Des experts analysent la couverture médiatique de la situation à Gaza lors de l'émission de Ray Hanania

Ignacio Miguel Delgado (à gauche), Mohammed Najib (au centre) et Andrew Friedman (à droite) ont rejoint Ray Hanania. (Capture d'écran/Fourni)
Ignacio Miguel Delgado (à gauche), Mohammed Najib (au centre) et Andrew Friedman (à droite) ont rejoint Ray Hanania. (Capture d'écran/Fourni)
Short Url
Publié le Jeudi 20 mai 2021

Des experts analysent la couverture médiatique de la situation à Gaza lors de l'émission de Ray Hanania

  • Le bureau de l'Associated Press (AP), situé dans la ville de Gaza, a été détruit par le bombardement israélien de la tour Al-Jalaa le week-end dernier
  • «Nous avons évoqué la destruction d'au moins dix-huit médias. Il y en a peut-être davantage mais, jusqu'à présent, c'est le chiffre que nous avons établi»

CHICAGO: Le bureau de l'Associated Press (AP), situé dans la ville de Gaza, a été détruit par le bombardement israélien de la tour Al-Jalaa le week-end dernier; il fait partie de l'un des dix-huit bâtiments abritant des médias attaqués par Israël au cours du conflit qui l’oppose actuellement aux Palestiniens.

Ce chiffre effarant a été divulgué mercredi par Ignacio Miguel Delgado, spécialiste du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord auprès du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), à l’occasion d’une discussion diffusée lors d’une émission de radio américaine parrainée par Arab News, Cette organisation mondiale à but non lucratif promeut la liberté de la presse et défend les droits des journalistes.

Deux journalistes, l’un israélien et l’autre palestinien, ont également pris part à cette discussion. Ils ont révélé qu'ils étaient contraints de travailler dans des conditions oppressantes et de voir leurs reportages censurés par les Forces de défense israéliennes (FDI) ou par l'Autorité nationale palestinienne.

Destruction d'au moins dix-huit médias

Delgado explique que, si les journalistes de nombreux pays de la région, dont la Syrie et l'Irak, courent de grands risques, ceux qui couvrent le conflit israélo-palestinien font face à un danger plus grand encore.

«Dans la bande de Gaza, la situation actuelle des journalistes est particulièrement désastreuse. Soit ils couvrent l’actualité et parlent des frappes aériennes, des opérations militaires, soit ils se mettent à l'abri parce qu'ils n'ont aucun endroit où se cacher», déclare-t-il.

«Nous avons évoqué la destruction d'au moins dix-huit médias. Il y en a peut-être davantage mais, jusqu'à présent, c'est le chiffre que nous avons établi. Trois bâtiments qui abritaient des médias, des sociétés de production et des services de diffusion ont été anéantis», indique-t-il.

«La justification qu’avance Tsahal [l’armée de défense d’Israël, NDLR] est que le Hamas utilisait ces bâtiments à des fins militaires; mais, jusque-là, nous n'avons constaté aucune preuve de cette activité et nous aimerions savoir si elle a existé», ajoute-t-il.

Aucune preuve

Les forces israéliennes ont intentionnellement ciblé et détruit la tour Al-Jalaa le 15 mai dernier. Outre les bureaux de l'AP, le bâtiment abritait également des locaux d’Al Jazeera, ainsi que plusieurs autres sites médiatiques. L'armée israélienne a indiqué qu'ils étaient aussi utilisés par des militants du Hamas, mais l'AP et le CPJ ont rétorqué qu’aucune preuve ne venait étayer cette affirmation.

Delgado souligne qu’il existe en revanche des éléments qui montrent qu'Israël cible les journalistes qui signalent la destruction par les forces israéliennes de cibles civiles ou militaires présumées.

«Quelques jours avant le bombardement de la tour Al-Jalaa, deux [autres] bâtiments ont été [détruits]: Jawhara et Al-Shorouk, qui abritaient plusieurs médias locaux, comme la chaîne jordanienne Al-Mamlaka», affirme Delgado. «D’autres sites hébergeaient la télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas. Il y avait de nombreux médias locaux», poursuit-il.

Censurer les reportages

«La destruction de ces bâtiments a eu pour conséquence que de nombreux journalistes ont perdu leur matériel. S’ils disposaient d’un peu de temps pour évacuer les bâtiments, ils ne pouvaient pas tout emporter avec eux, naturellement – l’ensemble du matériel de diffusion, les caméras… Tant de journalistes se retrouvent ainsi privés des outils qui leur sont nécessaires pour mener à bien leur travail», déplore-t-il.

L'armée israélienne a contacté les dix-huit sites médiatiques ciblés pour avertir ses occupants des attaques et leur donner la possibilité d'évacuer les lieux. Pourtant, plusieurs journalistes ont été tués ou blessés au cours des conflits actuels et précédents.

«À Gaza, au moins dix-huit journalistes ont été tués depuis que le CPJ a commencé à les dénombrer, en 1992. Nous avons appris aujourd'hui qu’un journaliste avait été tué. Trois autres reporters, qui couvraient des frappes aériennes à Gaza, ont également trouvé la mort. La région est l'une des plus dangereuses pour les journalistes», déclare Delgado.

Le journaliste israélien Andrew Friedman, d'Efrat, et le journaliste palestinien Mohammed Najib, de Ramallah, ont confié à Hanania qu'ils étaient contraints par les gouvernements israélien et palestinien de censurer les reportages qu’ils effectuaient sur le conflit.

Hostilité envers les médias

«Dans cette mini-guerre en cours, Tsahal n'a pas permis aux médias internationaux d'entrer à Gaza pendant neuf jours; ce n’est qu’aujourd'hui [mercredi] que des correspondants étrangers ont été autorisés à entrer à Gaza pour couvrir ce conflit», déclare Najib de ses bureaux de Ramallah, en Cisjordanie occupée, là même où il a travaillé comme journaliste indépendant pour The New York Times, The Wall Street Journal ainsi que pour d’autres journaux célèbres.

«En outre, tout le monde a constaté que le bombardement de la tour Al-Jalaa à Gaza [se fondait] sur des allégations selon lesquelles le Hamas serait présent dans cette tour – mais tous les rapports de Gaza le démentent», ajoute le journaliste.

Friedman, qui fut rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Yediot Aharonot, reconnaît que, comme les journalistes palestiniens, les journalistes israéliens sont confrontés à la censure officielle et à un public hostile au point de vue adverse. Toutefois, il affirme douter du fait que Tsahal vise intentionnellement les médias, à Gaza ou ailleurs.

«Il est sans doute vrai que de nombreux Israéliens éprouvent de l’hostilité envers les médias. J'ai cependant du mal à croire que l'armée les attaque intentionnellement. Tout d'abord, je pense que l'armée a mieux à faire. Mais, avec tout le respect que je dois à Ignacio, qui est un très bon journaliste, si le bâtiment était utilisé par le Hamas, je ne pense pas qu’il serait autorisé à le signaler. S'il le faisait, il ne serait plus en mesure de retourner à Gaza», estime Friedman, qui ajoute: «Je n’ai guère confiance dans la justification militaire, ni dans les accusations de la partie palestinienne.»

“Êtes-vous pour nous ou contre nous?”

«Pour les Israéliens et leurs partisans, l'histoire est absolument claire: une petite région juive est attaquée par des roquettes – que voulez-vous qu'ils fassent? Du point de vue des Palestiniens et de leurs partisans, c'est tout aussi limpide: un pays occupé est attaqué à Jérusalem et à Gaza – que voulez-vous qu'ils fassent?»

Najib convient que le public, aussi bien en Palestine qu'en Israël, attend des journalistes qu'ils promeuvent leurs points de vue plutôt que de rester objectifs.

«Après [de nombreuses] années d’expérience dans le journalisme, je peux affirmer que le travail le plus difficile, c’est d'être journaliste. Que l’on soit de culture palestinienne ou israélienne, la question est toujours la même: “Êtes-vous pour nous ou contre nous?” Voici ma réponse: pourquoi devrais-je être avec vous ou contre vous? Je ne suis contre personne. Nous nous devons d’être des journalistes professionnels», explique-t-il.

 

*L'émission de radio Ray Hanania est diffusée en direct sur la radio WNZK AM 690 à Détroit et sur la radio WDMV AM 700 à Washington DC sur le réseau radio américain arabe. Elle est sponsorisée par Arab News. Pour plus d'informations et pour écouter les émissions précédentes, rendez-vous sur ArabNews.com/RayRadioShow.


Pour Liam Cunningham, star de « Game of Thrones », le monde « n'oubliera pas » ceux qui sont restés silencieux sur Gaza

L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. (AP/File Photo)
Short Url
  • L'Irlandais est un ardent défenseur de la cause palestinienne depuis des décennies
  • « Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré

LONDRES : L'acteur irlandais Liam Cunningham a déclaré que le public « n'oubliera pas » ceux qui n'ont pas exprimé leur soutien aux Palestiniens pendant le conflit actuel entre Israël et le Hamas à Gaza.

La star de « Game of Thrones » est un fervent défenseur des causes palestiniennes depuis des décennies. Lors d'une manifestation à Dublin menée par l'Irlando-Palestinien Ahmed Alagha, qui a perdu 44 membres de sa famille dans le récent assaut israélien contre Gaza, Cunningham a déclaré qu'il avait été félicité par ses pairs dans le passé pour son activisme.

« Ce qui me préoccupe, c'est que les personnes qui se sentent concernées et qui ne font rien sont, à mon avis, pires que celles qui ne se sentent pas concernées », a-t-il déclaré.

On a demandé à Cunningham s'il avait parlé à d'autres acteurs pour les convaincre de soutenir la cause palestinienne, mais il a répondu en disant qu'il ne pouvait répondre des autres, a rapporté The Independent.

Il a toutefois ajouté : « Internet n'oublie pas. Lorsque cela se produira, lorsque la CIJ (Cour internationale de justice) et la CPI (Cour pénale internationale) feront, je l'espère, leur travail honorablement, cela se saura », a-t-il déclaré.

« Et les gens qui n'ont pas parlé ne seront pas oubliés. Ce génocide est retransmis en direct et il n'est pas possible de dire que l'on ne savait pas. Vous saviez. Et vous n'avez rien fait. Vous êtes restés silencieux. Je dois pouvoir me regarder dans le miroir, et c'est pourquoi je parle », a-t-il ajouté.

Un mois après qu'Israël a lancé son assaut sur Gaza en réponse aux incursions du Hamas sur le territoire israélien, le 7 octobre, qui ont fait près de 1 200 morts et quelque 250 otages, Cunningham a déclaré que, pour les Irlandais, ignorer le traitement réservé aux Palestiniens reviendrait à « trahir » leur histoire.

« Si nous nous permettons d'accepter ce comportement, alors nous acceptons que cela nous arrive », avait-il déclaré à l'époque. « Nous devons défendre des normes. Nous devons défendre le droit international et cela nous réduit en tant qu'êtres humains si nous ne le faisons pas ».

L'assaut israélien sur Gaza a tué plus de 34 000 Palestiniens, dont environ deux tiers d'enfants et de femmes, selon les autorités sanitaires de l'enclave dirigées par le Hamas.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le pape François à Venise, son premier déplacement en sept mois

Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le pape François salue lors d'une audience avec des pèlerins hongrois dans la salle Paul VI du Vatican, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère
  • Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé

VATICAN: Le pape François, 87 ans, est attendu dimanche à Venise pour une visite éclair, son premier déplacement hors de Rome en sept mois en raison de son état de santé précaire.

Depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, Jorge Bergoglio n'a plus voyagé. Une bronchite l'a contraint à annuler son voyage à Dubaï en décembre et son état général, de plus en plus fragile, à éviter les déplacements.

En se rendant à Venise pour la première fois depuis son élection en 2013, le pape entend d'abord rassurer sur sa capacité à assurer son ministère, quelques semaines après les inquiétudes suscitées par son accès de fatigue au moment des fêtes de Pâques.

François doit arriver en hélicoptère à 08H00 (06H00 GMT) à la prison pour femmes de l'île de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège à la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Dans cet ancien couvent qui accueille des femmes condamnées à de longues peines, l'évêque de Rome, sensible à la place des marginalisés, rencontrera les 80 détenues et visitera l'exposition qu'elles ont montée aux côtés de dix artistes.

A l'écart des projecteurs et de la foule, le pavillon du Saint-Siège est l'un des plus en vue de la prestigieuse manifestation d'art et propose aux visiteurs une expérience immersive et déroutante, où les œuvres côtoient les barbelés.

"Ce sera un moment historique puisqu'il sera le premier pape à visiter la Biennale de Venise", a estimé le conservateur de l'exposition, le cardinal portugais José Tolentino de Mendonça, lors d'une conférence de presse.

Cela "démontre clairement la volonté de l'Eglise de consolider un dialogue fructueux et étroit avec le monde des arts et de la culture".

Messe place Saint-Marc 

Chiara Parisi, commissaire de l'exposition, a souligné "l'émerveillement" et "l'espérance" des détenues vis-à-vis de cette visite.

"Le pape agit au-delà de la parole" en se déplaçant auprès d'elles, des "personnes qui ont à cœur de jouer un rôle même quand elles sont dans une situation très dure", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Le pape s'exprimera ensuite devant des jeunes à 10H00 (08H00 GMT) devant l'emblématique basilique Santa Maria della Salute, dont le dôme majestueux domine l'entrée sud du Grand Canal, à deux pas de la place Saint-Marc.

Après avoir rejoint la célèbre place grâce à un pont éphémère, il présidera une grande messe à 11H00 (09H00 GMT) en présence de nombreux responsables politiques et religieux. Il quittera la Lagune en début d'après-midi pour rentrer au Vatican.

Après Paul VI (1972), Jean-Paul II (1985) et Benoit XVI (2011), François est le quatrième pape à se rendre dans la Cité des Doges.

L'histoire de la Sérénissime est étroitement liée à celle de la papauté. Au XXe siècle, trois patriarches de Venise sont devenus papes.

Le diocèse de Venise est un des plus grands de la péninsule avec 125 paroisses. Venise est en outre l'un des rares patriarcats de l'Eglise latine.

La visite du pape intervient le week-end d'introduction d'une entrée payante de cinq euros pour les touristes à la journée: en tant qu'invité, il devrait en être exempté, mais les pèlerins non résidents y seront soumis.

Après ce déplacement, le jésuite argentin doit effectuer deux autres voyages dans le nord de l'Italie, à Vérone en mai et à Trieste en juillet.

Cette visite intervient aussi alors que le Vatican vient d'officialiser une ambitieuse tournée papale aux confins de l'Asie et de l'Océanie en septembre (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et Singapour), le plus long voyage de son pontificat, qui s'annonce comme un ambitieux défi sur le plan physique.


Tanger, le «havre de liberté» des grands noms du jazz

Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Abdellah El Gourd, légende marocaine de la musique gnawa âgée de 77 ans, pose pour une photo dans la vieille ville de Tanger le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco
  • Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua

TANGER: Au siècle dernier, Randy Weston, Idrees Sulieman ou Max Roach ont traversé l'Atlantique pour découvrir Tanger, devenue le repère des grands jazzmen américains. Un héritage qui sera célébré mardi dans la métropole du nord du Maroc, lors de la Journée internationale du jazz.

"La ville a eu un pouvoir d'attraction fascinant sur une vague d'intellectuels et musiciens. Ce n'est pas pour rien qu'un écrivain disait qu'il y avait toujours un paquebot qui chauffait à New York en partance pour Tanger", explique à l'AFP Philippe Lorin, fondateur d'un festival de jazz dans la grande ville portuaire.

Cette année, la cité, bordée par la Méditerranée et l'Atlantique, a été désignée ville-hôte de la Journée internationale du jazz, par l'Unesco. A partir de samedi, elle abrite des conférences et spectacles en plein air qui culmineront dans un grand concert mondial avec le pianiste Herbie Hancock et les bassistes Marcus Miller et Richard Bona ou le guitariste Romero Lubambo.

Le cosmopolitisme de Tanger puise ses racines dans son statut d'ancienne zone internationale, administrée par plusieurs puissances coloniales de 1923 jusqu'en 1956 quand le Maroc a pris son indépendance.

Son rayonnement a été alimenté par le passage d'écrivains et poètes du mouvement littéraire de la "beat generation" mais aussi de jazzmen afro-américains "en quête de leurs racines africaines", souligne l'historien Farid Bahri, auteur de "Tanger, une histoire-monde du Maroc".

"Tanger était un havre de liberté comme l'est la musique jazz", note M. Lorin.

Weston débarque à Tanger 

"La présence des musiciens américains à Tanger était également liée à une diplomatie américaine très active", complète l'historien marocain.

Le célèbre pianiste Randy Weston a posé ses valises durant cinq ans à Tanger après une tournée dans 14 pays africains en 1967, organisée par le département d'Etat américain.

Le virtuose de Brooklyn a joué un rôle déterminant dans la construction du mythe de la ville du détroit, à laquelle il a dédié son album "Tanjah" (1973).

"Randy était un homme d'exception aimable et respectueux, il a beaucoup donné à la ville et ses musiciens", confie à l'AFP Abdellah El Gourd, un maître gnaoua (musique spirituelle originaire d'Afrique de l'ouest, introduite par les descendants d'esclaves), ami et collaborateur du pianiste américain décédé en 2018.

Un autre moment charnière de cette épopée est l'enregistrement en 1959 d'une session musicale avec le vénérable trompettiste Idrees Sulieman, le pianiste Oscar Dennard, le contrebassiste Jamil Nasser et le batteur Buster Smith au studio de la Radio Tanger International (RTI) à l'invitation de Jacques Muyal.

Ce Tangérois d'à peine 18 ans, animateur d'une émission de jazz sur RTI, produit alors, avec les moyens du bord et sans le savoir, un album de référence qui circulera dans les cercles de jazz avant son édition sous le titre "The 4 American Jazzmen In Tangier" en 2017.

«Expérience unique»

Randy Weston et Abdellah El Gourd vont de leur côté repousser les limites de la création, devenant les précurseurs de la fusion entre sonorités jazz et gnaoua.

"La barrière de la langue n'a jamais été un problème car notre communication se faisait à travers les gammes. Notre langage était la musique", raconte M. El Gourd, dans une salle de répétition aux murs tapissés de photos souvenirs de tournées internationales notamment avec Weston et le saxophoniste Archie Shepp.

Une longue collaboration qui donnera naissance 25 ans plus tard à l'album "The Splendid Master Gnawa Musicians of Morocco" (1992).

En 1969, le pianiste américain décide d'ouvrir un club de jazz baptisé "African Rythms Club" au-dessus du célèbre cinéma Mauritania.

"On répétait là-bas, Randy y invitait ses amis musiciens. C'était une belle époque", se remémore le maâlem (maître) de 77 ans qui a parcouru le monde aux côtés de Weston.

Puis en 1972, l'Américain se lance dans la folle aventure d'organiser un premier festival de jazz à Tanger avec des invités de marques dont le percussionniste Max Roach, le flûtiste Hubert Laws, le contrebassiste Ahmed Abdul-Malik, le saxophoniste Dexter Gordon mais aussi Abdellah El Gourd.

"C'était une expérience assez unique car c'était la première fois qu'on jouait devant un public aussi nombreux", se souvient le musicien, jusqu'alors habitué aux performances gnaouas réservées à l'époque à des cercles restreints.

L'expérience ne durera qu'une seule édition mais inspirera Philippe Lorin pour créer, près de trois décennies plus tard, le festival Tanjazz, organisé chaque année en septembre.