Corruption et blanchiment: le Crédit Suisse au coeur de nouvelles accusations

Après une année 2021 déjà difficile, le Crédit Suisse se retrouve depuis dimanche soir dans la tourmente (Photo, AFP).
Après une année 2021 déjà difficile, le Crédit Suisse se retrouve depuis dimanche soir dans la tourmente (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 21 février 2022

Corruption et blanchiment: le Crédit Suisse au coeur de nouvelles accusations

  • Une enquête internationale, réalisée par plusieurs médias, accuse la banque d'héberger des fonds d'origine criminelle ou illicite
  • Pour les médias du consortium, les pratiques mises en lumières ont toujours cours au sein de la banque et impliquent directement l'état-major du Crédit Suisse

PARIS: Après une année 2021 déjà difficile, le Crédit Suisse se retrouve depuis dimanche soir dans la tourmente, accusé par une enquête internationale, réalisée par plusieurs médias, d'héberger des fonds d'origine criminelle ou illicite, des accusations que la banque helvète "rejette fermement".

Se basant sur les données de plus de 18.000 comptes bancaires hébergés depuis le début des années 1940 et jusque la fin des années 2010, l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), consortium regroupant 47 médias parmi lesquels Le Monde, The Guardian, le Miami Herald ou encore La Nacion, affirme que l'établissement financier a "hébergé des fonds liés au crime et à la corruption plusieurs décennies durant", selon le quotidien Le Monde.

Et ce "au mépris des règles de vigilance s'imposant aux grandes banques internationales", ajoute le quotidien.

L'OCCRP a pu se baser sur des données remises anonymement il y a un peu plus d'un an au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, concernant des comptes appartenant à 37.000 personnes ou entreprises, pour un montant total de plus de 100 milliards de dollars (plus de 88 milliards d'euros), "dont au moins huit milliards liés à des clients identifiés comme problématiques", assure Le Monde.

Dans la soirée, le Crédit Suisse a vivement réagi à ces accusations via un communiqué, affirmant que les données étudiées sont "partielles, inexactes, ou sont prises hors de tout contexte, entraînant une présentation tendancieuse de la conduite des affaires" par la banque.

"90% des comptes concernés sont aujourd'hui clôturés, dont plus de 60% avant 2015", assure la banque, qui précise par ailleurs "mener l'enquête" concernant la fuite de données.

Pour les médias du consortium cependant, les pratiques mises en lumières ont toujours cours au sein de la banque et impliquent directement l'état-major du Crédit Suisse.

Pire, Le Monde ajoute que plusieurs médias au sein de l'OCCRP, se faisant passer pour des "clients fortunés en quête de discrétion" se sont vu proposer des instruments permettant d'ouvrir un compte anonymement, et même la mise en place de holdings avec prêtes-noms et trusts, une façon de remplacer les comptes numérotés anonymes, une pratique d’opacification en cours de disparition en Suisse.

La presse suisse déplore d'être muselée

"Le risque juridique était tout simplement trop grand". Même TX, le plus grand groupe de médias privés de Suisse a expliqué dimanche avoir renoncé à participer à l'enquête "Suisse secrets", estimant que ses journalistes risquent la prison.
Ainsi, la Tribune de Genève, l'un des titres les plus prestigieux du groupe TX (Tamedia), expliquait dimanche qu'une "modification de la loi sur les banques, intervenue en 2015, empêche les journalistes de travailler avec des données bancaires issues d’une fuite, même lorsqu’elles présentent un intérêt public". L’article 47 de cette loi prévoit jusqu’à 3 ans de prison pour toute personne qui "révèle un secret qui lui a été confié […] ou exploite ce secret à son profit ou au profit d’un tiers".
"Le curseur est posé à un degré étrange: un oligarque qui a caché son argent en Suisse voit son anonymat juridiquement protégé. Selon la loi, le journaliste qui l’expose risque jusqu’à 3 ans de prison. Est-ce vraiment cela, la Suisse que nous voulons?", s'interroge Ariane Drayer, rédactrice en chef de la rédaction de Tamedia .
Si les journalistes peuvent espérer louvoyer quand il s'agit de fuites limitées, il en va autrement dans le cas de masses de données comme "Suisse secrets", auxquelles seul un initié soumis au secret bancaire peut avoir accès.

Scandales en série depuis un an

Parmi les personnes recensées dans les données entre les mains de l'OCCRPS, l'immense majorité proviennent de pays en développement: en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud et les clients domiciliés en Europe occidentale ne représentent que 1 % du total, précise le journal.

Apparaissent notamment le roi Abdallah II de Jordanie ou le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev mais également des fonctionnaires de plusieurs pays arabes "qui ont sorti de grosses sommes d'argent de leur pays au moment des +printemps arabes+" détaille le quotidien.

Crédit Suisse, le numéro deux du secteur bancaire helvétique, a été secoué par une série de scandales depuis un an. En mars, la banque a été éclaboussée par la faillite de la société financière Greensill, dans laquelle quelque 10 milliards de dollars avaient été engagés par le biais de quatre fonds, puis par l'implosion du fonds américain Archegos qui a coûté quelque 5 milliards de dollars à la banque.

En octobre, elle s'était de surcroît vu infliger 475 millions de dollars de pénalités par les autorités américaines et britanniques pour ses prêts à des entreprises d'Etat au Mozambique, qui s'étaient retrouvées au coeur d'un scandale de corruption.

Son nouveau président, Antonio Horta-Osório, élu fin avril en pleine tourmente, avait lancé une réorganisation des activités de la banque avec pour objectif de remettre la gestion des risques au coeur de la culture de la banque.

Mais ce banquier Portugais, qui s'était forgé une solide réputation pour avoir redressé la banque britannique Lloyds, a lui même été éclaboussé par des révélations de presse en décembre concernant des règles de quarantaine qu'il avait enfreintes. Mi-janvier, il avait donné sa démission, passant la main à Axel Lehmann, un banquier suisse reconnu pour son expertise dans la gestion des risques, qui avait rejoint le conseil d'administration en octobre.

Début février, s'est également ouvert un procès devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, dans la partie italophone de la Suisse, autour d'une organisation criminelle bulgare.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.