Ukraine: l'Europe discute de nouvelles sanctions, l'ONU «horrifiée» par Boutcha

A Boutcha, ceux qui ont survécu ne peuvent que constater l'horreur et tenter de rendre hommage aux civils exécutés en pleine rue par les Russes. SERGEI SUPINSKY / AFP
A Boutcha, ceux qui ont survécu ne peuvent que constater l'horreur et tenter de rendre hommage aux civils exécutés en pleine rue par les Russes. SERGEI SUPINSKY / AFP
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Publié le Lundi 04 avril 2022

Ukraine: l'Europe discute de nouvelles sanctions, l'ONU «horrifiée» par Boutcha

  • Le ministère russe de la Défense a assuré dimanche que ses forces n'avaient pas tué de civils à Boutcha, une ville proche de Kiev récemment reprise par les forces ukrainiennes
  • Le président français Emmanuel Macron a dénoncé dimanche les images «insoutenables» provenant de la ville ukrainienne de Boutcha où de nombreux cadavres ont été découverts

BUCHA, UKRAINE: Les Européens, révoltés par les images de dizaines de cadavres retrouvés dans les environs de Kiev, discutent lundi d'un alourdissement des sanctions contre Moscou, accusé de "génocide" en Ukraine mais qui rejette catégoriquement toutes ces accusations.
Plusieurs capitales occidentales et l'ONU ont exprimé dans la matinée leur indignation après le retrait russe de Boutcha, dans la banlieue nord-ouest de Kiev, et la découverte sur place de nombreux corps de civils dans les rues ou des fosses communes.
La Haute-commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, s'est dite "horrifiée" par ces informations qui "soulèvent des questions graves et inquiétantes sur de possibles crimes de guerre" et "violations graves des droits de l'homme", appelant "à préserver toutes les preuves".

La Russie dément avoir tué des civils à Boutcha

Le ministère russe de la Défense a assuré dimanche que ses forces n'avaient pas tué de civils à Boutcha, une ville proche de Kiev récemment reprise par les forces ukrainiennes. 

« Pendant la période au cours de laquelle cette localité était sous le contrôle des forces armées russes, pas un seul résident local n'a souffert d'actions violentes », a déclaré le ministère dans un communiqué.  

Il a ajouté que l'armée russe avait distribué 452 tonnes d'aide humanitaire aux civils dans ce secteur. 

Le ministère a ajouté que tous les habitants « avaient eu la possibilité de quitter librement » la localité « vers le nord », alors que les banlieues sud de la ville « étaient la cible de tirs des troupes ukrainiennes 24 heures sur 24 ». 

Le communiqué a en outre affirmé que les images de cadavres dans les rues de la ville étaient « une nouvelle production du régime de Kiev pour les médias occidentaux ».  

Il a assuré que toutes les unités militaires russes s'étaient retirées de Boutcha le 30 mars, au lendemain de l'annonce par la Russie qu'elle allait réduire de façon significative son activité dans le nord de l'Ukraine. 

Après la diffusion de ces images, l'Union européenne discutait lundi en "urgence" de nouvelles sanctions contre Moscou, réclamées notamment par la France et l'Allemagne, a indiqué le haut représentant de l'UE Josep Borrell.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a parlé lundi d'un possible "génocide" et réclamé la comparution des coupables "devant la Cour pénale internationale".
Dans la foulée, le Premier ministre de la Pologne, voisine occidentale de l'Ukraine, a repris le terme de "génocide" et réclamé la création d'une commission d'enquête internationale sur ce sujet.
En visite lundi à Varsovie, le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, s'est dit "profondément choqué". "Le meurtre de civils innocents est (...) inacceptable, et je condamne fermement ces actions", a-t-il déclaré.
Dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait fustigé les "meurtriers, tortionnaires, violeurs, pilleurs" russes responsables des "meurtres" et des "tortures" à Boutcha.
Le Kremlin a vivement réagi lundi matin en rejetant "catégoriquement toutes les accusations", par la voix de son porte-parole, Dmitri Peskov, qui a appelé les dirigeants étrangers à ne pas avancer d'"accusations hâtives" à l'égard de Moscou et à "écouter au moins les arguments russes".
Selon lui, des experts du ministère russe de la Défense ont découvert des signes de "falsifications vidéo" et des "fakes" dans les images présentées par les autorités ukrainiennes comme preuves d'un massacre russe.

«Les autorités russes devront répondre de ces crimes », affirme Macron

Le président français Emmanuel Macron a dénoncé dimanche les images « insoutenables » provenant de la ville ukrainienne de Boutcha où de nombreux cadavres ont été découverts, affirmant que « les autorités russes devront répondre de ces crimes ». 

« Les images qui nous parviennent de Boutcha, ville libérée près de Kiev, sont insoutenables », a écrit le chef de l'Etat sur Twitter, dénonçant « dans les rues, des centaines de civils lâchement assassinés ». 

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait auparavant condamné « avec la plus grande fermeté » les actes commis par l'armée russe contre des civils dans plusieurs villes ukrainiennes dont Boutcha, « constitutifs, s'ils sont confirmés, de crimes de guerre ». 

« J'ai pris connaissance des informations faisant état d'exactions massives commises par les forces russes dans des villes ukrainiennes qu'elles occupaient ces dernières semaines, en particulier dans la localité de Bucha (Boutcha, ndlr) », a déclaré le ministre dans un communiqué.  

« Je condamne avec la plus grande fermeté de tels actes constitutifs, s'ils sont confirmés, de crimes de guerre », a-t-il ajouté.  

« Nous travaillerons, en lien avec nos partenaires, les autorités ukrainiennes et les juridictions internationales compétentes, notamment la Cour pénale internationale, pour que ces actes ne restent pas impunis et que leurs responsables soient jugés et condamnés », a-t-il poursuivi. 

«Balle dans la nuque»

L'armée russe était parvenue à Boutcha et dans la ville voisine d'Irpin, qui borde Kiev au nord-ouest, très rapidement après le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février. Dans les semaines qui ont suivi, les deux villes ont été le théâtre de féroces combats qui les ont en partie dévastées et fait fuir la plupart des habitants.
Les Ukrainiens ont annoncé les avoir reprises ces derniers jours, après que les Russes ont indiqué desserrer l'étau sur Kiev et le nord pour concentrer leurs efforts militaires sur l'est du pays.
Le nombre total de morts dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes reste incertain. Selon la procureure générale d'Ukraine, Iryna Venediktova, les dépouilles de 410 civils y ont été retrouvées.
Samedi, l'AFP avait vu à Boutcha les cadavres d'au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, avait assuré qu'elles ont été tuées d'"une balle dans la nuque", suggérant des exécutions sommaires massives de la part des soldats russes.
M. Fedorouk a par ailleurs affirmé que "280 personnes" avaient été enterrées "dans des fosses communes" car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.

Washington et l'Otan dénoncent des actes «horribles», «cela doit s'arrêter»

Les Etats-Unis et l'Otan ont exprimé dimanche leur horreur face aux récits d'atrocités contre les civils imputées aux forces russes à Boutcha, près de Kiev, avertissant que le départ de Moscou de cette région ne représentait ni un « vrai retrait » ni un espoir de désescalade. 

« Ces images sont un coup de poing à l'estomac », a réagi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken sur la chaîne CNN, rappelant avoir prévenu « avant l'agression de la Russie » qu'elle risquait de »commettre des atrocités ». 

« Nous ne pouvons pas normaliser cela. C'est la réalité de ce qui se passe chaque jour, tant que la brutalité de la Russie contre l'Ukraine se poursuit. C'est pourquoi cela doit s'arrêter », a-t-il dit. 

Il a réaffirmé que les Etats-Unis contribuaient à « documenter » d'éventuels « crimes de guerre » auprès des institutions internationales pour que leurs responsables « rendent des comptes », refusant toutefois de dire s'il considérait qu'il s'agissait de « crimes contre l'humanité » ou même d'actes de « génocide ». 

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a pour sa part estimé que les violences de Boutcha étaient « horribles », dénonçant une « brutalité inédite en Europe depuis des décennies ». 

« Il est absolument inacceptable que des civils soient pris pour cibles et tués, et cela souligne l'importance de mettre fin à cette guerre », a-t-il estimé sur la même chaîne. 

Interrogé sur le départ des forces russes de la région de Kiev, que les forces ukrainiennes ont dit avoir repris, il s'est montré prudent: « Nous ne devons pas être trop optimistes » car « nous redoutons une potentielle augmentation des attaques, notamment dans le Sud et l'Est ». 

« Ce n'est pas un vrai retrait, c'est davantage une adaptation de leur stratégie », a-t-il insisté.  

Antony Blinken a encore affirmé que l'invasion de l'Ukraine était déjà « un revers spectaculaire pour la Russie ». « Ils avaient trois objectifs au départ: le premier était d'assujettir l'Ukraine et lui retirer sa souveraineté et son indépendance; le deuxième était d'affirmer la puissance russe; le troisième était de diviser l'Occident et l'Otan. Sur ces trois fronts, ils ont déjà perdu », a martelé le secrétaire d'Etat américain. 

"A en juger par ce que nous avons vu, on ne peut pas faire confiance à ces images vidéo", a répondu M. Peskov.
Moscou, qui dément toute exaction de son fait, a annoncé lundi qu'elle allait enquêter sur cette "provocation haineuse" qui vise selon elle à "discréditer" les forces russes en Ukraine. Et demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour statuer sur ces exactions commises selon elle par "des radicaux ukrainiens" à Boutcha.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, est arrivé dimanche soir à Moscou, et devait se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine. Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.
A la gare de Kramatorsk, dans l'est du pays encore sous contrôle de Kiev, ils étaient des centaines ce week-end à attendre leur train pour fuir dans l'ouest, par crainte d'être encerclés par les Russes.
"Beaucoup de gens sont déjà partis, les hommes restent, nos familles s'en vont", grimaçait Andreï, dont l'épouse et les deux enfants attendaient sagement, bagages aux pieds. Comme bien d'autres, il est angoissé, car "les bombardements peuvent commencer à tout moment".

EN BREF «Massacre» à Boutcha en Ukraine : ce que l'on sait

Voici ce que l'on sait pour le moment sur ces événements, qui suscitaient dimanche l'indignation des pays occidentaux pour lesquels il s'agit d'« un terrible crime de guerre ». 

Une ville dévastée  

Boutcha, une ville d'environ 37 000 habitants (avant la guerre) à 30 km de la capitale, ainsi que celle voisine d'Irpin, ont été le théâtre de combats parmi les plus féroces depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février. 

Boutcha a été occupée par l'armée russe dès le 27 février, restant inaccessible pendant plus d'un mois. Les bombardements y ont cessé jeudi et les forces ukrainiennes n'ont pu complètement y pénétrer qu'il y a quelques jours. 

Des journalistes se sont rendus samedi dans cette localité et ont pu voir des trous béants provoqués par des obus dans des immeubles d'habitation, de nombreuses carcasses de voitures et des rues jonchées de débris ou de lignes électriques abattues. 

Ceux de ses habitants restés sur place, pris au piège par les tirs incessants, étaient privés d'eau et d'électricité par des températures très basses. 

Des témoins rencontrés ont affirmé avoir vu des combattants tchétchènes parmi les militaires russes. 

Une vingtaine de corps éparpillés 

L'AFP a vu samedi les cadavres d'au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues à Boutcha. L'un était couché près d'un vélo, d'autres avaient à côté d'eux des sacs à provisions.  

Un cadavre avait les mains liées dans le dos et la plupart des corps étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres dans une même rue. Un autre se trouvait près de la gare, sous une couverture. 

On ne pouvait pas dans l'immédiat déterminer la cause de la mort de ces personnes, mais au moins deux d'entre elles présentaient de larges blessures à la tête.  

La peau des visages avait un aspect cireux, laissant penser que les cadavres étaient là depuis au moins plusieurs jours. 

Selon le maire de Boutcha, Anatoli Fedorouk, ces personnes ont été tuées par les soldats russes d'« une balle dans la nuque ». 

Fosses communes 

Les cadavres de 57 personnes ont été retrouvés dans une fosse commune, a déclaré dimanche le chef des secours locaux, Serhiï Kaplytchny, en montrant à une équipe de l'AFP ce site. 

Une dizaine de cadavres étaient visibles, certains seulement partiellement inhumés, derrière une église du centre de la ville. Plusieurs d'entre eux étaient dans des sacs mortuaires noirs et ceux que l'on pouvait voir portaient des vêtements civils. 

Samedi, M. Fedorouk avait affirmé que « 280 personnes » avaient été enterrées « dans des fosses communes » car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières de Boutcha, tous à portée des tirs russes pendant les combats. 

Quel bilan ? 

Le nombre exact des victimes n'est pas encore connu, a déclaré le maire de Kiev, Vitali Klitschko, qui s'est rendu dimanche à Boutcha : « Nous pensons que plus de 300 civils sont morts ».  

Gaz et pourparlers

Dans le sud, huit personnes ont été tuées et 34 blessées dans des bombardements russes dimanche sur les villes d'Otchakiv et de Mykolaïv, a indiqué lundi le Parquet ukrainien.
Les Occidentaux veulent désormais adopter de nouvelles mesures contre Moscou, après avoir déjà acté plusieurs trains de sanctions depuis le 24 février, ciblant massivement des entreprises, des banques, des hauts responsables, des oligarques, et interdisant l'exportation de biens vers la Russie.
Dans un tweet, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a exigé l'adoption immédiate "de nouvelles sanctions dévastatrices du G7", en citant notamment l'"embargo sur le pétrole, le gaz et le charbon" et la fermeture de "tous les ports aux navires et marchandises russes".
La pression porte ainsi notamment sur les hydrocarbures, importante ressource financière pour la Russie. Dès samedi, les Etats baltes avaient annoncé la cessation de leur importation de gaz russe et le président lituanien Gitanas Nauseda avait appelé le reste de l'UE à les suivre.
Les Etats-Unis ont interdit l'importation de pétrole et de gaz russes peu après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l'UE qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a annoncé lundi suspendre l'accès de la Russie et de son alliée le Bélarus à ses financements et à son expertise.
Du côté de Moscou, on anticipe déjà un éventuel alourdissement des sanctions. "Tôt ou tard, nous devrons établir un dialogue, que quelqu'un outre-Atlantique le souhaite ou non", a toutefois souligné le porte-parole du Kremlin.
On ignore quel sera l'impact de Boutcha cette semaine sur les pourparlers russo-ukrainiens, difficiles mais où perce une lueur d'espoir. Le négociateur en chef russe, Vladimir Medinski, a salué une position "plus réaliste" selon lui de Kiev, prêt sous conditions à accepter un statut neutre du pays, réclamé par Moscou, et Dmitri Peskov a dit à propos d'un sommet Poutine-Zelensky que, "hypothétiquement, une telle rencontre est possible".
Le négociateur en chef ukrainien, David Arakhamia, avait affirmé samedi que Moscou avait accepté "oralement" toutes les positions ukrainiennes, "sauf en ce qui concerne la question de la Crimée".
La guerre, intense, a fait, a minima, des milliers de morts et contraint à l'exil plus de 4,2 millions d'Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants.


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.