Soudan: trois morts dans de nouvelles manifestations anti-putsch

Les manifestants réclament un pouvoir civil dans un pays quasiment toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 66 ans. (AFP)
Les manifestants réclament un pouvoir civil dans un pays quasiment toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 66 ans. (AFP)
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Publié le Mardi 25 janvier 2022

Soudan: trois morts dans de nouvelles manifestations anti-putsch

  • Les manifestants dénoncent également la répression qui a tué 75 manifestants depuis le coup d'Etat du chef de l'armée, Abdel Fattah al-Burhane
  • Le parti Oumma, le plus ancien du pays, dont plusieurs responsables ont été arrêtés lors du putsch, a une nouvelle fois redit dans un communiqué qu'il faut «effacer toutes les traces du coup d'Etat»

KHARTOUM: Trois manifestants ont été tués au Soudan lundi lors de nouveaux rassemblements contre le putsch et le pouvoir militaire, une mobilisation populaire qui ne faiblit pas depuis le coup d'Etat du 25 octobre en dépit d'une répression meurtrière et de nouvelles rafles.


Les manifestants réclament un pouvoir civil dans un pays quasiment toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 66 ans.


Ils dénoncent également la répression qui a tué 75 manifestants depuis le coup d'Etat du chef de l'armée, Abdel Fattah al-Burhane.


De l'autre côté, un haut-gradé a été poignardé à mort le 13 janvier par des manifestants à Khartoum, selon la police.


Lundi à Khartoum, les manifestants ont tenté de nouveau, sous les tirs de grenades lacrymogènes des forces de sécurité, de converger vers le palais présidentiel où siège le général Burhane, le dirigeant de facto du pays. 


Plusieurs manifestants ont été aperçus respirant difficilement à cause des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de sécurité pour les disperser. D'autres saignaient après avoir été touchés par des grenades lacrymogènes, selon le correspondant de l'AFP. 


Le Comité central des médecins, proche de la contestation, a souligné un "usage excessif de la violence" de la part des forces de sécurité contre les manifestants à Khartoum et dans sa banlieue de Omdourman.


Dans la capitale, un manifestant a été tué d'une "balle réelle dans la poitrine", un autre d'"une balle dans la tête" et un troisième a trouvé la mort après avoir été touché par "une balle à la tête" à Wad Madani, à 200 kilomètres plus au sud, selon ces médecins.

«Effacer» le putsch 
A Khartoum et Omdourman, les manifestants ont scandé "le peuple a choisi les civils" et "le pouvoir au peuple!", de même qu'à Wad Madani, à Gedaref et Port-Soudan dans l'est côtier du pays.


Avec son coup de force, le général Burhane a mis un coup d'arrêt à la transition vers un pouvoir entièrement civil promise il y a plus de deux ans après la chute du dictateur Omar el-Béchir, démis par l'armée sous la pression de la rue.


Il faut "effacer toutes les traces du coup d'Etat", revenir à un gouvernement civil et "écarter le chef des putschistes et son pouvoir immédiatement", a une nouvelle fois redit le parti Oumma, le plus ancien du pays, dont plusieurs responsables ont été arrêtés lors du putsch, dans un communiqué.


Comme à chaque fois à la veille des manifestations, les forces de sécurité ont procédé à des rafles nocturnes, arrêtant des membres des Comités de résistance dans différents quartiers de Khartoum, ont indiqué ces organisations locales, véritable colonne vertébrale de la mobilisation.

«Des fusils et des fouets»
Avant eux, Amira Osmane, militante des droits des femmes la plus connue du pays, a elle aussi été enlevée à son domicile, a indiqué à l'AFP la secrétaire générale de son association "Non à l'oppression des femmes", Tahani Abbas.


Samedi soir, "vers minuit et demi, trente hommes armés de fusils et de fouets et cagoulés sont entrés chez elle", a-t-elle raconté. 


"Ils ont refusé de dire pour le compte de qui ils agissaient et ils l'ont emmenée vers une destination inconnue" où elle est toujours détenue, poursuit la militante.


Mme Osmane, qui avait fondé son organisation sous la dictature militaro-islamiste de Omar el-Béchir, souffre de graves problèmes de dos, ajoute-t-elle, disant s'inquiéter pour sa santé.


L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a condamné cet enlèvement, estimant que "la violence contre les militantes des droits des femmes menace de réduire leur participation à la vie politique" dans un pays, où déjà, selon l'ONU, 13 manifestantes ont été violées par des forces de sécurité décidées à en finir avec l'opposition.


Alors que la liste des exactions ne cesse de s'allonger, Khartoum a récemment reporté la visite de l'envoyé spécial de l'ONU pour les droits humains.


La communauté internationale, elle, continue à réclamer un dialogue pour sortir de la crise.


Des responsables de l'ONU rencontrent depuis plusieurs jours politiciens, militants et représentants corporatifs sans pour autant avoir pu les amener jusqu'ici à discuter ensemble.


Le général Burhane, lui, a récemment annoncé un gouvernement "chargé des affaires courantes".


Il y a nommé des hauts fonctionnaires en remplacement des ministres civils, pour beaucoup arrêtés au moment du putsch. Et, surtout, il a maintenu les ministres issus des anciens groupes rebelles armés, seul groupe épargné par les purges.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.