Blé, pêche, brevets: réunion ministérielle à haut risque à l'OMC

Des militants défilent lors d'une manifestation contre l'Organisation mondiale du commerce à la veille de la conférence ministérielle de l'OMC à Genève le 11 juin 2022. (AFP)
Des militants défilent lors d'une manifestation contre l'Organisation mondiale du commerce à la veille de la conférence ministérielle de l'OMC à Genève le 11 juin 2022. (AFP)
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Publié le Dimanche 12 juin 2022

Blé, pêche, brevets: réunion ministérielle à haut risque à l'OMC

  • Le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce Valdis Dombrovskis a accusé Moscou d'utiliser «la nourriture et les céréales comme une arme de guerre».
  • L'accord sur la pêche, qui s'inscrit dans les objectifs du millénaire de l'ONU, doit supprimer les subventions qui peuvent encourager la surpêche ou les prélèvements illégaux

GENÈVE : La première réunion ministérielle de l'OMC depuis plus de quatre ans s'ouvre dimanche avec l'espoir d'accords sur la pêche et les brevets des vaccins anti-Covid mais les divergences restent grandes, sur fond de risque de crise alimentaire.

Une des attentes fortes des retrouvailles de l'organe de décision suprême de l'Organisation mondiale du commerce est qu'elles contribuent à trouver une parade au risque de grave crise alimentaire que fait planer sur le monde entier l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce Valdis Dombrovskis a accusé Moscou d'utiliser «la nourriture et les céréales comme une arme de guerre».

La guerre sera très présente dès les déclarations des ministres dimanche et tout au long de la conférence, les Etats-Unis ou encore l'UE refusant de parler directement aux Russes.

Cela n'a pas empêché pour l'instant les négociations, mais «le risque est réel que les choses déraillent la semaine prochaine», selon une source diplomatique genevoise.

- Pêche miraculeuse ? -

La pêche reste le dossier phare de la réunion.

L'OMC a annoncé tôt samedi que le projet de texte qui doit permettre de supprimer les subventions préjudiciables dans le domaine de la pêche - qui occupe l'organisation depuis 20 ans - est désormais aux mains des ministres et que ce sera à eux d'essayer de trouver un terrain d'entente sur les points de contentieux qui subsistent.

«Tous les problèmes n'ont pas été résolus et il y a dans ce projet des choses sur lesquelles

les membres ne sont pas d'accord ou sur lesquelles je n'ai pas vu de terrain d'entente précis», a prévenu Santiago Wills, l'ambassadeur colombien qui a piloté les négociations, tout en mettant en avant les progrès faits ces derniers mois.

L'OMC fonctionnant par consensus, il faut que les 164 pays membres s'entendent pour conclure.

L'accord sur la pêche, qui s'inscrit dans les objectifs du millénaire de l'ONU, doit supprimer les subventions qui peuvent encourager la surpêche ou les prélèvements illégaux.

L'ambassadeur a noté des progrès notamment sur l'épineux sujet de «territorialité», le texte écartant l'idée que les querelles d'appartenance territoriale - nombreuses et ultra-sensibles - pourraient être réglées par un panel de l'OMC.

Des progrès ont aussi été faits pour définir le mécanisme de traitement préférentiel réservé aux pays en développement. Des exemptions temporaires sont prévues notamment concernant les subventions contribuant à la surcapacité et à la surpêche mais leur durée ne fait pas l'unanimité, l'Inde réclamant 25 ans.

«25 ans, ce serait dévastateur pour les stocks de poissons», relève Isabel Jarrett, de l'ONG Pew Charitable Trusts. Elle plaide pour une exemption inférieure à 10 ans.

Le succès de la conférence se mesurera grandement à l'aune de l'adoption ou non de ce texte.

- Intransigeance indienne -

L'intransigeance indienne, soulignée par de nombreux diplomates, pourrait faire capoter d'autres dossiers.

«Il n'y a pas un seul sujet que l'Inde ne bloque pas. C'est assez inquiétant» déplore un ambassadeur basé à Genève, citant notamment la réforme de l'OMC et l'agriculture, un dossier pour lequel les ministres doivent élaborer un programme de travail.

«On voit que l'Inde veut peser davantage dans les organisations internationales, en commençant par l'OMC. Elle est en mesure de gripper la finalisation des négociations», analyse Elvire Fabry, chercheuse en charge de la politique commerciale à l'Institut européen Jacques Delors.

«On est même inquiet à ce stade pour la prolongation du moratoire sur le commerce électronique que bloquent encore l'Inde et l'Afrique du Sud», explique-t-elle.

Les ministres sont attendus aussi sur la réponse de l'OMC à la pandémie. Ils vont discuter de deux textes.

L'un doit faciliter la circulation des ingrédients nécessaires à la lutte contre l'actuelle et les futures pandémies, l'autre doit permettre une levée temporaire sur les brevets des vaccins anti-Covid.

Ce dernier sujet divise, l'industrie pharmaceutique y voyant un affaiblissement de la propriété intellectuelle. Pour les ONG le texte ne va pas assez loin pour être réellement efficace.

L'issue reste incertaine.

«Cela a été un processus très difficile, vraiment difficile», a reconnu la directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala. «Nous avons fait du mieux que nous avons pu».

La Chine a promis de ne pas utiliser les facilités permises aux pays en développement par ce projet d'accord.

L'OMC a perdu en pertinence faute de pouvoir conclure des accords majeurs, le dernier grand accord remontant à 2013.

Il n'y a aucune garantie de résultats majeurs à Genève malgré les efforts vigoureux déployés par Mme Okonjo-Iweala, aux commandes depuis un peu plus d'un an.

Certains espèrent que la déclaration ministérielle finale fera aussi mention de la nécessité de réforme de l'OMC, dont l'organe d'appel est bloqué par Washington.


Inflation: Le projet de loi pour avancer les négociations commerciales présenté au cpnseil des ministres

Un homme achète des produits laitiers dans un supermarché de Toulouse, dans le sud-ouest de la France (Photo, AFP).
Un homme achète des produits laitiers dans un supermarché de Toulouse, dans le sud-ouest de la France (Photo, AFP).
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  • Les supermarchés négocient chaque année entre décembre et le 1er mars avec leurs fournisseurs les conditions de vente de leur production
  • Mais le gouvernement aimerait cette année que les contrats se concluent plus tôt début 2024

PARIS: Le projet de loi destiné à lutter contre l'inflation en avançant les négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs "pour répercuter au plus vite les baisses" de prix va être présenté mercredi en conseil des ministres, a confirmé le ministère de l’Économie mardi.

"Concrètement, la principale mesure consiste à avancer du 1er mars au 15 janvier 2024 la date de clôture des négociations" entre les plus gros industriels et les distributeurs, a fait savoir Bercy lors d'un brief téléphonique à la presse.

Les supermarchés négocient chaque année entre décembre et le 1er mars avec leurs fournisseurs agro-industriels les conditions de vente de leur production qui sera ensuite écoulée dans leurs rayons. Mais le gouvernement aimerait cette année que les contrats se concluent plus tôt début 2024, afin que les nouveaux tarifs - si possibles plus bas - s'appliquent au plus vite.

Ce nouveau calendrier est "une mesure d'urgence" qui porte "uniquement sur les prochaines négociations", a précisé Bercy, indiquant toutefois qu'"une réforme d'ensemble est à l'étude et pourrait faire l'objet d'une mission parlementaire".

"Depuis plusieurs mois, un certain nombre d'acteurs, notamment du côté des distributeurs, nous signalent que cette rigidité (de la loi actuelle, NDLR) entrave la répercussion des baisses du prix des intrants au consommateur final", a témoigné le ministère.

Bercy cible dans le texte les 75 plus gros industriels qui "représentent plus de 50% des parts de marché", par exemple les fabricants de jambon Herta ou Fleury Michon et les transformateurs laitiers Danone et Lactalis.

Marché français 

Le ministère a tenu à souligner que "ces dispositions s'appliqueront aux produits destinés au marché français, indépendamment du lieu où seront basées les centrales d'achat".

Le président Emmanuel Macron avait annoncé en fin de semaine dernière qu'il n'y aurait plus de projet de loi autorisant la revente à perte des carburants tel qu'annoncé par la Première ministre Elisabeth Borne, une idée que l'ensemble des distributeurs ont refusée.

Par ailleurs, le nouveau président de la fédération professionnelle des supermarchés (FCD) et PDG de Carrefour Alexandre Bompard avait demandé un moratoire d'un an sur une loi dite Descrozaille entrant en vigueur en mars 2024 et qui limite notamment les promotions sur les produits d'hygiène et de soin à 34% du prix de vente origine.

Un tel moratoire "ne fait pas partie du texte" de projet de loi, a précisé Bercy mardi, en ajoutant que la loi Descrozaille "a été votée à l'unanimité par tous les groupes de l'Assemblée nationale" et que, si elle doit être détricotée, elle "doit être défaite par les parlementaires".


Les Etats-Unis poursuivent Amazon pour monopole «illégal»

Amazon représente 37,6% des ventes en ligne aux Etats-Unis selon Insider intelligence (Photo, AFP).
Amazon représente 37,6% des ventes en ligne aux Etats-Unis selon Insider intelligence (Photo, AFP).
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  • Selon l'autorité américaine de la concurrence (FTC), Amazon dissuade par exemple les vendeurs de proposer des prix inférieurs aux siens
  • «En cause», précise la FTC, les «méthodes illégales qui visent à exclure les concurrents» d'Amazon

SAN FRANCISCO: Après des années d'enquêtes, et de tensions entre les pouvoirs politiques et Amazon, l'autorité américaine de la concurrence (FTC) et 17 Etats ont porté plainte mardi contre le géant des technologies, l'accusant de "maintenir illégalement son monopole" grâce à des "stratégies anticoncurrentielles et déloyales".

"Ce n'est pas la taille d'Amazon qui est en cause", précise la FTC dans un communiqué, mais ses "méthodes illégales qui visent à exclure les concurrents, à les empêcher de se développer et à des alternatives d'émerger".

Selon l'agence fédérale, Amazon dissuade par exemple les vendeurs de proposer des prix inférieurs aux siens sur les produits où le groupe de Seattle est en concurrence avec les détaillants.

L'autorité reproche aussi au géant américain de conditionner l'éligibilité des commerçants à "Prime" (abonnement qui permet aux consommateurs de se faire livrer rapidement) à l'utilisation des services de logistique "coûteux" d'Amazon.

"Amazon exploite le pouvoir qu'elle tire de son monopole pour s'enrichir, tout en faisant monter les prix et en dégradant le service pour les dizaines de millions de familles américaines qui font leurs achats sur sa plateforme et les centaines de milliers d'entreprises qui dépendent d'Amazon" pour commercialiser leurs produits, assène la présidente de la FTC, Lina Khan, citée dans le communiqué.

"La plainte déposée aujourd'hui montre clairement que la FTC s'est radicalement écartée de sa mission de protection des consommateurs et de la concurrence", a réagi David Zapolsky, un vice-président d'Amazon, dans un communiqué en ligne.

«Mépris stupéfiant»

Il assure que les pratiques mises en cause par l'autorité ont au contraire "contribué à stimuler la concurrence et l'innovation dans l'ensemble du secteur de la vente au détail, et ont permis d'offrir un plus grand choix, des prix plus bas et des délais de livraison plus courts aux clients d'Amazon".

Le groupe américain, qui a réalisé 134,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires et dégagé un bénéfice net de 6,7 milliards au deuxième trimestre cette année, met régulièrement en avant la progression des ventes réalisée par les commerçants sur sa plateforme.

En 2022, "plus de 60% des ventes sur Amazon sont venues de vendeurs indépendants, qui sont en majorité des petites et moyennes entreprises", a affirmé la société le mois dernier.

Si la FTC gagne, elle "forcera Amazon à appliquer des mesures qui nuisent aux consommateurs et aux PME", assure David Zapolsky.

Mais pour de nombreuses ONG, les PME souffrent au contraire d'un rapport de force défavorable.

"Les PME attendent ce moment depuis très longtemps", a commenté mardi Stacy Mitchell, co-directrice de l'Institute for Local Self-Reliance, qui milite pour une consommation locale et respectueuse de l'environnement.

"En contrôlant l'accès au marché, Amazon peut privilégier ses propres produits s'il le souhaite, espionner les entreprises en s'emparant de leurs meilleures idées et de leurs données. Elle peut dicter sa loi et gouverner avec un mépris stupéfiant. Un jour, elle attribue à un vendeur l'option +livraison dans les 24 heures+. Le lendemain, elle suspend son compte, anéantissant complètement ses ventes".

La plateforme représente 37,6% des ventes en ligne aux Etats-Unis selon Insider intelligence, loin devant les supermarchés Walmart (6,8%), Apple (3,5%) et eBay (3,1%).

Impartialité

De nombreux élus américains et le gouvernement démocrate de Joe Biden tentent depuis des années de lutter contre les "monopoles" des géants technologiques, avec peu de succès.

Cet été, la FTC a ainsi dû suspendre sa procédure pour bloquer l'acquisition d'Activision Blizzard (jeux vidéo) par Microsoft, après une série de revers judiciaires.

Lina Khan, présidente de la FTC depuis 2021, s'est fait connaître quand elle était encore étudiante, avec un article intitulé "Le paradoxe antitrust d'Amazon", publié en 2017 dans la revue de droit de l'université de Yale.

Elle y estimait que l'arsenal législatif américain était insuffisant pour lutter contre les pratiques monopolistiques de groupes comme Amazon.

En juin 2021, l'entreprise avait soumis une réclamation à la FTC, accusant sa dirigeante de manque d'impartialité.

Mais cela n'a pas empêché l'agence fédérale d'avancer sur plusieurs fronts.

En juin dernier, la FTC a porté plainte contre Amazon pour avoir "piégé des consommateurs" avec son abonnement Prime, qui se renouvelle automatiquement et est "compliqué" à résilier.

L'institution a aussi attaqué le groupe sur le respect de la confidentialité des données. En mai dernier, Amazon a accepté de payer plus de 30 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites contre Ring et Alexa (sonnettes et enceintes connectées, caméras de sécurité), deux gammes de produits qui collectent de nombreuses informations sur leurs utilisateurs.


Amazon: le chiffre d'affaires a dépassé les 10 milliards d'euros en France en 2022

Un camion arborant le logo Amazon Prime traverse un quartier de Torrance, en Californie, le 12 septembre 2023 (Photo de Patrick T. Fallon / AFP).
Un camion arborant le logo Amazon Prime traverse un quartier de Torrance, en Californie, le 12 septembre 2023 (Photo de Patrick T. Fallon / AFP).
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  • Le groupe communique chaque année depuis 2018 sur les «prélèvements obligatoires correspondant» à ses activités en France
  • Frédéric Duval a déclaré qu'1,7 milliard d'euros de prélèvements obligatoires liés aux activités d'Amazon en France avait été versé, contre un milliard en 2021

PARIS: Le géant américain Amazon a réalisé 10,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France en 2022, en croissance de plus de 16%, avec une "contribution fiscale totale de 1,7 milliard d'euros", a-t-il annoncé mardi, sans dévoiler le montant exact de l'impôt sur les sociétés.

"La contribution fiscale des sociétés va bien au-delà de l'impôt sur les sociétés", s'est défendu mardi devant la presse le directeur général d'Amazon France Frédéric Duval.

Le groupe communique chaque année depuis 2018 sur les "prélèvements obligatoires correspondant" à ses activités en France.

Pour 2022, il revendique 580 millions d'euros de prélèvements directs, comptabilisant ainsi l'impôt sur les sociétés, les cotisations patronales, et les impôts locaux, contre 470 millions un an plus tôt.

Frédéric Duval a déclaré qu'1,7 milliard d'euros de prélèvements obligatoires liés aux activités d'Amazon en France avait été versé, contre un milliard en 2021, un chiffre prenant par exemple en compte les impôts des vendeurs tiers ou des sous-traitants, ainsi que les charges sociales et la TVA.

Concernant le chiffre d'affaires réalisé en France, de 10,5 milliards d'euros contre 9 milliards un an plus tôt, il ne doit pas être confondu avec le volume d'affaires (sur lequel la société n'a pas communiqué) qui correspond à l'ensemble des ventes réalisées en France par le groupe.

Le chiffre d'affaires correspond aux ventes réalisées par le groupe en propre, par les commissions qu'il prend sur les ventes réalisées par des tiers sur sa place de marché en ligne et par son activité de cloud (Amazon Web Services).

"Plus de 16 000 TPE et PME" françaises (très petites, petites et moyennes entreprises) vendent sur sa place de marché en tant que vendeurs tiers, a chiffré Amazon mardi.

Frédéric Duval a en outre indiqué que le groupe employait actuellement plus de 20 000 personnes sur le territoire national et qu'il avait investi plus de 20 milliards d'euros dans ses activités en France depuis 2010.