Élisabeth Borne, trente-deux jours décisifs pour poser les jalons de son mandat

La nouvelle Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours lors d'une cérémonie de passation de pouvoir dans la cour de l'hôtel Matignon, résidence officielle des Premiers ministres français, à Paris, le 16 mai 2022. Ludovic MARIN / POOL / AFP
La nouvelle Première ministre française Elisabeth Borne prononce un discours lors d'une cérémonie de passation de pouvoir dans la cour de l'hôtel Matignon, résidence officielle des Premiers ministres français, à Paris, le 16 mai 2022. Ludovic MARIN / POOL / AFP
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Publié le Jeudi 19 mai 2022

Élisabeth Borne, trente-deux jours décisifs pour poser les jalons de son mandat

  • En tête de ces tâches, et non des moindres, la formation de son gouvernement, une mission à la fois délicate et compliquée
  • Sauf imprévu, il revient à Élisabeth Borne de mettre en musique la réforme profondément impopulaire des retraites et de gérer la grogne sociale qui ne manquera pas de s’exprimer à cette occasion

PARIS: Désignée il y a trois jours pour former le premier gouvernement du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne est le troisième Premier ministre de ce dernier. Elle est la deuxième femme à occuper ce poste en France, et le vingt-sixième Premier ministre depuis la création de cette fonction en 1959. Elle dispose surtout d’un délai de trente-deux jours, jusqu’au second tour des élections législatives prévues les 12 et 19 juin, pour mener à bien plusieurs tâches et s’imposer face à la classe politique et l’opinion publique.

En tête de ces tâches, et non des moindres, la formation de son gouvernement, une mission à la fois délicate et compliquée.

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Cette photo de famille montre le président français Emmanuel Macron posant avec son gouvernement après un remaniement ministériel limité, le 17 octobre 2018 à l'Elysée, à Paris. Bertrand GUAY/AFP


Ce gouvernement, on le sait, sera resserré, mais il devra néanmoins refléter l’orientation que M. Macron veut insuffler à son nouveau quinquennat et porter à bras-le-corps les thèmes développés durant la campagne présidentielle.
Il devra également tenir compte de l’équilibre fragile entre Renaissance (ex-République en Marche), formation du président, et de ses alliés du parti Horizons, créé par l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe; le Modem, formation de l’ancien ministre centriste, François Bayrou, et le mouvement Agir qui regroupe d’anciens membres du parti les Républicains.

Il incombe donc à Mme Borne d’assurer la cohésion entre les quatre formations, et surtout de ne pas se laisser déborder par leurs querelles et concurrences.

Les rivalités entre les composantes de cette majorité sont exacerbées et elles se sont étalées au grand jour à l’occasion des investitures pour les législatives.
Il incombe donc à Mme Borne d’assurer la cohésion entre les quatre formations, et surtout de ne pas se laisser déborder par leurs querelles et concurrences.
Il lui incombe également de s’impliquer directement dans la bataille des législatives, d’une part pour assurer un nombre de sièges honorables à la majorité, et d’autre part pour assurer son élection personnelle dans le département du Calvados où elle s’est portée candidate. N’ayant jamais été élue auparavant, elle a trouvé bon de se soumettre au verdict des urnes ce qui lui permettra de se faire mieux connaître par les citoyens.

C’est dire la charge de travail qu’implique le fait de mener de front toutes ces tâches, mais qui, semble-t-il, n’impressionne pas Élisabeth Borne, âgée de 61 ans, et connue par ceux qui l’ont côtoyée pour être une travailleuse acharnée.
Son expérience politique est limitée du fait qu’elle a mené l’ensemble de sa carrière, jusqu’à sa nomination au poste de ministre des Transports puis du Travail et de la Transition écologique dans les deux précédents gouvernements Macron, en tant que technocrate.

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Le président français Emmanuel Macron (à droite) et la ministre française des Transports Elisabeth Borne arrivent pour signer la réforme ferroviaire controversée, à l'Elysée à Paris, le 27 juin 2018. JULIEN DE ROSA / POOL / AFP


Elle possède cependant de nombreux atouts qui pourront contribuer à sa réussite; le sérieux, la ténacité et la force de caractère.

Ce qu’il en adviendra en réalité, nous le saurons dans les prochains jours, une fois les législatives terminées.
Voilà pour le court terme, car si Mme Borne tient bon et traverse avec succès les épreuves des trente-deux prochains jours, elle va devoir se pencher sur ses missions à long terme autrement plus compliquées.

D’abord, le dossier explosif de la réforme des retraites, qui incombait initialement à Édouard Philippe, mais qui a été occulté par la pandémie de Covid-19. Son successeur, Jean Castex, au moment de la régression de la pandémie, était déjà dans l’obligation de donner la priorité à la campagne présidentielle et il n’avait donc pas eu l’occasion de s’atteler pleinement à ce dossier.

Élisabeth Borne aura à contenir la colère des Français et à faire face à leurs protestations tout en traitant avec les syndicats.

Sauf imprévu, il revient donc à Élisabeth Borne de mettre en musique cette réforme profondément impopulaire et de gérer la grogne sociale qui ne manquera pas de s’exprimer à cette occasion.
Sur ce point, la crainte est grande de voir la France à nouveau paralysée par une nouvelle déferlante de protestations semblable au mouvement des Gilets jaunes en novembre 2018.
D’ailleurs, en dehors de la réforme des retraites, Mme Borne devra se préparer à de nombreuses sautes d’humeur de la part des Français en raison de l’inflation galopante estimée jusqu’à présent à près de 7 %, et de la diminution du pouvoir d’achat.

La flambée du prix de l’énergie et de nombreuses matières premières et produits alimentaires du fait des pénuries causées par la guerre en Ukraine, ne fera qu’aggraver les tensions sociales. Élisabeth Borne aura à contenir la colère des Français et à faire face à leurs protestations tout en traitant avec les syndicats.
Mission ardue, car d’ores et déjà, une coalition de syndicats de la fonction publique l’a interpellée dans une lettre ouverte l’appelant à augmenter les salaires et à renoncer à reculer l’âge de départ à la retraite.

S’ajoutent à tout cela les questions environnementales dues à la sécheresse et la planification écologique brandie par le président Macron entre les deux tours de la présidentielle, que Mme Borne devra également mettre en chantier.
Mais plus important encore, il y a l’alchimie, ou la méthode de travail qu’elle établira avec Emmanuel Macron.
Depuis sa prise de fonction, elle travaille aux côtés du président pour la formation du gouvernement.
Saura-t-elle imprimer sa marque sur l’équipe ministérielle qui va l’entourer, ou bien se contentera-t-elle d’exécuter?

Là aussi, les prochains jours nous en diront plus sur le rapport de forces entre un président habitué à tout contrôler et une Première ministre réputée pour son caractère bien trempé.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.