En France, un électorat de gauche désabusé arbitre du deuxième tour

En 2017, au second tour de la présidentielle en France, ils avaient donné leur voix à Emmanuel Macron pour faire barrage à la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen (Photo, AFP).
En 2017, au second tour de la présidentielle en France, ils avaient donné leur voix à Emmanuel Macron pour faire barrage à la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 23 avril 2022

En France, un électorat de gauche désabusé arbitre du deuxième tour

  • Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon représentent quelque 7,7 millions de voix - sans compter les 3,5 millions données aux écologistes, aux socialistes, au communistes et autres petits partis d'extrême gauche
  • Même si les sondages donnent une confortable avance à M. Macron, leur vote dimanche sera crucial

NANTES: Leur coeur bat très à gauche. En 2017, au second tour de la présidentielle en France, ils avaient donné leur voix à Emmanuel Macron pour faire barrage à la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen. Cinq ans plus tard, ils sont désabusés et face au même duel ils hésitent.

Les électeurs du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour le 10 avril (21,95% des voix), sont plus que jamais courtisés par le président-candidat, 44 ans, ancien ministre d'un gouvernement socialiste qui se présente comme n'étant ni de droite ni de gauche.

Mais ils sortent refroidis du quinquennat.

"La dernière fois, on avait de sérieux doutes mais on se disait qu'il était quand même issu de la gauche, libérale certes, mais de la gauche", dit Zahra Nhili, consultante de 42 ans. "Là, on l'a vu à l'oeuvre, il est clairement de droite."

Au premier tour, Zahra Nhili, rencontrée dans un bar branché de Nantes (ouest), a voté comme sa ville qui a placé le candidat de la France insoumise en tête.

Depuis, elle entend les multiples appels lancés pour faire barrage à Mme Le Pen, 53 ans, au second tour dimanche.

Après le choc du 21 avril 2002 et la qualification surprise de l'extrême droite pour la première fois au second tour d'une présidentielle, la tradition s'est établie en France d'un "front républicain" des grands partis de droite et de gauche pour empêcher les nationalistes d'arriver au pouvoir. 

Mais les choses ont changé. En 2017, explique Zahra Nhili, elle a eu le sentiment de faire son devoir en glissant un bulletin Macron dans l'urne. Aujourd'hui, elle n'est pas sûre de le faire.

"C'est catastrophique ce qu'il a fait, les pauvres se sont appauvris, les riches se sont enrichis", dit-elle. "Si à la toute fin on nous dit que (Marine Le Pen) peut passer on ira voter Macron mais mon coeur souffrira." 

Vote crucial

Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon représentent quelque 7,7 millions de voix - sans compter les 3,5 millions données aux écologistes, aux socialistes, au communistes et autres petits partis d'extrême gauche.

Même si les sondages donnent une confortable avance à M. Macron, leur vote dimanche sera crucial.

Une enquête réalisée cette semaine par Ipsos-Sopra Steria indique qu'environ un tiers des électeurs de M. Mélenchon voteront pour M. Macron. Mais qu'environ la moitié ne savent pas encore ce qu'ils feront.

Si l'abstention ou les votes pour Marine Le Pen sont finalement plus importants que prédit par les sondages, la bataille sera plus serrée entre le président-candidat et la dirigeante du Rassemblement national, qui selon les dernières enquêtes recueillent respectivement en moyenne 54% et 46% des intentions de vote.

"L’électorat de gauche a l'issue du second tour entre ses mains", a estimé le politologue Jérôme Fourquet.

Les entretiens menés par des journalistes de l'AFP dans les terres de la France insoumise ces derniers jours ont révélé un sentiment d'indécision et de désillusion. Ils ont aussi montré une aversion à l'encontre du président.

"Je suis opposée en tout à Emmanuel Macron", explique ainsi Margot Medkour, responsable du mouvement de gauche "Nantes en commun". "Il n'est pas un rempart à l’extrême droite, il a un exercice du pouvoir très autoritaire et un réel un mépris pour les gens."

Pour autant, poursuit-elle, "Marine Le Pen n'est pas une alternative, je vais me salir les mains et voter pour lui".

«Président des riches»

Les propos de Margot Medkour font écho aux griefs émis par les électeurs de la gauche radicale contre le président sortant, un ancien banquier d'affaires chez Rothschild propulsé au pouvoir à 39 ans et qui ne s'était jamais présenté à une élection auparavant.

Sa première année au pouvoir a laissé des traces, quand il a baissé les aides au logement ou supprimé l'impôt sur la fortune, ce qui lui a tôt valu d'être qualifié de "président des riches".

Ses petites phrases, comme lorsqu'il lance à un jardinier au chômage qu'il n'aurait qu'à "traverser la rue" pour trouver du travail, ont toujours un goût amer.

"Il a été très condescendant. Je comprends qu’il y ait des gens qui n’arrivent pas à voter pour lui", dit en sirotant un café sur la place centrale de Foix (sud-ouest) Chloé Dallidet, 36 ans, travailleuse sociale.

Dans son département de l'Ariège, où le chômage tourne autour de 9% et où la pauvreté frôlait les 18% en 2019, M. Mélenchon est arrivé en tête au premier tour. "Ici, si vous traversez la rue, vous ne trouvez pas d'emploi", lâche Gaëtan, vendeur de 36 ans.

La réputation d'élitisme colle toujours à la peau du président, même si depuis il a baissé les impôts pour tous et surtout, délaissant ses habits de libéral, opté au plus fort de la crise sanitaire pour des aides sociales et économiques massives qui ont fait bondir le déficit mais permis de maintenir à flot entreprises et salariés.

Même la baisse du chômage à son taux le plus bas depuis 15 ans ne lui gagne que peu de reconnaissance à gauche.

"J'en ai marre que l'économie passe toujours avant l’écologie", dit par exemple Antoine Marchand, 21 ans, étudiant en médecine à Nantes. 

D'autres ont en tête les méthodes brutales employées par certains membres des forces de l'ordre lors de la révolte des "Gilets jaunes", mouvement de contestation sociale qui a gravement ébranlé le quinquennat en 2018 et 2019 avant de s'étioler.

"Je vais voter blanc parce que j'ai vécu cinq ans sous un gouvernement autoritaire", déclare à Foix Dominique Subra, fonctionnaire à la retraite.

M. Mélenchon a demandé à ses partisans de ne pas donner "une seule voix à Mme Le Pen". Mais, il n'a pas appelé à soutenir Emmanuel Macron.

«Essayer» Le Pen

Le 10 avril, des jeunes, des écologistes, des fonctionnaires ou travailleurs syndiqués ont massivement voté pour Jean-Luc Mélenchon, 70 ans, parfois considéré comme un Bernie Sanders à la française.

Tout comme la "ceinture rouge", fief historique des communistes en banlieue parisienne. A Villetaneuse, ville pauvre du nord de la capitale à l'importante communauté musulmane, il a battu un record absolu avec 65% des suffrages.

"Tout le monde ici s’est retrouvé dans le programme de Mélenchon", assure Azdine Barkaoui, père de quatre enfants, séduit par son idée de taxer davantage les riches et son discours sur le multiculturalisme.

Ils sont nombreux dans cette ville à ne pas être sûrs de voter, comme ils l'avaient fait en masse en 2017, pour M. Macron, qui propose le recul progressif de l'âge de la retraite à 65 ans et l'attribution sous conditions du Revenu de solidarité active.

M. Barkaoui pense donner sa voix à Marine Le Pen qui a fait campagne sur le thème de la défense du pouvoir d'achat et de la retraite à 60 ans.

Elle a promis de bannir le voile de l'espace public mais "nous savons qu'elle ne pourra pas mettre en pratique la plupart de ses propositions sur l'islam", assure ce musulman pratiquant.

Depuis plus d'une décennie Marine Le Pen lisse son discours pour  déconstruire ce que son père Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national rebaptisé depuis, avait bâti à coup de harangues antisémites ou racistes, parfois condamnées en justice. Mais sur le fond "la priorité nationale" privera les étrangers de plusieurs prestations et son programme sur l'immigration n'a pas changé.

"C'est comme un plat dont tout le monde dit qu'il est mauvais mais que j'ai envie d'essayer", dit M. Barkaoui.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.