Turquie: l'inflation fait s'envoler les prix de l'énergie, la population grelotte

Des gens font la queue devant un bureau de change à Ankara le 20 décembre 2021 alors que la monnaie turque en difficulté a plongé. (Photo, AFP)
Des gens font la queue devant un bureau de change à Ankara le 20 décembre 2021 alors que la monnaie turque en difficulté a plongé. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 09 février 2022

Turquie: l'inflation fait s'envoler les prix de l'énergie, la population grelotte

  • Entre le gaz et l'électricité, de nombreux Turcs ont vu leurs factures doubler voire tripler du jour au lendemain
  • Le coût de l'énergie est devenu un sujet de conversation récurrent, notamment chez les commerçants qui sont soumis à une tarification plus élevée

ANKARA : La neige est tombée en abondance sur Ankara et la nuit, le thermomètre plonge à -10°C. Pourtant, Dondu Isler, 61 ans, éteint les radiateurs de ses deux chambres pour contenir l'envolée de ses factures.

Avec une inflation officielle de 48,7% en janvier sur un an, le coût de la vie quotidienne ne cesse de renchérir et les prix du gaz et de l'électricité sont devenus insupportables pour les classes moyennes.

"Seuls le salon et la cuisine sont chauffés, au strict minimum. On essaie de se réchauffer avec des couvertures", raconte Dondu, femme au foyer qui vit avec son mari de la retraite de ce dernier, un ancien gardien de chantier qui touche 2 400 livres turques par mois (154 euros environ).

De toutes les difficultés auxquelles ils font face, le plus dur pour eux est l'augmentation des tarifs de l'électricité au 1er janvier, entre 52% et 127% selon une tarification graduelle liée à la consommation.

Entre le gaz et l'électricité, de nombreux Turcs ont vu leurs factures doubler voire tripler du jour au lendemain.

Le coût de l'énergie est devenu un sujet de conversation récurrent, notamment chez les commerçants qui sont soumis à une tarification plus élevée.

Certains bars ajoutent désormais un service de 4 livres (25 centimes) aux clients qui consomment en terrasse chauffée.

Le petit-déjeuner, un «luxe»

A dix-huit mois de la prochaine élection présidentielle, à l'issue de laquelle le président Recep Tayyip Erdogan espère entamer un troisième mandat, l'inflation devient une affaire politique.

L'opposition et certains économistes accusent l'Office national des statistiques (Tuik) --dont le chef de l'Etat a limogé récemment le directeur-- de sous-estimer de plus de moitié son ampleur: un groupe d'économistes turcs indépendants affirme qu'elle a dépassé les 110% en janvier.

Pour Hacer Foggo, fondatrice de l'ONG "Réseau de la grande pauvreté", cette flambée record des prix depuis 2002 appauvrit toutes les couches de la société.

"De nombreuses familles ont drastiquement réduit leurs dépenses alimentaires. Les oeufs, le fromage ou les olives du petit-déjeuner traditionnel sont devenus des produits de luxe", assure-t-elle.

Autrefois relativement résistantes aux crises, les classes moyennes se retrouvent sous pression, même les cols blancs.

"Ils ont vu leur loyers doubler ou tripler, ils doivent chercher des logements plus petits ou dans des quartiers plus excentrés", explique Mme Foggo.

Solidarité en panne

Les conséquences sont surtout dramatiques pour les plus démunis, qui ne peuvent plus compter sur la solidarité entre amis ou famille.

"On estime à 160 000 le nombre d'enfants et de jeunes qui ont abandonné l'école en 2021. J'en connais personnellement plusieurs parmi les familles qui sont aidées par notre organisation", reprend Mme Foggo.

"Certains se sentent obligés de contribuer aux dépenses familiales et quittent l'école pour travailler. D'autres renoncent à aller à l'école faute de pouvoir payer le transport ou les autres dépenses".

Avec la hausse des prix des produits de base comme le lait infantile (+55,6% selon les chiffres officiels), "de nombreuses mères donnent des soupes déshydratées à leur bébé" à la place du lait adapté.

Ali Golpinar, muhtar (responsable de quartier) depuis treize ans dans un district modeste d'Ankara, est en première ligne pour observer les effets de la crise sur les habitants.

"J'organise depuis des années des caisses de solidarité pour les plus démunis du quartier. Mais on a du mal depuis quelques mois, plus personne n'a les moyens d'y participer", regrette-t-il.

Même son association, qui propose aux femmes des ateliers gratuits de couture, de cuisine ou de confection de bijoux, est affectée.

"Notre facture d'électricité est passée de 93 livres (6 euros) en décembre à 348 livres (22,40 euros) pour une consommation identique", s'alarme le muhtar.

Et les compagnies d'électricité ont coupé le courant de nombreux habitants qui ne pouvaient pas honorer leurs factures, rapporte-t-il.

La colère gronde et commence à mobiliser: de Mugla (ouest) à Dogubeyazit (est), le triplement des factures d'énergie a provoqué de nombreux rassemblements à travers le pays. Au moins deux sont prévus ce weekend à Istanbul.

"On fait face à une nouvelle forme de précarité", estime Onder Algedik, expert en énergie, qui reproche aux compagnies privées de pousser les prix au-delà des coûts réels.

Selon lui, les mouvements de protestation risquent de se répandre.

Le président sent le danger. Son porte-parole Ibrahim Kalin a promis lundi de prochaines mesures: "Nous n'allons pas laisser l'inflation écraser nos citoyens".


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.


Automobile: les équipementiers français pressent Bruxelles d'imposer un contenu local

 Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi. (AFP)
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  • Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe
  • Mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie"

PARIS: Trois des plus gros équipementiers automobiles français ont demandé à Bruxelles d'imposer l'obligation d'un contenu local dans les véhicules, lors des annonces attendues mardi sur la révision de l'interdiction de vendre des voitures neuves autres que tout électriques, selon une lettre consultée lundi.

Dans cette missive adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et datée du 12 décembre, les dirigeants des équipementiers Valeo, Forvia et OPmobility demandent à la Commission "des mesures claires sur le contenu local lors des annonces du 16 décembre".

Les équipementiers européens "contribuent pour 75% à la valeur d'un véhicule et représentent 1,7 million d'emplois" en Europe, mais "les surcapacités mondiales, les importations subventionnées (par le pays exportateur, NDLR) et un déséquilibre commercial accru érodent les fondations de notre industrie", écrivent Christophe Périllat (Valeo), Martin Fisher (Forvia) et Félicie Burelle (OPmobility).

"Les perspectives actuelles indiquent que 350.000 emplois et 23% de la valeur ajoutée des automobiles dans l'UE sont en danger d'ici 2030 si des mesures fortes ne sont pas prises de manière urgente", ajoutent-ils.

Ces équipementiers soutiennent "la position des ministres français en faveur de +flexibilités ciblées+ dans la réglementation sur (les émissions de) CO2 si elle est assortie de conditions de critères de contenu local, dans l'intérêt des emplois, du savoir-faire dans l'automobile" et de "l'empreinte carbone" en Europe.

Les constructeurs automobiles européens et l'Allemagne notamment réclament depuis des semaines de nets assouplissements dans l'interdiction de vendre des voitures neuves thermiques ou hybrides prévue à partir de 2035.

Les annonces de la Commission sont attendues mardi après-midi.

La semaine dernière, plusieurs ministres français avaient envoyé une lettre aux commissaires européens pour dire qu'ils acceptaient des "flexibilités ciblées", à condition qu'elles s'accompagnent d'une règlementation incitative à la production en Europe.

"On est prêt à faire preuve de flexibilité", avait ensuite expliqué Roland Lescure, ministre français de l'Economie. "Si vous voulez vendre encore un peu de moteurs thermiques en 2035 très bien, mais il faut qu’ils soient faits en Europe", avec "au moins 75% de la valeur ajoutée faite en Europe", avait-il ajouté.


Espagne: amende de 64 millions d'euros contre Airbnb pour avoir publié des annonces de logements interdits

Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays. (AFP)
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  • L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation
  • "Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux"

MADRID: Le gouvernement espagnol a annoncé lundi avoir infligé une amende de 64 millions d'euros à la plateforme Airbnb pour avoir notamment publié des annonces de logements interdits, une infraction qualifiée de "grave", en pleine crise du logement dans le pays.

En Espagne, les plateformes de location de courte durée suscitent un vif débat, surtout dans les grandes villes touristiques, où de nombreux habitants leur reprochent de contribuer à la flambée des loyers.

L'amende qui vise Airbnb et atteint précisément 64.055.311 euros est "définitive", a précisé dans un communiqué le ministère de la Consommation, ajoutant que la plateforme basée aux Etats-Unis devait désormais "corriger les manquements constatés en supprimant les contenus illégaux".

"Des milliers de familles vivent dans la précarité à cause de la crise du logement, tandis que quelques-uns s'enrichissent grâce à des modèles économiques qui expulsent les gens de chez eux", a critiqué le ministre de la Consommation, Pablo Bustinduy, cité dans le communiqué.

"Aucune entreprise en Espagne, aussi grande ou puissante soit-elle, n'est au-dessus des lois", a-t-il poursuivi.

L'Espagne a accueilli en 2024 un nombre record de 94 millions de visiteurs, ce qui en fait la deuxième destination touristique dans le monde derrière la France. Ce chiffre pourrait être battu cette année.

Mais si le tourisme est un moteur de l'économie, de nombreux Espagnols dénoncent la congestion des infrastructures, la disparition des commerces traditionnels, remplacés par des boutiques touristiques, et surtout la flambée des loyers, les propriétaires de logements se tournant vers la location touristique, y compris sur Airbnb, nettement plus rentable.

Face à cette poussée de colère, plusieurs régions et municipalités ont annoncé des mesures ces derniers mois, à l'image de la mairie de Barcelone (nord-est), qui a promis de ne pas renouveler les licences de quelque 10.000 appartements touristiques, qui expireront en novembre 2028.