En économie, Le Pen et Zemmour à fronts renversés

Plus libéral que Marine Le Pen, Eric Zemmour a intensifié ses attaques contre la "bureaucratie écrasante" et "les taxes": "le fisc, rien que ce mot vous glace le sang", lançait-il à ses partisans le 22 janvier à Cannes. (AFP).
Plus libéral que Marine Le Pen, Eric Zemmour a intensifié ses attaques contre la "bureaucratie écrasante" et "les taxes": "le fisc, rien que ce mot vous glace le sang", lançait-il à ses partisans le 22 janvier à Cannes. (AFP).
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Publié le Lundi 14 février 2022

En économie, Le Pen et Zemmour à fronts renversés

  • En insistant sur le pouvoir d'achat et les services publics, Marine Le Pen a donné à son camp "un ancrage très social"
  • Selon le chercheur au CNRS Gilles Ivaldi, Eric Zemmour rappelle le FN des années 80 avec une "combinaison entre un poujadisme fiscal très marqué et l'affirmation de "l'intérêt convergent des ouvriers et des chefs d'entreprises"

PARIS: Derrière leur "patriotisme économique" et un même flou pour chiffrer leur programme, les deux rivaux d'extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour défendent deux lignes économiques différentes, qu'ils tentent de rééquilibrer pour attirer les électeurs qui leur manquent.


Zemmour, le fisc dans le viseur

Plus libéral, Eric Zemmour a intensifié ses attaques contre la "bureaucratie écrasante" et "les taxes": "le fisc, rien que ce mot vous glace le sang", lançait-il à ses partisans le 22 janvier à Cannes. 


Au nom d'une "réconciliation" des classes sociales, le candidat Reconquête! défend une "prime zéro charge" au bon vouloir des employeurs, jusqu'à trois mois de salaires. Autres marqueurs libéraux, il souhaite porter l'âge légal de la retraite à 64 ans, au lieu de 62, exonérer certains droits de succession et la résidence principale de l'impôt sur la fortune immobilière (Ifi), et critique avec virulence "l'assistanat" qui est pour lui "une insulte".


Mais en quête d'électeurs populaires, il revendique également des mesures sociales, comme la prise en charge par l'employeur de la moitié des frais d'essence, une bourse de 10.000 euros pour les enfants nés dans la "France rurale" ou une baisse de la CSG pour les salariés gagnant moins de 2.000 euros. Ses détracteurs jugent ces deux dernières propositions anticonstitutionnelles, en raison d'une rupture d'égalité.


Selon le chercheur au CNRS Gilles Ivaldi, Eric Zemmour rappelle le FN des années 80 avec une "combinaison entre un poujadisme fiscal très marqué - Jean-Marie Le Pen voulait supprimer l'impôt sur le revenu -" et l'affirmation de "l'intérêt convergent des ouvriers et des chefs d'entreprises" afin "d'abroger la lutte des classes" à une époque où le communisme était puissant.

Les évolutions de Le Pen

En insistant sur le pouvoir d'achat et les services publics, Marine Le Pen a donné à son camp "un ancrage très social" qui lui permet de sécuriser son électorat populaire et jeune, selon M. Ivaldi. 


Elle veut baisser la TVA de 20% à 5,5% sur les prix du carburant et de l'électricité, promet de "geler" les cotisations patronales des entreprises qui augmentent les salaires de 10%, et est "beaucoup plus prudente" que son rival sur l'assistanat, alors que certaines catégories populaires "vivent de minima sociaux et n'ont pas envie d'entendre" ces critiques.


Mais désireuse d'élargir son électorat aux catégories plus aisées et âgées, et en quête d'une crédibilité économique, la candidate du RN a fait évoluer son programme.


Elle a renoncé à partir de 2017 à sortir de l'UE et de l'euro et vient d'édulcorer sa proposition de retraite à 60 ans et 40 annuités, la réservant aux Français entrés dans la vie active entre l'âge de 17 et 20 ans. Pour le reste, le système sera "progressif", avec une volonté globale de "ne pas continuer à allonger l'âge de départ à la retraite".


Elle a promis une baisse des impôts de production fléchée vers les PME, quand Eric Zemmour vise toutes les entreprises.

Un chiffrage contesté

Marine Le Pen et Eric Zemmour "sont tous deux sur une trajectoire de rééquilibrage de leurs programmes présidentiels. Si bien que les points de départ, très libéral chez Eric Zemmour et très social chez Marine Le Pen, convergent vers un point médian", explique Gilles Ivaldi.


Comme son concurrent, la candidate RN défend une réforme de l'Ifi. Elle plaide aussi pour des baisses d'impôts mais davantage ciblées vers les jeunes, à l'instar de son exonération d'impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans.


Le principal point commun reste de financer leur programme par la lutte contre l'immigration, leur priorité, avec un chiffrage très contesté.


Ils estiment pouvoir économiser de 16 (Marine Le Pen) à 20 milliards (Eric Zemmour) d'euros par an, en limitant ou en supprimant les aides sociales non contributives aux étrangers.


Contactée, la Caisse nationale des allocations familiales a toutefois indiqué à l'AFP que la totalité des allocations versées aux étrangers correspondait à "9 milliards d'euros" par an (chiffre 2019), sans le minimum vieillesse géré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse.


Protectionnistes, ils s'accordent aussi sur la volonté d'inscrire dans la Constitution la primauté du droit national sur le droit européen, au risque d'un Frexit de fait.


La plateforme Booking épinglée en France pour «pratiques restrictives de concurrence»

La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
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  • Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière "
  • Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français

PARIS: La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué.

Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière dont le montant total pourra atteindre 69,35 millions d'euros", précise dans son communiqué la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français.

Selon la DGCCRF, les conditions générales de prestations (CGP) de Booking "comportent des clauses manifestement déséquilibrées au détriment des hôteliers français".

La Répression des fraudes souligne que, selon le code du commerce, "il est interdit de tenter de soumettre ou de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties". Or, "le fait d'entraver la liberté commerciale et tarifaire des hôteliers contrevient notamment à cet article", note-t-elle.

Le règlement P2B, lui, oblige les plateformes à "garantir l'accessibilité des conditions générales, lesquelles doivent être rédigées de manière claire et compréhensible", et à "notifier aux entreprises utilisatrices, sur un support durable, tout changement envisagé de leurs conditions générales".

"La plateforme se doit d'indiquer et de décrire, dans ses conditions générales, les principaux paramètres déterminant le classement des biens et services proposés en justifiant l'importance relative de ces paramètres par rapport aux autres", indique encore la DGCCRF.

Et "en cas de suspension ou de résiliation du compte d'une entreprise utilisatrice, la plateforme doit systématiquement lui transmettre un exposé des motifs", ajoute l'administration.

L'Umih, principale organisation professionnelle dans l'hôtellerie et la restauration, a salué jeudi dans un communiqué l'"avancée significative" que constitue cette injonction, qui doit permettre "un rééquilibrage des relations entre les plateformes numériques et les professionnels du tourisme".

Booking, dont la maison mère est aux Pays-Bas, a indiqué à l'AFP que "bien que Booking.com soit en désaccord avec les conclusions de l'enquête", l'entreprise s'emploie "activement à dissiper toutes les préoccupations".

Elle assure avoir "collaboré étroitement avec la DGCCRF afin de répondre à ses préoccupations et d'élaborer des solutions qui continuent de stimuler la demande pour (ses) partenaires d'hébergement en France, tout en satisfaisant les besoins des consommateurs".


Tutelle du FMI: «nous n'en sommes pas là», dit le gouverneur de la Banque de France

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
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  • Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir"
  • "Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national"

PARIS: "Nous n'en sommes pas là", a répondu jeudi le gouverneur de la Banque de France, interrogé sur le risque agité par le gouvernement d'une mise sous tutelle de la France par le FMI en cas de dérive des comptes, à quelques jours de l'annonce d'un grand plan d'économies par Matignon.

Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir", a dit François Villeroy de Galhau en présentant devant la presse le rapport annuel de la balance des paiements à la Banque de France à Paris.

"Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national", a affirmé le gouverneur, selon qui "il y a un lien très direct entre le niveau de notre dette et la liberté de la France".

"J'espère que nous n'avons pas besoin du FMI pour réaliser que le sujet est extrêmement sérieux", a-t-il poursuivi, précisant qu'il n'avait lui-même "jamais employé cette expression", à propos du mot tutelle.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a de nouveau pointé mercredi le risque "qu'un jour, les institutions internationales décident pour nous", après avoir à plusieurs reprises ces dernières semaines évoqué le risque d'une "tutelle" des institutions internationales, dont le FMI, en cas de dérive des comptes publics.

Ces mises en garde surviennent avant que le gouvernement annonce, le 15 juillet, un grand plan d'économies qui doit représenter un effort budgétaire de 40 milliards d'euros.

"Il faut évidemment tout faire pour éviter ça, notre destin budgétaire, il est entre nos mains", a dit M. Villeroy de Galhau.

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE).

L'économiste en chef de l'institution de Washington, interrogé mi-juin, avait affirmé que "la question pourrait se poser mais, j'ai envie de dire, ni demain ni après-demain. Si vraiment rien n'était fait (...), s'il n'y avait aucune volonté d'infléchir la trajectoire de la dette, évidemment qu'à un moment donné, la question se poserait", avait estimé Pierre-Olivier Gourinchas.


Jusqu'ici épargnée, la restauration rapide inquiète pour sa rentabilité

 Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi. (AFP)
Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi. (AFP)
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  • Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants
  • Si le secteur pèse, selon Xerfi, plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, son résultat net a été divisé par deux entre 2018 et 2023 sous l'effet de la hausse des charges d'exploitation

PARIS: Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi.

Commandée par le Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr), cette étude envisage plusieurs scénarios: une hausse de la TVA, un doublement de la "taxe soda" en 2026 (après un doublement déjà acté en 2025), une réduction des allègements de charges sur les petits salaires (déjà acté en 2025) et la réforme des titres-restaurants (dont l'utilisation pour faire toutes ses courses en supermarché devrait être pérennisée).

Si le secteur pèse, selon Xerfi, plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, son résultat net a été divisé par deux entre 2018 et 2023 sous l'effet de la hausse des charges d'exploitation.

"Les taux de défaillance du secteur de la restauration rapide se situent aujourd'hui entre 2% et 2,5%, un taux qui n'est pas alarmiste mais toutefois beaucoup plus important que la moyenne des années précédentes", a indiqué à l'AFP Jérémy Robiolle, directeur du développement chez Xerfi.

"Il y a une accumulation de mesures dans le secteur, comme la loi Agec (qui oblige notamment à utiliser de la vaisselle réutilisable, NDLR), la +taxe soda+ ou la réforme des titres-restaurants et on a voulu objectiver les remontées de terrain qui sont assez négatives", a expliqué à l'AFP Esther Kalonji, présidente du Snarr.

L'utilisation des titres-restaurants pour faire toutes les courses alimentaires en supermarché représente selon Xerfi un manque à gagner de 100 millions d'euros pour la restauration rapide en 2025 et de 195 millions en 2026.

"C'est moins d'emplois soutenus, car un titre-restaurant dépensé en restauration rapide génère plus d'emplois qu'en grande surface", selon Clément Morin, auteur de l'étude.

Le Snarr, comme l'Umih et le GHR, autres organisations patronales de la restauration, s'est retiré des groupes de travail liés aux Assises de la restauration menées à Bercy pour protester contre cette réforme qualifiée par l'Umih de "décision funeste pour le secteur".

Xerfi a également évalué l'impact du doublement de la "taxe soda" en 2025, qui représentera 49,5 millions d'euros pour la restauration rapide et jusqu'à 55,5 millions d'euros en 2026 selon les scénarios.

En cumulant les scénarios, Xerfi estime qu'entre 16.500 et 26.200 entreprises du secteur pourraient basculer dans le rouge en 2026.