Au procès du 13-Novembre, retour à «l'enfer» des terrasses mitraillées

Le co-accusé Salah Abdeslam lors du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis (Photo, AFP).
Le co-accusé Salah Abdeslam lors du procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 05 mai 2022

Au procès du 13-Novembre, retour à «l'enfer» des terrasses mitraillées

  • La cour a fait mercredi un retour de six mois en arrière en se replongeant dans les auditions de parties civiles
  • Environ 90 personnes doivent être entendues jusqu'au 12 mai, avant le début des plaidoiries

PARIS: La longue marche silencieuse vers la barre et l'inspiration, avant de raconter son "13-Novembre". Au procès des attentats, la cour a fait mercredi un retour de six mois en arrière en se replongeant dans les auditions de parties civiles et notamment celle d'un pompier présent au Carillon.

Aux abords de la salle d'audience, beaucoup s'étaient demandé comment se passerait cette étrange nouvelle phase de témoignages, au moment où le procès touche à sa fin. Très vite pourtant, le rituel installé à l'automne face à la cour par 350 rescapés ou proches se remet en place.

T-shirt à manches longues gris, cheveux noirs rasés, Christophe, 33 ans, s'accroche fermement au pupitre, comme tant d'autres l'avaient fait avant lui.

Ses phrases sont courtes et factuelles, ses silences réguliers l'aident à maîtriser sa voix. Christophe est pompier. Le soir du 13 novembre 2015, appelé pour une chute dans un supermarché, il avait garé son ambulance face aux terrasses du Carillon et du Petit Cambodge.

Avec ses deux collègues de 20 ans, ils prennent la dame en charge dans le camion quand retentit "le bruit effroyable, froid, sec". Il est "21H24".

"J'ai compris ce qu'il se passait", dit Christophe, qui demande des renforts. "Ça tire toujours, je ne ressens plus rien, j'attends juste qu'ils finissent leur travail".

Christophe se tait. "121 cartouches de guerre tirées en 2 minutes 30 ça fait presque une cartouche par seconde". 

Christophe ouvre la porte du camion, touché par plusieurs impacts de balles. Au sol décrit-il, "une femme face contre terre, elle a pris une balle dans le visage". Une autre criblée de projectiles - "elle est en train de mourir". Partout, "les yeux ouverts des morts", les trainées de sang, les gémissements. 

«Je me force»

"On tente de nous assassiner, je ne peux pas fuir et je dois faire mon boulot de pompier. L'enfer". Le "professionnel" reprend le dessus. A ses collèges: "occupez-vous des gens qui sont conscients".

"J'ai envie de pleurer parce que je ne comprends pas, j'ai envie de pleurer parce que je ne veux pas y croire", égraine sobrement Christophe, tête baissée. "J'ai envie de pleurer parce que j'ai peur du surattentat, j'ai envie de pleurer pour toutes les choses dégueulasses que j'ai vues et que je vois encore". 

Avant lui, Juan-Pablo et Carla, deux jeunes d'une bande d'architectes internationaux, avaient raconté la fusillade du Carillon de l'intérieur et la mort de leur ami Raphaël.

"Je me suis forcé à rester à Paris", explique Juan-Pablo, Canadien d'origine sud-américaine, aujourd'hui 34 ans. "Je me force à marcher dans les rues, à m'asseoir en terrasse, à manger dos à l'extérieur, à prendre le métro. Je pense que je me force un peu moins maintenant, mais la peur est toujours là".

Dans sa tête d'architecte, Juan-Pablo dessine désormais, où qu'il soit, des "plans virtuels" des lieux pour identifier les issues de secours.

De tous les témoignages de cette première journée de nouvelles auditions - environ 90 personnes doivent être entendues jusqu'au 12 mai, avant le début des plaidoiries - ressortent cette fois encore l'impossible vie d'après - entre crises d'angoisses, cauchemars et colères incontrôlables.

Après trois heures d'allers-retours à évacuer les blessés, Christophe avait laissé derrière lui "(s)es terrasses" et "(s)on insouciance". Et gardé la culpabilité. Celles des "choix effroyables" qu'il a dû faire ce soir-là, dit-il aux proches des victimes décédées.

"J'ai fait tout ce que j'ai pu, j'ai dû laisser mourir des gens pour en sauver d'autres. A 26 ans, j'avais toutes ces vies qui dépendaient de moi", s'excuse celui qui s'est battu avec lui-même pour poursuivre son métier comme avant mais a fini par renoncer - il fait aujourd'hui de la formation. "Ils m'ont eu à l'usure".

Parce que "la vie continue", Christophe veut finir par une bonne nouvelle - il sera "papa avant la fin de l'année". Il a voulu l'annoncer ici, "à tous", ajoute-t-il, "que vous soyez victimes ou non, que vous soyez dans le box des accusés ou non".


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».