Au Maroc, la dernière séance pour les salles obscures historiques

Un homme est assis à l'entrée du cinéma ABC, dans la ville de Casablanca, dans l'ouest du Maroc, le 24 janvier 2022. FADEL SENNA / AFP
Un homme est assis à l'entrée du cinéma ABC, dans la ville de Casablanca, dans l'ouest du Maroc, le 24 janvier 2022. FADEL SENNA / AFP
Short Url
Publié le Jeudi 03 février 2022

Au Maroc, la dernière séance pour les salles obscures historiques

  • Le parc cinématographique marocain comprend des véritables joyaux d'architecture et lieux témoins ayant parfois traversé le XXe siècle jusqu'à nos jours
  • Après les premiers cinémas construits par les colons français, sont érigées dans les années 40 des salles dédiées au public marocain. C'est l'âge d'or avant la décadence des années 90

CASABLANCA: "Il n'y a plus d'espoir. Ce cinéma est mort", se désole Rabi Derraj, le gardien d'"Al Malaki" ("Le Royal"), une des salles obscures emblématiques de Casablanca, rongée par le temps et l'oubli, comme tant d'autres écrins de ce patrimoine architectural au Maroc.  
Au coeur d'un marché du quartier populaire de Derb Sultan, ce grand cinéma de la fin des années 40, voulu par le roi Mohammed V pour rivaliser de prestige avec les salles réservées aux Français pendant le protectorat, a perdu de sa superbe.

cinema
Un homme transporte un sac de marchandises à l'entrée du cinéma "Al Malaki", situé au coeur du marché du quartier populaire de Derb Sultan, dans la ville de Casablanca, à l'ouest du Maroc, le 24 janvier 2022. FADEL SENNA / AFP


Son hall est devenu un dépotoir où sont stockées des marchandises du souk. Une télévision trône devant le guichet au dessus duquel seul le tableau des prix d'entrée, toujours intact, rappelle l'identité du lieu fermé en 2016.
Impossible d'avoir accès à la salle de 1.060 places: les portes sont condamnées par des mannequins de vitrine.
"C'est malheureux ! On ne mesure pas l'importance historique de ce cinéma", peste M. Derraj, 42 ans, le gardien des lieux depuis 20 ans.  
Faute de public et d'intérêt, une centaine de salles obscures à travers le royaume connaissent le même sort que l'"Al Malaki", voir pire, elles tombent en ruine avant d'être détruites.

Histoire d’amour

Pourtant, le parc cinématographique marocain comprend des véritables joyaux d'architecture et lieux témoins ayant parfois traversé le XXe siècle jusqu'à nos jours.
Après les premiers cinémas construits par les colons français, sont érigées dans les années 40 des salles dédiées au public marocain. C'est l'âge d'or avant la décadence des années 90.
"Les Marocains ont eu une histoire d’amour avec le cinéma. Puis la télévision, les cassettes VHS et aujourd'hui le streaming ont tué cet amour", déplore le photographe français François Beaurain qui a documenté ce "patrimoine unique" dans "Cinémas du Maroc", une bible illustrée parue en décembre dernier.  

cinema
Un homme visite le cinéma vide Le Rif à Casablanca, dans l'ouest du Maroc, le 24 janvier 2022. FADEL SENNA / AFP


A Meknès (nord), la démolition en 2006 du "Régent" -- un ancien théâtre municipal aux lignes baroques bâti dans les années 20 -- a été un coup dur pour Yahla Yahla, qui y fut projectionniste durant 35 ans.
"C’était très dur pour moi, j’en suis tombé malade", se remémore ce septuagénaire tiré à quatre épingles.
"J'ai des souvenirs indélébiles dans ce cinéma. J'y ai appris mon métier, j'y ai vu défiler du beau monde et j'ai pu y exprimer tout l'amour que je porte au 7e art", confie M. Yahla, qui a retravaillé ensuite à L'Apollo puis à L'ABC à Meknès, respectivement fermés en 2009 et 2020.
"Un drame sans nom! Les nouvelles générations ne connaissent malheureusement pas la valeur du cinéma", se lamente-t-il.

Coup de grâce

Malgré l'hécatombe, quelques rares salles historiques sont toujours ouvertes -- dans un pays qui ne compte que 27 cinémas en activité.
Et ce grâce aux efforts de passionnés et à des aides publiques à la rénovation et à la numérisation des films, néanmoins jugés insuffisants par les exploitants.
Le Rif, cinéma situé sur l'une des principales artères du centre historique de Casablanca, tient encore débout.

cinema
Yahla Yahla, qui a travaillé comme projectionniste au Maroc pendant 35 ans, visite le cinéma vide Le Rif à Casablanca, dans l'ouest du Maroc, le 24 janvier 2022. FADEL SENNA / AFP


Construite en 1957, cette salle est une "capsule spatio-temporelle", comme le décrit François Beaurain, avec ses murs tapissés de velours violet qui contrastent avec ses 950 sièges de la même étoffe rouge.
"C'est une salle unique mais je ne vous cache pas mon désarroi. La situation devient de plus en plus difficile", glisse Hassan Belkady, 63 ans, le propriétaire du Rif.
Car la crise sanitaire a porté le coup de grâce: les cinémas n'ont été autorisés à rouvrir qu'en juillet 2021 après plus d'un an de fermeture.
Malgré une aide de 9 millions de dirhams (850.000 euros) du Centre cinématographique marocain (CCM), institution publique chargée du 7e art, "on ne s'en sort pas!", concède M. Belkady.
Preuve en est, l’exploitant a été contraint de fermer depuis 2020 deux autres de ses cinémas dans la capitale économique du royaume, L'ABC, une salle née en 1948 et le Ritz (1950).  
"A quoi bon classer des bâtiments historiques si les autorités publiques n'encouragent pas à les sauvegarder?" s'interroge-t-il.
Au Maroc, les bâtiments classés au patrimoine national ne peuvent pas être démolis mais "il est urgent de se mobiliser, d'agir avant qu'il ne soit trop tard", avertit M. Belkady.


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Short Url
  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Short Url
  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.


Gaza 2025: 15 journalistes tués, selon le Syndicat des journalistes palestiniens

 Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Les violences contre les journalistes interviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (AFP)
Short Url
  • Le dernier rapport du syndicat fait état d'une augmentation des arrestations, des menaces et du harcèlement des journalistes par les Israéliens
  • Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes

LONDRES: Au moins 15 professionnels des médias ont été tués à Gaza depuis le début de l'année 2025, selon un nouveau rapport publié par le Syndicat des journalistes palestiniens.

Le rapport, publié ce week-end par le comité des libertés du syndicat chargé de surveiller les violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, souligne la persistance du ciblage direct des professionnels des médias.

Sept journalistes ont été tués en janvier et huit en mars, selon le rapport.

Par ailleurs, les familles de 17 journalistes ont été endeuillées, tandis que les habitations de 12 autres ont été détruites par des tirs de roquettes et d’obus. De plus, 11 personnes ont été blessées au cours de ces attaques.

Le rapport note que la violence à l'encontre des équipes de journalistes ne se limite pas aux attaques mortelles. Il fait état de l'arrestation de 15 journalistes, à leur domicile ou alors qu'ils étaient en mission. Certains ont été libérés quelques heures ou quelques jours plus tard, tandis que d'autres sont toujours en détention.

Le syndicat a également enregistré 49 menaces de mort proférées à l'encontre de journalistes, dont beaucoup ont été avertis d'évacuer les zones qu'ils couvraient.

Le rapport relève également une intensification du harcèlement judiciaire, avec plus d’une dizaine de cas où des journalistes – en majorité issus du quotidien Al-Quds, basé en Cisjordanie – ont été convoqués pour interrogatoire et se sont vu interdire de couvrir des événements aux abords de la mosquée Al-Aqsa et dans la vieille ville de Jérusalem.

En Cisjordanie occupée, environ 117 journalistes ont été victimes d'agressions physiques, de répression ou d'interdictions de reportage, en particulier à Jénine et à Jérusalem. La commission a également recensé 16 cas de confiscation ou de destruction de matériel de travail.

Les violences à l'encontre des journalistes surviennent dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire israélienne à Gaza, à la suite de l'échec d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Les forces israéliennes ont intensifié leur offensive, coupant les approvisionnements vitaux des 2,3 millions d'habitants de Gaza, laissant l'enclave au bord de la famine.

Les actions d'Israël font désormais l'objet d'audiences à la Cour internationale de justice de La Haye, où Tel-Aviv est accusé de violer le droit international en restreignant l'aide humanitaire à Gaza.

Le bilan humanitaire est catastrophique.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus de 61 700 personnes ont été tuées à Gaza depuis qu'Israël a lancé son offensive le 7 octobre 2023. Plus de 14 000 autres sont portées disparues et présumées mortes, les civils constituant la grande majorité des victimes.

Le Comité pour la protection des journalistes, organisme de surveillance de la liberté de la presse basé à Washington, a également lancé un signal d’alarme face au nombre élevé de journalistes tués, indiquant qu’au moins 176 d’entre eux – en grande majorité des Palestiniens – ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne sur les territoires occupés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com