Au procès du 13-Novembre, des psychiatres soulignent «la banalité» de Salah Abdeslam

Croquis d'audience réalisé le 14 avril 2022 de Salah Abdeslam lors du procès des attentats du 13 novembre 2015 (Photo, AFP).
Croquis d'audience réalisé le 14 avril 2022 de Salah Abdeslam lors du procès des attentats du 13 novembre 2015 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 22 avril 2022

Au procès du 13-Novembre, des psychiatres soulignent «la banalité» de Salah Abdeslam

  • Durant l'examen, Salah Abdeslam s'est montré courtois mais était attentif à peser chacune de ses paroles
  • Depuis l'ouverture du procès, début septembre, Salah Abdeslam s'est montré tour à tour provocateur, insolent, maître du temps et imprévisible

PARIS: "Comment un homme aussi ordinaire" que Salah Abdeslam a-t-il pu participer au projet "de destruction de masse" des attentats du 13-Novembre ? Les experts-psychiatres ont tenté jeudi de répondre devant la cour d'assises spéciale de Paris.

"Nous avons été d'emblée confronté à la banalité du mal, c'est-à-dire au fossé immense entre l'énormité des crimes commis et la banalité de Salah Abdeslam", a affirmé le psychiatre Daniel Zagury qui, avec son collègue Bernard Ballivet, a rencontré l'accusé en prison en novembre 2021.

"C'est un constat répété, la participation à de tels actes ne requiert ni d'être un grand pervers, ni d'être un grand malade, ni un grand psychopathe", met en avant le Dr Zagury.

"Le mal est souvent banal", rappelle le médecin en citant la philosophe Hannah Arendt, cela "ne désigne pas la nature du mal mais la nature des personnes qui les commettent".

"Le mal ne se commet pratiquement jamais au nom du mal. Le mal se commet toujours au nom du bien, du vrai, du pur, du juste (...) Cet arsenal totalitaire le protège de l'humain qu'il était auparavant et qu'il redeviendra peut-être ultérieurement", explique-t-il encore. "Salah Abdeslam est évidemment humain mais il a fait le choix de la déshumanisation totalitaire".

Dans un rapport écrit, les experts psychiatres ont précisé que "la souffrance des parties civiles n'est que l’effet collatéral, certes regrettable à ses yeux, mais inévitable, de l'engagement guerrier contre la France" de l'accusé.

"Les personnes qui buvaient à la terrasse d'un café ou celles qui participaient à un concert n'étaient que les représentants chosifiés d'un pays à combattre et d'une population à terroriser", ont-ils également estimé.

"Autrement dit, Salah Abdeslam ne pourra authentiquement éprouver des sentiments à leur égard que lorsqu'il sera sorti, s'il en sort, de cet arsenal déshumanisant qui pense pour lui, qui a réponse à tout et qui lui interdit d'éprouver", ont-ils ajouté.

"En attendant, les victimes sont pour lui les cibles d’une guerre dont il a été le soldat", ont estimé les experts.

Un mal nécessaire

Après plusieurs refus, le seul membre encore en vie des commandos jihadistes qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015 a accepté d'être examiné par deux experts psychiatres dans sa cellule de Fleury-Mérogis en novembre 2021, deux mois après l'ouverture du procès.

"Il a accepté l'entretien mais a fixé ses limites et a expliqué qu'il ne donnera pas de détails, ne voudra pas s'exprimer sur les faits et ses motivations. L'entretien a duré deux heures trente. Il s'est montré très contrôlé, exprimant très peu d'émotion", indique à la barre le Dr Bernard Ballivet.

Durant l'examen, Salah Abdeslam "s'est montré courtois mais était attentif à peser chacune de ses paroles", a précisé son confrère Zagury. "Il n'y avait pas de réticence mais beaucoup de prudence".

"Il a semblé soucieux de témoigner d'une image de lui-même opposée à ce qu'on réverbérerait de lui. Comme s'il oscillait entre la protestation d'humanité et le maintien affiché d'un engagement déterminé", a assuré le praticien.

Comme ces dernières semaines devant la cour, Salah Abdeslam a insisté devant les psychiatres sur le fait qu'il n'avait "tué personne". Mais, a souligné le médecin, il affirmait aussi que les attentats était "un mal nécessaire".

Radicalisé, "il est entré dans un système totalitaire qui supprime la pensée à la première personne", décrit le Dr Zagury en évoquant "un perroquet qui récite sa litanie".

Pour que Salah Abdeslam prenne "conscience de ses actions", il faudra "un long cheminement", a-t-il dit. "Au fond, l'enjeu pour lui c'est de redevenir le petit gars de Molenbeek ou de continuer dans la posture du soldat de Dieu".

Depuis l'ouverture du procès, début septembre, Salah Abdeslam s'est montré tour à tour provocateur, insolent, maître du temps et imprévisible.

Se présentant comme "un combattant de l'Etat islamique" au premier jour du procès, il a versé des larmes lors de son dernier interrogatoire la semaine dernière en demandant "pardon" aux victimes des attentats.


La cour d'assises de Paris se dit bien compétente pour juger un ex-rebelle salafiste syrien

La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre. (AFP)
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  • Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie
  • La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre

PARIS: La cour d'assises de Paris a rejeté mercredi la demande des avocats d'un ancien rebelle syrien qui voulaient qu'elle se déclare incompétente pour le juger pour complicité de crimes de guerre.

La défense de Majdi Nema, un ancien membre du groupe salafiste syrien Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam) arrêté en France en 2020, a contesté mardi, au premier jour du procès, le principe de compétence universelle permettant à la justice française de juger un étranger pour des crimes commis à l'étranger sur des étrangers.

Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf arguaient notamment que la chute du régime de Bachar al-Assad, survenue en décembre 2024, changeait la donne, et appelaient à ce que leur client soit jugé par la justice de transition en Syrie.

La cour d'assises a rejeté cette demande, se disant "régulièrement saisie" et "compétente pour connaître des faits reprochés à Majdi Nema", permettant ainsi au procès de se poursuivre.

Cet homme de 36 ans comparaît pour complicité de crimes de guerre, soupçonné notamment d'avoir aidé à enrôler et à former à l'action armée des mineurs, et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Il conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans JAI, un groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien, qu'il dit avoir quitté en 2016.

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI en 2019, il avait été arrêté en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un séjour d'études de quelques mois. Il avait été mis en examen et écroué par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.