Ukraine: évacuations de civils dans l'est, Zelensky se redit prêt à négocier avec Moscou

Des personnes sont vues sur le quai de la gare de Kramatorsk, à Kramatorsk, en Ukraine, le 8 avril 2022, sur cette image fixe obtenue à partir d'une vidéo à distribuer enregistrée le 8 avril 2022 (Photo,Reuters).
Des personnes sont vues sur le quai de la gare de Kramatorsk, à Kramatorsk, en Ukraine, le 8 avril 2022, sur cette image fixe obtenue à partir d'une vidéo à distribuer enregistrée le 8 avril 2022 (Photo,Reuters).
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Publié le Dimanche 10 avril 2022

Ukraine: évacuations de civils dans l'est, Zelensky se redit prêt à négocier avec Moscou

  • «Nous voyons malheureusement des préparatifs pour des combats importants, certains disent décisifs, dans l'Est», a déclaré M. Zelensky
  • «Nous sommes prêts à nous battre et à chercher des voies diplomatiques pour arrêter cette guerre. Nous envisageons toujours un dialogue», a-t-il poursuivi 

KRAMATORSK: Au lendemain de la frappe meurtrière d'une gare dans l'est de l'Ukraine, où étaient rassemblés des civils cherchant à fuir, les évacuations se poursuivaient samedi dans cette région, dans la crainte d'une offensive russe imminente.

Dans ce contexte tendu, et alors qu'il a demandé "une réponse mondiale ferme" après le bombardement de la gare de Kramatorsk, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que Kiev était "toujours prête" à mener des pourparlers avec la Russie, au point mort après la découverte d'atrocités dans des villes libérées.

"Nous sommes prêts à nous battre et chercher parallèlement des voies diplomatiques pour arrêter cette guerre", a-t-il assuré lors d'une conférence de presse avec le chancelier autrichien Karl Nehammer, en visite à Kiev et à Boutcha, petite ville proche de la capitale devenue un symbole des atrocités de l'invasion russe.

M. Zelensky a qualifié l'attaque de la gare Kramatorsk de "crime de guerre". "Chacun parmi ceux impliqués sera tenu responsable", a-t-il dit dans un message vidéo dans la nuit. La frappe de missile a tué vendredi 52 personnes, dont 5 enfants, selon un dernier bilan des autorités locales.

Le président américain Joe Biden a dénoncé une "horrible atrocité" commise par Moscou et la diplomatie française un "crime contre l'humanité".

Moscou a démenti être responsable de la frappe, affirmant ne pas disposer du type de missile qui aurait été utilisé, avant de dénoncer une "provocation" ukrainienne.

Un haut responsable américain du ministère de la Défense a balayé les arguments des autorités russes.

"Je note qu'initialement ils ont fait état d'une frappe réussie, et qu'ils se sont rétractés uniquement après des informations sur des victimes civiles", a-t-il souligné.

Le ministère russe de la Défense avait en effet annoncé plus tôt vendredi que l'armée russe avait détruit avec des missiles de haute précision "des armements et d'autres équipements militaires dans les gares de Pokrovsk, Sloviansk et Barvinkove", des localités situées non loin de Kramatorsk, la "capitale" de la partie du Donbass encore sous contrôle ukrainien.

Le missile s'est abattu vers 10H30 (07H30 GMT), à l'heure où les candidats à l'évacuation se regroupent depuis des jours par centaines dans la gare de la ville pour fuir le Donbass, désormais objectif prioritaire de l'armée russe.

Des journalistes de l'AFP ont vu au moins trente corps dans des sacs mortuaires ou sous des bâches. Les trottoirs étaient maculés de sang, valises abandonnées, peluches et nourriture jonchaient les quais.

Sur le parvis, les restes d'un missile étaient toujours visibles: on pouvait y lire en russe "Pour nos enfants", une expression récurrente des séparatistes prorusses en référence à leurs enfants tués depuis le début de la première guerre du Donbass en 2014.

Samedi, les évacuations de civils se poursuivaient par la route. Des mini-bus et camionnettes venaient récupérer des dizaines de rescapés du bombardement qui ont passé la nuit dans une église protestante du centre-ville, non loin de la gare, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Arrivée vendredi en Ukraine pour une visite de soutien, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé une "attaque méprisable".

Elle s'est rendue avec le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell à Boutcha, localité où des dizaines de cadavres portant des vêtements de civils, certains les mains liées dans le dos, ont été découverts début avril après le départ des forces russes.

"Mon instinct me dit: si ceci n'est pas un crime de guerre, qu'est-ce qu'un crime de guerre?", a déclaré Mme von der Leyen. "Nous avons vu de nos propres yeux que les destructions dans cette ville visaient les civils".

Object: Donbass

Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l'Ukraine, la Russie a fait de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses, sa priorité.

Le président Vladimir Poutine veut atteindre cet objectif avant le défilé militaire du 9 mai marquant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, célébration la plus importante en Russie, notent les observateurs.

En prévision d'une offensive massive, les autorités locales dans l'est de l'Ukraine s'efforçent de faire évacuer les civils.

A Lozova, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Kramatorsk, environ 15.000 personnes ont jusqu'à présent quitté la localité et 50.000 se trouvent encore sur place, a indiqué vendredi soir sur Telegram le chef de l'administration militaire régionale, Oleg Sinegubov.

Les départs sont organisés en train et en voiture, a-t-il précisé, tout en faisant état de combats se déroulant "à proximité".

Menacé à son tour de frappes, le grand port d'Odessa, dans le sud sur la mer Noire, va connaître un couvre-feu de samedi soir à lundi matin, ont annoncé les autorités locales.

Nouvelles sanctions

A la suite des révélations sur les exactions en Ukraine, la Russie avait été suspendue jeudi par un vote du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et a été la cible de nouvelles sanctions économiques occidentales, qui n'empêchent cependant pas le rouble, la monnaie russe, d'avoir retrouvé de la vigueur depuis un mois.

La Banque centrale russe a même annoncé vendredi qu'elle réautorisait à partir du 18 avril la vente de devises étrangères,  suspendue début mars.      

Londres a décidé de sanctionner les deux filles de Vladimir Poutine et celle du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, disant vouloir s'en prendre au "train de vie fastueux du cercle rapproché du Kremlin".

L'UE a également inscrit sur sa liste noire les deux filles du président russe.    

Elle avait déjà adopté jeudi soir un nouveau train de mesures punitives, avec notamment un prochain arrêt des importations de charbon russe. C'est la toute première fois que les Européens frappent le secteur énergétique russe, dont ils sont très dépendants.

Bruxelles prévoit aussi de nouvelles sanctions contre des banques russes ainsi que la fermeture des ports européens aux navires russes.

Kiev réclame la fourniture "immédiate" d'armes pour faire face à une nouvelle offensive russe dans l'Est.

Le Royaume-Uni a annoncé l'envoi de missiles antichars et antiaériens supplémentaires. Et la Slovaquie "fait don" à Kiev de systèmes de défense antiaérienne S-300, de conception soviétique.

L'Allemagne a de son côté indiqué avoir quasiment épuisé ses possibilités d'approvisionner l'Ukraine en matériel tiré des réserves de son armée, la Bundeswehr, mais planche sur des livraisons effectuées directement par l'industrie de l'armement. 


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"