Conflit en Ukraine: un mois après, l'économie mondiale en pleines turbulences

Récolte de blé à Saint-Philbert-sur-Risle, dans le nord-ouest de la France. (AFP).
Récolte de blé à Saint-Philbert-sur-Risle, dans le nord-ouest de la France. (AFP).
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Publié le Mercredi 23 mars 2022

Conflit en Ukraine: un mois après, l'économie mondiale en pleines turbulences

  • Ce séisme géopolitique constitue aussi un tremblement de terre économique, à l'image de ces grandes firmes occidentales annonçant de manière désordonnée leur retrait ou le gel de leurs activités en Russie
  • Le conflit actuel implique deux superpuissances agricoles, la Russie et l'Ukraine, qui assurent 30% des exportations mondiales de blé. La flambée sur les cours des céréales et des huiles a donc été immédiate

PARIS: L'économie mondiale vit au rythme de la guerre en Ukraine et de ses conséquences, de la flambée des prix des matières premières au risque d' effets collatéraux des sanctions occidentales imposées à la Russie. 

Ce séisme géopolitique constitue aussi un tremblement de terre économique, à l'image de ces grandes firmes occidentales annonçant de manière désordonnée leur retrait ou le gel de leurs activités en Russie. Il fait planer la menace de pénuries alimentaires, attise l'inflation et ébranle des marchés et des économies encore convalescentes du Covid-19.

Tour d'horizon, un mois après.

Coup de chaud sur les matières premières

Alors que la Russie est un producteur majeur d'hydrocarbures, les cours ont flambé et affolé les compteurs. De 90 dollars en février, le baril de Brent de la mer du Nord a atteint 139,13 dollars le 7 mars --du jamais-vu depuis la crise financière de 2008-- et est resté depuis très volatil.


La hausse s'est répercutée à la pompe, contraignant des pays à prendre des mesures: baisse de taxe en Suède, prix plafonnés en Hongrie ou rabais de 15 centimes par litre en France.


Des aides ont aussi été annoncées pour l'électricité et le gaz, qui a culminé à des niveaux inédits en Europe --345 euros le mégawattheure sur le TFF néerlandais le 7 mars.


Contraint par sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, l'UE n'a pas décidé d'embargo sur les hydrocarbures russes, contrairement aux Etats-Unis. Mais elle veut désormais en être totalement indépendante d’ici à 2027.


Dans le sillage des prix de l'énergie, ceux de métaux produits massivement en Russie -nickel, aluminium...- ont aussi été emportés dans une envolée inédite, provoquant un renchérissement des coûts de production.


Les ruptures dans les chaînes d'approvisionnement, notamment dans l'automobile, sont aussi de retour. Très présent en Russie via le groupe AvtoVaz, Renault a dû mettre des usines à l'arrêt en France faute de puces électroniques mais aussi de pièces venant... d'Ukraine.

Menaces sur la sécurité alimentaire

"Un ouragan de famines", a mis en garde l'ONU. "La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique", a renchéri le FMI. Le conflit actuel implique deux superpuissances agricoles, la Russie et l'Ukraine, qui assurent 30% des exportations mondiales de blé. La flambée sur les cours des céréales et des huiles a donc été immédiate.


L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a dit redouter que 8 à 13 millions de personnes supplémentaires puissent souffrir de sous-nutrition dans le monde si la guerre dure.


A ce jour, les voyants restent dans le rouge: plus aucun navire ne sort d'Ukraine, où l'inquiétude porte désormais sur les semis de printemps, annoncés en baisse de 25 à 40%.


Et si, pour le blé, les Etats-Unis, l'Inde et l'Europe pourraient en partie prendre le relais, la situation est plus complexe pour l'huile de tournesol et le maïs, dont l'Ukraine était respectivement premier et quatrième exportateur.

Marchés fébriles et spectre d'un défaut

L'année 2022 avait démarré dans l'enthousiasme, avec des résultats d'entreprise témoignant d'un regain de forme post-Covid. Las, la guerre et son flot d'incertitudes ont plongé les marchés dans la fébrilité --à titre d'exemple, le CAC 40 à Paris a perdu près de 3% en un mois.


En Russie, les sanctions occidentales ont paralysé une partie du système bancaire et financier, et provoqué une chute du rouble, jusqu'à 177 roubles pour un dollar le 7 mars (contre environ 75 roubles pour un dollar début février). Les réserves russes détenues à l'étranger ont été gelées à hauteur de 300 milliards de dollars.


Ces mesures ont fait craindre un défaut de paiement russe, pour la première fois depuis 1998, tandis que la Bourse de Moscou a été fermée durant près de trois semaines et n'a rouvert que partiellement lundi.


A ce jour, l'économie russe, que le pouvoir s'est efforcé de consolider lors de la décennie écoulée, ne s'est pas écroulée. Et la crainte d'un défaut de paiement s'est un peu éloignée après que Moscou a honoré un premier versement de 117 millions de dollars liés à deux obligations. D'autres échéances se profilent.

Des entreprises occidentales dans la tempêteFaut-il continuer de faire des affaires en Russie comme si de rien n'était ?


Face au choc du 24 février, des centaines d'entreprises occidentales ont annoncé leur retrait ou a minima le gel de leurs activités. De gré ou de force, entre craintes des sanctions, pressions politiques ou de l'opinion.


Le signal a été donné par de grandes firmes, du pétrolier britannique BP au géant suédois de l'ameublement Ikea, en passant par les mastodontes américains McDonald's et Coca-Cola, avec un défi logistique et financier varié selon les secteurs et le niveau d'investissement capitalistique. En réponse, Vladimir Poutine a laissé planer la menace d'une nationalisation.


D'autres entreprises ont à l'inverse justifié la poursuite de leurs activités par une responsabilité sociale voire sociétale -ne pas abandonner les salariés, ne pas priver les populations de produits de première nécessité.

Coup de frein sur la croissance

L'impact est avéré, mais dans quelles proportions ? L'OCDE table sur un point de croissance en moins à l'échelle mondiale. Le FMI va rabaisser sa prévision, actuellement fixée à 4,4% pour 2022.


La communication la plus sombre est venue le 18 mars de la BERD, du FMI et de la Banque mondiale qui se sont dits "profondément inquiets", évoquant "une croissance plus lente, des perturbations des échanges commerciaux" et un impact particulièrement sévère pour "les plus pauvres et vulnérables".


A défaut de prévoir des récessions d'ampleur, la stagflation menace, préviennent les experts. Car la guerre attise l'inflation post-Covid: celle-ci culmine à des sommets, notamment aux Etats-Unis (+7,9% sur un an).


L'ébauche d'un cercle vicieux ? Cette inflation va "forcer les banques centrales à réagir en augmentant leurs taux d'intérêt -comme certaines ont commencé à le faire-, ce qui sera mauvais pour la croissance", a dit à l'AFP la cheffe économiste de la Banque européenne de développement (BERD), Beata Javorcik.


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.


Alistithmar Capital et Ezdihar Real Estate s'associent pour lancer un fonds de développement immobilier de 293 millions de dollars

Khalid bin Abdulaziz Al-Rayes , PDG d'Investment Capital, et Abdul Mohsen bin Fawaz Al Hokair, PDG d'Izdihar Real Estate Development Co. (Fournie)
Khalid bin Abdulaziz Al-Rayes , PDG d'Investment Capital, et Abdul Mohsen bin Fawaz Al Hokair, PDG d'Izdihar Real Estate Development Co. (Fournie)
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  • 'objectif est de stimuler la croissance du capital des investisseurs immobiliers
  • e partenariat avec Ezdihar vise à poursuivre des objectifs communs dans le domaine de l'immobilier et à offrir aux investisseurs des opportunités adaptées à leurs objectifs

RIYADH : La société saoudienne Alistithmar Capital s'associe à Ezdihar Real Estate Development Co pour créer un fonds immobilier de 1,1 milliard de SR (293 millions de dollars), ce qui profitera au paysage commercial et de bureaux de Riyad.

Dans un communiqué, Alistithmar Capital, la filiale d'investissement de la Saudi Investment Bank, a annoncé que l'objectif est de stimuler la croissance du capital des investisseurs en obtenant des droits d'usufruit sur une parcelle de 103 000 m² dans les locaux de l'Université du Roi Saoud sur la route Prince Turki Al-Awwal à Riyad, afin de développer le terrain en un complexe de bureaux commerciaux générant des revenus.

Le PDG de la société, Khalid Al-Rayes, a déclaré que le partenariat avec Ezdihar vise à poursuivre des objectifs communs dans le domaine de l'immobilier et à offrir aux investisseurs des opportunités adaptées à leurs objectifs et à l'évolution du paysage immobilier.

Il a ajouté que son organisation se consacre à offrir des perspectives d'investissement de haute qualité aux investisseurs immobiliers grâce à des fonds méticuleusement structurés et adaptés aux exigences de chaque projet. Cette approche garantit des avantages maximaux et des retours sur investissement optimaux.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com