Innovation des médias MENA: la technologie comme solution?

Des professionnels du secteur de l'information de la région MENA ont évoqué les différentes manières de faire évoluer leur métier (Photo, Shutterstock).
Des professionnels du secteur de l'information de la région MENA ont évoqué les différentes manières de faire évoluer leur métier (Photo, Shutterstock).
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Publié le Vendredi 18 mars 2022

Innovation des médias MENA: la technologie comme solution?

  • Un panel d'experts a analysé «l'innovation dans les salles de presse» dans le cadre du sommet virtuel Media Leaders
  • Plusieurs organes de presse de la région MENA se sont inscrits au défi lancé par la Google News Initiative (GNI)

DUBAÏ: Les modes de collecte, de publication et de consommation de l’information ont radicalement changé ces dernières années. Pour s’adapter à ces transformations, les médias doivent toujours plus innover.

La Google News Initiative (GNI) a lancé le mois dernier un nouveau défi d'innovation pour le Moyen-Orient, la Turquie et l’Afrique, invitant les participants à proposer de nouvelles idées disruptives, capables de revigorer le secteur médiatique. A la clé, l’entreprise propose de financer les meilleures propositions.

Des journalistes de la région ont échangé jeudi sur leurs approches de l'innovation et sur ce qu'ils espèrent réaliser lors du sommet digital Media Leaders 2022 du Moyen-Orient.

Au cours d'une table ronde intitulée «L'innovation dans les salles de presse», Yassine Majdi de TelQuel, un magazine hebdomadaire marocain francophone, a évoqué la manière par laquelle il tente d’impliquer les cinq millions de Marocains résidant à l'étranger, qui représentent environ un ressortissant sur sept du pays. 

Yassine Majdi, directeur de rédaction à TelQuel (Photo fournie).

«Nous voulions traiter des informations qui les ciblent également, c'est pourquoi nous avons participé au défi GNI», a-t-il révélé.

«Nous avons constaté qu’une grande partie de nos abonnés fait également partie de la diaspora marocaine, ce qui nous a fait repenser le projet, pour qu’il concerne tout le monde.»

Pour TelQuel, l'innovation permet de faire évoluer la façon dont son équipe travaille et de remodeler l'environnement médiatique, a-t-il ajouté.

«La diaspora nous a aidés à apporter une cohérence à l’ensemble, notamment par le biais de podcasts et de vidéos», a souligné Majdi. Ces nouveaux outils permettent de traiter l’information de manière différente, de l’adapter aux goûts des nouvelles générations.  Selon lui, il ne s’agit pas principalement d’un changement technologique, mais plutôt d’une remise en question des idées préconçues.

Les journalistes sont selon lui susceptibles d’être réfractaires envers ces nouvelles approches, en rupture avec les méthodes traditionnelles du secteur. Il y a toutefois «un énorme changement en cours et l'innovation signifie d’être capable d'accepter et d’adopter ce changement. Ce que chacun de nous essaie de faire, c'est d’établir un lien direct avec notre public afin que le contact soit plus direct. Nous essayons d’être plus personnalisés et de nous concentrer sur eux, en faisant ce qui est bien pour eux»

Karim Sakka, rédacteur chez Raseef22, un réseau de médias arabe basé à Beyrouth, a évoqué le rôle social de son organisation à but non lucratif qui propose chaque jour des articles intéressants à 400 millions de lecteurs dans 22 pays arabes.

Karim Sakka, journaliste chez Raseef22 (Photo fournie).

«Nous voulions leur faire savoir que nous sommes préoccupés par les choses qui les intéressent et que nous devons laisser notre contenu ouvert à tous», a-t-il expliqué. «Nous avons donc pensé à la manière dont nous pouvons nous rapprocher de nos lecteurs et nous avons découvert tout en monde de possibilités grâce au défi GNI.»

Sakka estime que la valeur future des médias dépendra de leur compréhension du public cible.

«Nous avons eu la chance de travailler avec de bons développeurs qui maîtrisaient parfaitement ce que nous faisons», a-t-il ajouté.

L'objectif de Raseef22 est d'être une source d'information hybride qui s’adresse à tous les lecteurs intéressés par les questions de droits de l’homme, de liberté d’expression et de démocratie, a-t-il indiqué. Pour y parvenir, il travaille en collaboration avec des journalistes locaux de toute la région, de la Mauritanie à Oman.

«Le défi GNI nous a ouvert les yeux sur les possibilités et nous a poussé à avoir une relation plus étroite avec les lecteurs», a-t-il ajouté. «Quelques adhésions peuvent vraiment nous faire grandir.»

Sakka estime que l’ensemble des médias doivent évoluer et devenir des plateformes incitant à l’action civile plutôt que de se contenter de «diffuser des mauvaises nouvelles». L’objectif de son organisation est d'avoir un effet sur la société et de promouvoir le changement en donnant aux gens une occasion de communiquer entre eux.

«Ce programme d'adhésion permettra d'ouvrir une sorte d’espace de communication aux membres», a-t-il ajouté. «Nous voulons faire en sorte que les gens se réunissent.»

Mina al-Oraibi, rédactrice en chef du quotidien anglophone The National, basé aux Émirats arabes unis, a déclaré que l’ambition d'atteindre un public plus large l'avait encouragé à assister au défi GNI.

Mina al-Oraibi, rédactrice en chef du quotidien anglophone The National (Photo fournie).

«C'était une excellente opportunité car nous avons pu faire un brainstorming», a-t-elle signalé. «Nous avons proposé d'introduire sur notre site des articles en anglais et en arabe de manière à atteindre un public plus large. C'est à ce moment-là que nous avons décidé d'essayer de développer la traduction et la technologie audio.»

Selon Al-Oraibi, l'innovation est nécessaire dans l'ensemble du secteur de l'information afin de relever le défi d'un cycle d'information de 24 heures.

«C'est l'un des principaux défis auxquels vous êtes confronté», a-t-elle affirmé. «L'un des défis que nous rencontrons souvent est qu'à moins de disposer d’un budget énorme avec des centaines de développeurs, de codeurs et d'experts en technologie, vous vous contentez souvent d'adopter une technologie déjà existante. Cela n'est pas la meilleure façon de développer votre vision stratégique et peut être assez démotivant pour votre équipe.»

Al-Oraibi a aussi décrit les changements dans le secteur de l'actualité, à la fois en termes d'événements qui se déroulent dans le monde, mais aussi dans la technologie utilisée pour les couvrir et même la manière dont les gens consomment l'information. Elle a souligné le besoin d'innovation afin de garantir que les salles de presse restent saines et efficaces et qu’elles aient une longueur d’avance.

«Le défi demeure de trouver le financement, l’argent, et de trouver les bonnes ressources et quelqu'un qui comprend le journalisme et la technologie», a-t-elle clarifié.

«Les partenariats sont vraiment importants. Nous l'avons adopté dans notre salle de presse. Maintenant nous avons des réunions de produits et des séances de réflexion, qui sont très utiles.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".


Liban: incursion israélienne dans un village frontalier, un employé municipal tué

Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
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  • En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BEYROUTH: Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien.

En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".

L'armée israélienne a confirmé avoir mené cette incursion, affirmant qu'elle intervenait dans le cadre de ses "activités visant à détruire une infrastructure terroriste" du Hezbollah.

Elle a ajouté que l'unité avait "repéré un suspect à l'intérieur du bâtiment" de la municipalité et ouvert le feu après avoir identifié "une menace directe" sur les soldats.

L'incident "fait l'objet d'une enquête", selon l'armée.

Dans un autre village frontalier, Adaissé, une unité israélienne a dynamité un bâtiment servant à abriter des cérémonies religieuses, selon l'Ani.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Mardi, le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Jeremy Laurence, a indiqué que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour qu'il livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, qui regroupe outre le Liban et Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU, s'est réuni mercredi dans la localité frontalière de Naqoura, qui abrite le quartier général des forces de l'ONU.

L'émissaire américaine Morgan Ortagus a déclaré au cours de la réunion que "l'armée libanaise doit à présent exécuter entièrement son plan" visant à "placer toutes les armes sous le contrôle de l'Etat d'ici la fin de l'année".


Soudan: l'ONU appelle à mettre un terme au siège d'El-Facher après une tuerie dans une maternité

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  • Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée"
  • Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités"

PORT-SOUDAN: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé jeudi à mettre un terme à l'"escalade militaire" au Soudan, après le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé prise par les forces paramilitaires.

Les informations se multiplient sur des exactions massives depuis que les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) ont pris dimanche, après 18 mois de siège, cette dernière grande ville qui échappait à leur contrôle dans la vaste région du Darfour, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.

Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée".

Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est dite "consternée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher". Selon l'institution, cette maternité était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.

Après la prise d'El-Facher à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Maîtres du Darfour 

"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

A El-Facher, le comité de résistance local, qui documente les exactions depuis le début du conflit, a rapporté mercredi soir avoir entendu des tirs dans l'ouest de la ville, "où quelques soldats restants combattent avec (...) ténacité".

Depuis dimanche, plus de 36.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

"Unité" 

Les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.

Des experts craignent une nouvelle partition du Soudan, après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Mais le chef des FSR a affirmé mercredi que la prise complète du Darfour par ses forces favoriserait "l'unité" du pays.

"La libération d'El-Facher est une opportunité pour l'unité du Soudan et nous disons : l'unité du Soudan par la paix ou par la guerre", a déclaré M. Daglo mercredi.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir de M. Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.