l'année confirme largement le tableau que nous avons dressé en avril, à savoir une croissance mondiale un peu plus lente, mais pas de récession.

Dans son rapport d'avril, le FMI avait lancé un avertissement concernant l'affaiblissement de l'économie mondiale, en revoyant nettement à la baisse les prévisions de croissance par rapport aux projections de janvier.

Le Fonds a identifié les tensions commerciales croissantes, le niveau record des droits de douane et l'imprévisibilité croissante des politiques comme des menaces majeures pour la stabilité économique à court et à long terme. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le secteur culturel saoudien devrait tripler la part du PIB pour atteindre 48 milliards de dollars d'ici 2030

 La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et les grands festivals tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. (Photo AFP)AFP
La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et les grands festivals tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. (Photo AFP)AFP
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  • La contribution du secteur culturel au produit intérieur brut à 3 % - soit 180 milliards de SR (48 milliards de dollars) - d'ici 2030, contre moins de 1 %, selon le ministre de la Culture, le prince Badr bin Abdullah bin Farhan.
  • Depuis la création du ministère en 2018, l'emploi dans le secteur a bondi de 318 %, tandis que le nombre de diplômés en culture a atteint 28 800 en 2024, soit une augmentation de 79 % par rapport à 2018.

DJEDDAH : L'Arabie saoudite prévoit de porter la contribution du secteur culturel au produit intérieur brut à 3 % - soit 180 milliards de SR (48 milliards de dollars) - d'ici 2030, contre moins de 1 %, selon le ministre de la Culture, le prince Badr bin Abdullah bin Farhan.

Dans une interview accordée à Al-Eqtisadiah, le ministre a déclaré que le secteur avait déjà dépassé sa part de 0,91 % du PIB, les objectifs de la Vision 2030 étant atteints plus tôt que prévu.

"La Vision 2030 constitue le fondement de la stratégie et de l'orientation du ministère de la culture", a-t-il déclaré.

"D'ici 2030, nous envisageons un environnement culturel qui nourrit les talents, encourage l'innovation au niveau local et international, et soutient l'épanouissement des entreprises créatives et culturelles". a déclaré le prince Badr lors de l'entretien.

"À terme, notre objectif est de porter la contribution du secteur au PIB à 3 %, ce qui équivaut à 180 milliards de francs suisses. "Cela représente la mission principale du ministère de la culture et de ses organes affiliés, qui doivent conduire une transformation culturelle ambitieuse.

Depuis la création du ministère en 2018, l'emploi dans le secteur a bondi de 318 %, tandis que le nombre de diplômés en culture a atteint 28 800 en 2024, soit une augmentation de 79 % par rapport à 2018. Le ministère a également délivré plus de 9 000 licences, tandis que les associations culturelles et les clubs amateurs sont passés de 28 à 993.

"L'un des résultats notables est l'augmentation du pourcentage de citoyens qui estiment que la culture est importante, qui est passé de moins de 70 % à 92 %", a déclaré le prince Badr. Le ministère supervise également les célébrations nationales telles que la Journée de la fondation et la Journée du drapeau, et a répertorié 9 317 sites d'antiquités et 25 000 sites du patrimoine urbain.

L'Arabie saoudite a désormais atteint son objectif Vision 2030 de posséder huit sites du patrimoine mondial de l'UNESCO, Al-Faw rejoignant la liste en 2024. La fréquentation des événements culturels a dépassé les 23,5 millions entre 2021 et 2024, et des festivals majeurs tels que le Festival du film de la mer Rouge et la Biennale des arts islamiques sont devenus des attractions mondiales. 

Le programme de bourses d'études culturelles a accordé des bourses à 1 222 étudiants qui étudient dans plus de 120 établissements dans différents pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. La souplesse du programme - pas de limite d'âge ni de formation académique requise - a permis d'élargir la participation. "Aujourd'hui, les boursiers poursuivent des études dans des domaines tels que la musique, le théâtre et les arts visuels", a déclaré le ministre.

Par l'intermédiaire du Fonds de développement culturel, le ministère a déboursé 377 millions de SR pour plus de 120 projets. "Les principaux domaines de croissance sont le patrimoine, la musique et la mode. Plus de 1 200 créateurs et entrepreneurs ont bénéficié de ses services de développement", a-t-il ajouté.

"Globalement, le rôle de la culture dans la création de valeur économique durable est de plus en plus reconnu", a déclaré le ministre. "Notre rôle est de préserver et de promouvoir l'identité culturelle tout en la rendant accessible et économiquement valable. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Enquête du sénat français sur la délinquance financière: Les mesures prises par les Émirats, un exemple à suivre

Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions.   « Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. (Photo LinkedIn)
Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions.  « Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. (Photo LinkedIn)
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  • Boutiques de façade, crypto actifs, rachat de tickets gagnants de jeux du hasard ou dissimulation dans l’immobilier sont autant de mécanismes mobilisés par les criminels, détaille le rapport
  • La France n’est pas dépourvue d’outils : Tracfin (l'organisme chargé de traquer les fraudes et le blanchiment), le Parquet national financier, les autorités de contrôle bancaire sont mobilisés

PARIS: En France comme partout dans le monde, la délinquance financière ne cesse de prendre de l’ampleur.

Derrière l’abstraction des chiffres, il paraît évident que le blanchiment d’argent alimente une économie parallèle qui fragilise l’État de droit et ruine la confiance dans les institutions. 

« Le blanchiment est le crime qui permet tous les autres », résume un récent rapport du Sénat, porté par deux sénateurs, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, dévoilé le 20 juin 2025. 

Ce constat met en lumière les failles de la lutte française contre ces circuits illicites, tandis que d’autres États, comme les Émirats arabes unis, se positionnent désormais en acteurs majeurs de la lutte contre les flux financiers criminels.

Le blanchiment de capitaux représente entre 2 et 5 % du PIB mondial, soit jusqu’à 4 000 milliards de dollars chaque année, selon l’ONU, à l'échelle française, cela se traduirait par 38 à 58 milliards d’euros réinjectés illégalement dans l’économie, or seuls 2 % de ces fonds sont effectivement confisqués par les autorités.

Loin d’être cantonnée au trafic des narcotiques, la délinquance financière s’appuie sur des réseaux multiples : trafic de migrants, contrefaçon, tabac illégal, fraude documentaire, autant de vecteurs qui génèrent des revenus massifs et requièrent, des dispositifs de blanchiment complexes. 

Boutiques de façade, crypto actifs, rachat de tickets gagnants de jeux du hasard ou dissimulation dans l’immobilier sont autant de mécanismes mobilisés par les criminels, détaille le rapport.

La France n’est pas dépourvue d’outils : Tracfin (l'organisme chargé de traquer les fraudes et le blanchiment), le Parquet national financier, les autorités de contrôle bancaire sont mobilisés. 

En 2024, Tracfin a enregistré plus de 211 000 signalements, dont l’essentiel provient du secteur financier, affirment le rapport mais de nombreuses zones d’ombre subsistent, et certaines professions, comme par exemple les antiquaires ou les agents sportifs, échappent encore à la régulation.

La commission sénatoriale, présidée Daubet avec Goulet comme rapporteuse, plaide pour une stratégie globale, dépassant le simple empilement d’outils. 

Elle propose notamment dans son rapport de renforcer la formation des enquêteurs, d’élargir les prérogatives des greffiers pour détecter les sociétés écrans, et de systématiser le contrôle de l’origine des fonds lors de la reprise d’entreprises.

Ces recommandations devraient déboucher sur plusieurs propositions de loi, dont l’une sur la contrefaçon (5 milliards d’euros de pertes annuelles pour la France), une autre sur le trafic de migrants, la fraude à l’identité ou les plaques falsifiées. 

Par ailleurs, certaines mesures n’exigent pas de loi, telles que la réorganisation des services, l’harmonisation des logiciels d’enquête, ainsi que les bonnes pratiques internes aux entreprises ou les nouveaux protocoles d’échange entre administrations.

Pour les sénateurs, il est urgent de bâtir une véritable culture de la lutte contre l’argent sale, « Ce n’est pas qu’un sujet technique, il faut créer une dynamique collective, une prise de conscience nationale et européenne », estime Goulet. 

Alors que la France peine à muscler son dispositif, les Émirats arabes unis illustrent selon le rapport une évolution spectaculaire. 

Longtemps perçu comme un paradis pour les flux opaques, le pays a opéré un redressement stratégique depuis son inscription sur la liste grise du GAFI en 2022, deux ans plus tard, en février 2024, ils en sont officiellement sortis.

Soucieuse d’évaluer cette transition, une délégation du Sénat s’est rendue sur place en mars 2025, peu après, le 5 juin, la Commission européenne annonçait elle aussi le retrait des Émirats de sa propre liste des pays tiers à haut risque, saluant leur conformité croissante aux normes internationales.

Les Émirats ont misé sur un modèle légal souple, inspiré de systèmes comme celui de Singapour ou de l’Australie, ils ont adopté des textes, souvent courts, qui laissent une large marge d’interprétation aux autorités. 

Dans un pays majoritairement peuplé d’expatriés, l’arsenal répressif repose avant tout sur les expulsions, la saisie d’actifs, et une surveillance numérique renforcée.

Leur infrastructure numérique souligne le rapport est sans équivalent dans la région, réseau 5G ultra-rapide, taux d’accès à Internet supérieur à 99 %, et capacité technologique avancée de suivi des communications, des atouts qui permettent un contrôle strict, rapide et efficace des flux financiers suspects.

Le rapport détaillé le dispositif des Émirats, au cœur duquel se trouve « The Executive Office of Anti Money Laundering » et le « Counter Terrorism Financing », une task force composée de 11 départements spécialisés. 

Cette structure centrale est chargée de coordonner les efforts de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, dans le respect des recommandations du GAFI.

Les résultats parlent d’eux-mêmes puisque selon le rapport, entre mars et juillet 2023, plus de 329 millions d’euros d’avoirs illicites ont été saisis, en trois ans, le montant total des amendes infligées aux contrevenants a été multiplié par 25..

Par ailleurs, les Émirats ont accru le contrôle des professions non financières, longtemps vulnérables, comme les agents immobiliers ou les maisons de ventes, en imposant des formations obligatoires, des obligations de vigilance, et des programmes de conformité.

La stratégie émirienne ne vise pas seulement à rassurer les instances internationales, elle s’inscrit aussi dans une ambition diplomatique plus large : devenir un acteur régional majeur en matière de gouvernance financière, d’ailleurs l'ouverture en 2025 d’un bureau régional du GAFI à Abou Dhabi illustre cette volonté de leadership.

Le pays a signé de nombreux accords de coopération, notamment avec TRACFIN en février 2024, et aligné ses normes sur celles de l’Union européenne et des États-Unis. 

L’interdiction d’entrée sur le sol émirien du yacht de luxe « Flying Fox », visé par des sanctions internationales, témoigne d’un changement de posture radical assuré le rapport et la modernisation du secteur des paiements complète ce paysage, à travers surtout la réduction des transactions en espèces.

Le combat contre le blanchiment ne peut être gagné par un seul pays, estiment les auteurs du rapport. Il exige une approche transversale, une coopération entre États, et une volonté d’agir à la fois sur le plan juridique, technologique et culturel. 

La France, en quête d’une meilleure coordination et d’une dynamique législative nouvelle, peut selon eux trouver une source d’inspiration dans l’exemple des Émirats arabes unis.