Un système de santé en déliquescence laminé par la pandémie

Le médecin français Pierre-Emmanuel Lebas (C) s'entretient avec un patient aux urgences de l'hôpital de Draguignan le 11 janvier 2022. Situé dans un département de la Côte d'Azur, région pourtant bien dotée en structures médicales, ce centre hospitalier dans l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100 000 habitants. Nicolas TUCAT / AFP
Le médecin français Pierre-Emmanuel Lebas (C) s'entretient avec un patient aux urgences de l'hôpital de Draguignan le 11 janvier 2022. Situé dans un département de la Côte d'Azur, région pourtant bien dotée en structures médicales, ce centre hospitalier dans l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100 000 habitants. Nicolas TUCAT / AFP
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Publié le Mardi 25 janvier 2022

Un système de santé en déliquescence laminé par la pandémie

  • Désert médical, crise de l'hôpital, soignants au plus mal: percuté par le Covid après des décennies de restrictions, le système de santé français traverse une grande dépression à l'approche de la présidentielle
  • La crise sanitaire continue de laminer un secteur pressé par dix années d'étau budgétaire, aux conséquences délétères: endettement, sous-investissement, salaires en berne

PARIS: Désert médical, crise de l'hôpital, soignants au plus mal: percuté par la Covid après des décennies de restrictions, le système de santé français traverse une grande dépression à l'approche de la présidentielle que le quinquennat Macron n'a pas su prévenir. A moins de trois mois de l'élection, des soignants interpellent les politiciens : «Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir !» Des hôpitaux de proximité, loin de l'hôpital-entreprise, des embauches, de jeunes recrues notamment, la suppression des ARS... les candidats à l'Elysée ne manquent pas d'idées pour remettre d'aplomb le secteur de la santé, répondre aux besoins des hôpitaux et lutter contre les déserts médicaux.

"Quoi qu'on mette en place, tout se délite, il n'y a rien qui les retient": dans un service de réanimation parisien, une cadre de santé expérimentée peine à combler les nombreux postes vacants dans son équipe d'infirmières.
Les jeunes "ne veulent plus de ce boulot" et "ne sont pas prêts à faire tous les sacrifices" consentis par leurs aînés. "Et ils ont sûrement raison", ajoute-t-elle.
Dans chaque hôpital, les mêmes "vagues" de départs ont suivi les marées de l'épidémie.
La crise sanitaire continue de laminer un secteur pressé par dix années d'étau budgétaire, aux conséquences délétères: endettement, sous-investissement, salaires en berne. Les milliards du "Ségur de la santé", déversés entre deux confinements, ont à peine desserré l'étreinte.
Partout reviennent les mêmes témoignages de lits fermés faute de soignants pour les "armer", de plannings bouclés au prix d'heures supplémentaires et de congés abandonnés.

 

Paroles d'infirmières face à «la déliquescence de l'hôpital public»

«Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir !»: des infirmières de l'hôpital public voudraient que le prochain quinquennat se traduise par une hausse des effectifs, des salaires et du nombre de lits pour pouvoir s'occuper "dignement" des patients, comme l'illustrent des témoignages recueillis par l'AFP.

«Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien»
Séverine est infirmière en soins généraux (IDE) dans un hôpital du Val-de-Marne. Son souhait: "Qu'on nous laisse le temps de nous occuper de nos patients".
"Les soignants ne veulent plus venir travailler à l'hôpital", relate la quadragénaire, pour qui cette désaffection est liée "aux salaires", "un vrai problème".
Mais aussi au nombre insuffisant d'infirmiers. "En réanimation, nous avons la chance d'avoir un quota réglementé -deux infirmières pour cinq lits- mais ce n'est pas le cas des autres services".
"Quand il manque quelqu'un, eh bien c'est pas grave... L'infirmière prend plus et encore plus de malades, au détriment de la qualité des soins qu'elle délivre aux patients".
Quand la soignante est interrogée sur ses attentes pour le prochain quinquennat, elle répond du tac au tac: "Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien", "alors qu'au fond, rien ne fonctionne".

«Qu'on arrête de fermer des lits»
Lilas, infirmière anesthésiste diplômée d'État (IADE) à Paris depuis 15 ans, explique attendre "un petit peu comme tout le monde" qu'on "arrête de fermer des lits".
"Les urgences sont saturées, des personnes âgées, isolées, sont opérées en ambulatoire parce qu'il n'y a pas de lit pour elles, même pour 24h", détaille-t-elle. "Mais une petite mamie de 86 ans qui s'est fait opérer de la hanche, si elle tombe, elle ne se relève pas".
Sans parler des délais d'attente pour avoir un rendez-vous. "Tout le monde ne peut pas aller dans le privé !", fait valoir la quinquagénaire, parlant "de système à deux vitesses".
L'infirmière espère également voir arriver embauches et revalorisations salariales. "Quand une infirmière est toute seule pour 35 malades, elle fait comment ?"
Avec la crise du Covid, "nous avons répondu présent, mais les politiques ne répondent pas présent: c'est toujours l'austérité". "Nous sommes fatigués, nous sommes désabusés, nous sommes dégoûtés".

«Qu'ils recrutent du personnel et revalorisent les salaires»
Les politiques ? "Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir exactement comment ça se passe dans un service, qu'ils se rendent compte des difficultés qu'on rencontre", exhorte Magali, infirmière à l'hôpital Bicêtre en région parisienne.
La trentenaire demande une chose: "qu'il y ait plus de personnels soignants -médecins et paramédicaux- auprès des patients pour s'occuper dignement d'eux". Mais "avec le Covid, l'hôpital attire encore moins. Les gens n'ont plus envie de venir y travailler", constate la jeune infirmière, en poste dans un service de réanimation.
"On veut bien soigner les gens, mais il faut mettre le personnel pour et traiter ces derniers convenablement pour qu'ils restent", poursuit-elle, jugeant nécessaire "qu'ils recrutent du personnel et revalorisent les salaires".

«Que la politique de santé soit une réelle priorité»
Aurélie, infirmière anesthésiste dans les Hauts-de-Seine depuis six ans, raconte assister "à la déliquescence de l'hôpital public". "Un scénario déjà en route avant le Covid mais qui s'est précipité avec la crise sanitaire".
"Il faut que la politique de santé soit une réelle priorité" du prochain quinquennat "avec un mot d'ordre: attractivité des métiers du soin".
Pour cela, outre les revalorisations et la révision des ratios de patients par infirmier, la quadragénaire juge nécessaire de "donner des perspectives d'évolution aux infirmiers".
"Nous sommes sur le qui-vive concernant la fin de cette législature et le prochain quinquennat", explique l'infirmière anesthésiste, rappelant que les IADE se battent depuis un an pour "une reconnaissance statutaire". Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'y est engagé. Reste à savoir "si les paroles vont être actées concrètement".
Et plus généralement, Aurélie voudrait voir stopper "la démédicalisation de la gouvernance des hôpitaux" pour que les décisions ne se fassent plus uniquement sous le prisme financier. "L'hôpital n'est pas une entreprise de soins". "On a déshumanisé les métiers du soin, sabotant toute vocation".

 

Mais vu du ministère, "il n'y a pas de saturation générale". Au contraire, "il y a encore de la place" dans la plupart des services, malgré la réduction continue des "capacités": 20% en vingt ans, soit 100.000 lits de moins.
Pendant ce temps, la fréquentation des urgences a doublé. Avec 22 millions de passages par an, l'engorgement est manifeste, la tension palpable. La longue grève de 2019 n'avait pas surgi de nulle part. Là aussi les bras manquent, au point que certains services ne tournent qu'avec des intérimaires recrutés à prix d'or.
D'autres affichent porte close la nuit, laissant dans le dénuement ceux pour qui l'hôpital est devenu le premier recours.

Gérer la pénurie

Leur nombre s'accroît à mesure qu'avancent les "déserts médicaux". Selon les définitions, entre 3,7 et 7,4 millions de personnes habitent une "zone sous-dense", où l'accès aux généralistes est limité à deux ou trois consultations par an.
Chez les spécialistes, les délais de rendez-vous se comptent parfois en mois. La faute au choix malthusien du "numerus clausus", supprimé l'an dernier après avoir asséché le vivier pendant un demi-siècle.

Dans le Lot, département rural du Sud-Ouest, Philippe Dumont, 70 ans, cherche en vain depuis trois mois un médecin traitant pour lui et surtout sa femme Véronique, 66 ans, atteinte de deux cancers.
Sa quête l'a mené jusqu'à 60 kilomètres autour de leur village de Gigouzac. Mais il n'a essuyé que des refus.
"La galère" a commencé en octobre, se souvient-t-il, lorsqu'ils essaient de prendre rendez-vous avec leur généraliste à Cahors, à une trentaine de minutes de route de chez eux.
"Un message laconique nous apprend que ce radical antivax, par ailleurs très compétent, a été suspendu par l'ARS."
Depuis, les refus des autres médecins s’accumulent. "Quelle que soit la façon dont on s'y prenne, par téléphone ou par Doctolib, la réponse est toujours la même: +on ne prend plus de patients+"!

Dans ce contexte, le couple envisage de déménager près de Toulouse, à 130 kilomètres de là, où Véronique Dumont est suivie par un oncologue.
C'est déjà dans cette ville qu'ils vont "voir, après avoir pris rendez-vous six mois plus tôt, l'ophtalmo ou les autres spécialistes qui ont déserté le Lot".

"J'ai 62 ans, je vais essayer de tenir encore un peu" avant la retraite: à moins de trois mois de la présidentielle, Dominique Bassenne, l'un des deux derniers gynécologues de Bar-le-Duc déplore, comme plusieurs collègues, le manque de clarté des candidats sur la santé.
Il en est certain: quand il aura définitivement fermé la porte de son cabinet, ouvert en 1996 avec deux associés partis à la retraite depuis, personne ne viendra le remplacer.
"En 2021, j'ai fait 7.500 consultations", raconte le médecin, parfois obligé d'orienter des patientes vers des généralistes. "Mais c'est pareil, ils sont débordés, alors les patientes vont finir aux urgences", elles aussi "débordées", selon lui.
Et pour une consultation à son cabinet, qui ne désemplit pas de 08H30 à 20H00, pas de rendez-vous "avant fin mars", précise le praticien pour qui la situation reste "gérable" mais qui n'a jamais "eu ce délai-là".
La Meuse compte encore huit gynécologues-obstétriciens en activité, en cabinet ou à l'hôpital, selon l'Ordre des Médecins, soit 8,5 praticiens pour 100.000 habitants. La médiane française est de 14,2 pour 100.000, et le département "le moins bien loti" est la Creuse, avec 3,3 praticiens pour 100.000 habitants, précise l'Ordre.
Désormais la démographie médicale recule, quand la population française augmente et vieillit. Un "creux" est attendu dans les prochaines années, qui serait comblé "à l'horizon 2030" grâce au relèvement des quotas d'étudiants admis par les universités.

Au total, les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur prévoient de former 51.505 médecins entre 2021 et 2025. Emmanuel Macron a promis une enveloppe de 19 milliards pour le Ségur de la Santé et la suppression du numerus clausus, laissant la porte ouverte à la possibilité de créer une 4e année obligatoire des études de médecine dans les déserts médicaux, une idée que défend la candidate LR Valérie Pécresse.
En attendant il faudra gérer la pénurie. Les tentatives répétées pour encadrer la liberté d'installation des praticiens échouent immanquablement: trop conflictuel, pour un résultat incertain, la contrainte risquant d'agir comme un repoussoir.
Même rejet systématique pour l'obligation d'exercer quelques années dans un "désert" après dix ans d'études. Une proposition vécue comme une provocation par des internes déjà pressurés bien au-delà du maximum légal de 48 heures hebdomadaires et sans qui l'hôpital s'écroulerait.

Avec la campagne présidentielle ressurgit aussi l'idée de "débureaucratiser" les établissements publics, reprise en choeur par trois des favoris de droite et d'extrême droite - Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour - à grand renfort de chiffres erronés: loin des 30% à 35% avancés à la volée, les postes administratifs ne représentent que 10% du million de salariés du secteur, contre 13% dans le privé.
A gauche, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, promettent 100.000 soignants supplémentaires et de nouvelles hausses de salaires, mais la facture du "Ségur", financée à crédit, ne laisse pas de marge de manoeuvre budgétaire, sauf à plomber un peu plus le déficit de la Sécu.
Reste la piste du partage de tâches, qui consiste à élargir les compétences des infirmiers, kinés et autres paramédicaux pour alléger le fardeau des médecins. Mais ces derniers freinent toute évolution, rechignant à échanger leur pouvoir - et l'argent qui va avec - contre ce temps qui leur manque si cruellement.

 

Présidentielle: cinq propositions des candidats sur la santé passées au crible

Une multitude de propositions: avec la crise sanitaire qui a mis en évidence les besoins des hôpitaux et les difficultés pour nombre de Français d'accéder à un médecin, les candidats à l'Elysée fourmillent d'idées pour remettre d'aplomb le secteur de la santé. En voici cinq d'entre elles:

Adieu à l'hôpital-entreprise (gauche)
A gauche, c'est la gestion elle-même des hôpitaux qui est remise en cause par les candidats. Christiane Taubira souhaite ainsi "sortir l’hôpital public de la tyrannie comptable de la tarification à l'activité". Pour y parvenir, elle entend notamment recruter "100.000 soignantes et soignants" et les rémunérer correctement, dignement, à la hauteur des meilleurs de nos partenaires européens", afin de soulager le personnel des hôpitaux fortement éprouvé par la crise sanitaire.
Sa rivale à gauche, la PS Anne Hidalgo, veut elle aussi "tourner la page de l’hôpital-entreprise". Elle prévoit également de recruter massivement et promet de mettre sur pied "une conférence sur les salaires avec les organisations patronales et syndicales".
Au-delà de la gauche, l'ensemble des candidats à l'Elysée proposent de recruter. Mais le chef de l'Etat élu en avril devra aussi trouver le moyen de financer ces mesures, la facture du "Ségur", financée à crédit, ne laissant pas beaucoup de marge de manoeuvre budgétaire.

Des hôpitaux de proximité (Roussel et Mélenchon)
S'il était élu président le 24 avril prochain, le communiste Fabien Roussel entend lutter contre les déserts médicaux en construisant un hôpital public de proximité à moins de 30 minutes de chaque bassin de vie. Le candidat, qui présente la santé comme "un bien commun", prévoit que ces hôpitaux disposent d’une maternité, d'un service d'urgence et de chirurgie.
Dans le même esprit, le LFI Jean-Luc Mélenchon propose un service d'urgence hospitalière, un EHPAD et une maternité à moins de 30 minutes de chaque Français.

"Docteur junior" à la campagne (Pécresse)
Pour lutter contre les déserts médicaux, où les généralistes font défaut, la candidate LR Valérie Pécresse souhaite puiser dans le vivier des étudiants en médecine. "Je proposerai à 4.000 étudiants en médecine générale une année de « docteur junior » pour qu’ils viennent exercer dans les territoires sous-dotés".
Elle souhaite aller ainsi plus loin que la suppression du numérus clausus adoptée par le président sortant Emmanuel Macron, qui n'a pas encore officialisé sa candidature. Cette mesure, votée en 2019 et mise en oeuvre en 2021 par le gouvernement, laisse les universités fixer elle-mêmes leurs capacités d'accueil et ses résultats ne devraient être visibles que dans plusieurs années, lorsque les nouveaux étudiants de 2021 seront diplômés.

Embauches d'urgence de médecins (Zemmour)
Le polémiste d'extrême-droite Eric Zemmour entend lutter contre les déserts médicaux grâce à "l'embauche en urgence" par l'Etat de 1.000 médecins salariés, envoyés dans ces territoires. Pour y parvenir, il cite régulièrement en exemple le département de Saône-et-Loire qui a salarié des médecins dans ses centres de santé. Il défend aussi des services d'urgence de proximité.
Suppression des ARS (Le Pen et Zemmour)
Les Agences régionales de santé (ARS) dont l'action lors du premier confinement avait été fortement critiquées par les élus locaux, se retrouvent malgré elles dans le programme des deux candidats d'extrême droite. Marine Le Pen veut les supprimer et confier leur mission aux préfets de région. Eric Zemmour compte également supprimer les ARS, car il trouve qu'on a "technocratisé la gestion de la médecine". D'une manière générale, la débureaucratisation du secteur de la santé revient chez de nombreux candidats.
Et aussi... des expropriations
A l'extrême gauche, le candidat du NPA Philippe Poutou, veut "exproprier les grands groupes de l’industrie pharmaceutique" afin de "nous réapproprier les outils de production, sans indemnité ni rachat".

(Avec AFP)


Lancés vers 2027, Bardella et Mélenchon préparent leur lutte finale

Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
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  • À un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà le récit d’un duel annoncé entre l’extrême droite et la gauche radicale
  • Tandis que le RN estime qu’un face-à-face avec Mélenchon faciliterait la victoire de Bardella, les Insoumis jugent au contraire le président du RN plus fragile que Marine Le Pen

PARIS: Quatre décennies les séparent. Vingt points dans les sondages, aussi. Favoris de leurs camps respectifs à un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà à distance le récit de leur affrontement final.

Pour provoquer un duel, il faut désigner l'adversaire. Jordan Bardella a choisi le sien et ne manque pas une occasion ces derniers mois de cibler un Jean-Luc Mélenchon qui "met de l'huile sur le feu" et "veut l'implosion du pays", incarnation d'une "menace qui pèse sur nos valeurs".

Du haut de ses 30 ans, le jeune président du Rassemblement national cherche aussi à discréditer son aîné, âgé de 74 ans, en l'accusant systématiquement de "s'être allié" à Emmanuel Macron aux dernières législatives. L'épouvantail insoumis, "main dans la main" avec le président repoussoir "pour m'empêcher de devenir Premier ministre", se lamente presque le remplaçant désigné de Marine Le Pen - en cas d'inéligibilité confirmée en appel.

Un acharnement justifié par ce constat: "Il est à gauche celui qui a la possibilité d'emmener son camp au second tour de l'élection présidentielle". Le parti à la flamme étant, dans tous les pronostics, déjà qualifié pour la finale, inutile donc de s'épuiser contre des outsiders.

"À part Marine et Jordan, y a rien d'autre", résume un eurodéputé RN, qui reconnait quelques qualités au tribun de la gauche radicale: "Il sait s'exprimer, il a du talent", et surtout "il a un socle d'adhésion en dessous duquel il ne peut pas descendre".

La question n'est donc "pas de savoir s'il est le meilleur", de toute façon "c'est lui qui sera au second tour", ajoute ce cadre du mouvement d'extrême droite, pour qui ce scénario "rend plus simple l'élection". Chacun ayant en tête le récent sondage prédisant une victoire écrasante (74% contre 26%) de M. Bardella dans un second tour face à M. Mélenchon.

Un proche de Mme Le Pen faisait la même analyse au début de l'automne: "Pour gagner, il vaut mieux être contre un Mélenchon" jugé "très clivant", même si "une partie des gens votera moins pour nous que contre lui".

- "Bardella, c'est plus simple" -

Du côté des Insoumis, cela fait plus de 10 ans, avant même la création de LFI, que Jean-Luc Mélenchon prophétise: "à la fin ça se terminera entre eux et nous". Comprendre l'extrême droite et la gauche radicale.

Et ils sont persuadés que cette fois, leur fondateur pourrait accéder au second tour après trois échecs - à chaque fois derrière Marine Le Pen. Et que Jordan Bardella, en raison de son manque d'expérience et son profil plus libéral que la patronne du RN, ferait un meilleur adversaire que cette dernière.

"Bardella, c'est plus simple que Marine Le Pen au second tour. Il apprend par coeur mais il ne réfléchit pas par lui-même. Il peut s'effondrer pendant la campagne, comme lors des législatives l'année dernière", assure le coordinateur de LFI Manuel Bompard, alors que le mouvement mélenchoniste a acté que l'option Bardella était "la plus probable" pour le parti d'extrême droite en 2027.

Et suit de près son activité à Bruxelles.

"Sur cette dernière année, Bardella a déposé beaucoup plus d'amendements que lors tout son mandat précédent. Et il donne beaucoup plus de conférences de presse. Il fait ça pour la présidentielle, c'est évident", assure la cadre insoumise Manon Aubry, élue au Parlement européen depuis 2019 comme le président du RN.

"À LFI, je suis un peu l'anti-Bardella, je surveille de près ce qu'il fait au Parlement européen où il profite de la moindre médiatisation pour voter contre les droits des femmes ou les droits des LGBT", ajoute-t-elle, en précisant: "Il y aura de quoi avoir beaucoup de munitions pour Jean-Luc Mélenchon pour un éventuel débat d'entre-deux tours, s'ils sont tous les deux candidats".

Les Insoumis restent persuadés que la "magie du second tour" pourrait opérer, malgré les sondages très défavorables et à la faveur de la dynamique de campagne, pour qu'un "front républicain anti-RN" puisse se mettre en place.

Et tant pis si des responsables macronistes, comme Elisabeth Borne, refusent publiquement de choisir entre les deux. "Je suis incapable de voter pour Jean-Luc Mélenchon", a déclaré l'ancienne Première ministre, pourtant connue pour son engagement contre l'extrême droite.


Budget: députés et sénateurs échouent à se mettre d'accord, pas de budget avant la fin de l'année

Cette photographie montre les résultats affichés sur un écran géant du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 16 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre les résultats affichés sur un écran géant du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, le 16 décembre 2025. (AFP)
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  • La commission mixte paritaire a échoué à trouver un accord sur le budget de l'État, repoussant son adoption et forçant le gouvernement à préparer une loi spéciale pour assurer la continuité des finances publiques
  • L'impasse reflète des tensions entre le gouvernement et la gauche à l'Assemblée, et la droite sénatoriale, chacun accusant l'autre de blocage

PARIS: Députés et sénateurs ont échoué à s'entendre vendredi sur le budget de l'État, écartant la perspective d'un texte adopté avant la fin de l'année, un échec au moins provisoire pour le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Entre le gouvernement et les socialistes d'un côté, la droite sénatoriale et les oppositions de l'autre, chacun se renvoie la balle sur la responsabilité de cette impasse.

Face à ce scénario, le gouvernement avait déjà annoncé qu'il préparait une loi spéciale pour permettre le prélèvement des impôts et assurer la continuité de l'Etat, avant une reprise des débats sur le budget début 2026.

Cette procédure exceptionnelle avait déjà été activée l'an dernier après la chute du gouvernement Barnier. Le texte devrait être examiné par les deux chambres au début de la semaine prochaine, après un probable passage lors du Conseil des ministres convoqué lundi soir, au retour d'un déplacement d'Emmanuel Macron aux Emirats arabes unis.

Le Premier ministre a également annoncé réunir, à partir de lundi, les principaux responsables politiques pour les "consulter sur la marche à suivre pour protéger les Français et trouver les conditions d'une solution".

L'échec de la commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sept sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord, marque la fin de deux mois de discussions parlementaires autour de ce texte financier crucial.

Dès le départ, le compromis semblait quasi impossible entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclamait plus de recettes et moins de coupes budgétaires.

Et le pari de Sébastien Lecornu de faire adopter le budget sans recours au 49.3 dans une chambre basse sans majorité était particulièrement ambitieux.

- La faute à qui ? -

C'est donc un échec pour le Premier ministre, même s'il a réussi à faire adopter mardi l'autre budget, celui de la Sécurité sociale, en obtenant un vote favorable des socialistes en échange d'une suspension de la réforme des retraites.

Pour l'exécutif et le PS, le coupable est tout désigné : les sénateurs LR, accusés d'intransigeance sur les recettes à trouver.

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a accusé la droite sénatoriale de "faire le choix de bloquer le pays". Sébastien Lecornu a plus sobrement regretté "l'absence de volonté d'aboutir de certains parlementaires".

Car, derrière les désaccords budgétaires, une guerre des chefs s'exacerbe à mesure que les échéances électorales se rapprochent.

Une ministre accuse ainsi Bruno Retailleau, patron de LR, d'avoir attisé la radicalité des sénateurs de son parti, dans une guerre larvée avec le chef des députés LR Laurent Wauquiez.

Au Palais du Luxembourg, on renvoie la balle à Matignon.

"La responsabilité de cet échec incombe au gouvernement qui a soigneusement, méthodiquement, scrupuleusement organisé l'impossibilité d'un accord", ont rétorqué Mathieu Darnaud (Les Républicains) et Hervé Marseille (UDI), chefs des groupes LR et centriste du Sénat, très remontés, dans un communiqué commun.

Bruno Retailleau avait émis les mêmes critiques un peu plus tôt, fustigeant un texte qui "aurait envoyé la France dans le mur de la dette" et appelant le gouvernement à recourir au 49.3 à la rentrée.

A l'Assemblée, la gauche, hors socialistes, a dénoncé un gouvernement qui se "défausse" sur les parlementaires, selon les mots d'Eric Coquerel (LFI), président de la commission des Finances.

Pour le groupe écologistes, l'échec est dû à "la désunion profonde du bloc gouvernemental, incapable de s'accorder sur des priorités claires et de construire une majorité parlementaire".

- "Sparadrap" -

Cap sur la loi spéciale donc, avant la reprise des discussions en janvier.

A moins que le gouvernement ne se dirige vers les ordonnances avant la fin de l'année, s'interroge Jean-Philippe Tanguy pour le Rassemblement national. Son groupe continue d'appeler à un retour aux urnes, "seule solution" à la crise, dit-il.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a rappelé vendredi matin le coût d'une loi spéciale. "L'an dernier, on avait estimé à 12 milliards le coût d'avoir six à huit semaines sans budget."

"C'est un sparadrap", cela permet de "faire tourner le pays" mais il faudra bien que le Parlement s'accorde en début d'année, a aussi répété dans la matinée Mme Bregeon.

Outre l'urgence de disposer d'un budget, s'ajoutera la volonté du monde politique de tourner la page budgétaire avant les municipales de mars.


Paris : les envoyés spéciaux américain, saoudien et français réaffirment leur soutien aux forces armées libanaises

Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). (AFP)
Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). (AFP)
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  • Les envoyés spéciaux ont unanimement exprimé leur soutien aux Forces armées libanaises
  • Dans le prolongement de la cessation des hostilités entrée en vigueur le 26 novembre 2024 et en appui au plan « Bouclier de la Nation », les participants ont convenu de la création d’un groupe de travail tripartite

PARIS: Paris a accueilli, le 18 décembre, une réunion de haut niveau consacrée au Liban, réunissant les envoyés spéciaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la France avec le commandant des Forces armées libanaises (FAL). Cette rencontre s’inscrit dans le cadre des efforts internationaux visant à soutenir la stabilité du Liban et le renforcement de ses institutions sécuritaires.

Au cours de la réunion, le général Haykal a présenté aux trois envoyés l’état d’avancement de la mise en œuvre du plan « Bouclier de la Nation », une initiative destinée à renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées libanaises et à consolider la sécurité nationale.

Les envoyés spéciaux ont unanimement exprimé leur soutien aux Forces armées libanaises, saluant leur engagement et les sacrifices consentis dans un contexte sécuritaire et économique particulièrement difficile. Ils ont réaffirmé l’importance du rôle central de l’armée libanaise dans la préservation de la stabilité du pays.

Dans le prolongement de la cessation des hostilités entrée en vigueur le 26 novembre 2024 et en appui au plan « Bouclier de la Nation », les participants ont convenu de la création d’un groupe de travail tripartite. Celui-ci sera chargé de préparer une conférence internationale de soutien aux Forces armées libanaises et aux Forces de sécurité intérieure, prévue pour février 2026.

Cette initiative vise à mobiliser un appui politique, financier et opérationnel accru en faveur des institutions sécuritaires libanaises, considérées par la communauté internationale comme un pilier essentiel de la stabilité du Liban et de la sécurité régionale.