Comment la pandémie de Covid-19 a transformé la scène médiatique au Moyen-Orient

Des journalistes du monde arabe ont évoqué l'impact de la pandémie de la Covid-19 sur le secteur lors d'une conférence virtuelle (Photo fournie).
Des journalistes du monde arabe ont évoqué l'impact de la pandémie de la Covid-19 sur le secteur lors d'une conférence virtuelle (Photo fournie).
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Publié le Jeudi 17 mars 2022

Comment la pandémie de Covid-19 a transformé la scène médiatique au Moyen-Orient

  • Un panel d'experts a analysé «Le secteur des médias d'information après l'impression?» dans le cadre du sommet digital des leaders médiatiques
  • Les participants ont signalé que la pandémie justifiait l’adoption plus rapide de modèles économiques digitaux

DUBAÏ: Des journalistes du monde arabe ont évoqué l'impact de la pandémie de la Covid-19 sur le secteur lors d'une conférence virtuelle ce mardi.
Lors de la table ronde «Les médias d'information après l'impression?», organisée dans le cadre du sommet digital où participaient les médias phares de la région, des experts ont analysé la façon dont la crise sanitaire a changé la donne journalistique au Moyen-Orient.
Abdelsalam Haykal, président de Majarra aux Émirats arabes unis, a proposé plusieurs manières d'adapter le contenu médiatique à l'époque actuelle.
«Ca a forcé les gens à vivre dans la solitude», a-t-il révélé. «Ainsi, ce nouvel état d'esprit et ce nouveau cadre de ‘travail à domicile’ ont placé la technologie au rang de partenaire. La technologie était un outil stratégique que nous utilisions, mais maintenant c'est un partenaire sur lequel nous comptons et dont nous dépendons. La vie se déroule à présent par le biais des technologies.»
Ce changement a entraîné chez les consommateurs un besoin accentué d'obtenir instantanément informations et connaissances. Pour Haykal, une approche collaborative a aussitôt émergé dans le but de combattre la pandémie, conjuguée au besoin de comprendre le rôle de chacun dans cette approche.
«Nous voulions savoir comment les autres faisaient face à la situation, quelles étaient leurs compétences et leurs outils, sans oublier que nous avons appris des choses au fur et à mesure que nous les vivions», a-t-il expliqué.
La Covid-19 a ainsi accéléré l'adoption de modèles digitaux qui profitent des améliorations en termes d'infrastructure technologique, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cela a aussi permis l’introduction de nouvelles pratiques telles que le modèle par abonnement.
Selon Haykal, ces éléments combinés constituent une occasion en or pour les médias de la région de se tourner vers une telle formule.
Toute évolution dans cette direction nécessitera pourtant selon lui un haut degré de confiance entre le média et le consommateur.
«La confiance dans notre secteur consiste à disposer d’informations, de connaissances et de nouvelles fiables, à offrir une expérience utilisateur permettant aux gens d’avoir accès à ces connaissances et ces informations de manière fluide et cohérente», a-t-il développé.
«Il est nécessaire pour nous, en tant que journalistes et créateurs de contenu, de développer également notre propre contenu et notre expérience utilisateur à ce même niveau.»
Pour Haykal, l'information est une marchandise. De par le monde, les journalistes aident leur public à aller au-delà des nouvelles brutes et à mieux comprendre l' impact de celles-ci sur leur vie quotidienne. La combinaison d'actualités et d'analyses en ligne accessibles par des partenariats inter-médias permettent selon lui une expérience exhaustive.
«Le défi réside dans le fait que les consommateurs nous comparent à n'importe quelle application où ils ont une meilleure expérience», a-t-il ajouté.
«Les attentes du monde en ligne sont beaucoup plus élevées. C'est une occasion pour chaque journaliste, dans la région en particulier, de faire ce bond dans ce qui est une opportunité presque inexploitée.»
Mohamed K Alayyan, président et contributeur du journal Al-Ghad (Demain) en Jordanie, a indiqué que le monde moderne s'apparente à un village où «tout est à disposition» et où la comparaison entre les offres disponibles est devenue facile pour les consommateurs. Ce défi a obligé les journalistes à améliorer leur style, a-t-il ajouté.
«La sonnette d'alarme tirée par la Covid-19 est que la publication ne paie plus les factures. Elle ne peut plus nous soutenir et nous aider à prospérer dans ce secteur», a déclaré Alayyan.
«Mais ce qui nous aide, c'est d'avoir une marque connue pour son contenu de qualité. Quoi qu'il en soit, le besoin de contenu de qualité reste fort; les gens veulent un contenu de bonne qualité et c'est là que le point de départ devrait être.»
L'utilisation d'un contenu et de marques de bonne qualité aidera, sans doute, les organisations à surmonter tout retard technologique.
Le journal d'Alayyan a actuellement un plan en place pour une telle transformation en diversifiant ses revenus grâce à la publicité et à la télévision.
«C'est seulement dans le but de compenser la perte de revenus du journal», a-t-il clarifié. «Ensuite, nous sommes passés en ligne, et nous avons rejoint d'anciens éditeurs en Jordanie pour vendre de la publicité en ligne. Après avoir assuré le moins de dommages possible dans ce que la covid-19 a fait aux revenus du journal, nous devons maintenant examiner quel paywall (mur de paiement) nous devrions faire.
Le journal cherche à savoir comment ses données peuvent lui apporter des précisions sur les préférences des lecteurs. Alayyan estime que cette étude permettra de jeter les bases d'un paywall.
Pour Ahmed al-Hammadi, PDG du secteur de la presse chez Dubaï Media Incorporated aux Émirats arabes unis, la relation entre la Covid-19 et les médias est très compliquée. La pandémie a complètement modifié le secteur dans son ensemble, de l'offre à la demande.
«Il y a trois ou quatre ans, nous disions qu'un jour, le journal disparaîtrait, et que nous passerions à l’étape suivante sur le plan technologique», a-t-il dévoilé.
«La question était là, et nous ne prenions aucune mesure. Soudain, la Covid-19 est apparue, et nous nous sommes dit que nous devions tenter l'expérience, même si nous devions échouer.»
Dubaï Media Incorporated (DMI) a interrompu l'impression de journaux pendant la pandémie, après plus de 40 ans sur le marché. Bien qu'elle ait rencontré quelques difficultés, l'équipe de DMI était persuadée qu’elle pouvait passer à l'étape supérieure et s’autogérer.
«Mais les revenus étaient au plus bas», a déclaré Al-Hammadi. «Vous ne pouvez pas comparer les revenus, qui sont le moteur de l'entreprise. Notre plate-forme numérique est de loin le numéro un sur le marché dans notre catégorie, mais la Covid-19 a tout à fait changé nos états d'esprit au sein de l'entreprise.»
Les revenus du numérique dans la région n’atteignent toujours pas selon lui le niveau désiré par les journalistes. Parmi difficultés auxquelles le marché est confronté, Al-Hammadi cite notamment la mentalité du public, le manque de formation journalistique, le faible nombre de rédacteurs disponibles et l’insuffisance des revenus.
Le contenu payant est selon lui nécessaire au succès de l'entreprise. Le groupe est actuellement en train de suivre cette voie.
«Tous ces obstacles sont là, et les gens essaient de changer», a-t-il avisé.
«L'industrie des media est suffisamment mature; nous devons avoir un plan et ne pas nous blâmer ou jeter le blâme les uns sur les autres. Nous devons essayer de trouver une solution à ce problème. Tout le monde essaie, les gens sont sur la bonne voie s'ils croient que le numérique est du passé, pas l'avenir.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


En Tunisie, un décret présidentiel contre les « fausses informations» menace les libertés

Le président tunisien Kais Saied s'adresse aux journalistes après avoir voté aux élections locales de 2023 dans la localité de Mnihla, dans la province de l'Ariana, à la périphérie de Tunis, le 24 décembre 2023. (Photo, AFP)
Le président tunisien Kais Saied s'adresse aux journalistes après avoir voté aux élections locales de 2023 dans la localité de Mnihla, dans la province de l'Ariana, à la périphérie de Tunis, le 24 décembre 2023. (Photo, AFP)
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  • En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied ont fait l'objet de poursuites au nom du décret 54
  • La liberté d'expression était considérée comme le principal acquis de la Révolution de 2011 qui a fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali

TUNIS: La multiplication des poursuites judiciaires en Tunisie contre des journalistes et personnalités publiques depuis la publication d'un décret visant à combattre ce que le gouvernement considère comme de "fausses informations" est devenu une "menace" pour la liberté d'expression encourageant "l'autocensure", déplorent des ONG et des professionnels des médias.

Le 13 septembre 2022, le président Kais Saied a promulgué le "décret 54" qui punit de jusqu'à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d'information et de communication pour "rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (...) dans le but de porter atteinte aux droits d'autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique".

La même peine peut être appliquée en cas de diffusion "de nouvelles ou de faux documents (...) visant à diffamer d'autres personnes, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement". Le temps de détention double "si la personne visée est un agent public", selon le décret controversé.

En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied ont fait l'objet de poursuites au nom du décret 54, affirme à l'AFP le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), Zied Dabbar.

En dépit de ses objectifs officiels, ce "décret-loi n'a par exemple jamais été appliqué aux cas de cyberattaques", note-t-il.

Pour le célèbre chroniqueur radio Haythem Mekki, le texte vise "à faire taire les voix indésirables au pouvoir, ce qui explique les multiples poursuites lancées contre des personnes qui n'ont fait que critiquer les autorités".

Objet lui-même d'une enquête sur la base du décret 54 pour une publication sur l'état de la morgue de l'hôpital de Sfax (centre), ce journaliste estime que le texte a "réussi à intimider les milieux médiatiques et gravement affecté la liberté d'expression".

"On n'ose quasiment plus critiquer le président, ni en faire un objet de satire alors qu'à un moment on avait des guignols (des marionnettes humoristiques, ndlr) pour tous les responsables de l'Etat", constate-t-il. "La chape de plomb est là et pèse lourd", déplore M. Mekki.

La liberté d'expression était considérée comme le principal acquis de la Révolution de 2011 qui a fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali. Mais depuis le coup de force en juillet 2021 du président Saied, par lequel il s'est octroyé tous les pouvoirs, plusieurs ONG et l'opposition ont déploré un recul des droits et libertés.

"Climat de peur" 

Selon l'ONG américaine Human Rights Watch, le pouvoir tunisien utilise ce décret "pour étouffer et intimider un large éventail de critiques".

Pour le professeur en science de l'information, Sadok Hammami, "ce décret-loi n'est pas du tout une réponse à la désinformation ni aux +fake news+ puisqu'il vise plus particulièrement des personnalités publiques et politiques".

"Le climat actuel décourage les professionnels des médias et instaure une atmosphère de peur, de censure et d'autocensure", selon lui.

"Aujourd'hui, les gens craignent de s'exprimer pour ne pas subir les foudres du décret 54", confirme à l'AFP Hamza Belloumi, un animateur de télévision vedette.

Son émission hebdomadaire qui dévoile des affaires de corruption ou des sujets sociaux sensibles, s'appuyait sur les témoignages de personnes "qui avaient le courage de parler, mais sont beaucoup plus réticentes aujourd'hui". "Soit elles n'acceptent pas de parler, soit elles réclament des garanties d'anonymat", regrette-t-il, soulignant avoir "énormément réduit" le nombre de reportages.

Même si "l'idée du texte était motivée par une bonne volonté, son utilisation est mauvaise. Il est devenu un instrument pour museler la parole", ajoute-t-il.

Fin février, 40 députés ont déposé une demande au Parlement pour réviser le décret mais son examen est "entravé par le président" de la Chambre, accuse le président du SNJT.

L'avocat et militant politique Ayachi Hammami, poursuivi depuis janvier en vertu du décret après une intervention radiophonique sur la situation des magistrats, déplore "une instrumentalisation des lois pour frapper fort les voix opposantes, les écarter et faire peur aux Tunisiens".

"Il est temps de réviser ce décret surtout à l'approche de la présidentielle (prévue à l'automne, ndlr) qui exige le plus grand niveau de solidarité entre les acteurs médiatiques, politiques et socio-économiques", abonde le député indépendant Mohamed Ali.

 

 


Une offensive israélienne sur Rafah «pourrait conduire à un bain de sang» selon le chef de l'OMS

Des enfants réagissent alors qu'ils fuient suite aux bombardements israéliens à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, dans le contexte du conflit en cours dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
Des enfants réagissent alors qu'ils fuient suite aux bombardements israéliens à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, dans le contexte du conflit en cours dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
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  • Pour l'heure, l'armée israélienne continue de bombarder la ville, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu veut lancer une offensive terrestre pour «anéantir » selon lui les dernières brigades du Hamas
  • Les Européens, l'ONU et les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont tous demandé avec force à M. Netanyahu de renoncer à une offensive terrestre sur la ville

GENÈVE: Une offensive terrestre de l'armée israélienne sur la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, "pourrait conduire à un bain de sang", a mis en garde le chef de l'Organisation mondiale de la santé vendredi sur le réseau social X.

"L'OMS est profondément préoccupée par le fait qu'une opération militaire à grande échelle à Rafah, Gaza, pourrait conduire à un bain de sang et affaiblir davantage un système de santé déjà à genoux", écrit Tedros Adhanom Ghebreyesus, à propos de la ville où sont massés 1,2 million de Palestiniens venus y chercher refuge.

Pour l'heure, l'armée israélienne continue de bombarder la ville, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu veut lancer une offensive terrestre pour "anéantir" selon lui les dernières brigades du Hamas, mouvement qu'il considère comme terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.

Les Européens, l'ONU et les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont tous demandé avec force à M. Netanyahu de renoncer à une offensive terrestre sur la ville.

Outre le coût en vies humaines, une offensive serait "un coup dur pour les opérations humanitaires dans l'ensemble de la bande de Gaza" car Rafah "est au coeur des opérations humanitaires", a averti vendredi le porte-parole du Bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, à Genève.

Le 7 octobre, une attaque de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En représailles à l'attaque du Hamas, l'armée israélienne a lancé une offensive de grande envergure -aérienne puis terrestre- dans la bande de Gaza qui a fait jusqu'à présent 34.622 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

 

 


La Sûreté publique saoudienne publiera samedi les instructions pour obtenir le permis d’entrée à La Mecque avant la saison du Hajj

La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d'entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj. (Photo, AFP)
La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d'entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj. (Photo, AFP)
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  • La Direction générale des passeports a déclaré qu’elle avait commencé à délivrer des permis d’entrée électroniques pour les travailleurs à La Mecque
  • Tout résident saoudien souhaitant obtenir un permis doit présenter une demande auprès des autorités compétentes

RIYAD: La Direction générale de la sûreté publique d’Arabie saoudite a annoncé qu’elle publierait samedi des instructions à l’intention des résidents souhaitant obtenir l’autorisation d’entrer à La Mecque avant le début de la saison du Hajj, a rapporté l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Elle a par ailleurs expliqué que tout résident saoudien souhaitant obtenir un permis doit présenter une demande auprès des autorités compétentes et a indiqué que ceux qui n’obtiennent pas les permis nécessaires se verront interdire l’accès à la Ville sainte.

La Direction générale des passeports a également déclaré avoir commencé à délivrer des permis d’entrée électroniques pour les travailleurs à La Mecque afin de simplifier les procédures d’entrée pour les résidents pendant la saison du Hajj.

Le service numérique, accessible via la plate-forme en ligne Absher et le portail Muqeem du ministère de l’Intérieur, permettra à ceux qui souhaitent obtenir un permis d’entrée de soumettre leurs documents en ligne sans avoir à se rendre en personne dans les bureaux de passeports.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com