Présidentielle: la politique française a normalisé le sentiment antimusulman, selon des spécialistes

Les sondages suggèrent qu'Emmanuel Macron obtiendra de justesse un second mandat contre Marine Le Pen d'extrême droite. (Photo, AFP)
Les sondages suggèrent qu'Emmanuel Macron obtiendra de justesse un second mandat contre Marine Le Pen d'extrême droite. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 23 avril 2022

Présidentielle: la politique française a normalisé le sentiment antimusulman, selon des spécialistes

  • «Le discours antimusulman est passé des extrémistes au centre», affirme Jocelyne Cesari, professeure associée à l’université d’Harvard à Arab News
  • «Dans la plupart des cas, les musulmans sont exclus des débats qui les concernent», soutient l'avocat français Me Rajnish Karim Laouini

LONDRES: La politique française a normalisé le sentiment antimusulman alors que la population musulmane du pays se retrouve délaissée à l'approche du second tour de l'élection présidentielle dimanche.
Les sondages indiquent qu'Emmanuel Macron obtiendra de justesse un second mandat contre Marine Le Pen, la candidate d'extrême droite. Mais pour les musulmans qui vivent dans le pays, donner leur voix à Macron sera un vote pragmatique plutôt qu'un vote d'espoir, le président sortant étant considéré comme un moindre mal.
Jocelyne Cesari, professeure associée de religion, de violence et de consolidation de la paix à la Harvard Divinity School, explique à Arab News que si les discours antimusulmans et anti-immigrés n'ont rien de nouveau avec la propagation depuis le début du siècle de «l’idée que la France serait musulmane d'ici à vingt ans», ce discours a «pris une place centrale dans le pays».
«Ce discours est passé des extrémistes au centre», soutient-elle, affirmant également que  «lorsqu'il s'agit de la légitimité de l'islam, la gauche est également dans son élément. Elle est favorable à l’immigration, mais les femmes portant le hijab et la légitimité de la viande halal, c’est différent… Ce changement depuis vingt ans est très, très inquiétant».
«Pire encore, sur certaines questions, il est très difficile de déceler une différence entre Macron et Le Pen, notamment sur leur vision des musulmans. Certains ministres de Macron ont été encore plus radicaux que la candidate d’extrême droite sur cette question», poursuit Jocelyne Cesari. L'année dernière, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait pris Le Pen au dépourvu, la décrivant comme «molle» sur l'islam.
Le Dr Paul Smith, professeur associé et chef de section en études françaises et francophones, et en langues et cultures modernes à l'université de Nottingham, admet que le discours antimusulman est devenu «normalisé», mais estime qu'il faut nuancer les propos de Darmanin.
«Le ministre de l’Intérieur a fait ses premières armes avec (l'ancien président) Nicolas Sarkozy», indique-t-il à Arab News. «Sarkozy était dur, mais essayait aussi de créer un cadre pour que l'islam existe de manière harmonieuse en France. Je crois que Darmanin voulait suggérer que Le Pen parlait mais n’agissait pas», souligne-t-il. 
«Dans cette élection, elle n'a pas eu à le faire car Éric Zemmour a tout dit pour elle. À côté de lui, elle a fait figure d’organisatrice de sortie scolaire du dimanche. Ses opinions anti-islamiques se sont manifestées de manière plus indirecte, mais cela ne signifie pas qu'elle a changé son programme. Si elle gagne, elle cherchera à imposer une version de l'identité française qui correspond beaucoup à la chrétienté catholique.»
Smith pense que les musulmans français pourraient être des acteurs clés dans le résultat des élections, précisant que leur vote au premier tour, en particulier dans la ville de Marseille, est allé au candidat de gauche, Jean-Luc Mélenchon.
Pour l'avocat et doctorant français, Me Rajnish Karim Laouini, l'un des principaux obstacles à la mobilisation du vote musulman est qu’ils restent au cœur des discussions politiques, tout en étant eux-mêmes exclus. «Dans la plupart des cas, ils sont exclus des débats qui les concernent. Lorsque ce n’est pas le cas, ceux qui participent ne sont pas considérés comme des personnes qui font entendre leur voix. Leurs interventions sont perçues comme contre-productives, ou renforçant le discrédit qui leur est déjà porté».
«L'exclusion des musulmans capables de faire entendre leur voix dans le débat ne fait que créer un climat de suspicion chez certains d’entre eux, qui finissent par penser que la France préfère les voir comme un problème plutôt que comme une partie de la solution», ajoute-t-il.
Cesari va plus loin encore en indiquant que les musulmans français n'ont pas été délaissés. «Ou plutôt, c'est juste qu'ils ne sont tout simplement pas là», avance-t-elle. «Les Français et les Allemands partagent cela en Europe – les musulmans sont peu présents dans toutes les structures politiques ou publiques. Il n'y a pas eu d'intégration politique, et cela ne peut pas être dû simplement à des questions d'éducation, car des familles musulmanes sont présentes en France depuis quatre ou cinq générations.» 
«Nous sommes juste à la traîne. Voyez le Royaume-Uni, qui a nommé cette semaine sa première avocate pénaliste portant le hijab au Conseil de la reine. Dans le pays, des musulmans occupent de hautes fonctions.»
Cesari, Laouini et Smith partagent tous de profondes préoccupations dans l’hypothèse où Le Pen créait la surprise dimanche.
Pour Laouini dans ce cas, la France «prendrait le risque de devenir la première démocratie occidentale à interdire le hijab dans les espaces publics», ce qui, selon Cesari, équivaudrait à l'érosion de la démocratie «en tant qu’obstacle à la liberté religieuse». Le fait que le voile devienne l’unique signe religieux potentiellement interdit, visant donc spécifiquement les musulmans, l’inquiète tout autant. 
Pour Smith, il reste cependant beaucoup d'incertitudes. Dans le système français, la population choisit d'abord un président avant d’élire en juin le Parlement. Si Le Pen gagnait l'élection présidentielle mais perdait les élections générales, «sa victoire pourrait créer une vague d'opposition». En définitive, elle serait une présidente claudicante.
Cela, dit-il, pourrait conduire à des réactions hostiles de l'extrême droite, qui a tenté d'attiser la violence lors des premiers confinements, alléguant de «zones interdites» patrouillées par des musulmans. Ces derniers se sont pour leur part comportés de manière irréprochable, ne répondant pas aux provocations. Si Le Pen gagnait, nous voguerions dans des eaux inconnues», conclut-il. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


Présidentielle: Le Pen «annoncera sa décision» après son procès en appel, sans attendre la cassation

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  • Le Rassemblement national sera fixé sur le nom de sa candidate (ou de son candidat) avant les prochaines vacances d'été
  • Tel est en tout cas l'agenda fixé par Mme Le Pen dans un entretien au mensuel conservateur Causeur, publié jeudi

PARIS: Candidate déclarée à la prochaine présidentielle malgré son inéligibilité, Marine Le Pen affirme qu'elle ne se présentera "évidemment pas" si sa peine est confirmée en appel et qu'elle "annoncera donc (sa) décision" dans la foulée, sans attendre une éventuelle cassation.

Le Rassemblement national sera fixé sur le nom de sa candidate (ou de son candidat) avant les prochaines vacances d'été. Tel est en tout cas l'agenda fixé par Mme Le Pen dans un entretien au mensuel conservateur Causeur, publié jeudi.

Condamnée en première instance - dans l'affaire des assistants parlementaires européens - à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec application immédiate, la triple candidate à l'élection présidentielle admet qu'elle ne pourra "évidemment pas" se représenter une quatrième fois si cette peine devait être confirmée en appel.

"Je prendrai ma décision de me présenter ou non lors du rendu de l'arrêt de la cour d'appel", ajoute-t-elle, évacuant l'hypothèse d'un suspense prolongé en cas de pourvoi en cassation. "On ne sait pas quand une telle décision serait rendue et on ne peut pas se lancer dans une campagne présidentielle au dernier moment", explique-t-elle.

Son second procès étant programmé du 13 janvier au 12 février 2026, avec un délibéré attendu quatre mois plus tard, "j'annoncerai donc ma décision cet été", précise celle qui s'était hissée au second tour en 2017 et en 2022 face à Emmanuel Macron.

Un calendrier choisi aussi "pour ne pas hypothéquer la candidature de Jordan Bardella dans le cas où il devrait y aller", souligne-t-elle, confirmant ainsi le statut de dauphin du jeune président du parti à la flamme.


Macron au Brésil, pour évoquer une "relation transatlantique réimaginée"

Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors de l'ouverture du festival « Notre avenir – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique » à Salvador, dans l'État de Bahia, au Brésil, le 5 novembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors de l'ouverture du festival « Notre avenir – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique » à Salvador, dans l'État de Bahia, au Brésil, le 5 novembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron est arrivé à Salvador de Bahia pour promouvoir une « relation transatlantique réimaginée » entre l’Amérique du Sud, l’Afrique et la France, à travers la culture, la mémoire et la jeunesse
  • Cette visite s’inscrit dans une refondation des liens franco-africains, marquée par la reconnaissance de l’esclavage, la restitution d’objets coloniaux et la préparation du sommet Afrique–France à Nairobi en 2026

SALVADOR: Emmanuel Macron est arrivé mercredi à Salvador de Bahia, au Brésil, pour plaider en faveur d'une "relation transatlantique réimaginée" associant Amérique du Sud et Afrique, avant de participer à un sommet climat à Belem, a indiqué l'Elysée.

Le président français doit participer à l'ouverture du festival "Notre futur – Brésil-France, dialogues avec l'Afrique", qui réunit "les jeunesses et les nouvelles voix des sociétés civiles brésiliennes, africaines et françaises", a expliqué la présidence.

Il s'agit d'un "temps fort de la saison culturelle France-Brésil" qui a scandé l'année 2025.

La capitale de l'Etat de Bahia, dans le nord-est du pays, fut l'un des points d'arrivée majeurs des esclaves africains déportés. Elle est aujourd'hui le foyer vibrant de la culture afro-brésilienne.

Cette étape vise donc "à célébrer et à travailler avec Brasilia à une relation transatlantique réimaginée", associant les "partenaires africains", selon la présidence française.

Emmanuel Macron doit aussi visiter une galerie dédiée au photographe et anthropologue français Pierre Fatumbi Verger (1902-1996), et la Maison du Bénin, où il découvrira l'exposition "Je suis un fleuve noir".

Pour Paris, "cette visite à Bahia s'inscrit dans la politique de refondation et de renouvellement de notre relation avec l'Afrique", au moment où les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines sont souvent distendues, voire glaciales comme au Sahel.

La culture est un point fort de cette "refondation", fait-on valoir dans l'entourage du président français, qui a enclenché une démarche de restitution des "objets volés pendant l'époque coloniale".

Autre volet: "la reconnaissance de l'esclavage", qui sera aussi mise en avant à Salvador, point de débarquement "d'un très grand nombre d'esclaves, qui venaient notamment de tout le golfe du Bénin et notamment du port de Cotonou", a fait valoir une conseillère présidentielle.

"Bahia, c'est un point d'étape. On se donne rendez-vous également à Nairobi en mai, pour le nouveau sommet Afrique-France qu'on organise pour la première fois dans un pays anglophone", a souligné l'Elysée.

Jeudi, Emmanuel Macron se rendra à Belem, en Amazonie brésilienne, pour prononcer un discours au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement réunis par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avant le début de la COP30, conférence de l'ONU sur le climat.

Il terminera sa tournée vendredi à Mexico où il sera accueilli par la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, un an après sa prise de fonctions.


Premières heures de semi-liberté pour Kohler et Paris à l'ambassade de France à Téhéran

Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France. (AFP)
Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron s'est entretenu avec eux par visioconférence. "Ils l'ont remercié pour son engagement" afin d'obtenir leur libération, a aussi déclaré Pierre Cochard sur la radio RTL
  • Emanuel Macron a aussi parlé à son homologue iranien Massoud Pezeshkian, demandant la "libération pleine et entière", "le plus rapidement possible", de Cécile Kohler et Jacques Paris

PARIS: Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis de prison en Iran vivent mercredi leurs premières heures de semi-liberté à l'ambassade de France, attendant de pouvoir quitter le pays à une date inconnue, que l'Iran semble vouloir lier au sort d'une Iranienne poursuivie en France.

"Je les ai trouvés très heureux, très soulagés tous les deux par cette libération", a raconté mercredi matin sur la radio France Inter l'ambassadeur de France à Téhéran Pierre Cochard, qui est allé les chercher mardi à la sortie de la prison d'Evine, de sinistre réputation.

Le président français Emmanuel Macron s'est entretenu avec eux par visioconférence. "Ils l'ont remercié pour son engagement" afin d'obtenir leur libération, a aussi déclaré Pierre Cochard sur la radio RTL.

Emanuel Macron a aussi parlé à son homologue iranien Massoud Pezeshkian, demandant la "libération pleine et entière", "le plus rapidement possible", de Cécile Kohler et Jacques Paris.

A Soultz (Haut-Rhin, est de la France) où a grandi Cécile Kohler, dont le portrait orne la façade de la mairie, les habitants racontaient leur soulagement. "On est impatients qu'elle revienne, on espère que l'Iran ne va pas la retenir", confiait l'un d'eux, Mathieu Taquard.

Mardi soir, les parents ont pu parler par téléphone à leur fille: "Elle disait qu'elle était en forme, et qu'elle avait hâte de revenir", a résumé à l'AFP le maire de Soultz, Marcello Rotolo.

L'ambassadeur a donné quelques éléments sur le déroulé de leur libération.

"On s'est rendus à la prison d'Evine, qui est au nord de Téhéran. L'ambassade se trouve plutôt au centre, donc il y a un trajet important. On s'est présentés, il y avait plusieurs portes à franchir, une barrière. Cela a pris un peu de temps, en coordination avec les autorités iraniennes", a-t-il expliqué. "Les grands portes de la prison d'Evine se sont ouvertes, et on a pu croiser le regard de Cécile et Jacques", qui "avaient été informés à la dernière minute" de leur sortie.

"C'est évidemment un moment qu'on n'oublie pas", a-t-il dit. "Les premiers mots, c'étaient des larmes, des sourires mêlés de larmes. On est restés quelques instants ensemble et puis ensuite on est montés dans la voiture" pour gagner l'abri de l'ambassade, où ils sont protégés par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, en espérant pouvoir quitter rapidement l'Iran.

Iranienne à l'ambassade 

Les autorités iraniennes, qui les accusent d'espionnage, considèrent qu'ils sont en "libération conditionnelle", "libérés sous caution" et "placés sous surveillance jusqu'à la prochaine étape judiciaire".

"Nous n'allons ménager aucun effort pour obtenir leur retour en France dans les meilleurs délais", a promis le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Professeure de lettres de 41 ans, et enseignant retraité de 72 ans, Cécile Kohler et Jacques Paris ont été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d'un voyage touristique en Iran.

Considérés comme des "otages d'Etat" par la France, qui à l'instar d'autres pays occidentaux accuse Téhéran de capturer des étrangers sur son sol pour négocier ensuite leur libération, ils étaient les deux derniers Français détenus sur le sol iranien.

Lourdement sanctionné par de nombreux membres de la communauté internationale, notamment pour ses activités nucléaires, l'Iran détiendrait selon des sources diplomatiques au moins une vingtaine d'Occidentaux qu'il pourrait utiliser comme levier pour obtenir la libération de certains de ses ressortissants à l'étranger ou obtenir des gages politiques.

Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran avait rendu publique en septembre la possibilité d'un accord de libération en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février, accusée d'avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux.

Téhéran semble afficher sa volonté de mettre en parallèle les deux dossiers, le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi annonçant mercredi matin que Mme Esfandiari, sous contrôle judiciaire depuis octobre dans l'attente de son procès en janvier, se trouvait désormais à l'ambassade d'Iran et "nous espérons qu'elle rentrera quand son procès sera achevé".

Les autorités françaises n'ont pas commenté cette annonce qui pourrait avoir des conséquences sur la date à laquelle les deux Français pourront quitter l'Iran.

L'élargissement de Cécile Kohler et Jacques Paris pourrait ouvrir la voie à un apaisement des relations entre l'Iran et la France. "Lorsqu'ils seront sur le territoire français, effectivement, cela ouvrira une possibilité de renouer des relations normales avec ce pays", a estimé M. Cochard.