"Ibrahim 10", jihadiste itinérant d'un Sahel sans frontière

Un soldat malien monte la garde devant l'hôtel Radisson Blu à Bamako le 22 novembre 2015, deux jours après une attaque meurtrière revendiquée par le groupe affilié d'Al-Qaïda Al-Murabitoun qui a fait au moins 19 morts. (Issouf Sanogo / AFP)
Un soldat malien monte la garde devant l'hôtel Radisson Blu à Bamako le 22 novembre 2015, deux jours après une attaque meurtrière revendiquée par le groupe affilié d'Al-Qaïda Al-Murabitoun qui a fait au moins 19 morts. (Issouf Sanogo / AFP)
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Publié le Dimanche 25 octobre 2020

"Ibrahim 10", jihadiste itinérant d'un Sahel sans frontière

  • Selon des informations non confirmées officiellement, le Mauritanien « Ibrahim 10 » pourrait avoir fait partie des détenus échangés début octobre par les autorités maliennes contre quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin
  • De son vrai nom Fawaz Ould Ahmed cet homme au physique de colosse né à Nouakchott à la fin des années 1970 a commencé sa vie dans le commerce et s'est radicalisé après l'intervention américaine en Irak en 2003

BAMAKO : Principal accusé dans le procès des attentats du Radisson Blu et de la Terrasse à Bamako, le Mauritanien "Ibrahim 10" est un acteur majeur du jihad sahélien, proche de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, qui a fait ses armes dans le désert du Sahara avant de sévir dans toute l'Afrique de l'Ouest.

Un doute subsiste sur sa présence au procès qui s'ouvre mardi dans la capitale malienne, dont il est l'un des trois accusés, le plus important.

Selon des informations non confirmées officiellement, il pourrait avoir fait partie des détenus échangés début octobre par les autorités maliennes contre quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin et l'homme politique malien Soumaïla Cissé.

Est-ce un nouveau rebondissement dans le parcours de ce jihadiste "très audacieux, insaisissable et toujours en mouvement", comme le décrit le spécialiste mauritanien du jihadisme Isselmou Ould Salihi, ou bien la fin brutale d'une carrière aussi prolixe que représentative de ce qu'était la nébuleuse jihadiste des années 2010 ?

De son vrai nom Fawaz Ould Ahmed (ou Ahmeida), cet homme au physique de colosse né à Nouakchott à la fin des années 1970 a commencé sa vie dans le commerce. Il s'est radicalisé après l'intervention américaine en Irak en 2003, "comme cela a été le cas pour beaucoup de jeunes au Sahel à cette époque", explique le journaliste Lemine Ould Salem, auteur d'un livre sur Mokhtar Belmokhtar.

En 2006, "Ibrahim 10" rejoint les camps d'entraînement du chef jihadiste algérien dans le Sahara, selon des documents de l'enquête, couverts par le secret d'instruction et consultés par l'AFP.

Après une formation au maniement des armes, il participe fin 2008 à l'enlèvement de deux diplomates canadiens au Niger. Un coup d'éclat qui sera "hautement apprécié" par sa hiérarchie. Ibrahim 10 est "félicité" par les grands noms du jihad régional ; il prend de l'importance.

"Par la suite, j'ai été désigné par le « Vieux » (surnom qu'il donne à Belmokhtar) pour faire des va-et-vient entre lui et le Burkina Faso" de Blaise Compaoré, à l'époque médiateur dans la libération d'otages au Sahel, dira-t-il lors de son audition par les autorités maliennes après son arrestation en 2016.

Voyages en hélicoptère

Dans ses auditions, il raconte ses voyages entre Ouagadougou et les campements jihadistes dans le désert, parfois en voiture, parfois en hélicoptère, toujours en compagnie, affirme-t-il, de l'homme d'affaires mauritanien Moustapha Ould Limam Chafi, connu pour son rôle dans la libération d'otages occidentaux au Sahel.

Il raconte qu'il "profitait" de ces voyages pour "faire des achats pour les frères" jihadistes dans le désert: caméras, ordinateurs, cartes mémoire...

Et donne des détails sur le "pacte", selon ses dires, de non-agression conclu entre le Burkina Faso et le groupe de Belmokhtar à la fin des années 2000. Le Burkina Faso avait été relativement préservé des attaques jihadistes sous Compaoré ; il a depuis lors été entraîné dans la spirale meurtrière du jihadisme sahélien.

Aux enquêteurs, "Ibrahim 10" dit avoir été au Sénégal en 2011, en repérage pour un projet d'attentat finalement annulé contre l'ambassade d'Israël, puis s'être installé en Côte d'Ivoire en 2012, où il épouse une Ivoirienne et devient père de famille.

Il est arrêté quelques mois plus tard en possession d'armes. Jugé et condamné en 2013 à Abidjan à 10 ans de prison ferme, il sera libéré après 10 mois, "sans doute après avoir parlé", selon une source judiciaire malienne.

Il sort un fusil d'assaut

Il rend alors visite à Belmokhtar en 2014 en Libye, puis rentre au Mali, "via le Tchad et le Niger", ramenant avec lui des explosifs, des sandales et un iPad pour ses coreligionnaires. Il reste quelque temps dans le désert, selon ses dires.

Puis il descend à Bamako, où il commet le 6 mars 2015 l'un de ses principaux faits d'armes : dans la nuit, il entre dans un restaurant de la capitale, La Terrasse, sort de son sac un fusil d'assaut et tue cinq personnes, selon les enquêteurs.

L'homme s'évanouit ensuite dans la nature, mais refait parler de lui quelque mois plus tard : successivement, un hôtel est attaqué à Sévaré en août (centre), puis l'hôtel Radisson Blu de Bamako, en novembre.

Dans les deux cas, "Ibrahim 10" n'aurait pas été présent mais se serait occupé de leur organisation : recrutement des assaillants, repérage, location de véhicules, armes...

Le 21 avril 2016, la sécurité d'Etat malienne l'arrête à Bamako ; il croupissait depuis dans ses gêoles. Sur une photo à l'époque le montrant menotté contre un mur, l'une des seules de lui, il se tient droit, le regard fixé sur l'objectif, semblant le défier. (AFP)

 


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.


Soudan: des dizaines de milliers de personnes fuient le conflit qui s'étend à l'est du Darfour 

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
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  • Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusien
  • Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023

PORT-SOUDAN: Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusienne.

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait.

Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023.

Des habitants ont rapporté lundi à l'AFP que des villes entières étaient devenues des cibles militaires, alors que l'armée et les FSR s'affrontent pour le contrôle d'El-Obeid, capitale de l'Etat du Kordofan-Nord, important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum, qui abrite également un aéroport.

"Aujourd'hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara", a affirmé un membre des FSR dans une vidéo diffusée dimanche soir par les paramilitaires, en citant une localité située au nord d'El-Obeid. Les FSR avaient revendiqué la prise de Bara la semaine précédente.

Souleiman Babiker, habitant d'Oum Smeima, à l'ouest d'El-Obeid, a déclaré à l'AFP qu'après la prise d'El-Facher par les paramilitaires, "le nombre de véhicules des FSR a augmenté".

"Nous avons cessé d'aller dans nos champs, de peur des affrontements", a-t-il ajouté.

Un autre habitant, ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a également fait état d'"une forte augmentation des véhicules et du matériel militaire à l'ouest et au sud d'El-Obeid" au cours des deux dernières semaines.

Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l'ONU pour l'Afrique, a alerté la semaine dernière sur de "vastes atrocités" et des "représailles à motivation ethnique" commises par les FSR à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les combattants paramilitaires sont accusés de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements visant les communautés non arabes après la chute d'El-Facher.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.