Les Palestiniens se voient offrir une nouvelle occasion d'affronter Israël

Des manifestants protestent contre une loi qui interdit à l'État d'investir dans des entreprises qui soutiennent le boycott d'Israël, New York, 9 juin 2016. (Getty Images).
Des manifestants protestent contre une loi qui interdit à l'État d'investir dans des entreprises qui soutiennent le boycott d'Israël, New York, 9 juin 2016. (Getty Images).
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Publié le Vendredi 11 mars 2022

Les Palestiniens se voient offrir une nouvelle occasion d'affronter Israël

Les Palestiniens se voient offrir une nouvelle occasion d'affronter Israël
  • L'invasion russe de l'Ukraine a donné aux Palestiniens l'occasion de faire face aux mensonges et à la propagande d'Israël
  • Ce ne sont pas les problèmes ou les principes qui empêchent les Américains de soutenir les droits des Palestiniens

L'invasion russe de l'Ukraine a donné aux Palestiniens l'occasion de faire face aux mensonges et à la propagande d'Israël, mais il faut une attention soutenue pour élaborer une stratégie de relations publiques efficace. Il est nécessaire de commencer par se concentrer sur l'opinion publique américaine, qui a fait preuve d'un dégoût viscéral et d'une indignation extrême face aux questions d'occupation, de boycott, de réfugiés et d'exécutions extrajudiciaires.

Cela contredit les sentiments de l'opinion publique américaine lorsqu'elle se trouve confrontée à l'occupation par Israël des territoires palestiniens, à son insensibilité à l'égard des réfugiés palestiniens ainsi qu’à la politique israélienne, qui consiste à tuer d'abord les suspects palestiniens et à poser des questions ensuite.

Les États-Unis constituent le point de départ, parce que les Américains subissent la propagande israélienne qui présente les Palestiniens comme des terroristes et les Israéliens comme des victimes.

Même lorsqu'Israël tue un Américain, le silence est accablant. Pourtant, si un Américain devait être tué en Ukraine, cela ne manquerait pas de susciter l'indignation ainsi que des demandes d'action et de changement.

L'Ukraine met également en lumière, pour de nombreux Américains, la volonté d'adopter des lois antiboycott. Ces dernières violent les principes fondamentaux de l'État de droit international et de la Constitution américaine, qui sont censés protéger le droit des Américains à s'exprimer sans crainte de représailles de la part de leur gouvernement.

Selon des représentants du groupe Palestine Legal qui se sont exprimés la semaine dernière lors d'une conférence organisée par la seule publication nationale américaine proarabe, le Washington Report on Middle East Affairs, trente-deux États ont adopté des lois qui rendent illégal le boycott d'Israël, une nation étrangère.

Pourtant, les Américains ont massivement adopté les appels au boycott d'une autre nation étrangère – la Russie – comme fondement de l'effort qui vise à faire pression sur Moscou pour qu'elle se retire de l'Ukraine. En réalité, la plupart des Américains souhaitent que les mesures punitives aillent plus loin.

Alors, pourquoi les positions sont-elles différentes lorsqu'il s'agit d'Israël et de la guerre en Ukraine? Sut Jhally, expert propalestinien, professeur de communication à l'université du Massachusetts, a écrit six ouvrages sur cette question. Il parle d'«impropagande», c'est-à-dire de «déformation de la réalité».

Dans les années 1980, les grands médias américains étaient beaucoup plus critiques à l'égard d'Israël sur tous les points essentiels de l'occupation, notamment sur les réfugiés, sur les boycotts et sur les exécutions extrajudiciaires. Que s'est-il donc passé? Les Israéliens se sont réunis et ils ont fait exactement ce que doivent faire selon moi les Palestiniens maintenant. Ils ont proposé des changements de discours, appris à «gérer» les médias et ils sont convenus que «propagande» n'est pas un gros mot.

Jhally raconte qu'il a été suggéré aux Israéliens, après qu'ils ont tué un Palestinien, de commencer systématiquement par exprimer leur sympathie pour la victime et sa famille. Une fois que vous paraissez humain, sympathique et crédible, vous exagérez les menaces que les Palestiniens font peser sur Israël. Cela s'appelle la «hasbara» (mot hébreu qui signifie «explication», NDLR).

Ce ne sont pas les problèmes ou les principes qui empêchent les Américains de soutenir les droits des Palestiniens. C'est une chose que les Palestiniens doivent comprendre s’ils veulent élaborer une campagne de relations publiques et d'éducation efficace pour ouvrir les yeux des Américains sur la réalité du conflit israélo-palestinien. Le véritable problème réside dans le fait que la plupart des Américains ont été intimidés, qu’ils ont été «éduqués» pour croire aux mensonges sur les Palestiniens et sur leurs droits.

Les protestations, les cris, les discours émotifs et colériques contre cette mutilation américaine de la justice et de la moralité ne fonctionnent pas. Cela peut aider les Palestiniens à trouver du réconfort, mais cela n’a pas d’effet sur ce public.

En matière de relations publiques, une stratégie efficace exige que les personnes qui définissent le message se concentrent sur ce que le public croit et non sur ce que les militants croient. Vous ne vous adressez pas à vous-même pour changer les choses. Vous parlez aux membres de l'audience de manière à moduler leur compréhension.

Le véritable problème réside dans le fait que la plupart des Américains ont été intimidés, qu’ils ont été «éduqués» pour croire aux mensonges sur les Palestiniens et sur leurs droits.

La question de la Palestine doit être divisée en deux parties: l'une concerne ce que les Palestiniens eux-mêmes croient être vrai et l'autre ce que le public américain croit être vrai. Ensuite, il faut cibler ce dernier.

Cependant, cela n'a jamais été réellement fait dans toutes les campagnes médiatiques propalestiniennes. L’un des éléments qui peuvent expliquer cet état de fait est que les Palestiniens sont trop concernés et qu'ils se concentrent donc sur les questions qui les mettent le plus en colère plutôt que sur les questions qui éclairent l'esprit des Américains.

Cela ne s'improvise pas. Cela nécessite des sondages sophistiqués auprès du public américain. Et il faut aborder des questions que les militants propalestiniens peuvent trouver ridicules. Sans avoir fait de sondage, je suppose que les Américains pensent que les Palestiniens ont rejeté la paix à plusieurs reprises parce qu'ils haïssent les Juifs; qu'Israël fait une distinction entre les musulmans palestiniens, que les Américains craignent, et les chrétiens palestiniens; enfin, que les chrétiens de Palestine et du Moyen-Orient élargi ont été les victimes de la haine musulmane, non de l'oppression israélienne. La majorité des Américains qui sont chrétiens pourraient réagir à cet aspect du conflit, mais les militants propalestiniens détestent faire la distinction entre chrétiens et musulmans.

Au contraire, les activistes propalestiniens envoient les mauvais messages aux Américains: «Nous sommes tous un seul peuple. Nous avons tous les deux le sang rouge. Nous luttons ensemble, côte à côte, pour la justice.» Voilà qui supprime la sympathie des Américains chrétiens pour les Palestiniens chrétiens.

Après les attaques du 11 septembre 2001, de nombreux Américains sont venus me voir pour me dire: «Je n'arrive pas à croire que vous ayez abandonné votre foi chrétienne pour devenir un Arabe.» Comment faire face à un tel niveau d'ignorance ou, pour être moins sévère, un tel manque de compréhension? Certainement pas avec de la colère et en renforçant le propos erroné. Il vous faut prendre du recul et reconnaître que la personne a besoin d'être éduquée. Vous apprenez quelles sont les autres idées fausses auxquelles elle croit, puis vous élaborez un message qui démonte les mensonges d'une manière qui ne soit pas menaçante pour elle. En agissant ainsi, vous rééduquez et vous expliquez.

Les Palestiniens n'ont jamais essayé d'aller au-delà de leurs émotions lorsqu'ils élaborent des messages pour les médias. Au lieu de cela, ils réagissent à tout du plus profond de leurs émotions; ainsi, ils renforcent les idées du public américain.

Tant que nous n'aurons pas écarté cet écueil, nous ne parviendrons pas à convaincre la majorité des Américains d'oublier les mensonges et de soutenir la justice pour les Palestiniens. Ils méritent la justice. La triste vérité est que les militants propalestiniens ne la leur ont jamais rendue.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Vous pouvez le joindre sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com

TWITTER: @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.