Les Arabo-Américains doivent s'opposer aux lois racistes anti-BDS

Des manifestants protestent contre la législation anti-BDS du gouverneur Andrew Cuomo, à New York, aux États-Unis, le 9 juin 2016. (AP Photo)
Des manifestants protestent contre la législation anti-BDS du gouverneur Andrew Cuomo, à New York, aux États-Unis, le 9 juin 2016. (AP Photo)
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Publié le Samedi 05 mars 2022

Les Arabo-Américains doivent s'opposer aux lois racistes anti-BDS

Les Arabo-Américains doivent s'opposer aux lois racistes anti-BDS
  • Au moins vingt-huit des cinquante États américains ont adopté des lois qui violent la Constitution américaine
  • Chaque colonie israélienne est construite dans le seul but de servir les adeptes d'une religion – le judaïsme – sur des terres prises illégalement aux chrétiens et aux musulmans

Au moins vingt-huit des cinquante États américains ont adopté des lois qui violent la Constitution américaine. En effet, elles punissent les citoyens qui refusent de signer une lettre renonçant au boycott moral d’Israël en raison de l'occupation illégale de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, connu sous le nom de «mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions» (BDS).

Les lois anti-BDS ont débuté dans le Tennessee en 2015 et, après une campagne de propagande bien financée qui associe faussement le rejet des crimes de guerre d'Israël à l'antisémitisme, elles ont conduit plus de deux douzaines d'autres États à les adopter.

Lorsque ces lois sont contestées devant les tribunaux, elles sont généralement déclarées illégales, comme au Texas, en Arkansas et en Géorgie. Mais on ne fait pas assez pour révoquer ces lois discriminatoires qui visent les Américains, en particulier ceux qui sont arabes et/ou musulmans, qui pensent que les pays étrangers ne devraient pas être récompensés pour avoir violé les droits des civils.

Les lois anti-BDS continuent d'être renforcées dans plusieurs États, comme cette semaine dans l'Iowa, où la législation est étendue pour cibler spécifiquement le célèbre fabricant de crème glacée Ben & Jerry's.

L'échec d'une contestation générale de toutes ces lois reflète le dysfonctionnement de la communauté arabo-américaine, qui s'est divisée en deux groupes inefficaces, l'un motivé par des questions séculaires et l'autre par des préoccupations religieuses, principalement musulmanes.

Les Arabes sont exclus de presque tous les aspects de la vie américaine: ils sont discriminés par les grands médias et marginalisés dans la politique américaine. L'ethnie arabe ne figure même pas dans le recensement américain et les Arabes ne bénéficient pas du statut de minorité. Alors qu’on autorise aux Noirs, aux Hispaniques, aux Asiatiques, aux Amérindiens et aux nombreux autres groupes ethniques des mois de célébration, des parades, des subventions culturelles spéciales et des segments garantis de contrats gouvernementaux, les Arabes en sont exclus.

Malgré ce racisme antiarabe dont témoigne la vague de lois illégales anti-BDS, les Arabes ont le droit de leur côté. La loi protège les Arabes américains à bien des égards, mais ils doivent se battre seuls pour leurs droits, même si le gouvernement et d'autres institutions luttent fréquemment au nom d'autres groupes ethniques et nationaux.

L'American Civil Liberties Union (Union américaine pour les libertés civiles, NDLR), par exemple, est sélective au sujet des personnes qu'elle soutient et choisit les moments où elle fait respecter les droits civils des Arabes. Si elle se joint occasionnellement à la lutte contre les lois anti-BDS, elle refuse de s'engager dans des discussions et des débats très médiatisés, redoutant probablement de perdre le soutien des Américains influencés par la propagande israélienne.

Les Arabo-Américains devraient regrouper leurs efforts sous une même bannière, mais ils ne le peuvent pas. Bien que beaucoup considèrent que les Arabes sont monolithiques, ils viennent en fait de vingt-deux pays qui comptent plus de cent sous-groupes ethniques et nationaux. Ces derniers ont des intérêts divers et souvent concurrents. Les défis se compliquent encore lorsque l'on ajoute à ce mélange la religion, qui sépare les musulmans des chrétiens et divise les musulmans entre intérêts arabes et non arabes.

Les Arabes et les musulmans du Moyen-Orient considèrent sans doute que leurs homologues occidentaux ont tous le même style de vie, mais ce n'est pas le cas. Être arabe en Amérique représente un défi sans fin rempli de restrictions, de stéréotypes et de discrimination. Quel autre groupe ethnique américain est visé pour s'être opposé aux politiques d'un pays étranger?

L'échec de la contestation générale de toutes ces lois est le reflet du dysfonctionnement de la communauté arabo-américaine.

Ray Hanania

La dernière loi anti-BDS à être étendue est celle qui a été adoptée pour la première fois dans l'Iowa en 2016. Les promoteurs du dossier 2373 de la Chambre veulent utiliser la loi de l'État comme un précédent pour étendre les lois anti-BDS ailleurs dans le but de punir Ben & Jerry's, qui a refusé de vendre ses produits en Cisjordanie. Le fabricant de crème glacée basé dans le Vermont est une filiale autonome à 100 % de la multinationale britannique Unilever; il ne boycotte pas Israël. Ses produits sont vendus à l'intérieur de ce pays, mais l'entreprise ne veut pas vendre ses produits dans des colonies illégales et racistes, réservées aux Juifs, qui sont construites sur des terres volées aux Palestiniens chrétiens et musulmans. En conséquence, l'Iowa est en train d'adapter sa loi anti-BDS pour inclure les entreprises qui sont des filiales à 100 %, à participation majoritaire, des sociétés mères ou des sociétés affiliées.

À proprement parler, chaque colonie israélienne est construite dans le seul but de servir les adeptes d'une religion – le judaïsme – sur des terres prises illégalement aux chrétiens et aux musulmans.

Les législateurs de l'Iowa ne semblent pas se soucier du fait qu'il coûtera aux contribuables des millions de dollars pour dresser un inventaire exhaustif de toutes les entreprises qui veulent soumissionner pour des contrats publics et obtenir des déclarations sous serment signées selon lesquelles elles ne soutiennent pas le boycott. Les vraies victimes seront les citoyens ordinaires de l'Iowa, dont la plupart ne sont jamais allés en Israël, ne se soucient pas de ce pays et ne connaissent probablement pas d'Arabes ni de musulmans.

Ce qu'il faut, c'est un mouvement juridique national susceptible de contester toutes les lois anti-BDS d'un seul coup, en se basant sur le simple fait que la Constitution américaine garantit à chaque Américain le droit à la liberté d'expression. Les citoyens des États-Unis boycottent d'autres pays étrangers en permanence; le problème n'est donc pas l'acte de boycott lui-même, mais la question de la protection d'Israël.

Un autre problème réside dans la désorientation du mouvement BDS. Certains militants sont, en réalité, anti-Israël, mais la majorité s'oppose simplement aux colonies. Ceux qui sont au cœur de ce débat affirment que le gouvernement israélien donne du pouvoir au mouvement de colonisation raciste.

Pourtant, malgré ces défis fondamentaux, je me refuse à croire qu'il ne se trouve pas un avocat brillant qui soit prêt à porter l'affaire devant les tribunaux fédéraux et à citer les puissantes lois américaines sur les droits civils qui interdisent la discrimination fondée sur la race, la religion ou les croyances. Les lois anti-BDS sont une violation des droits civils des Arabes, des musulmans et de tous ceux qui croient en la justice.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il est joignable sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.

Twitter: @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.