Le Soudan à nouveau isolé économiquement après le putsch, selon des experts

Le peuple soudanais souffre depuis des décennies de graves difficultés économiques en raison de la mauvaise gestion du gouvernement, de conflits internes et de la sécession en 2011 du sud riche en pétrole. (Photo, AFP)
Le peuple soudanais souffre depuis des décennies de graves difficultés économiques en raison de la mauvaise gestion du gouvernement, de conflits internes et de la sécession en 2011 du sud riche en pétrole. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 20 mars 2022

Le Soudan à nouveau isolé économiquement après le putsch, selon des experts

  • L'économiste Samia Sayyid affirme que le pays est «retourné après le 25 octobre à l'embargo» imposé en 1993 sous le dictateur déchu en 2019 Omar el-Béchir
  • Khartoum assure malgré tout avoir conçu un budget auto-suffisant pour 2022

KHARTOUM : Après 25 ans d'embargo, le Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde, commençait à peine à entrevoir des lendemains meilleurs. Mais le putsch d'octobre, assurent les experts, l'a replongé dans l'isolement économique et y a aggravé la pauvreté.

Babiker Mohammed ne sait plus comment nourrir sa famille de six personnes avec son salaire d'instituteur: 45 euros.

"Aujourd'hui, je dépense 27 000 livres pour le pain chaque mois, soit 90% de mon salaire", dit-il. "Je ne suis pas sûr de pouvoir continuer à payer l'école pour mes enfants".

Avec des centaines d'enseignants, de cheminots et d'autres Soudanais, il a rejoint les manifestants, qui ajoutent désormais aux slogans anti-armée des "Non à la vie chère" dans leurs défilés chaque semaine.

Et depuis novembre des protestataires bloquent une importante route commerciale vers l'Egypte, dénonçant notamment une hausse du prix de l'électricité.

En plus de cela, le pouvoir militaire a progressivement réduit ses subventions sur l'essence: mercredi, le litre coûtait 672 livres (près d'un 1,40 euro), contre 320 avant le coup d'Etat.

«Bonne décision, mauvais moment»

Car l'Etat a récemment perdu 40% de ses recettes: en rétorsion au putsch du 25 octobre du général Abdel Fattah al-Burhane, la Banque mondiale a suspendu deux milliards de dollars d'aide et les Etats-Unis, 700 millions.

Pire encore, Washington, qui avait envoyé 300 000 tonnes de blé en 2021, n'acheminera pas les 400 000 tonnes promises en 2022. Et ce alors que la guerre fait rage en Ukraine après son invasion par la Russie, deux des principaux producteurs mondiaux de blé.

Khartoum assure malgré tout avoir conçu un budget auto-suffisant pour 2022. 

De la poudre aux yeux, rétorquent les experts.

L'économiste Samia Sayyid affirme que le pays est "retourné après le 25 octobre à l'embargo" imposé en 1993 sous le dictateur déchu en 2019 Omar el-Béchir, que Washington accusait de soutenir le "terrorisme".

C'est un coup aussi terrible "que la perte du pétrole à l'indépendance du Soudan du Sud" en 2011, renchérit Mohammed al-Nayyir, lui aussi économiste.

A l'époque, Khartoum avait perdu 85% de ses 6,8 milliards d'euros tirés des exportations. La monnaie avait plongé et l'inflation grimpé à 45% – un taux qui dix ans plus tard fait rêver: en février, elle atteint à 258%.

Pour tenter de redresser la barre, le 7 mars, la Banque centrale a annoncé laisser flotter la livre, qui évolue librement sur le marché des changes et s'échange désormais à 660 livres pour un euro.

"C'est la bonne décision mais au mauvais moment", tranche Mme Sayyid.

Il aurait fallu la prendre, plaide-t-elle, dans la foulée de la chute de Béchir, quand fonds et possibilités de commercer affluaient pour "stimuler la production" et contrebalancer "inflation et dévaluation". 

300 employés licenciés

Mais aujourd'hui, les autorités font le contraire et "augmentent les taxes sur les biens, notamment agricoles, ce qui pèse sur les filières de production".

Selon M. Nayyir, les taxes représentent "58% des recettes budgétaires prévues".

Un patron d'usine raconte à l'AFP – sous couvert d'anonymat – avoir dû licencier ses 300 employés, dans un pays où un habitant sur trois dépend de l'aide humanitaire.

"Ils étaient soutiens de famille mais je ne pouvais plus continuer avec des matières premières et de l'électricité aussi chères", affirme-t-il.

Et il est loin d'être seul. Selon des documents de la Banque centrale soudanaise consultés par l'AFP, les exportations ont fondu en janvier à 40 millions d'euros, contre 266 en décembre.

Quant à l'inflation, prédit M. Nayyir, elle pourrait "grimper à 500%".

Car le Soudan, dont le sous-sol regorge d'or, n'a que peu de réserves en devises et en lingots.

Le pouvoir militaire a bien nommé en urgence une commission dirigée par son numéro deux, le général Mohammed Hamdane Daglo, patron des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Mais s'il n'a de cesse de dénoncer des "mafias" qui "font du trafic" d'or ou d'autres ressources, il se contente d'assurer que "le pays a des réserves" sans jamais en donner le montant.

Quant aux banques – qui devaient revenir dans le système international après la levée des sanctions américaines fin 2020 – depuis le putsch, elles n'ont plus "aucun lien avec des banques européennes ou américaines", dit le directeur de l'une d'elles.

Le patron de l'ONU à Khartoum a déjà prévenu: "la Banque mondiale donne jusqu'à juin au Soudan" pour relancer la transition démocratique.

Après, ce sera la fin des mains tendues.


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com