Aux Etats-Unis, les bas salaires grimpent, les inégalités demeurent

Un employé remet la commande d'un client dans un restaurant McDonald's à New York le 27 mai 2022 (Photo, AFP).
Un employé remet la commande d'un client dans un restaurant McDonald's à New York le 27 mai 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 29 mai 2022

Aux Etats-Unis, les bas salaires grimpent, les inégalités demeurent

  • La pénurie de main d'oeuvre, liée aux contaminations par la Covid, aux problèmes de garde d'enfants et au ras-le-bol des employés sous-payés
  • A l'été 2021, confrontées à de graves pénuries de main d’œuvre, de nombreuses entreprises dont Amazon, Target ou Chipotle avaient franchi le cap des 15 dollars de l'heure, soit plus du double du salaire fédéral minimum

WASHINGTON: Des employés de fast-food qui manifestent à Manhattan pour exiger un salaire de 20 dollars de l'heure: la revendication impensable avant la pandémie est désormais décomplexée, les entreprises multipliant des hausses spectaculaires qui n'ont toutefois pas réduit les inégalités.

La pénurie de main d'oeuvre, liée aux contaminations par la Covid, aux problèmes de garde d'enfants et au ras-le-bol des employés sous-payés décidés à ne pas reprendre leur poste aux conditions d'avant la crise sanitaire, a poussé les entreprises à garantir une rémunération minimum bonifiée, assortie d'avantages tels qu'une assurance santé améliorée et des primes.

"Il y a eu une prise de conscience des grands employeurs du pays de la nécessité de remettre à niveau les salaires s'ils voulaient attirer une main d'oeuvre fiable susceptible de les aider à naviguer en cette période d'incertitude majeure", souligne Gregory Daco, chef économiste chez Ernst & Young Parthenon.

"Soutenir et retenir les meilleurs collaborateurs au monde nous permet d'offrir les meilleurs produits et les services les plus innovants à nos clients", a d'ailleurs expliqué Apple à l'AFP après l'annonce d'un salaire horaire minimum de 22 dollars.

Le géant de la tech assure être le leader du secteur en matière de taux horaire minimum et se targue d'avoir élargi "une gamme solide d'avantages sociaux" pour ses employés à temps plein comme à temps partiel. En augmentant les salaires, il peut espérer, comme Amazon, décourager les velléités syndicales.

Le passage à 22 dollars représente une hausse de 45% par rapport au niveau minimum de 2018, a précisé le groupe.

Fidéliser les salariés

A l'été 2021, confrontées à de graves pénuries de main d’œuvre, de nombreuses entreprises dont Amazon, Target ou Chipotle avaient franchi le cap des 15 dollars de l'heure, soit plus du double du salaire fédéral minimum (7,25 dollars) qui, lui, n'a pas changé depuis 2009.

Cette semaine, Bank of America a annoncé, comme Apple, une rémunération minimale de 22 dollars qu'elle portera à 25 dollars d'ici 2025.

Aux Etats-Unis, les hausses de salaires les plus fortes ont été accordées aux employés les moins bien lotis qui n'ont pas hésité à manifester pour obtenir ces améliorations.

Toutes les strates de revenus ont augmenté mais ce sont les tranches les plus basses qui ont enregistré des gains suffisants pour compenser l'inflation, observe Mahir Rasheed, économiste chez Oxford economics. 

En d'autres termes, "même avec des revenus plus élevés, la plupart des consommateurs voient leurs salaires baisser en termes réels", dit-il.

Trompe l'oeil 

En outre, si ces augmentations semblent significatives notamment dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, cela reste inférieur sur l'année au salaire médian.

"Les augmentations paraissent énormes, car certains salaires sont passés de 7 à 10 dollars, de 10 à 12 dollars, de 12 à 15 et même de 15 à 20", reprend Gregory Daco.

Pourtant, "15 dollars de l'heure, c'est 30 000 dollars par an, soit bien moins que les 50 000 à 60 0000 dollars pour le salaire médian", détaille-t-il.

De plus, cet effet de rattrapage pourrait s'avérer ponctuel.

Il est "peu probable" que les hausses continuent sur ce rythme même si on pourra assister à de nouvelles augmentations ici et là, les entreprises souhaitant rester attractives, estime ainsi Mahir Rasheed.

Ces gains vont s'estomper à mesure que les travailleurs réintègrent le marché du travail, explique-t-il.

D'autant que la demande des employeurs en main d’œuvre ralentit. "Le pouvoir de négociation des salariés va donc s'éroder", ajoute Gregory Daco.

"Malheureusement, je ne m'attends pas à ce que ces gains soient durables à long terme parce que nous n'avons pas vu d'augmentation du salaire minimum fédéral", renchérit Elise Gould, économiste à l'Institut de politique économique (EPI), un centre de réflexion américain. Elle anticipe même "un ralentissement marqué des gains salariaux".

Dans une étude publiée le mois dernier, elle notait que le salaire moyen avait augmenté de 4,4% la première année de la pandémie aux Etats-Unis mais chuté de 1,7% la deuxième année.

"Même avec une croissance plus rapide des salaires parmi les travailleurs les moins bien rémunérés au cours de la dernière année, les niveaux de salaire restent très inégaux sur le marché du travail américain", avec des disparités selon le sexe mais aussi l'origine ethnique.

En avril, le taux horaire avait augmenté de 0,3% comparé à mars. Sur un an, il avait encore bondi de 5,5%, selon les données du département du Travail.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.