En Tunisie, le pari risqué de Kaïs Saïed d’une Constitution désislamisée

Le président tunisien Kaïs Saïed donne une conférence de presse au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 18 février 2022. (Photo : JOHANNA GERON / POOL / AFP)
Le président tunisien Kaïs Saïed donne une conférence de presse au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 18 février 2022. (Photo : JOHANNA GERON / POOL / AFP)
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Publié le Lundi 13 juin 2022

En Tunisie, le pari risqué de Kaïs Saïed d’une Constitution désislamisée

  • La suppression envisagée de l’article 1er de la Constitution, qui, depuis 1959, fait de l’islam la religion de l’État, ne semble pas emporter l’adhésion d’une majorité de Tunisiens
  • L’État tunisien va-t-il devenir laïc? Inimaginable il y a encore quelques semaines, un tel scénario ne serait plus exclu

TUNIS: La suppression envisagée de l’article 1er de la Constitution, qui, depuis 1959, fait de l’islam la religion de l’État, ne semble pas emporter l’adhésion d’une majorité de Tunisiens. 

L’État tunisien va-t-il devenir laïc? Inimaginable il y a encore quelques semaines, un tel scénario ne serait plus exclu. Sadok Belaïd a été nommé président coordinateur du Comité consultatif pour la nouvelle république. À ce titre, il est chargé par le président Kaïs Saïed d’élaborer une nouvelle Constitution. Selon lui, la suppression de l’article 1er, qui stipule que «la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain» et que «l'islam est sa religion, l'arabe sa langue et la république son régime», est à l’ordre du jour. 

Plus convaincu que jamais que l’islam politique est le grand mal, selon Sadok Belaïd, Kaïs Saïed veut lui barrer la route avec la suppression de l’article 1er. 

En réalité, cette initiative ne surprend guère dans la mesure où le président Saïed avait commencé à y préparer les Tunisiens en expliquant que «l’islam est la religion de la nation, pas de l’État». Il avait affirmé: «Si nous faisons la prière et le ramadan, ce n’est pas sur la base de cet article, mais sur un ordre de Dieu.» 

Cette idée semble loin d’emporter l’adhésion de la majorité des Tunisiens. 

Le Parti du peuple, proche du président, menace de quitter le débat sur la réforme de l’État national initié par ce dernier si le fameux article n’est pas maintenu. 

Habib Guiza, secrétaire général de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), partage l’idée que «l’État n’a pas de religion». Cet ancien membre de la direction du syndicat ouvrier historique, l’UGTT (Union générale tunisienne du travail, NDLR), pense aussi que le moment est venu d’ouvrir le chantier de la suppression de l’article 1er de la Constitution. Mais il est le seul parmi les personnalités interrogées à défendre une éventuelle suppression de cet article. 

Souheil Aloui, ancien député qui connaît bien le locataire du Palais de Carthage, désapprouve quant à lui sa suppression. Cette initiative va, selon lui, «relancer la polémique sur l’identité au détriment du débat sur les vrais problèmes du pays». 

Le Parti du peuple, proche du président, menace de quitter le débat sur la réforme de l’État national initié par ce dernier si le fameux article n’est pas maintenu. 

Un ex-ministre et conseiller de Zine el-Abidine ben Ali, qui souhaite garder l’anonymat, estime que le timing de cette réforme «est particulièrement mal choisi. Le pays est aujourd’hui divisé et risque de l’être davantage», déplore l’ancien haut responsable. Selon lui, l’abandon de toute référence à l’islam dans la nouvelle Constitution «constituerait un cadeau au mouvement Ennahdha», porte-drapeau de l’islam politique, qui aime beaucoup les polémiques sur les questions identitaires… 

Rida Maghzaoui, secrétaire général du Parti du peuple, proche du président, a menacé de quitter le dialogue initié par ce dernier pour mobiliser un soutien à sa réforme constitutionnelle «s’il n’est pas fait mention de l’identité arabo-musulmane dans l’article 1er de la nouvelle Constitution». 

Enfin, l’ancien ministre conseiller pense que cette suppression poserait d’énormes problèmes. «Elle imposerait de revoir tous les textes de loi inspirés de l’islam, à l’instar de ceux qui concernent l’héritage et l’adoption, deux questions qui divisent les Tunisiens. Surtout, elle constituerait une aubaine pour les groupes islamistes extrémistes, qui auraient l’occasion de prendre le contrôle des mosquées, actuellement gérées par l’État.» 

La réforme envisagée pourrait faire perdre à Kaïs Saïed une partie de ses soutiens. Ainsi, Rida Maghzaoui, secrétaire général du Parti du peuple, proche du président, a menacé de quitter le dialogue initié par ce dernier pour mobiliser un soutien à sa réforme constitutionnelle «s’il n’est pas fait mention de l’identité arabo-musulmane dans l’article 1er de la nouvelle Constitution». 

Surtout, une bonne partie de ce peuple connu pour son conservatisme et son attachement à son identité arabo-musulmane risque fort de rejeter cette Constitution. Et c’est la raison pour laquelle Sadok Belaïd a donné l’impression de «rétropédaler» à la fin de la semaine dernière en déclarant que «ce principe fondamental figurera à un endroit adéquat dans la nouvelle Constitution». 


Liban: deux morts dans une frappe israélienne à Baalbeck 

Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien. (AFP)
Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien. (AFP)
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  • L'agence nationale d'information ANI a rapporté que la frappe avait été menée par un "drone israélien" dans la ville millénaire qui abrite un ensemble de temples romains classés au patrimoine mondial de l'Unesco
  • Ni ANI ni le ministère n'ont fourni d'autres précisions sur ce raid ou sur l'identité des victimes

BEYROUTH: Au moins deux personnes ont été tuées mercredi dans une frappe israélienne contre une voiture dans la ville de Baalbeck, dans l'est du Liban, a indiqué le ministère libanais de la Santé.

L'agence nationale d'information ANI a rapporté que la frappe avait été menée par un "drone israélien" dans la ville millénaire qui abrite un ensemble de temples romains classés au patrimoine mondial de l'Unesco.

Ni ANI ni le ministère n'ont fourni d'autres précisions sur ce raid ou sur l'identité des victimes.

Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien.

Sous pression américaine et craignant une intensification des frappes israéliennes, le gouvernement libanais a ordonné le mois dernier à l'armée d'élaborer un plan visant à désarmer le Hezbollah, sorti très affaibli par la guerre.

Selon Beyrouth, l'armée libanaise doit achever ce désarmement d'ici trois mois en ce qui concerne le sud du pays, proche de la frontière avec Israël.

 


Attaques israéliennes à Doha: le Qatar s'entretient avec la présidente de la CPI

L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, préside le sommet sur l'urgence arabo-islamique 2025 à Doha, au Qatar. (QNA/AFP)
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, préside le sommet sur l'urgence arabo-islamique 2025 à Doha, au Qatar. (QNA/AFP)
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  • Le Qatar explore des recours légaux contre Israël après une frappe à Doha ayant tué plusieurs membres du Hamas et un agent de sécurité qatari
  • Bien que simple observateur à la CPI, Doha intensifie ses démarches diplomatiques et judiciaires pour demander des comptes à Israël

DOHA: Un haut représentant du Qatar a rencontré mercredi la présidente de la Cour pénale internationale (CPI) alors que Doha cherche à engager des poursuites contre Israël après des frappes sans précédent sur son territoire, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères qatari.

Mohammed Al-Khulaifi, qui a été chargé d'entreprendre d'éventuelles démarches légales après l'attaque israélienne, s'est entretenu avec la juge Tomoko Akane à La Haye, a indiqué le ministère.

Le pays du Golfe explore "toutes les voies juridiques et diplomatiques disponibles pour s'assurer que les responsables de l'attaque israélienne contre le Qatar rendent des comptes", a précisé jeudi auprès de l'AFP un responsable qatari, s'exprimant sous couvert d'anonymat en raison de la sensibilité des discussions.

Le Qatar, en tant qu'État observateur à la CPI, ne peut pas saisir directement la cour.

La frappe meurtrière menée la semaine dernière à Doha, visant des dirigeants du mouvement islamiste palestinien Hamas, a déclenché une vague de critiques à l'international, les Nations unies condamnant une "violation choquante du droit international". Elle a aussi valu à Israël une rare réprobation du président américain Donald Trump.

Israël et le Qatar, pays médiateur dans les négociations en vue d'une trêve à Gaza, sont tous deux alliés des États-Unis.

Le Hamas a affirmé que ses principaux dirigeants politiques, installés au Qatar avec l'aval de Washington depuis 2012, avaient survécu à l'attaque qui a tué cinq de ses membres, ainsi qu'un membre des forces de sécurité qataries.

À l'issue d'un sommet extraordinaire lundi à Doha, la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique ont appelé "tous les Etats (...) à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre".

En 2024, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour crimes de guerre et de crimes contre l'humanité à Gaza.

L'offensive israélienne, qui a fait plus de 65.000 morts dans le territoire palestinien selon les chiffres du Hamas, fiables selon l'ONU, a été déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste le 7 octobre 2023 sur le sol israélien.

La CPI a également émis des mandats d'arrêt contre l'ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et le commandant militaire du Hamas Mohammed Deif, tué depuis par Israël.


L'Arabie saoudite et le Pakistan signent un pacte de défense mutuelle

Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
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  • Le pacte marque une étape majeure dans le renforcement des liens sécuritaires et économiques entre deux alliés de longue date
  • L'accord de Riyad transforme des décennies de coopération militaire en un engagement sécuritaire contraignant

​​​​​ISLAMABAD : Le Pakistan et l’Arabie saoudite ont signé mercredi un « Accord stratégique de défense mutuelle », s’engageant à considérer toute agression contre l’un des deux pays comme une attaque contre les deux, renforçant ainsi la dissuasion conjointe et solidifiant des décennies de coopération militaire et sécuritaire.

Cet accord intervient moins de deux semaines après les frappes aériennes israéliennes à Doha visant des dirigeants du Hamas, un événement ayant intensifié les tensions régionales et souligné l’urgence pour les États du Golfe de renforcer leurs partenariats sécuritaires.

L'accord de Riyad marque également une volonté des deux gouvernements de formaliser leurs liens militaires de longue date en un engagement contraignant.

Le pacte a été signé lors de la visite officielle du Premier ministre Shehbaz Sharif à Riyad, où il a rencontré le prince héritier et Premier ministre Mohammed ben Salmane au palais Al-Yamamah. Accompagnés de ministres et responsables militaires de haut niveau, les deux dirigeants ont passé en revue ce que le bureau de Sharif a qualifié de relation « historique et stratégique » entre les deux nations, en discutant également des développements régionaux.

« L’accord stipule que toute agression contre l’un des deux pays sera considérée comme une agression contre les deux », a déclaré le communiqué conjoint.

Il décrit le pacte comme un reflet de l’engagement commun des deux gouvernements à renforcer la coopération en matière de défense et à œuvrer pour la sécurité et la paix dans la région et dans le monde.

Depuis des décennies, l’Arabie saoudite et le Pakistan entretiennent des liens étroits sur les plans politique, militaire et économique. Le Royaume accueille plus de 2,5 millions de ressortissants pakistanais — la plus grande communauté d’expatriés pakistanais — et a souvent soutenu financièrement Islamabad lors de crises économiques. La coopération en matière de défense a inclus des formations, des achats d’armes et des exercices militaires conjoints.

Le nouvel accord formalise cette coopération sous la forme d’un engagement de défense mutuelle, une étape qui, selon de nombreux analystes, place cette relation au même niveau que d’autres partenariats stratégiques dans la région.

Bien que le communiqué n’ait pas précisé les mécanismes de mise en œuvre, il a souligné que l’accord visait à développer les aspects de la coopération en matière de défense et à renforcer la dissuasion conjointe face à toute agression.

Cette visite intervient également alors que le Pakistan cherche à renforcer ses liens avec les États du Golfe, dans un contexte de défis économiques persistants.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.pk