Statut de candidat de l'Ukraine à l'UE: comment dire oui sans trop s'engager

 Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (sur l'écran) prend la parole lors d'une réunion spéciale du Conseil européen au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 30 mai 2022. (Photo : Kenzo TRIBOUILLARD / POOL / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (sur l'écran) prend la parole lors d'une réunion spéciale du Conseil européen au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 30 mai 2022. (Photo : Kenzo TRIBOUILLARD / POOL / AFP)
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Publié le Samedi 11 juin 2022

Statut de candidat de l'Ukraine à l'UE: comment dire oui sans trop s'engager

  • Le statut officiel de candidat à l'UE que l'Ukraine souhaite obtenir d'ici fin juin est tout sauf acquis, en dépit des assurances répétées sur l'appartenance ukrainienne à «la famille européenne»
  • Vendredi encore, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté les 27 à ne pas laisser son pays dans une «zone grise», à quelques jours de l'avis que doit rendre la Commission européenne sur le statut de candidat

PARIS : Kiev réclame un "engagement juridique" concret et un signal fort; les Européens, divisés, tergiversent.

Le statut officiel de candidat à l'UE que l'Ukraine souhaite obtenir d'ici fin juin est tout sauf acquis, en dépit des assurances répétées sur l'appartenance ukrainienne à "la famille européenne".

Vendredi encore, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté les 27 à ne pas laisser son pays dans une "zone grise", à quelques jours de l'avis que doit rendre la Commission européenne sur le statut de candidat, et avant un sommet fin juin des chefs d'Etats appelés à se prononcer. Leur vote doit être unanime.

"Dans les semaines à venir, l'Union européenne pourrait franchir une étape historique qui prouvera que les mots sur l'appartenance du peuple ukrainien à la famille européenne ne sont pas vains", a déclaré M. Zelensky  par visioconférence, lors d'une conférence internationale à Copenhague.

"Pourquoi, si les sondages montrent que 71% des Européens considèrent l'Ukraine comme faisant partie de la famille européenne, y a-t-il encore des sceptiques politiques qui hésitent à nous permettre de rejoindre l'Union européenne ?", a lancé le président ukrainien, très applaudi.

La vice Première ministre ukrainienne Olga Stefanishyna était pour sa part cette semaine en tournée européenne, notamment à Paris et Bruxelles, pour pousser l'offensive diplomatique de Kiev.

"Notre position est claire: l'Ukraine a besoin d'un engagement juridique, et non d'une promesse politique. Les hésitations coûtent trop cher à mon pays, engagé dans un combat pour sa liberté et son développement démocratique", a-t-elle twitté jeudi depuis Bruxelles.

Compte tenu du contexte, "nous sommes certains qu'aucun des 27 leaders européens ne pourra officiellement et publiquement dire: Non. Mais dire oui est encore plus compliqué", confiait-elle lors de son passage à Paris.

Les 27 sont très divisés sur la question de la candidature de l'Ukraine à l'UE. Outre Kiev, la Commission doit également rendre un avis la semaine prochaine sur le statut de candidat de la Géorgie et de la Moldavie.

Peu d'enthousiasme

Si de nombreux pays, principalement en Europe de l'Est, soutiennent une adhésion de l'Ukraine, certains comme les Pays-Bas ou le Danemark, mais aussi l'Allemagne et la France, qui préside l'UE jusqu'à fin juin, sont très réservés.

Lors du dernier conseil européen fin mai, le Premier ministre italien Mario Draghi a même asséné: "Quasiment tous les grands Etats de l'Union européenne sont opposés au statut de candidat, à l'exception de l'Italie".

"Donner à l'Ukraine le statut de candidat, c'est assez vertigineux", reconnaît une source diplomatique d'un de ces pays, en citant les obstacles évidents: pays en guerre, corruption, gouvernance, réformes à mettre en oeuvre... "Beaucoup de pays au sein de l'UE veulent apparaître comme les plus Ukrainiens de la bande, ils en rajoutent, mais ils savent pertinemment qu'on ne peut pas faire entrer l'Ukraine à marche forcée. Et ils savent qu'on ne doit pas baisser les exigences à l'entrée dans l'UE. Sinon, on tue l'UE", ajoute cette source.

Une autre source diplomatique à Bruxelles reconnaît qu'il est "difficile d'imaginer des négociations sur l'adhésion de l'Ukraine à ce stade. Mais il y a de nombreuses discussions en ce moment entre capitales sur comment donner le bon signal" fin juin.

"La réponse aux besoins de l'Ukraine n'est pas dans un statut", affirme pour sa part l'Elysée, au moment où les relations entre Kiev et Paris ont fraîchi après les déclarations répétées de M. Macron sur la nécessité de ne pas "humilier" la Russie.

La proposition du président Emmanuel Macron de créer une communauté politique européenne ouverte aux pays désireux d'intégrer l'UE en attendant leur intégration éventuelle (procédure qui dire des années) n'a pas vraiment convaincu à Kiev, qui craint des manoeuvres dilatoires pour retarder ou empêcher son adhésion à l'UE.

Selon la présidence française, le sommet européen fin juin pourrait proposer plusieurs options à l'Ukraine: statut de candidat avec conditions, statut de candidat avec une date de début des négociations, clause de revoyure...

«Formules alambiquées»

"Je parierais sur des formules alambiquées et des promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent", estime le chercheur François Heisbourg, pour qui la candidature ukrainienne "ne suscite enthousiasme ni à Paris ni à Berlin", les deux poids lourds européens.

"Si le Conseil européen échoue à prendre une décision positive fin juin, ce serait très démoralisant pour l'Ukraine et pour les pays membres qui voient l'accession ukrainienne à l'Europe comme une nécessité géopolitique cruciale", estime l'analyste estonienne Kristi Raik sur Twitter.

A l'heure actuelle, cinq pays (Albanie, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie, Turquie) sont officiellement candidats pour rejoindre le bloc. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont eux des candidats potentiels. Ils ont été rejoints par l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, qui ont déposé des demandes d'adhésion dans la foulée de l'offensive militaire russe en Ukraine.


La BBC doit «se battre» pour défendre son journalisme, dit le DG sortant

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC". (AFP)
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  • Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public
  • Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump

LONDRES: La BBC doit "se battre" pour défendre son journalisme, a déclaré mardi le directeur général sortant de la BBC, Tim Davie, alors que le groupe public britannique est menacé de plainte en diffamation par Donald Trump.

Tim Davie, qui a démissionné dimanche, a reconnu qu'une "erreur" avait été commise dans un documentaire sur le président américain diffusé en octobre 2024, selon ses propos tenus lors d'une visioconférence avec les employés du groupe audiovisuel public, rapportés par la chaîne BBC News.

Le groupe audiovisuel public britannique est dans la tourmente après avoir réalisé, pour ce documentaire diffusé dans son magazine d'information phare "Panorama", un montage trompeur d'un discours de Donald Trump, le 6 janvier 2021, qui donnait l'impression que le président sortant incitait explicitement ses partisans à une action violente contre le Congrès.

"Nous avons fait une erreur, et il y a eu un manquement à nos règles éditoriales", a reconnu Tim Davie, expliquant qu'il avait assumé sa "part de responsabilité" en démissionnant.

Il n'a toutefois pas mentionné directement la menace d'action en justice lancée par Donald Trump, ni la date de son départ effectif, lors de cette visioconférence avec le président de la BBC, Samir Shah.

Au moment où le groupe est très critiqué et accusé de partialité, en particulier par la droite conservatrice, le DG sortant a reconnu que "les temps sont durs pour la BBC".

"Mais nous nous en sortirons", et "nous devons nous battre pour défendre notre journalisme", a-t-il insisté.

"Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve, je vois son instrumentalisation", a-t-il encore ajouté.


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.