Entre Berlin et Moscou, l'encombrant Gerhard Schröder

Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schroeder à Svetlogorsk, à quelque 40 km de Kaliningrad le 03 juillet 2005 (AFP)
Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schroeder à Svetlogorsk, à quelque 40 km de Kaliningrad le 03 juillet 2005 (AFP)
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Publié le Dimanche 13 février 2022

Entre Berlin et Moscou, l'encombrant Gerhard Schröder

  • l'ex-chancelier Gerhard Schröder est devenu en Allemagne une figure encombrante à cause de ses positions pro-russes. Proche de Poutine et des grands groupes russes, il est toujours prompt à s'en prendre à l'Ukraine dans ses interventions publiques
  • Celui qui avait gagné l'estime des Allemands en s'opposant à l'intervention occidentale en Irak en 2003, mais qui touche désormais des centaines de milliers d'euros chaque année d'entreprises russes, apparaît surtout aujourd'hui comme un lobbyiste

BERLIN: Proche de Poutine et des grands groupes russes, toujours prompt à s'en prendre à l'Ukraine, l'ex-chancelier Gerhard Schröder est devenu en Allemagne une figure encombrante, y compris pour Olaf Scholz, dont il fut le mentor.

A 77 ans, celui qui avait réussi en 1998 à terrasser Helmut Kohl, l'inamovible chancelier de la Réunification, fait l'objet de critiques croissantes en Allemagne, où les avantages qui lui sont accordés en tant qu'ancien chef du gouvernement sont désormais remis en question. 

"Ce Gerhard Schröder erre dans le magasin de porcelaine de la politique étrangère, quelque part dans la zone grise peu ragoûtante entre embarras et farce", résume dans un éditorial au vitriol la chaîne publique ARD.

M. Schröder est devenu une épine pour l'actuel chancelier Olaf Scholz, qui effectue lundi et mardi des déplacements attendus en Ukraine et Russie.

En cause? Ses liens avec la Russie de Vladimir Poutine, dont il est devenu un des plus ardents défenseurs, y compris quand Moscou masse plus de 100.000 soldats à la frontière avec l'Ukraine.

Liens amicaux et financiers

M. Schröder, chancelier quand M. Poutine est arrivé au pouvoir en 2000, a noué "une véritable amitié, basée sur la confiance" avec le dirigeant russe, qu'il a dépeint en 2004 en "parfait démocrate", explique à l'AFP la politologue Ursula Münch.

Un des clés de cette "amitié virile", selon les termes de la presse allemande, serait à rechercher dans le passé des deux hommes.

"Peut-être que le fait que nos deux familles aient beaucoup souffert de la Seconde Guerre mondiale nous rapproche", confiait M. Schröder en 2016. "J'ai perdu mon père", soldat de la Wehrmacht, tué en 1944 en Roumanie, et "un frère de Poutine est mort pendant le siège de Leningrad", relevait-il.

Des liens financiers relient aussi l'ancien avocat à la Russie.

M. Schröder devrait ainsi en juin entrer au conseil de surveillance du géant russe Gazprom. Une nouvelle casquette dans le secteur énergétique russe pour celui qui est déjà président du conseil d'administration de Rosneft, premier groupe pétrolier russe, et du comité d'actionnaires de Nord Stream 2, gazoduc russo-allemand controversé également bâti par Gazprom.

"L'ancien chancelier est important pour Poutine. Il dirige les conseils d'administration de groupes gaziers et pétroliers et il est au centre d'un réseau d'influence russe en Allemagne", résume le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Celui qui avait gagné l'estime des Allemands en s'opposant à l'intervention occidentale en Irak en 2003, mais qui touche désormais des centaines de milliers d'euros chaque année d'entreprises russes, apparaît surtout aujourd'hui comme un lobbyiste.

Ses déclarations récentes exhortant Kiev à faire cesser "les bruits de bottes" à sa frontière semblent avoir servi de déclic en Allemagne, y compris dans son ancien parti, lui-même soupçonné de complaisance à l'égard de Moscou.

Les déclarations de l'ancien chancelier nourrissent "la polyphonie au sein du SPD qui donne une impression problématique d'indécision", note Ursula Münch.

Les ténors du SPD coupent donc désormais les ponts les uns après les autres avec l'encombrant M. Schröder.

Scholz prend ses distances

Olaf Scholz lui-même, pourtant proche parmi les proches de M. Schröder lorsque ce dernier était chancelier, et ardent défenseur de ses réformes sociales les plus contestées, a pris nettement ses distances.

Gerhard Schröder "ne parle pas au nom du gouvernement, il ne travaille pas pour le gouvernement, il n'est pas le gouvernement", a lancé le 7 février en guise de mise au point sur CNN Olaf Scholz lors d'un déplacement à Washington destiné à rassurer l'allié américain sur la fiabilité allemande. 

"Je suis désormais le chancelier fédéral et les stratégies politiques de l'Allemagne sont celles que vous entendez de ma part", a martelé M. Scholz.

Combien de temps encore dans ces conditions Gerhard Schröder pourra-t-il continuer à jouir du personnel et des locaux mis à sa disposition à la Chambre des députés?

Ces frais sont estimés par le quotidien populaire Bild à près de 300.000 euros par an. L'opposition conservatrice réclame que l'Etat cesse de payer.

"Il fait du lobbying pour les intérêts économiques russes dans des infrastructures allemandes financées par les impôts", s'emporte aussi le vice-président de la fédération des contribuables, Michael Jäger.


Roumanie : Macron dénonce des «ingérences» qui «sapent l'intégrité de nos démocraties»

Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron (à droite) s'expriment avant le sommet de la Communauté politique européenne (CPE), à Tirana, le 16 mai 2025. (AFP)
Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron (à droite) s'expriment avant le sommet de la Communauté politique européenne (CPE), à Tirana, le 16 mai 2025. (AFP)
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  • En Pologne, les sites du parti centriste du Premier ministre Donald Tusk étaient hors service vendredi en raison d'une cyberattaque, à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle de dimanche.
  • "La Moldavie (est) victime chaque jour des ingérences russes (..) Les échéances électorales en cours, là aussi, on le sait très bien, font l'objet de telles ingérences", a martelé le président français

TIRANA: Le président français Emmanuel Macron a dénoncé vendredi des "ingérences" dans les élections à venir en Europe, notamment en Roumanie, estimant qu'elles "sapent l'intégrité de nos démocraties".

"Nous voyons à travers nos élections, la Roumanie le vit en ce moment, la Moldavie l'a vécue il y a très peu de temps, (que) nous avons très clairement des menaces qui sapent l'intégrité de nos démocraties, qui minent leur résilience", a-t-il dit en ouverture d'un sommet de la Communauté politique européenne (CPE) à Tirana.

Le candidat d'extrême droite George Simion fait figure de favori du second tour de la présidentielle qui se tiendra dimanche en Roumanie.

Un scrutin scruté de près après l'annulation du vote du 24 novembre sur des suspicions d'ingérence russe en faveur du précédent candidat d'extrême droite, critique de l'UE et de l'Otan, Calin Georgescu.

En Pologne, les sites du parti centriste du Premier ministre Donald Tusk étaient hors service vendredi en raison d'une cyberattaque, à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle de dimanche.

"La Moldavie (est) victime chaque jour des ingérences russes (..) Les échéances électorales en cours, là aussi, on le sait très bien, font l'objet de telles ingérences", a martelé le président français.

"Nous subissons des manipulations lors des périodes électorales, mais (aussi) des ingérences informationnelles étrangères à peu près tout le temps. Et c'est quelque chose qui sape la sécurité démocratique de notre Europe", a-t-il poursuivi.

Le chef de l'Etat a appelé les dirigeants du continent européen, réunis à Tirana, à "mieux protéger les infrastructures critiques face aux cyberattaques", à renforcer les "cadres réglementaires sur les contenus illicites en ligne" et à "traquer les flux financiers qui alimentent ces actions hybrides".

"Sinon, en particulier la Russie, ils continueront de déstabiliser nos opinions publiques pour bouger les lignes", a-t-il dit.


L'administration Trump dénonce les «menaces» d'un ancien patron du FBI et ouvre une enquête

Les autorités fédérales américaines ont annoncé jeudi enquêter sur la "menace" formulée selon eux contre Donald Trump par James Comey, ancien patron du FBI devenu bête noire du président américain. (AFP)
Les autorités fédérales américaines ont annoncé jeudi enquêter sur la "menace" formulée selon eux contre Donald Trump par James Comey, ancien patron du FBI devenu bête noire du président américain. (AFP)
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  • "L'ancien directeur déshonoré du FBI James Comey vient d'appeler à l'assassinat du président Trump", a écrit sur X la ministre de la Sécurité intérieure Kristi Noem
  • Elle a ajouté que son ministère ainsi que le Secret Service, le service chargé de la protection du président, "mènent l'enquête sur cette menace"

WASHINGTON: Les autorités fédérales américaines ont annoncé jeudi enquêter sur la "menace" formulée selon eux contre Donald Trump par James Comey, ancien patron du FBI devenu bête noire du président américain.

Dans une publication Instagram depuis retirée, James Comey a partagé une photo montrant des coquillages former le message "86 47" dans le sable, le premier chiffre étant parfois utilisé pour signifier le souhait de faire partir, voire de tuer, quelqu'un, le second pouvant se référer à Donald Trump, 47e président des Etats-Unis.

"L'ancien directeur déshonoré du FBI James Comey vient d'appeler à l'assassinat du président Trump", a écrit sur X la ministre de la Sécurité intérieure Kristi Noem.

Elle a ajouté que son ministère ainsi que le Secret Service, le service chargé de la protection du président, "mènent l'enquête sur cette menace."

"Cela nous inquiète tous gravement, et doit être pris au sérieux", a dit sur X Taylor Budowich, un chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche.

James Comey -- brutalement limogé par Donald Trump en 2017 pendant qu'il enquêtait sur des soupçons d'ingérences étrangères -- a ensuite partagé un message sur son compte Instagram.

"J'ai publié plus tôt une photo de coquillages que j'ai vus ce matin lors d'une balade sur la plage, et j'ai estimé que c'était un message politique. Je ne m'étais pas rendu compte que certaines personnes associaient ces chiffres avec de la violence. Je n'ai jamais eu cela à l'esprit, mais je m'oppose à toute force de violence, et j'ai donc retiré la publication", a-t-il écrit.

Donald Trump a réchappé en juillet dernier à une tentative d'assassinat lors d'un meeting de campagne en Pennsylvanie.


Détention de Sansal: ses filles «impuissantes» en République tchèque

Arrêté mi-novembre à l'aéroport d'Alger, l'écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l'intégrité du territoire algérien. (AFP)
Arrêté mi-novembre à l'aéroport d'Alger, l'écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l'intégrité du territoire algérien. (AFP)
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  • "Il est triste que des personnes soient emprisonnées pour avoir librement exprimé leur opinion et malheureusement, notre père est l'une de ces personnes", a déclaré l'aînée après avoir reçu la distinction
  • "Dieu seul sait dans quel état mental il se trouve", car il est "isolé sans aucune information", a-t-elle ensuite déploré auprès de l'AFP

PRAGUE: Les deux filles de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, ont fait part à l'AFP de leur "sentiment d'impuissance totale", depuis la République tchèque où elles habitent, pour obtenir la libération de leur père.

Rencontrées à l'ouverture du salon du livre de Prague, Nawal, 53 ans, et Sabeha, 50 ans, ont réceptionné jeudi un prix pour la promotion de la liberté d'expression décerné à leur père.

"Il est triste que des personnes soient emprisonnées pour avoir librement exprimé leur opinion et malheureusement, notre père est l'une de ces personnes", a déclaré l'aînée après avoir reçu la distinction.

"Dieu seul sait dans quel état mental il se trouve", car il est "isolé sans aucune information", a-t-elle ensuite déploré auprès de l'AFP.

"La seule personne autorisée à lui rendre visite, c'est probablement sa femme, mais nous ne savons rien" et elle est surveillée, a-t-elle ajouté.

Alors que le dissident, atteint d'un cancer, suit "actuellement un traitement de radiothérapie", ses filles ont échangé pour la dernière fois par courrier électronique avec lui en 2023 et n'ont aucune nouvelle, à part des coupures de presse que leur font passer l'ambassade tchèque à Alger.

Elles ont adressé une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron et écrit à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. "Nous avons aussi écrit à mon père. Mais nous n'avons pas reçu de réponse, il ne s'est rien passé", explique Nawal.

"Monnaie d'échange" 

Perdue face aux méandres du système algérien, cette spécialiste en informatique s'est tournée vers l'interface d'intelligence artificielle ChatGPT et sur ses conseils, elle envisage de contacter des organisations comme Amnesty International pour accentuer la pression.

Nées en Algérie, les filles de Boualem Sansal ont vécu en Tchécoslovaquie, le pays de leur mère, après la séparation dans leur petite enfance de leurs parents, qui s'étaient rencontrés dans le cadre d'un échange universitaire.

Le régime communiste les surveillait, comme toutes les personnes ayant de la famille à l'étranger, et si elles ont passé leurs vacances à Alger chaque année, Nawal n'y est plus retournée depuis l'âge de 20 ans et n'a pas revu son père depuis.

Sa soeur et elle habitent toujours près de Prague.

Arrêté mi-novembre à l'aéroport d'Alger, l'écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l'intégrité du territoire algérien.

Il lui est reproché d'avoir repris à son compte la position du Maroc, selon laquelle le territoire de ce pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Il a fait appel.

"Je crois que mon père est un pion ou une monnaie d'échange, une sorte d'otage, parce qu'ils essaient probablement d'obtenir la libération de certains terroristes condamnés en France", a détaillé Nawal, sa soeur Sabeha saluant en lui "un vrai patriote".

L'Algérie et la France traversent depuis l'été dernier une crise diplomatique marquée ces derniers jours par une nouvelle série d'expulsions de fonctionnaires de part et d'autre. Toutes les coopérations sont gelées.

Athée, Boualem Sansal est critique d'un pouvoir qui, selon lui, se maintient depuis trop longtemps contre la volonté des Algériens. "Il contrôle totalement le pays et dispose de tous les moyens", estimait-il dans Le Figaro en 2019.