Ukraine: échec de l'évacuation de civils à Marioupol, Odessa bientôt bombardée selon Zelensky

De la fumée monte après le bombardement par les forces russes à Marioupol, en Ukraine, le vendredi 4 mars 2022. (AP)
De la fumée monte après le bombardement par les forces russes à Marioupol, en Ukraine, le vendredi 4 mars 2022. (AP)
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Publié le Dimanche 06 mars 2022

Ukraine: échec de l'évacuation de civils à Marioupol, Odessa bientôt bombardée selon Zelensky

  • Au 11e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, plus d'1,5 million de personnes ont déjà fui le pays, selon l'ONU. Des centaines de civils ont été tués et aucun signe d'accalmie n'apparaît
  • La Russie « se prépare à bombarder Odessa», un port de près d'un million d'habitants, a accusé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dénonçant un potentiel « crime historique» contre cette ville cosmopolite

KIEV : L'évacuation de civils du port ukrainien de Marioupol, assiégé par les troupes russes, a de nouveau échoué dimanche, tandis que l'Ukraine a dit craindre une offensive sur la cité portuaire d'Odessa, sur la Mer noire, malgré l'intensification des efforts diplomatiques.

Au 11e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, plus d'1,5 million de personnes ont déjà fui le pays, selon l'ONU. Des centaines de civils ont été tués et aucun signe d'accalmie n'apparaît.

Au contraire, la Russie "se prépare à bombarder Odessa", un port de près d'un million d'habitants, a accusé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dénonçant un potentiel "crime historique" contre cette ville cosmopolite, toute proche de la frontière moldave où affluent les réfugiés.

Dans le sud-est du pays, à Marioupol, sur la mer d'Azov, "au milieu de scènes dévastatrices de souffrances humaines, une deuxième tentative aujourd'hui de commencer à évacuer quelque 200.000 personnes de la ville a été interrompue", selon un communiqué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Ce couloir humanitaire devait s'ouvrir dès 12H00 locales (10H00 GMT) pour permettre l'évacuation de civils jusqu'à la ville de Zaporojie, à environ trois heures de route, selon la municipalité de Marioupol.

Mais "la colonne pour évacuer la population civile n'a pas pu sortir de Marioupol car les Russes ont regroupé leurs forces et commencé à bombarder la ville", a déclaré sur Facebook Pavlo Kirilenko, gouverneur ukrainien de la région.

En matinée, le commandant séparatiste prorusse Edouard Bassourine, a accusé, cité par l'agence russe TASS, les troupes ukrainiennes de ne pas respecter le cessez-le-feu temporaire.

Marioupol est sous "blocus humanitaire" avec des "milliers de blessés" à la suite de bombardements russes, a affirmé samedi soir son maire Vadim Boïtchenko, sur Youtube.

La situation y est "catastrophique": ses 450 000 habitants n'ont ni eau ni nourriture, ni chauffage ni électricité, selon Laurent Ligozat, de l'ONG Médecins sans frontières (MSF).

La chute de Marioupol serait un tournant dans l'invasion russe, lancée le 24 février.

Elle permettrait la jonction entre les troupes en provenance de la Crimée annexée, qui ont déjà pris les ports clés de Berdiansk et de Kherson, et celles du Donbass. Ces forces consolidées pourraient ensuite remonter vers le centre et le nord de l'Ukraine.

Kiev en ligne de mire 

Dans le centre du pays, l'aéroport de Vinnytsia a été "complètement détruit" par des frappes russes, selon M. Zelensky. En matinée, le ministère russe de la Défense avait annoncé avoir détruit l'aérodrome militaire de Starokonstantinov, à 130 km au nord-est.

Les soldats russes se rapprochent également de Kiev, où ils rencontrent une résistance tenace.

Si la capitale a été épargnée dans la nuit de samedi à dimanche par les bombardements, d'intenses combats ont lieu dans sa périphérie, selon l'administration régionale ukrainienne. "Ils bombardent les zones résidentielles --écoles, églises, grands immeubles, tout", se désole Natalia Dydenko, une comptable de 58 ans, qui fuit Irpine, non loin de Kiev.

A Bilogorodka, à 25 km à l'ouest de la capitale, des soldats ukrainiens surveillent un pont entièrement miné, le dernier encore debout menant à Kiev. "Si on voit des Russes avancer, nous le ferons sauter (...) avec le plus de chars ennemis possible", assure à l'AFP l'un d'eux. 

Selon l'administration ukrainienne, les combats continuent aussi à Tcherniguiv, ville à 150 km au nord et pilonnée depuis plusieurs jours par l'aviation russe, devenue un paysage de dévastation.

Moscou avait évoqué mercredi la mort de 498 soldats russes et 2.870 morts côté ukrainien. Kiev fait état dimanche de plus de 11 000 soldats russes tués, sans révéler ses propres pertes militaires. Des chiffres impossibles à vérifier de manière indépendante.

Pour sa part, l'ONU a confirmé la mort de 351 civils et plus de 700 blessés, un bilan qui est "sans doute bien plus élevé car les vérifications sont en cours".

L'armée ukrainienne a annoncé une "contre-offensive" de ses troupes dans la région de Kharkiv (est), dans le collimateur depuis plusieurs jours des troupes russes.

"Toute tentative de l'ennemi de pénétrer" à Kharkiv a échoué et ses convois militaires ont été "entièrement détruits", a affirmé le maire de la ville, Oleg Synegoubov.

L'exode se poursuit

La cohue règne dans les gares des villes menacées par l'armée russe, femmes et enfants cherchant à partir après des adieux déchirants avec leurs maris et pères restant pour se battre.

"Nous envoyons nos femmes et nos enfants à Lviv, peut-être plus loin, et nous restons ici (...) c'est une situation horrible", confie à Dnipro (centre) Andrey Kyrytchenko, un maçon de 40 ans.

Selon l'ONU, plus de 1,5 million de personnes se sont déjà réfugiées à l'étranger depuis l'invasion de l'Ukraine, et plus d'un million sont déplacées à l'intérieur du pays.

Cet exode suscite une forte mobilisation, notamment dans les Etats voisins comme la Moldavie, où le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se trouvait dimanche, après s'être rendu samedi en Pologne. Washington compte mobiliser 2,75 milliards de dollars (2,51 milliards d'euros) pour cette crise humanitaire.

En outre, les Etats-Unis travaillent de manière "très, très active" sur un accord avec la Pologne pour l'envoi d'avions de guerre à l'Ukraine, selon M. Blinken, alors que M. Zelensky en réclame depuis plusieurs jours.

Efforts diplomatiques

Sur le front diplomatique, Vladimir Poutine s'est entretenu dimanche par téléphone pendant 1H45 avec son homologue français Emmanuel Macron, à l'initiative de ce dernier. Aucun détail n'a filtré pour l'instant de cette conversation.

Samedi, le président russe avait reçu pendant près de trois heures le Premier ministre israélien Naftali Bennett, qui avait proposé sa médiation.

"Même s'il y a peu de chances de réussite, (...) je vois comme un devoir moral de tout tenter", a affirmé dimanche Naftali Bennett, qui a tenu la veille une discussion téléphonique avec M. Zelensky, avant de se rendre à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz.

Et M. Poutine a aussi discuté dimanche avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a réclamé un "cessez-le-feu général urgent" en Ukraine.

Selon les autorités ukrainiennes, une troisième session de négociations avec les Russes aura lieu lundi, bien que les chances d'un accord paraissent infimes.

De son côté, Vladimir Poutine a averti samedi considérer "comme une participation au conflit armé" la mise en place par tout pays d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine.

L'Otan s'y refuse pour l'instant, de peur de se retrouver entraînée dans un affrontement direct avec la Russie.

Les sanctions occidentales, qui affectent lourdement le secteur économique et financier russe, "s'apparentent à une déclaration de guerre", a aussi affirmé le président russe.

Si elle ne se plie pas à ses exigences, l'Ukraine pourrait perdre son "statut d'Etat", a-t-il aussi menacé. Moscou réclame notamment un statut "neutre et non nucléaire" pour le pays et sa démilitarisation, ce que Kiev, qui souhaite adhérer à l'Union européenne et à l'Otan, juge inacceptable.

Arrestations en Russie

Les entreprises étrangères continuent massivement de quitter la Russie. Dernières en date: les géants américains des cartes bancaires Visa et Mastercard, qui ont annoncé samedi la suspension de leurs opérations en Russie. Les cartes Visa et Mastercard émises par les banques russes ne fonctionneront plus à l'étranger, et inversement.

Le système de paiement PayPal a lui aussi suspendu ses services en Russie.

En Russie, la Banque centrale a demandé dimanche aux banques de ne plus publier leurs bilans financiers. Le rouble s'est effondré après l'instauration des sanctions internationales contre Moscou et certaines des plus grandes banques russes ont été coupées du système interbancaire international Swift. 

Les autorités russes multiplient les mesures tous azimuts pour freiner la fuite des capitaux et craignent l'apparition d'un marché noir alimentaire.

La compagnie aérienne Aeroflot a pour sa part annoncé la suspension de ses vols internationaux à partir du 8 mars. Le régulateur de l'aviation russe, Rossaviatsia, a recommandé à toutes les compagnies du pays de cesser les vols vers l'étranger afin d'éviter la saisie de leurs appareils.

Malgré une omerta dans les médias russes sur la guerre en Ukraine imposée par les autorités, des manifestations se tiennent en Russie, menant à l'arrestation dimanche de plus de 2.500 personnes dans 44 villes, selon l'ONG russe OVD-Info, qui signale que plus de 10.000 personnes ont été interpellées depuis le 24 février.

En signe de soutien avec l'Ukraine, les manifestations se multiplient aussi à travers le monde, avec entre autres des dizaines de milliers de personnes réunies dans les capitales européennes.


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.