Face à la chute du rouble, les Russes inquiets pour leur épargne

Un tableau indiquant les taux de change du dollar américain et de l'euro par rapport au rouble russe à Moscou, en Russie. (AFP).
Un tableau indiquant les taux de change du dollar américain et de l'euro par rapport au rouble russe à Moscou, en Russie. (AFP).
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Publié le Lundi 28 février 2022

Face à la chute du rouble, les Russes inquiets pour leur épargne

  • Lundi, la devise russe a battu des records historiques de faiblesse, s'échangeant dans la matinée à 100 contre un dollar et 109,4 contre un euro.
  • Ce plongeon a réveillé chez de nombreux Russes, déjà stressés par le conflit, le souvenir de l'instabilité financière des années 1990

MOSCOU: Quand elle a vu le rouble chuter, Natalia Prochina s'est précipitée à la banque: comme elle, de nombreux Russes redoutent une crise et l'évaporation de leurs économies après les sanctions occidentales contre Moscou pour l'invasion de l'Ukraine.

Lundi, la devise russe a battu des records historiques de faiblesse, s'échangeant dans la matinée à 100 contre un dollar et 109,4 contre un euro.

Ce plongeon a réveillé chez de nombreux Russes, déjà stressés par le conflit, le souvenir de l'instabilité financière des années 1990, quand des millions de personnes ont vu leur épargne bancaire se volatiliser sous l'effet de la dévaluation du rouble et de l'inflation.

"Dès que j'ai appris que le rouble s'était effondré, j'ai couru à ma banque, évidemment", raconte Mme Prochina, cliente de la banque VTB, deuxième établissement de Russie après Sberbank, tous deux ciblés dans le cadre des sanctions annoncées par les pays occidentaux ces derniers jours.

Ancienne journaliste à la télévision soviétique, Natalia, 75 ans, s'apprêtait à "retirer (ses) sous pour ne pas perdre de nouveau toute sa fortune", comme cela lui était déjà arrivé pendant la crise financière de 1998.

"Nous avions alors perdu tout notre argent, y compris tout ce que mon mari avait gagné pendant (une mission) à l'étranger", se souvient-elle.

"Je n'ai plus envie de jouer à ces jeux avec l'Etat (...) qui peut facilement décréter la loi martiale à tout moment et confisquer mon épargne", au nom de la guerre avec l'Ukraine, s'exclame l'ex-propagandiste soviétique d'un ton martial.

Peur de l'avenir 

Devant l'entrée de cette même banque située dans le centre de Moscou, Alexandre Zouïev, 40 ans, attend son tour pour être reçu par sa conseillère.

"Je pense que retirer du liquide serait bien raisonnable dans le contexte actuel", énonce cet élégant manager dans la culture. "Chacun doit subvenir à ses besoins vu que personne ne sait ce qui adviendra au pays".

Derrière lui, Edouard Syssoïev, un militaire à la retraite de 51 ans, est en train de perdre patience: il dit ne pas avoir pu retirer d'argent liquide dans une autre filiale de la banque.

Il pense que "90 % des Russes vont se dépêcher de retirer leurs roubles pour les convertir en dollars, en biens immobiliers ou carrément en or", même si aucun mouvement de panique massif n'a été constaté lundi.

"C'est la population qui paiera ce banquet des militaires", lâche-t-il, en référence à l'intervention en Ukraine lancée jeudi par Vladimir Poutine.

Un autre Moscovite, Roustam Iakovlev, s'attend lui aussi à la panique générale.

"Même si la Banque centrale (de Russie) assure que tout ira bien, les gens vont paniquer et retirer leur argent", anticipe cet ingénieur de 50 ans. "Moi-même, si j'en avais, j'aurais tout retiré", dit-il.

« Plus aucune confiance »

La Banque centrale a annoncé lundi relever très fortement son taux directeur, de 10,5 points, à 20%, après avoir essayé depuis jeudi de "stabiliser la situation" avec des interventions sur le marché des changes.

A Saint-Pétersbourg (nord-ouest), une quinzaine de personnes attendaient lundi matin l'ouverture d'une agence de la filiale russe de la banque autrichienne Raiffeisen.

Parmi elles, Svetlana Paramonova, 58 ans, dit vouloir "retirer son argent pour le garder chez elle". "C'est plus sûr, vu qu'on ne comprend plus rien à ce qui se passe", résume-t-elle.

A côté d'elle, Anton Zakharov, 45 ans, veut faire pareil, n'ayant "plus aucune confiance ni dans le pouvoir, ni dans les banques".

L'instabilité du taux de la monnaie nationale provoquée par de lourdes sanctions occidentales conduira à "baisser le niveau de vie des Russes d'ici un an", a déclaré pour l'AFP Alexeï Vedev, analyste de l'institut économique Gaïdar.

"Mais le mécontentement des Russes ne déborde que si leur niveau de vie baisse de trois fois par rapport à l'état actuel", tempère Sergueï Khestanov, un conseiller pour les questions macroéconomiques du courtier Open Broker.

Le Japon va adopter des sanctions contre le président du Bélarus et la banque centrale russe

TOKYO: Le Japon va adopter des sanctions à l'encontre du président du Bélarus Alexandre Loukachenko et de la banque centrale russe, a annoncé lundi le Premier ministre japonais Fumio Kishida, en réaction à l'invasion russe en Ukraine.

"A la lumière de l'apparente implication du Bélarus dans cette agression, nous allons prendre des sanctions contre le président Loukachenko et d'autres individus et organisations, ainsi que des mesures de limitation des exportations", a déclaré M. Kishida, après un entretien avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

"Afin d'améliorer la viabilité des sanctions financières prises par la communauté internationale contre la Russie, nous avons décidé d'imposer des sanctions visant à restreindre les transactions avec la banque centrale russe", a ajouté le Premier ministre japonais.

En collaboration avec ses partenaires du G7, le gouvernement de M. Kishida a déjà annoncé une série de sanctions contre Moscou, qui visent notamment les établissements financiers et les exportations vers la Russie de semi-conducteurs.

En plus des 100 millions de dollars de prêts déjà offerts à l'Ukraine, M. Kishida a annoncé dimanche que Tokyo accorderait 100 millions de dollars supplémentaires d'aide humanitaire d'urgence.

Le Premier ministre a également indiqué que des mesures seraient prises pour permettre aux Ukrainiens présents au Japon de prolonger leur séjour s'ils craignent de rentrer chez eux.

Dans un tweet, M. Zelensky a salué la décision du Japon d'adopter "de fortes sanctions".

"Merci! Une coalition anti-guerre véritablement mondiale fonctionne", a-t-il ajouté.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".