Turquie: la vague xénophobe progresse

Des réfugiés syriens attendent de monter dans un bus à Istanbul pour rejoindre les villages frontaliers de la province d'Edirne. (Photo, AFP).
Des réfugiés syriens attendent de monter dans un bus à Istanbul pour rejoindre les villages frontaliers de la province d'Edirne. (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 24 janvier 2022

Turquie: la vague xénophobe progresse

  • Une spécialiste des migrations critique le «discours haineux» de personnalités issues de différents partis politiques
  • L'absence de protection internationale pour les réfugiés les plonge dans une situation précaire, explique-t-elle à Arab News

ANKARA : Alors que des rapports inquiétants font état d'assassinats de réfugiés syriens en Turquie, leur sécurité est devenu un sujet de préoccupation dans le pays, où les exilés étaient autrefois accueillis à bras ouverts.
Les difficultés économiques de la Turquie, pays au taux de chômage élevé et une baisse du pouvoir d'achat due à l'inflation, ont poussé beaucoup à accuser les étrangers.
L'utilisation fréquente de la rhétorique anti-réfugiés par les politiciens a attisé le racisme à leur encontre. Un tribunal turc a récemment annulé les projets controversés du maire de la ville de Bolu (dans le nord-ouest du pays), Tanju Ozcan, qui prévoyait de décupler les factures d'eau pour les étrangers, ainsi que de faire payer 100 000 livres turques (7 435 dollars) pour les cérémonies de mariage civil des étrangers en Turquie.
«Ils ont abusé de notre hospitalité. Si je le pouvais, je ferais appel à des fonctionnaires municipaux pour les expulser par la force», a déclaré Ozcan. «Je sais que les gens vont parler des droits de l'homme et qu'ils vont me traiter de fasciste. Je m'en moque tout simplement.»
Le sentiment anti-immigrés s'est renforcé, exacerbé par un afflux d'Afghans après la prise de contrôle de leur pays par les talibans en août 2021.
La semaine dernière, Nail Al-Naif, un réfugié syrien de 19 ans, a été tué à Istanbul par un groupe d'hommes alors qu'il dormait dans sa chambre. Huit personnes, dont cinq Turcs et trois Afghans, ont été arrêtées.
La même semaine, un autre jeune Syrien a été poignardé alors qu'il se promenait dans un parc de la ville de Diyarbakir, dans le sud-est du pays. Cette attaque est survenue quelques jours seulement après l'attaque d'un centre commercial fréquenté par des Syriens à Istanbul. Une bande a pris le lieu d'assaut, pour une cigarette refusée à un citoyen turc par un réfugié syrien, selon les dires.
Plus sordide encore, trois jeunes travailleurs syriens ont été brûlés vifs en novembre dernier.
La police a arrêté un Turc, qui a avoué avoir volontairement provoqué l'incendie de leur appartement, là également pour raisons xénophobes.
D'après Muge Dalkiran, spécialiste des questions migratoires et chargée de cours à l'Institut des sciences humaines de Vienne, les réfugiés sont devenus des boucs émissaires en Turquie. La concurrence économique accrue, les préoccupations ethniques ou religieuses et les inquiétudes sécuritaires étant selon elles les principaux facteurs.
«La tension s'est également accrue en raison de la désinformation dans les médias, des propos xénophobes et des discours haineux tenus par des personnalités publiques issues de différents partis politiques qui représentent des groupes larges et divers de la société turque», a-t-elle expliqué à Arab News.
La xénophobie ambiante à l'égard des migrants et réfugiés n'est bien sûr pas un phénomène unique à la Turquie, mais le problème est qu'elle peut s'y exprimer avec impunité, poursuit Dalkiran. «L'absence de définition juridique claire de la xénophobie et de la discrimination raciale, ainsi que le manque d'application de la loi, contribuent à l'impunité des crimes motivés par des attitudes racistes et xénophobes.»
«En outre, l'absence de protection internationale des réfugiés crée une situation précaire pour eux», a-t-elle ajouté.
La Turquie, ayant imposé une limite géographique à la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951, ne peut accorder le statut de réfugié aux principales nationalités d'arrivants, en majorité venus de Syrie, d'Afghanistan ou d'Irak.
«Bien souvent, par crainte de détention ou d'expulsion, les groupes de migrants et de réfugiés en Turquie ne peuvent même pas accéder aux mécanismes de plainte officiels lorsqu'ils sont victimes d'actes de violence», a souligné Dalkiran.
Près de 3,7 millions de réfugiés syriens sont sous protection temporaire en Turquie, vivant pour la plupart à Istanbul et dans la province de Gaziantep, dans le sud-est du pays.
Plus de 2,6 millions de d'entre eux sont âgés de moins de 30 ans. Au total, le pays abrite environ 5,3 millions d'étrangers.
Selon Metin Corabatir, président du Research Center on Asylum and Migration à Ankara, toutes les manifestations de haine à leur égard ne sont pas documentées.
«Les réfugiés syriens à Ankara ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école de peur qu'ils ne soient victimes de violences physiques ou de discours haineux», a-t-il précisé à Arab News.
«Ils ne peuvent pas garantir leur propre sécurité et les enfants le paient en retour avec un déclin des taux de scolarisation», a-t-il ajouté.
En août 2021, la tension est montée dans le quartier Altindag d'Ankara, où la population syrienne est concentrée dans la capitale.
A la suite d'une rixe au couteau entre autochtones et Syriens, plusieurs lieux de travail et logements de ces derniers ont été pris pour cible.
«Les propriétaires de logements (turcs) du district d'Altindag auraient commencé à refuser de louer leurs propriétés aux Syriens», a déclaré Corabatir.
«La municipalité a brusquement cessé de founir du charbon et de l'aide alimentaire aux Syriens de la ville sans donner d'excuse. Les politiciens de l'opposition ont commencé à promettre de renvoyer les Syriens dans leur pays d'origine», a-t-il ajouté.
«Alors que la date des élections parlementaires approche, les réfugiés et les étrangers en général ont été utilisés à des fins électoralistes», a souligné Corabatir.
Les groupes de défense des droits soulignent également la vague alarmante de discours haineux dans le pays à l'encontre des étrangers en général. Récemment, un chauffeur de taxi d'Istanbul a battu une Française après l'avoir surfacturée, elle et son mari.
«Nous ne pouvons pas renvoyer ces réfugiés en Syrie, qui n'est toujours pas sûre», a affirmé Corabatir. «Plusieurs organisations internationales de défense des droits, comme Amnesty International, ont annoncé que ceux qui sont rentrés chez eux ont été victimes de torture, de disparition et de détention.»
En janvier, une vidéo publiée sur les réseaux sociaux  montrait un homme brisant les portes et les fenêtres de ses locataires syriens, qu'il souhaitait expulser après que ceux-ci aient refusé de payer leur loyer augmenté de 150%.
Dalkiran a souligné la nécessité pour les partis politiques et leurs dirigeants, les médias, le monde universitaire et la société civile d'adopter une approche cohérente et inclusive des questions liées aux réfugiés.
«Plutôt que des discours populistes visant à garantir les gains électoraux, une approche fondée sur les droits de l'homme devrait être privilégiée», a-t-elle précisé.
«Cela doit s'accompagner d'efforts de sensibilisation sociale pour lutter contre le racisme et la xénophobie en même temps que les droits des migrants et des réfugiés.»
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com