Présidentielle: à Klang, réseau aléatoire, pas de tout-à-l'égout et un sentiment d'oubli

Cette photo prise le 7 mars 2022 montre un panneau à l'entrée de Klang, dans l'est de la France. (AFP)
Cette photo prise le 7 mars 2022 montre un panneau à l'entrée de Klang, dans l'est de la France. (AFP)
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Publié le Mardi 15 mars 2022

Présidentielle: à Klang, réseau aléatoire, pas de tout-à-l'égout et un sentiment d'oubli

  • Klang n'est desservi par aucun transport en commun: il faut une voiture pour le moindre déplacement
  • Seul obstacle: trouver des subventions pour financer les quelque 1,5 million d'euros nécessaires à ce chantier, un coût important pour un village de cette taille.

KLANG: Un réseau de téléphone portable très aléatoire, pas de tout-à-l'égout et encore moins de transports en commun: à Klang, petit village de Moselle, les 248 habitants se sentent complètement "oubliés" des politiques, à l'approche de la présidentielle.

Un "perchoir aux oiseaux": c'est comme ça que le maire, André Pierrat, désigne le pylône de 53 mètres de haut installé à la sortie du village, à côté du cimetière. Construit en octobre 2020, il vient tout juste d'être raccordé à un opérateur de téléphonie mobile, après des années d'attente. Mais les portables passent encore très mal, voire pas du tout dans cette commune isolée.

Klang n'est desservi par aucun transport en commun: il faut une voiture pour le moindre déplacement.

Et le village n'a pas non plus le tout-à-l'égout, pourtant réclamé depuis... 2005. Le maire espère voir le village raccordé d'ici deux ans, et une quatrième étude pour évaluer les coûts des travaux vient d'ailleurs d'être lancée par le Syndicat des eaux de l'Est thionvillois (Sideet), dont dépend Klang.

Seul obstacle: trouver des subventions pour financer les quelque 1,5 million d'euros nécessaires à ce chantier, un coût important pour un village de cette taille.

Pour André Pierrat, tout cela représente évidemment "un frein à l'attractivité du village".

"On est oublié, nous, petite commune rurale. Aucun élu ne vient essayer de nous défendre", se désole le maire, qui n'a "rien vu" dans les programmes des différents candidats à l’Élysée pour "effacer les zones blanches".

Présidentielle: les villes et les campagnes en cinq chiffres

Voici cinq chiffres illustrant la situation des villes et des campagnes en France, une ligne de fracture au cœur de la campagne présidentielle.

1 Français sur 3 en zone rurale 

Un tiers (33%) de la population française vit dans des communes rurales, selon une étude de l'Insee publiée en 2021. Une minorité seulement - 14% de la population française - habite dans des zones rurales dites "autonomes", c'est-à-dire situées à distance d'un pôle d'emploi.


Les deux tiers de Français (67%) habitent dans des communes urbaines et près de la moitié (47%) vivent dans des unités urbaines de plus de 100.000 habitants.

7 Franciliens sur 10 veulent «vivre ailleurs»

Plus de la moitié des Français (55%) souhaiteraient "vivre ailleurs", selon une enquête de l'Observatoire société et consommation (Obsoco) publiée en octobre. Cette proportion monte à 62% des habitants des villes qui sont au centre d'une métropole et même à 71% des habitants d'Ile-de-France.


Selon l'observatoire, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a été un "accélérateur", puisque 60% des personnes qui ont mal vécu le confinement ont des envies d'ailleurs, contre seulement 49% de ceux qui l'ont bien vécu.


La plupart des personnes souhaitant vivre ailleurs rêvent "d'une petite ville ou d'un village se situant dans la périphérie d'une grande ville" (28%). Arrivent ensuite les "villes de taille moyenne" (19%) et les "petites villes ou villages éloignés des grands pôles urbains" (19%). Seuls 9% se voient déménager "dans le centre d'une grande ville".

32% des ruraux privés d'un «bon haut débit»

Bien que connectés au réseau 4G, près d'un tiers (32%) des consommateurs en zones rurales sont privés d'un "bon haut débit", dont le seuil minimum est fixé par le gouvernement à 8 Mégabits par seconde, selon une étude de l'UFC-Que Choisir publiée en janvier.

Un cinquième des ruraux (20%) n'atteignent même pas la qualité minimale de 3 Mbit/s.
L'association met en évidence "une inégalité territoriale extrêmement marquée" vis-à-vis de la 4G avec un débit moyen de 33,3 Mbit/s à la campagne contre 55,3 Mbit/s en ville.

222 villes moyennes aidées par l'Etat 

Arras, Colmar, Briançon, Bastia, Bayonne, Limoges ou encore Quimper... Les centres-villes de 222 communes moyennes (20.000 à 100.000 habitants) sont soutenues par le plan "Action cœur de ville" lancé fin 2017. Un budget de cinq milliards d'euros sur cinq ans a été débloqué pour financer leurs projets.


Selon les chiffres du ministère de la Cohésion des territoires, les villes moyennes, qui concentrent près d'un quart (23%) de la population française, sont en moyenne moins bien loties que le reste du territoire: elles comptent 36% de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur (contre 43% au niveau national), leur taux de pauvreté s'élève à 17,8% (contre 14,5%), 8,2% des logements y sont vacants (contre 6,6%) et 82% de ces villes ont un taux de chômage supérieur à la moyenne.

Le réseau ferré a rétréci de 13% en 20 ans 

Entre 1999 et 2019, la longueur totale des lignes exploitées en France est passée de 31.735 à 27.483 kilomètres, soit une baisse de 13% en 20 ans, selon les données de SNCF Réseau.


Ce rétrécissement s'est fait principalement au détriment des petites lignes à voie unique qui ont perdu un tiers de leur réseau (-32%). Elles ne représentent plus que 40% des voies exploitées, contre la moitié en 1999.


A l'inverse, 867 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse, qui relient les grandes métropoles, ont été mis en service sur la période, soit une hausse de 67%.

En France métropolitaine, selon le secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications, 4% du territoire est en zone blanche, où la population vit sans réseau.

Le secrétariat d’État a annoncé en février qu'au total, "3 594 sites" allaient bénéficier "d'une amélioration de la couverture mobile" d'ici deux ans, dans le cadre du "New deal mobile" lancé par le gouvernement en 2018.

«Grande lassitude»

Mais en attendant que leur pylône flambant neuf leur apporte un réseau moins hasardeux, les Klangeois s'en remettent à la fibre et aux lignes fixes pour être reliés au monde extérieur.

Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes en cas d'urgence. Un incendie s'est par exemple déclaré dans une grange il y a quelques jours: or le village s'était retrouvé sans électricité un peu avant l'incident. Plus d'électricité, donc plus de téléphone du tout, raconte le maire.

"Quelqu'un a dû aller à l'extérieur du village pour appeler les secours: ça devient dangereux", déplore-t-il.

De leur côté, les habitants font part à André Pierrat de leur "grande lassitude" face à cette situation: lui-même se dit parfois "résigné", même s'il refuse de baisser les bras.

Jennifer Schlosser, professeure de français de 31 ans, s'est installée à Klang il y a un an et demi, dans une maison qu'elle a fait construire avec son mari en face de la mairie. Ils font partie des rares nouveaux foyers à avoir élu domicile dans le village ces dernières années, attirés par le "calme" et le prix attractif du terrain qu'ils ont acquis.

Elle utilise internet pour téléphoner via la messagerie Whatsapp et sa maison dispose d'une micro-station pour les eaux usées, qui une fois traitées, s'écoulent directement dans le ruisseau traversant Klang.

Présidentielle: cinq propositions pour les villes et les campagnes

Les candidats à l'Elysée multiplient les propositions pour soutenir la mobilité et pour revitaliser les petites localités, après un quinquennat marqué par le lancement par Emmanuel Macron de programmes comme "action coeur de ville" ou "petites villes de demain".

Voici cinq d'entre elles.


Un forfait «mobilités durables» (Jadot)

S'il est élu président le 10 avril, l'écologiste Yannick Jadot entend renforcer le "forfait mobilités durables" qui serait obligatoire et octroyé par les entreprises pour les trajets entre travail et domicile à vélo, en covoiturage ou en transports en commun. Son plafond serait élevé à 1.000 euros, contre 500 actuellement. Afin de redéployer les crédits vers les trains du quotidien, il entend arrêter des grands projets comme la ligne Lyon-Turin, la LGV Rhin-Rhône ou les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax-frontière espagnole.

Un taux de TVA réduit (Hidalgo)

La socialiste Anne Hidalgo veut investir massivement dans le ferroviaire en lien avec les régions pour financer le retour des petites lignes, des trains de nuit et du fret ferroviaire. Elle entend appliquer un taux de TVA réduit pour les déplacements en train et, à l'inverse, imposer une taxe empreinte carbone sur le billet d’avion lorsqu’une alternative ferroviaire comparable existe.

Reconstruire le maillage (Mélenchon)

L'Insoumis Jean-Luc Mélenchon entend défendre et reconstruire le maillage de transports en commun et de services publics, notamment dans les départements ruraux, les quartiers populaires et l'Outre-mer. Il souhaite ainsi garantir une distance maximale (de quinze à trente minutes, en voiture ou en transport collectif) entre tout lieu d’habitation et les services publics essentiels (école, gare, hôpital, bureau de poste).

La fibre pour tous (Pécresse)

La candidate LR Valérie Pécresse a fait de la revitalisation des territoires l'une des priorités de son programme. Pour le monde rural, elle prévoit notamment d'installer la fibre pour tout le monde d'ici à 2024. Cette mesure permettrait le télétravail mais aussi l'implantation d'entreprises.

Une "démétropolisation" (Le Pen)

Marine Le Pen défend la "démétropolisation" qui vise à valoriser les territoires périphériques, entendus comme les petites villes et les campagnes. Elle a pour objectif d'y lancer une politique d’infrastructures. Cette démarche entre dans son concept très identitaire de "localisme", qui valorise "l’enracinement" dans un territoire et oppose ceux qui sont "de nulle part" à ceux qui sont "de quelque part". "C'est la vision de la ville qui sépare fondamentalement les nationaux des mondialistes: d'un côté, les partisans de l'enracinement et de la proximité, de l'autre la vision hors-sol de populations interchangeables", soutient-elle.

Et aussi... un chèque et des aides fiscalesLe polémiste d'extrême droite Eric Zemmour prévoit de donner un chèque de 10 000 euros pour toute naissance dans une commune rurale. L'iconoclaste Jean Lassalle promet de supprimer la taxe foncière et les impôts sur les sociétés pour toute activité professionnelle dont le siège est installé dans des localités de moins de 15 000 habitants.

«Essayer autre chose»

Même si Jennifer s'accommode de la situation, pour elle, trouver encore des villages en zone blanche en 2022 est tout simplement édifiant.

"On a vraiment l'impression d'être oubliés", raconte-t-elle dans sa cuisine, sa fille de deux ans à ses côtés. Les candidats ne parlent "pas du tout" des petites communes et des zones blanches, "d'où ce sentiment d'oubli", explique l'enseignante qui a quand même regardé les programmes des candidats "par rapport à (son) métier".

Et si elle ira voter le 10 avril, elle ne sait pas encore pour qui.

Le maire, lui, a déjà arrêté son choix: il veut du "changement" et "essayer autre chose" en politique. Il s'apprête ainsi à voter pour Éric Zemmour, à qui il a d'ailleurs donné son parrainage.

"On a tout essayé, la gauche, le centre, Macron...", explique l'élu, qui se dit aussi séduit par le discours sur "l'indépendance de la France", que porte selon lui le candidat d'extrême-droite.


Fin de vie: Falorni et Biétry demandent un référendum à Macron avant l'été, faute de loi

Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
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  • Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée
  • Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes

BORDEAUX: Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire.

Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée, mais la chute du gouvernement de François Bayrou a reporté leur examen au Sénat.

Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes, et le ministre des Relations avec le Parlement Laurent Panifous a annoncé la semaine dernière un nouveau débat à l'Assemblée en février.

"Le parcours de ce texte n'avance pas comme il le devrait. Régulièrement retardé, reporté, réinscrit puis de nouveau ajourné... Cela devient insupportable!", déplorent MM. Falorni et Biétry, dans un courrier remis mardi matin au président de la République à l'occasion d'une visite de M. Macron aux Assises de l'économie de la mer à La Rochelle, selon le député apparenté MoDem de Charente-Maritime.

"Pourtant, les malades en fin de vie, eux, n'ont pas le temps d'attendre. Vis-à-vis d'eux, cette situation de blocage est une forme d'indécence", ajoutent les deux hommes.

"C'est pour cela que, si cet enlisement se poursuivait en début d'année prochaine, nous vous demandons solennellement de consulter directement les Français par référendum avant l'été 2026 sur les textes de loi votés en mai dernier par les députés", poursuivent-il.

M. Macron avait lui-même évoqué en mai un référendum, en cas d'"enlisement" au Parlement, tout en précisant qu'il le ferait "avec beaucoup de précaution".

Il répondait alors à une interpellation de Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, à travers une courte vidéo où la question de l'ancien patron des sports de Canal+, qui aura 82 ans mercredi, était lue par une voix de synthèse.


Le procès du cimentier français Lafarge pour financement du terrorisme s'ouvre à Paris

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
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  • Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales
  • Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens

PARIS: Le procès du groupe français Lafarge et de huit anciens responsables, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont le groupe Etat islamique, en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie, s'est ouvert mardi à Paris, une première en France pour une multinationale.

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés.

Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales.

Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un, visé par un mandat d'arrêt international, devrait être absent au procès.

Lafarge est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes - dont certains, comme l'organisation Etat islamique (EI) et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes" - afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord de la Syrie.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction avait été achevée en 2010.

Intermédiaires 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Economie pour violation d'embargo et l'autre des associations Sherpa, Centre européen pour les droits constitutionnels (ECCHR) et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe issu de la fusion de 2015 - d'abord baptisé LafargeHolcim, puis renommé Holcim en 2021 -, qui a toujours pris soin de se désolidariser des faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux Etats-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars et accepté d'y payer une sanction financière colossale de 778 millions de dollars.

En France, Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

"Responsabilités des multinationales" 

Selon la défense de Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes, l'accord de plaider-coupable est une "atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait pour objectif "de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour l'ex-PDG, qui "attend de pouvoir enfin défendre son honneur, et de comprendre ce qui s'est passé", le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Sherpa, partie civile dans le dossier, estime de son côté que ce procès est une "occasion inédite pour la justice française de se pencher sur la responsabilité des multinationales lorsqu'elles opèrent dans des zones de conflit".

Un autre volet retentissant de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


La conférence Travail et Retraites, pour relancer le dialogue social avant la campagne présidentielle

Les organisations syndicales et patronales, à l'exception notable de la CGT qui a mis en avant un problème d'agenda, se sont réunies au ministère du Travail où M. Farandou et le ministre de la Fonction publique leur ont proposé une méthode et un calendrier. (AFP)
Les organisations syndicales et patronales, à l'exception notable de la CGT qui a mis en avant un problème d'agenda, se sont réunies au ministère du Travail où M. Farandou et le ministre de la Fonction publique leur ont proposé une méthode et un calendrier. (AFP)
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  • Cette conférence, voulue par le Premier ministre après l'annonce de la suspension de la réforme des retraites de 2023, "est un lieu de débat et pas de négociation"
  • Il l'a présentée comme "une démarche de dialogue social qu'on souhaite mettre à côté du débat politique", lequel prendra le relais une fois que la conférence sera close à l'été 2026

PARIS: La conférence Travail et Retraites s'est ouverte mardi par une réunion de méthode, dans l'objectif de faire progresser le dialogue social sur ces sujets épineux et d'alimenter les débats en vue de la campagne présidentielle.

Cette conférence, voulue par le Premier ministre après l'annonce de la suspension de la réforme des retraites de 2023, "est un lieu de débat et pas de négociation", a expliqué lundi le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou à des journalistes.

Il l'a présentée comme "une démarche de dialogue social qu'on souhaite mettre à côté du débat politique", lequel prendra le relais une fois que la conférence sera close à l'été 2026, "pas très loin du début de la campagne pour l'élection présidentielle".

"Les écuries présidentielles, si elles le souhaitent, auront un matériau sur un sujet central pour le pays dont elles pourront s'emparer", selon M. Farandou qui veut davantage que par le passé lier les sujets travail et retraites.

"Qu'est-ce qui s'est passé tout au long de leur carrière qui fait qu'on arrive à un état d'esprit des salariés qui, visiblement, ne souhaitent pas travailler davantage ?", s'interroge le ministre alors que le relèvement programmé de l'âge de départ à 64 ans reste très impopulaire.

Les organisations syndicales et patronales, à l'exception notable de la CGT qui a mis en avant un problème d'agenda, se sont réunies au ministère du Travail où M. Farandou et le ministre de la Fonction publique leur ont proposé une méthode et un calendrier.

Les débats se dérouleront au Conseil économique, social et environnemental (Cese) en présence des partenaires sociaux et d'experts, avec une première session plénière en décembre suivie d'ateliers qui se tiendront tous les mois ou mois et demi. Les retraites du privé et celles du public seront abordées séparément.

"Je tenais à ce que la fonction publique, avec ses spécificités évidemment, ne soit pas oubliée et soit pleinement intégrée à ce dialogue social" (ce qui n'avait pas été le cas lors du conclave), a souligné mardi le ministre délégué à la Fonction publique, David Amiel, rappelant que "les injustices des retraites des femmes se posent également dans le secteur public".

Le travail, "clef d'entrée" 

La CFDT, qui avait négocié jusqu'au bout du conclave au mois de juin mais n'était pas parvenue à un accord avec le Medef sur la question de la pénibilité, veut "remettre le travail en clef d'entrée de tous les sujets à traiter", a expliqué lundi à l'AFP son numéro deux Yvan Ricordeau.

Deuxième objectif du premier syndicat: "Avoir une délibération qui donne à voir les choix d'avenir pour les retraites" à travers "une sorte de rapport listant des hypothèses" pour une réforme du système.

Absente mardi, la CGT a de son côté prévenu qu'elle refusera de "tenir les chandelles entre celles et ceux qui veulent un système à points (prôné par la CFDT) et ceux qui veulent la capitalisation", notamment au sein des organisations patronales, a prévenu sa cheffe de file Sophie Binet.

"Je ferme la porte sur la retraite à points", a également déclaré lundi sur Boursorama le secrétaire général de FO Frédéric Souillot, dont l'organisation sera représentée par sa numéro deux Patricia Drevon.

Côté patronal, seule l'U2P, qui représente les TPE, a envoyé son président Michel Picon.

Le Medef semble plus intéressé actuellement par le débat budgétaire à l'Assemblée nationale, et aux "plus de 43 milliards d'euros" visant les entreprises, selon le décompte dressé par son président Patrick Martin sur X, que par la conférence sociale.

La première organisation patronale française a envoyé à cette "réunion de méthode" ses négociateurs habituels Hubert Mongon et Diane Deperrois, son président Patrick Martin étant pris par "un déplacement prévu de longue date", indiquait-on lundi soir au Medef.

La CPME a elle aussi dépêché son négociateur, Eric Chevée, a indiqué à l'AFP son président Amir Reza-Tofighi, lui aussi absent pour "un problème d'agenda", tout en affirmant que son organisation était "très volontaire pour participer aux travaux".

"Dans le sujet des retraites on n'a peut être pas assez discuté sur l'accompagnement des seniors dans leur fin de carrière", a-t-il reconnu. Mais pour M. Reza-Tofighi, "tout ce qui est âge, trimestre, etc, est désormais un sujet d'élection présidentielle, pas de cette conférence".