Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

Une foule assiste au cortège funèbre de Maurice Pochard tué lors de la manifestation du 8 février 1962 en faveur de la paix en Algérie et contre l'OAS, le 28 avril 1962 à Paris. (Photo, AFP)
Une foule assiste au cortège funèbre de Maurice Pochard tué lors de la manifestation du 8 février 1962 en faveur de la paix en Algérie et contre l'OAS, le 28 avril 1962 à Paris. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 04 février 2022

Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

  • Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie se soldait par neuf morts au métro Charonne à Paris
  • Les Français se sont pourtant déjà majoritairement prononcés pour l'autodétermination de l'Algérie et les accords d'Evian proclameront bientôt, le 18 mars, un cessez-le-feu ouvrant la voie à l'indépendance

PARIS : Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie se soldait par neuf morts au métro Charonne à Paris et devenait, peu avant la fin de la guerre d'Algérie, un symbole sanglant de la répression d'Etat.

Les jours précédents, une série d'attentats de l'OAS (Organisation armée secrète), opposée à l'indépendance de la colonie française, ont fait plusieurs blessés graves, dont l'un, visant André Malraux, a horriblement défiguré une fillette de 4 ans.

Les Français se sont pourtant déjà majoritairement prononcés pour l'autodétermination de l'Algérie et les accords d'Evian proclameront bientôt, le 18 mars, un cessez-le-feu ouvrant la voie à l'indépendance.

Le bref rassemblement pacifique prévu le 8 février Place de la Bastille, à l'appel du Parti communiste, du PSU, de la CGT et d'autres syndicats comme la CFTC, la FEN et l'Unef ainsi que des organisations de gauche, est interdit par le préfet Maurice Papon, sur fond d'état d'urgence en vigueur depuis avril 1961.

Mais les organisateurs appellent "les travailleurs et tous les antifascistes de la région parisienne à proclamer leur indignation, leur volonté de faire échec au fascisme et d'imposer la paix en Algérie".

Cing cortèges de manifestants partis de différentes stations du métro doivent rejoindre la Bastille pour écouter leur intervention, mais la police a ordre de disperser coûte que coûte les rassemblements. 

Nombre y parviennent toutefois, malgré des heurts déjà violents avec les forces de l'ordre, et un texte est lu. Mais c'est au retour que le drame éclatera.

«Pourquoi pas moi ?»

Boulevard Voltaire, des heurts entre les CRS qui chargent, "matraques en avant", et "les manifestants qui s'étaient coiffés de cageots à légumes pour se protéger la tête" et "jettent des pierres et des pavés", ont fait plusieurs blessés, écrit à l'époque l'AFP.

Des manifestants cherchant à fuir une charge policière s'engouffrent dans le métro Charonne. Une bousculade meurtrière s'ensuit, des policiers poursuivent les manifestants pour les frapper, d'autres jettent vers ceux qui tentent de ressortir les lourdes grilles qui entourent les arbres.

Des personnes bloqués par les portillons d'accès aux quais sont étouffées sous la pression, d'autres meurent le crâne fracassé sous les coups. On relèvera huit morts, dont trois femmes et un apprenti de 15 ans. Un homme mourra huit semaines plus tard de ses blessures. Tous sont syndiqués à la CGT et membres du PC, à l'exception d'une victime.

"La précipitation dans le métro, les portillons fermés, puis le grand trou noir": Jacqueline Guichard, alors jeune employée des chèques postaux, adhérente à la CGT et au PC, a évoqué en 2002 cette terrible fin de journée.

"Nous sommes parties à 7 ou 8 copines", a-t-elle raconté. Parmi elles, Anne-Claude Godeau, 24 ans, qui n'en reviendra pas.

"On défilait depuis un moment, la nuit tombait, on criait +Paix en Algérie+. C'était revendicatif, mais sans plus. A Charonne, la tête de la manif nous a donné l'ordre de nous disperser. Et puis, ça a commencé", poursuit Mme Guichard. "Subitement, la police avec casques et matraques a chargé" et la foule s'est engouffrée dans le métro: "Pourquoi on est entré dans ce métro ? Je ne saurai jamais. Pourquoi Anne-Claude a pris des coups ? Pourquoi pas moi ? Je ne le saurai pas non plus."

Charonne 1962, ces souvenirs de la répression «qui ne s'effacent pas»

Ce 8 février 1962, elle n'entend pas le bruit mat des matraques sur les corps et les crânes, elle ne perçoit pas les supplications des manifestants. Ecrasée sous un magma humain métro Charonne à Paris, Maryse Tripier n'a qu'une obsession: respirer.

Soixante ans plus tard, la patine du temps n'a rien dissipé de cette page sanglante de la guerre d'Algérie. "Ca fait partie des souvenirs qui ne s'effacent pas", assure la septuagénaire.

"C'était une situation irréelle", poursuit celle qui est restée communiste "par devoir" pour les dizaines de personnes blessées et les neuf autres tuées lors de l'intervention des forces de l'ordre.

La plus jeune avait 16 ans, un de moins qu'elle, venue défiler à Paris avec des milliers d'autres à l'appel de la CGT, de l'Unef ou du Parti communiste (PCF) contre l'Organisation armée secrète (OAS), le bras armé clandestin des ultras de l'Algérie française.

"On connaissait la violence policière", raconte Nicolas Devers-Dreyfus, 15 ans à l'époque. "La guerre était arrivée en métropole", entre attentats du FLN algérien et plastiquages en série de l'OAS, résume ce fils de résistants.

A 19h30 boulevard Voltaire, "l'ordre de dispersion vient d'être donné, la foule allait se disloquer".

Mais le lycéen aperçoit "cette ligne d'imperméables noir luisants". Elle barre l'accès à la place de la Nation et se met en branle. Il s'enfuit et se réfugie derrière une porte cochère. De là il entend "le piétinement de la charge policière".

«Des gens et du sang»

Quelques mètres plus bas, Maryse Tripier entend "tout le monde crier", puis plus rien. La peur la saisit, le mouvement de la foule la précipite dans les escaliers du métro, devenus goulot d'étranglement. Elle chute.

"Il y avait les marches, quelqu'un, et moi. Et puis après beaucoup de gens au-dessus, et du sang. J'avais peur qu'ils m'étouffent". "Il va y avoir des ambulances qui vont venir à mon secours", se persuade-t-elle. "J'étais naïve, j'avais foi en les institutions".

A l'extérieur, les bidules, ces manches de pioches brandies par la police, frappent. Les gaz lacrymogènes et grilles d'arbre en fonte tombent sur les corps.

Quand le calme revient après 21h30, des dizaines de chaussures et des tâches de sang témoignent de la violence de la répression.

Maryse est extirpée des marches et se retrouve hagarde sur le quai du métro. Ce n'est que le 13 février, dans le silence des centaines de milliers de personnes réunies pour les funérailles des manifestants tués, qu'elle saisira l'ampleur du drame.

Ce 8 février, le président Charles "de Gaulle ne veut pas que l'indépendance soit arrachée par la rue, qu'elle soit algérienne ou celle du mouvement ouvrier. Maurice Papon, préfet de combat, doit tenir la rue", explique Emmanuel Blanchard, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Versailles-Saint-Quentin.

Mais la rue se souviendra de cette brutalité.

Une mémoire rouge

"Vu le contexte d'alors, les mensonges du ministre de l'Intérieur, vers qui porter plainte ? Nous étions plus dans le politique que dans le juridique", explique Maryse Tripier qui n'attend pas de réparations, en dépit des séquelles physiques et morales.

D'autres ont intenté des actions en justice, mais les enquêtes judiciaire et administrative n'ont mené nulle part. Mme Tripier continue toutefois à réclamer la reconnaissance de ce "crime d'Etat".

Pendant des années, Charonne a occulté la répression de la manifestation d'Algériens du 17 octobre 1961 dont la mémoire "était difficile à porter car, en plus "de la dissimulation de l'Etat", elle était celle d'une "organisation clandestine, qualifiée de terroriste par l'Etat français", explique M. Blanchard.

A l'opposé, "le PCF, principal parti de l'époque, peut mobiliser la société et proposer un récit qui replace les +martyrs de Charonne+ dans le récit d'une histoire longue du mouvement ouvrier", poursuit M. Blanchard. Or, "la transition mémorielle" et "l'affaiblissement progressif de la mémoire rouge et son contre-récit" ont contribué selon lui à reléguer Charonne dans l'oubli.

Les événements du 17 octobre ont fait leur apparition dans les années 1990 dans les manuels scolaires du secondaire, à la faveur de photos, de livres ou de films dédiés, confirme Benoît Falaize, spécialiste de l'histoire de l'enseignement à Sciences Po. Depuis l'an 2000, il n'est en revanche plus fait mention de Charonne.

«Le comble de l'absurde»

A l'avant, Jacqueline perd de vue ses camarades et se retrouve coincée contre les portillons. En haut, de premières victimes tombent. Elle parvient, hagarde, à rentrer chez elle vers 21h00 : "J'ai compris le désastre en écoutant la radio...".

Pour l'historien Pierre Vidal-Naquet, disparu en 2006, "c'est le comble de l'absurde. On a du mal à comprendre cette violence de la police alors que le gouvernement est en pleine négociation avec les représentants algériens pour un accord de paix signé un mois plus tard. Et pourtant ce fut une répression d'Etat", déclarait-il 40 ans après la tragédie.

"Sans doute de Gaulle voulait-il montrer que son autorité était intacte".

Il n'avait pas non plus "intérêt à ce que le Parti communiste fasse démonstration de sa force", analysera l'historien Olivier Le Cour Grandmaison. 

Ce "massacre d'Etat", selon l'historien Alain Dewerpe, sera suivi le 13 février du rassemblement de 100 000 à 200 000 personnes pour les obsèques des victimes.

Il occultera longtemps dans la mémoire collective un autre drame sanglant, celui de la répression policière de la manifestation du 17 octobre 1961 au cours de laquelle plusieurs dizaines d'Algériens protestant à l'appel de la fédération de France du FLN contre le couvre-feu décrété par le même Maurice Papon trouvèrent la mort à Paris.

Une occultation que l'historien Gilles Manceron explique notamment par le silence imposé par les autorités françaises autour du massacre de 1961 et une mobilisation moindre de la gauche française, qui n'en était pas l'organisatrice.

Charonne 1962: le pouvoir «a laissé la bride sur le cou» à la police parisienne

Le gouvernement de Michel Debré a "laissé la bride sur le cou" à la police parisienne le 8 février 1962, conduisant à la sanglante répression d'une manifestation au métro Charonne, rappelle Jean-Marc Berlière, historien de la police.

Les policiers auteurs des violences n'ont pas été sanctionnés et le Premier ministre a même "félicité" après coup le préfet de police Maurice Papon, souligne M. Berlière.

Dans quel contexte se déroule la manifestation anti-OAS du 8 février 1962 ?

On est à la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), les accords d'Evian sont en train d'être négociés. L'OAS (Organisation armée secrète), hostile à la future indépendance, multiplie les attentats en janvier 1962.

Cela provoque des manifestations contre l'OAS menées par la gauche, surtout les communistes, qui donnent lieu à des affrontements de plus en plus sévères.

Du côté du gouvernement, il y a une espèce de peur panique, le Premier ministre Michel Debré et Roger Frey, le ministre de l'Intérieur, n'ont plus qu'une crainte, c'est celle de la subversion de l'OAS, qui suscite beaucoup de sympathie dans l'armée et dans la gendarmerie. On s'accroche à l’idée que la police reste finalement le dernier obstacle.

Le pouvoir laisse donc la bride sur le cou à la police parisienne et lui donne la responsabilité de régler le problème dans la rue, en semblant promettre une forme d'impunité, exactement comme ce qu'il s'est passé le 17 octobre 1961, quatre mois plus tôt (quand une manifestation pacifique d'Algériens à Paris a été réprimée dans le sang, des dizaines de morts selon les historiens, ndlr).

Qui étaient les policiers auteurs des violences qui ont fait 9 morts ? Ont-ils été sanctionnés?

Il s'agissait de la brigade d'intervention du troisième district, à la réputation détestable. Elle était composée de 80 policiers, surtout des jeunes dont la plupart venaient des pompiers de Paris, des sportifs qui n’avaient peur de rien.

C'était toujours violent traditionnellement entre la police et les communistes, notamment avec cette brigade. Elle s'était déjà illustrée méchamment le 17 octobre 1961.

Après les faits, il y a eu un début d'enquête, des auditions par leurs collègues de la police judiciaire, des convocations chez un juge d'instruction. Mais devant les protestations des intéressés et de leur chef, le juge a été promu et déplacé et tout s'est arrêté là.

Michel Debré a félicité le préfet de police, Maurice Papon - et donc en quelque sorte les policiers -, quelques jours plus tard pour sa fermeté et, en 1966, une loi a amnistié tous les faits en rapport avec la guerre d'Algérie.

Les policiers de cette brigade ont été pour la plupart mutés dans des postes et des compagnies plus attrayantes. Ils n'ont pas été décorés mais c'était quand même une espèce de gratification symbolique.

Quelles conséquences a eu ce drame pour l'action de la police ?

Curieusement, Charonne est l'une des causes d’un apaisement relatif du maintien de l’ordre par la suite.

Les violences vont continuer, elles sont récurrentes mais il y aura une espèce de réserve, l'idée qu'aucune idéologie ne peut justifier des morts de femmes, de militants. Que la cause algérienne ne valait pas la peine de s'entretuer entre Français, entre métropolitains.

L'émotion, la colère, dans les jours qui ont suivi, ont été considérables: les obsèques au Père Lachaise, la contre-manifestation place de la République les jours suivants et les articles dans la presse en attestent.

Un policier que j’avais rencontré m'a toujours dit +moi, le 17 octobre ne m’a jamais empêché de dormir, les Algériens nous tiraient dessus, c'était la guerre. Mais Charonne ça m’a traumatisé+.

Beaucoup pensent que le souvenir traumatisant de Charonne explique une relative modération en mai 1968. Ce n'est que six ans plus tard, ce sont les mêmes policiers."


Un tribunal français annule l’interdiction du burkini après qu’une femme a été menacée d’amende

Une femme portant un "Burkini" participe à une manifestation devant l'ambassade de France à Londres le 25 août 2016, lors d'une "Wear what you want beach party" pour manifester contre l'interdiction des burkinis sur les plages françaises et pour montrer la solidarité avec les femmes musulmanes. (AFP)
Une femme portant un "Burkini" participe à une manifestation devant l'ambassade de France à Londres le 25 août 2016, lors d'une "Wear what you want beach party" pour manifester contre l'interdiction des burkinis sur les plages françaises et pour montrer la solidarité avec les femmes musulmanes. (AFP)
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  • L’interdiction à Carry-le-Rouet constitue une « atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales »
  • Une jeune femme de 18 ans confrontée à des agents ayant appelé des renforts

LONDON: Le tribunal administratif de Marseille a annulé l’interdiction du burkini sur une plage de la Côte d’Azur, après que la police a menacé une adolescente et sa famille d’amendes pour avoir porté ce maillot de bain musulman, a rapporté The Times jeudi.

La commune de Carry-le-Rouet avait instauré cette interdiction en juin 2024, mais celle-ci a été jugée par le tribunal comme une « atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales » à la suite de l’incident.

La mesure était restée relativement inaperçue jusqu’au 2 juillet, lorsqu’une jeune femme musulmane de 18 ans, originaire de Marseille, s’est rendue sur la plage de la ville.

Deux agents municipaux l’ont aperçue dans l’eau et lui ont intimé de sortir à coups de sifflet. Sa famille a demandé ce qu’elle avait fait de mal, et les agents ont déclaré que le vêtement de la jeune femme était « inacceptable », selon son frère Islan.

La police a appelé des renforts. Cinq gendarmes sont ensuite arrivés sur les lieux et ont menacé la jeune femme de lui infliger une amende si elle et sa famille ne quittaient pas la plage.

Islan a déclaré que la famille avait alors préféré partir. « Ma sœur l’a très mal vécu », a-t-il ajouté. « Elle a peur de sortir, ne parle plus aux autres et évite d’évoquer ce qui s’est passé. »

L’incident a poussé la Ligue des droits de l’homme à demander au tribunal d’annuler l’arrêté municipal interdisant le burkini.

Au cours des dix dernières années, une vingtaine de communes du littoral français, dont Cannes, ont tenté d’interdire ce maillot de bain religieux au nom de la laïcité, bien que la plupart de ces interdictions aient été suspendues ou annulées par la suite.

En 2004, la France a interdit le port du voile islamique dans les écoles, les députés estimant qu’il contrevenait aux valeurs laïques de l’enseignement public.

En 2011, le port du niqab et de la burqa a été interdit dans l’espace public, au motif que ces tenues pouvaient permettre à des individus de dissimuler leur identité.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La justice française ordonne la libération du Libanais Georges Abdallah

La libération interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). (AFP)
La libération interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). (AFP)
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  • La libération interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées)
  • La libération est "sous condition de quitter le territoire national et n'y plus paraître", selon l'arrêt de la cour consulté par l'AFP

PARIS: Libre, après plus de 40 ans dans les prisons françaises. La cour d'appel de Paris a ordonné jeudi la remise en liberté du Libanais Georges Abdallah, condamné en 1987 pour complicité d'assassinats de diplomates américain et israélien, et considéré comme l'un des plus anciens détenus du pays.

La libération interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées).

La libération est "sous condition de quitter le territoire national et n'y plus paraître", selon l'arrêt de la cour consulté par l'AFP.

"Nous sommes très heureux de cette décision", a réagi auprès de l'AFP son frère, Robert Abdallah. "Nous n'aurions jamais imaginé qu'il serait enfin libéré", a-t-il confié, se réjouissant que "pour une fois, les autorités françaises se (soient) affranchies des pressions exercées par Israël et les Etats-Unis".

"C'est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu'il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des Etats-Unis et de tous les présidents français" successifs, a déclaré au sortir de la salle d'audience son avocat, Me Jean-Louis Chalanset.

Les Etats-Unis, parties civiles, se sont vigoureusement opposés à chacune des demandes de libération déposées par Georges Abdallah.

Les détails de sa sortie le 25 juillet ne sont pas encore connus. Selon plusieurs sources interrogées avant l'audience, il est prévu qu'il soit emmené par les forces de l'ordre à l'aéroport de Tarbes direction Roissy, où il prendra un vol pour Beyrouth. Le Liban, qui réclame sa libération aux autorités françaises depuis des années, avait écrit à la cour pour confirmer qu'il prendrait en charge l'organisation de son retour chez lui.

Le parquet général peut faire un pourvoi en cassation, mais même si c'était le cas il ne serait pas suspensif, et n'empêcherait donc pas Georges Abdallah de rentrer au Liban.

Incarcéré en France depuis 1984, l'ancien chef d'un groupuscule de chrétiens libanais marxistes pro-palestiniens est libérable depuis 25 ans, mais a vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer.

"Disproportionnée" 

Mais pour celle-ci et à quelques mois d'intervalle, le tribunal d'application des peines puis la cour d'appel s'étaient prononcés pour, estimant la durée de sa détention "disproportionnée" par rapport aux crimes commis, et jugeant qu'à 74 ans, ce détenu "âgé" aspirant à "finir ses jours" dans son village du nord-Liban ne présentait plus de risque de trouble à l'ordre public.

Mais la cour avait demandé à ce que Georges Abdallah fasse preuve d'un "effort conséquent" pour indemniser les victimes, ce qu'il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique.

Lors d'une nouvelle audience le 19 juin, et sans s'épancher sur la position de son client ni l'origine des fonds, l'avocat de Georges Abdallah avait informé les juges que 16.000 euros se trouvaient désormais sur son compte en prison à disposition des parties civiles, dont les Etats-Unis.

Aujourd'hui tombé dans l'oubli, à l'exception d'une poignée de fidèles manifestant chaque année devant sa prison ou de quelques parlementaires de gauche, Georges Abdallah était dans les années 1980 l'ennemi public n°1 et l'un des prisonniers les plus célèbres de France.

Pas à cause de son affaire, mais parce qu'on l'a longtemps cru, à tort, à l'origine de la vague d'attentats de 1985-1986 qui a fait 13 morts dont sept au magasin Tati de la rue de Rennes, et installé la psychose dans les rues de la capitale.

Les véritables responsables, des pro-Iraniens, avaient été identifiés deux mois après la condamnation à perpétuité de Georges Abdallah.

Ce dernier n'a jamais reconnu son implication dans les assassinats des diplomates à Paris, mais les a toujours qualifiés d'"actes de résistance" contre "l'oppression israélienne et américaine", dans le contexte de la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au sud-Liban en 1978. Il a toujours refusé de renier ses convictions.

Son groupuscule des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises) est dissous depuis longtemps et "n'a pas commis d'action violente depuis 1984", avait toutefois souligné la cour dans son arrêt de février, estimant que Georges Abdallah "représente aujourd'hui un symbole passé de la lutte palestinienne".

 


Paris et Riyad insistent à enclencher une dynamique de paix dans la région

Du côté palestinien, la brutalité des opérations israéliennes depuis octobre 2023 alimente colère et désespoir. « Chaque partie devra prendre un risque politique », reconnaissent les diplomates français, et c’est précisément pour les y aider qu’un cadre multilatéral est jugé indispensable. (AFP)
Du côté palestinien, la brutalité des opérations israéliennes depuis octobre 2023 alimente colère et désespoir. « Chaque partie devra prendre un risque politique », reconnaissent les diplomates français, et c’est précisément pour les y aider qu’un cadre multilatéral est jugé indispensable. (AFP)
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  • En décembre 2025, la France et l’Arabie saoudite avaient misé sur une grande percée diplomatique par le biais d’une conférence internationale, co-présidée par le président français Emmanuel Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite
  • Mais la guerre entre Israël et l’Iran a bouleversé la donne. L’escalade régionale et la reprise des bombardements sur Gaza ont contraint Paris et Riyad à annuler la rencontre à la dernière minute

PARIS: Reconnaître l’État de Palestine et concrétiser la solution à deux États : la volonté est bien là, affirmée avec constance par la France et l’Arabie saoudite, mais le chemin pour y parvenir reste tortueux.

À Paris comme à Riyad, on est conscient qu’il ne suffit pas de définir un horizon politique pour changer la réalité sur le terrain.
Pourtant, les deux capitales entendent tout faire pour briser la spirale de violence et redonner une perspective diplomatique au conflit israélo-palestinien, en dépit d’un contexte régional explosif.

En décembre 2025, la France et l’Arabie saoudite avaient misé sur une grande percée diplomatique par le biais d’une conférence internationale, co-présidée par le président français Emmanuel Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane.
Cette conférence, qui devait se tenir à New York le 18 juin, visait à lancer une dynamique de paix et à enclencher un mouvement coordonné vers la reconnaissance de la Palestine.

Les conditions sont loin d’être idéales : Israël et les États-Unis privilégient un agenda différent, fondé sur la pression militaire et la normalisation bilatérale avec certains États arabes, sans règlement de la question palestinienne.

Mais la guerre entre Israël et l’Iran a bouleversé la donne. L’escalade régionale et la reprise des bombardements sur Gaza ont contraint Paris et Riyad à annuler la rencontre à la dernière minute.
Pour Emmanuel Macron, cet ajournement ne saurait signifier un renoncement — bien au contraire — puisqu’il a affirmé son engagement à reprogrammer la conférence « dès que possible ».
« Il ne faut pas attendre », a-t-il martelé, en soulignant l’urgence de mettre en place un cadre international capable de permettre « la reconnaissance réciproque » entre Israël et un État palestinien pleinement souverain.

Ces déclarations surviennent alors que les ONG humanitaires alertent sur la gravité des massacres en cours dans la bande de Gaza et sur la nécessité de mettre fin à l’impasse militaire.
Pour la diplomatie française, la conférence doit recréer les conditions d’une négociation crédible et rallier un maximum de soutiens autour de la solution à deux États.

Or, les conditions sont loin d’être idéales : Israël et les États-Unis privilégient un agenda différent, fondé sur la pression militaire et la normalisation bilatérale avec certains États arabes, sans règlement de la question palestinienne.

Malgré cela, la France et l’Arabie saoudite ont décidé de maintenir le cap. Une reprogrammation de la conférence a été annoncée pour les 28 et 29 juillet à New York, sous un format ministériel cette fois.
Selon le ministère français des Affaires étrangères, elle sera co-présidée par le ministre français Jean-Noël Barrot et son homologue saoudien, le prince Fayçal ben Farhan.

Réformer et renforcer l'Autorité palestinienne

Cette « séquence ministérielle » vise à relancer la dynamique en amont d’un éventuel sommet de chefs d’État et de gouvernement, prévu en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, précise une source diplomatique française.

Il est indispensable de réformer et renforcer l’Autorité palestinienne. La France et l’Arabie saoudite souhaitent soutenir sa légitimité, souvent fragilisée, afin qu’elle demeure l’interlocuteur reconnu de la communauté internationale et puisse assurer la gouvernance d’un futur État palestinien.

Pour Paris, la logique est claire : il faut articuler la conférence autour de trois axes principaux.
D’abord, avancer concrètement vers la reconnaissance de l’État de Palestine par les États qui ne l’ont pas encore fait, et encourager une reconnaissance coordonnée. La France n’a jamais renoncé à cette perspective, réaffirmée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, mais elle souhaite éviter un geste isolé, en privilégiant un impact diplomatique fort grâce à une action conjointe avec d’autres partenaires européens ou arabes.

Ensuite, la conférence devra travailler à la normalisation régionale et promouvoir l’intégration d’Israël dans son environnement arabe, dans un cadre multilatéral incluant la reconnaissance de la Palestine.
L’idée est de construire un « paquet » diplomatique dans lequel la sécurité d’Israël et la souveraineté palestinienne seraient garanties simultanément, selon les sources françaises.

Enfin, il est indispensable de réformer et renforcer l’Autorité palestinienne. La France et l’Arabie saoudite souhaitent soutenir sa légitimité, souvent fragilisée, afin qu’elle demeure l’interlocuteur reconnu de la communauté internationale et puisse assurer la gouvernance d’un futur État palestinien.
À Paris, on insiste sur la nécessité de « réaffirmer l’Autorité palestinienne comme pilier et ossature de l’État palestinien ».

Dans l’esprit des diplomates français, la conférence devra également préparer « le jour d’après » à Gaza.
Si un cessez-le-feu devait intervenir, même temporairement, elle constituerait une opportunité pour poser les bases d’un plan crédible de reconstruction, de gouvernance et de sécurité.
Les autorités françaises travaillent d’ailleurs à l’élaboration d’un document final qui formulerait des engagements concrets, non seulement pour la reconnaissance mutuelle, mais aussi pour la relance économique et la stabilisation durable de Gaza et de la Cisjordanie.

Brutalité des opérations israéliennes

Cet objectif est jugé d’autant plus indispensable qu’Israël se trouve aujourd’hui englué dans une impasse militaire : l’enchaînement des offensives et des ripostes a nourri un profond traumatisme dans la société israélienne depuis octobre dernier, sans offrir de solution durable.

Du côté palestinien, la brutalité des opérations israéliennes depuis octobre 2023 alimente colère et désespoir.
« Chaque partie devra prendre un risque politique », reconnaissent les diplomates français, et c’est précisément pour les y aider qu’un cadre multilatéral est jugé indispensable.

Ces efforts s’inscrivent dans un contexte diplomatique européen complexe, marqué par l’absence d’une position unifiée au sein de l’Union européenne.
Certains États ont reconnu la Palestine de longue date, d’autres hésitent encore sur la manière d’exercer une pression sur Israël. Paris s’efforce donc de rapprocher les positions et de bâtir un consensus le plus large possible.

De concert, Paris et Riyad martèlent un message clair : « Il n’existe pas de solution militaire au conflit ».
La seule voie, réaffirment-ils, est politique — et elle passe par des négociations, des compromis et une reconnaissance réciproque.