La Turquie se rêve en «usine du monde»

Textiles dans un bazar à Edirne, en Turquie. (AFP).
Textiles dans un bazar à Edirne, en Turquie. (AFP).
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Publié le Dimanche 20 février 2022

La Turquie se rêve en «usine du monde»

  • La Turquie, aidée par une monnaie faible, a enregistré en 2021 des exportations record et se rêve en «usine du monde» aux portes de l'Europe
  • Une étude de McKinsey plaçait la Turquie en troisième position des pays dotés du meilleur potentiel pour l'approvisionnement textile à l'horizon 2025

ISTANBUL: La Turquie a enregistré en 2021 des exportations record et se rêve en "usine du monde" aux portes de l'Europe, aidée par une monnaie faible et la volonté de multinationales de rapprocher leur production de leurs marchés.

Le pays a exporté pour 225,4 milliards de dollars l'an dernier et vise 300 milliards en 2023. 

Sa proximité avec l'Europe est un atout, en pleine explosion du coût du fret maritime. A cela s'ajoute la perturbation des chaînes d'approvisionnement liées à la pandémie, qui pousse nombre d'entreprises européennes à vouloir réduire leur dépendance vis-à-vis de l'Asie.

Mais plusieurs obstacles se dressent sur la route du "made in Türkiye" - le nom qu'Ankara souhaite imposer aux dépens de "Turkey" à l'international -, préviennent des experts.

"De nombreuses multinationales font des démarches pour s'approvisionner davantage en Turquie", affirme à l'AFP Burak Daglioglu, président du Bureau d'investissement de la présidence turque.

Il fait valoir que le pays, qui attire de longue date des géants de l'automobile et du textile, offre une main d'oeuvre qualifiée, une situation géographique "parfaite" et des "infrastructures de pointe".

Le suédois Ikea a ainsi annoncé à l'automne vouloir déplacer une partie de sa production en Turquie. Et le groupe d'habillement italien Benetton a confirmé à l'AFP "souhaiter accroître ses volumes de production dans des pays plus proches de l'Europe, dont la Turquie".

Peter Wolters, vice-président de la Chambre de commerce Pays-Bas-Turquie, dit également "recevoir des demandes des secteurs de la maison et du jardin, du textile et de la mode et de l'industrie de la construction de yachts" de la part de patrons souhaitant raccourcir leurs chaînes d'approvisionnement.

Envol des coûts du fret

Car faire venir des marchandises d'Asie est devenu extrêmement coûteux: conséquence des pénuries de containers dans les ports, le coût du fret a été multiplié par plus de neuf depuis février 2020 entre la Chine et l'Europe du Nord, selon l'indice Freightos Baltic. 

La Turquie n'est elle située qu'à trois jours de l'Europe de l'ouest en camion.

Une étude du cabinet McKinsey publiée en novembre plaçait ainsi la Turquie en troisième position des pays dotés du meilleur potentiel pour l'approvisionnement textile à l'horizon 2025, derrière le Bangladesh et le Vietnam mais devant l'Indonésie et la Chine. 

"Les entreprises du secteur de l'habillement cherchent à modifier leur 'mix' de pays d'approvisionnement" et à se "rapprocher" de leurs marchés, écrivent les auteurs de l'étude.

Ils soulignent que la Turquie offre des "coûts de production moins élevés en raison d'une livre turque meilleur marché".

Conséquence de l'effondrement de la monnaie locale face au dollar (-44% en 2021), le salaire minimum net turc équivaut actuellement à 315 dollars, un niveau à peine supérieur à la Malaisie.

Pour certains observateurs, le président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans et qui espère être réélu en 2023, mise sur une livre faible pour doper les exportations et la croissance, malgré sa volonté affichée de relever le pouvoir d'achat des Turcs.

L'Europe, «amie» et «ennemie»

L'effondrement de la livre turque est également problématique pour l'industrie en raison de la dépendance du pays aux importations d'énergie et de certains matériaux de base. 

"Ce n'est pas la Russie, par exemple, qui dispose d'abondantes matières premières", pointe Roger Kelly, économiste à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd).

De plus en plus d'entreprises parieront sur la Turquie, juge-t-il néanmoins. Mais "il ne faut pas oublier des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, membres de l'UE, qui offrent aussi de faibles coûts et des sites de production de qualité".

"Nous ne voyons pas encore de gros investissements, même si la Turquie est, d'un point de vue purement économique, le pays parfait pour rapprocher la production de l'Europe", note Erdal Yalcin, professeur d'économie internationale à l'université de Constance (Allemagne). Pour lui, l'"incertitude institutionnelle et judiciaire" en Turquie et la diplomatie d'Ankara sont à blâmer.

Dans la bouche des dirigeants turcs, "un jour l'Europe est une nation amie, le lendemain elle est une ennemie", souligne-t-il. Il rappelle que Volkswagen avait différé - avant d'y renoncer définitivement - la construction d'une usine en Turquie après une offensive turque en Syrie fin 2019.

"Nous ne poserons pas la première pierre près d'un champ de bataille", avait déclaré le patron du géant allemand.

Dans ce contexte, "mon sentiment est que nous ne verrons pas de grandes annonces avant (la présidentielle de) 2023 - tant que l'incertitude sur l'avenir politique du pays ne sera pas dissipée", juge Erdal Yalcin.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.