Les victimes non reconnues des attentats du 13 novembre 2015 en France

Les réactions des accusés sont maintes fois restées inaudibles. Leurs expressions imperceptibles. (Photo, AFP)
Les réactions des accusés sont maintes fois restées inaudibles. Leurs expressions imperceptibles. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 26 juin 2022

Les victimes non reconnues des attentats du 13 novembre 2015 en France

Les réactions des accusés sont maintes fois restées inaudibles. Leurs expressions imperceptibles. (Photo, AFP)
  • Guillaume V., rescapé du Bataclan, avait 31 ans. Il s'est suicidé en 2017 dans une clinique psychiatrique où il était hospitalisé pour délire hypocondriaque et dépression sévère
  • «Le terrorisme ne l'a pas tué le 13 novembre 2015, le terrorisme l'a tué à petit feu», avait soutenu sa mère dans une lettre lue devant la cour

PARIS: Les attentats jihadistes du 13 novembre 2015, les plus meurtriers ayant jamais frappé la France, ont officiellement fait 130 morts, mais de nombreux avocats parlent de 132 victimes. 

Depuis les attaques, deux rescapés souffrant de stress post-traumatique ont mis fin à leur jour. 

Pour leur famille et leurs avocats le décès de ces deux jeunes gens est lié au traumatisme du 13-Novembre, et ils doivent être comptabilisés au côté des morts de la salle de spectacles du Bataclan (90), des terrasses de cafés et restaurants (39) et des abords du Stade de France (1). 

Au cours de son réquisitoire, l'avocat général Nicolas le Bris n'a pas hésité à stigmatiser le « cauchemar du 13-Novembre qui a fait 132 morts ». 

Guillaume V. et France-Élodie B. seront-ils officiellement considérés comme les 131e et 132e victimes des attentats du 13-Novembre ? C'est à la cour d'assises spéciale présidée par Jean-Louis Périès d'apporter une réponse définitive. 

« Les balles invisibles »  

Guillaume V., rescapé du Bataclan, avait 31 ans. Il s'est suicidé en 2017 dans une clinique psychiatrique où il était hospitalisé pour délire hypocondriaque et dépression sévère. 

« Guillaume n'a pas reçu de balles dans le corps, mais des balles invisibles, qui l'ont tué, doucement mais sûrement », avait témoigné son père Alain en octobre devant la cour. 

« Guillaume détestait la violence, mais elle l'a rattrapé le soir du 13 novembre (...). Notre fils qui aimait tant la vie a été envahi et débordé par ce stress post-traumatique, au point de mettre fin à ses jours le 19 novembre 2017 », a raconté le septuagénaire. 

Le lendemain de l'attentat, Guillaume avait confié à ses parents: « Ma vie ne sera jamais plus la même ». 

Comme nombre de rescapés, Guillaume a souffert d'un syndrome de stress post-traumatique et de ce que les experts appellent « la culpabilité du survivant ». Son état s'est aggravé à partir de juillet 2017. »Le stress post-traumatique s’est transformé en délire hypocondriaque et dépression majeure », avait dit Alain. 

Malgré l'amour des siens, les soins des médecins, son état psychique s'est inexorablement dégradé. 

Le 13 novembre 2016, Guillaume a parlé pour la première fois des attentats. « Je n'oublierai jamais le bruit des mitraillettes », a-t-il dit en pleurant. « C'était la première fois qu'il nous reparlait de ces attentats. Ça a duré 30 secondes, et il s'est refermé », a dit son père. 

En juillet 2017, les crises d'angoisse de Guillaume s'accélèrent. Il est hospitalisé en psychiatrie en août. Personne ne pourra empêcher son suicide le 19 novembre 2017, six jours après le deuxième anniversaire des attentats. 

« Guillaume s'est suicidé non pas parce qu'il était faible, mais parce qu'il avait été blessé sur le plan psychiatrique. Guillaume ne voulait pas arrêter de vivre, il voulait arrêter de souffrir », avait déclaré son frère Christophe venu également témoigner. 

« Le terrorisme ne l'a pas tué le 13 novembre 2015, le terrorisme l'a tué à petit feu », avait soutenu sa mère dans une lettre lue devant la cour. 

Séquelles aggravées par le procès 

France-Élodie B. avait survécu à la fusillade à la terrasse du Carillon, le bar en bas de chez elle. Mais elle n'avait pas surmonté sa détresse. Cette mère de deux enfants a mis fin à ses jours le 6 novembre 2021, en plein procès du 13-Novembre. Elle avait 35 ans. 

« Depuis les attentats, France-Élodie B. conservait des séquelles psychologiques considérables. Elle n'a jamais réussi à surmonter ce retentissement psychologique et l'ouverture du procès en septembre a aggravé ses séquelles », a expliqué pudiquement à la cour son avocat, Me Pierre Thevenet. 

La détresse psychologique dont souffrait la jeune femme l'avait contrainte à abandonner son travail et lui avait valu d'être indemnisée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI). 

Comme Guillaume et des centaines d'autres rescapés elle était suivie sur le plan psychologique mais la douleur est devenue insupportable. 

« Je vous demande d'accepter la constitution de partie civile pour les quatre proches (ses deux enfants mineurs et ses deux parents, ndlr) de Mme France-Élodie B., 132e victime des attentats du 13-Novembre », avait dit à la cour Me Thevenet. 

Procès des attentats du 13 novembre en France: les moments marquants de près de dix mois d'audience

Des récits de victimes éprouvants, un principal accusé qui pleure et s'excuse, quelques images diffusées. Voici les moments marquants des près de dix mois d'audience du procès « historique » à Paris des attentats jihadistes du 13 novembre 2015, avant le verdict attendu mercredi. 

Le récit collectif des rescapés 

Jamais une audience criminelle n'avait autant laissé place à la parole des victimes. Une place en deux temps, au début et à la fin du procès, ce qui est sans précédent. 

Au total, environ 400 parties civiles sur les plus de 2 500 constituées - rescapés et proches des 130 victimes décédées - ont défilé à la barre pour raconter « leur 13-Novembre » et reconstituer pièce par pièce le puzzle des attaques jihadistes et de leurs vies brisées. 

De ces histoires singulières est né le récit collectif de l'insouciance perdue, la culpabilité intacte et la difficile voire impossible reconstruction. 

A l'automne, puis début mai, un même rituel s'est installé: un micro qu'on règle, des feuilles que l'on pose devant soi, la voix qui tremble, et à la fin de longues accolades avec d'autres parties civiles. 

Pas d'images « inutilement choquantes » 

Il aura fallu attendre près de sept mois d'audience pour que soient finalement diffusés le son et les images de l'attaque du Bataclan. Et une partie seulement. « Pas d'images inutilement choquantes », avait dit la cour. 

Cette précaution rarissime aux assises tranche avec le procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, où la brutalité avait surgi sans ménagement sur grand écran. 

Quelques plans larges des tueries sur les terrasses parisiennes et des explosions au Stade de France ont été projetés au début du procès, rien pour le Bataclan. Il y eut aussi des vidéos de propagande du groupe Etat islamique, mais expurgées des scènes les plus atroces. 

Cette « aseptisation » fait débat, y compris au sein des associations de victimes. 

Le 1er avril, la cour d'assises spéciale de Paris a finalement fait droit à la demande répétée de l'une d'elles, Life for Paris. 

Elle diffuse alors une trentaine de photos et des extraits d'un enregistrement sonore. Le silence est lourd quand, dans la salle, résonne la ferveur du concert des Eagles of Death Metal, brusquement interrompu par les tirs des kalachnikov, les cris de peur et les hurlements de douleur. 

Un procès sur écrans plats 

Un bloc de 45 mètres de long pour 15 mètres de large, 550 places: bâtie de toutes pièces pour ce procès dans l'historique palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, la salle d'audience est lumineuse, moderne et... gigantesque. 

Depuis l'ouverture du procès, le 8 septembre, les cous se tordent depuis les bancs de bois pour tenter d'apercevoir, à travers une forêt de robes noires, la cour, les avocats généraux, les accusés et le principal d'entre eux, Salah Abdeslam, placé tout au bout d'un long box vitré. 

Les réactions des accusés sont maintes fois restées inaudibles. Leurs expressions imperceptibles. 

Pour suivre les débats ne sont souvent restés que les écrans plats disséminés dans les rangées. 

« Le planning, le planning » 

« Ca va durer neuf mois », « il va falloir vous armer de patience », lançait Jean-Louis Périès à un Salah Abdeslam réclamant le micro au cinquième jour du procès et vitupérant dans son box: « c'est quand qu'on aura la parole ? »  

Pour cette audience criminelle inédite par sa durée, qui a paru s'éterniser, le président a opté pour un séquençage qui n'a pas facilité la fluidité des débats. 

Les accusés n'auront été interrogés pour la première fois sur le fond du dossier que quatre mois après l'ouverture du procès, après les parties civiles, de nombreux témoins dits « de contexte » et une série d'enquêteurs français et belges. 

Et gare à celui qui s'aventurait sur une période des faits sortie du calendrier prévu, « saucissonné » en plusieurs phases: avant août 2015, d'août à début novembre, de début novembre au 13-Novembre, après les attentats... 

Un « manque de souplesse », diront certains, une obsession « gestionnaire » du planning, fustigeront d'autres. 

La Covid, hôte tenace 

La Covid s'est invité tardivement au procès, début 2022, mais de manière tenace: à quatre reprises, l'audience a été suspendue pendant une semaine, repoussant d'un mois la fin prévue de l'audience. 

Au total, six des onze accusés comparaissant détenus, serrés dans le box, ont été atteints par le Covid. 

Les trois avocats généraux l'ont aussi contracté, l'un d'eux lors des explications très attendues de Salah Abdeslam sur sa soirée du 13-Novembre. Loin de la salle, il a envoyé ses questions par messages à ses collègues. 

« Le seul participant connecté » 

L'absence physique à la barre et l'anonymat des enquêteurs belges cités comme témoins a fait l'objet d'un bras de fer entre la cour et les avocats de la défense. 

Elle a entraîné une « grève du box » de plusieurs accusés, l'un d'eux, le Suédois Osama Krayem, s'absentant même pendant plusieurs mois. Ce refus de comparaître a institué une pause rituelle à chaque début d'audience, le temps que les sommations d'usage par huissier lui soient faites. 

Lors des auditions menées depuis le parquet fédéral belge, les connexions avec Bruxelles ont viré au mauvais gag, entre réponses fuyantes des policiers et couacs techniques récurrents. 

« Ah ben, il est parti », désespère Me Olivia Ronen, l'une des avocates de Salah Abdeslam, un jour où elle presse de questions un enquêteur. Son visage a disparu des écrans, remplacé par un message et une voix de robot: « vous êtes le seul participant connecté ». 

« Bonjour M. le président » 

On n'avait pas vu une telle affluence et effervescence au procès depuis son ouverture: l'ambiance est solennelle ce 10 novembre quand l'ancien président François Hollande s'avance à la barre. C'est la première fois qu'un ex chef de l'Etat témoigne aux assises. 

« Bonjour Monsieur le président », lui dit Jean-Louis Périès. « Bonjour Monsieur le président », répond le témoin, sourire en coin. Rires dans la salle. 

François Hollande ne prononcera pas le nom du principal accusé et ne regardera pas le box, mais ses mots sonnent comme une réponse à ceux de Salah Abdeslam, qui avait affirmé qu'il « n'y avait rien de personnel » dans les attaques. « Ce groupe nous a frappés non pas pour nos modes d'action à l'étranger mais pour nos modes de vie ici-même », martèle François Hollande. « On nous a fait la guerre, nous avons répondu ». 

Les larmes d'Abdeslam 

Est-ce la même personne ? « Combattant » autoproclamé du groupe Etat islamique au premier jour du procès, Salah Abdeslam verse des larmes lors de son dernier interrogatoire en avril et présente ses excuses »à toutes les victimes ». 

« Cette histoire du 13-Novembre s'est écrite avec le sang des victimes. C'est leur histoire, et moi j'en ai fait partie. Elles sont liées à moi et moi à elles », déclare-t-il la voix tremblante. 

« Je vous demande de me pardonner. Je sais que la haine subsiste (...) je vous demande aujourd'hui de me détester avec modération ». 

Auparavant, il a raconté pour la première fois qu'il avait pour mission de se faire exploser dans un bar du XVIIIe arrondissement de Paris mais qu'il y avait renoncé par « humanité ». A-t-il dit la vérité? Une autre thèse voudrait qu'il ait tenté d'actionner le gilet, mais qu'il était défectueux.


En plein réchauffement franco-britannique, Macron et Starmer «main dans la main» sur l'Ukraine

Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe. (AFP)
Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe. (AFP)
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  • Le travailliste Keir Starmer est arrivé en juillet à Downing Street avec la promesse de "réinitialiser" les relations avec ses alliés européens
  • "Avant même d'arriver aux affaires, Keir Starmer a donné la priorité à l'établissement d'une relation solide avec le président Macron", explique une source à Downing Street, sous couvert d'anonymat

LONDRES: Après les tensions des années Brexit, les relations franco-britanniques se sont considérablement réchauffées avec le duo formé par Keir Starmer et Emmanuel Macron, qui oeuvrent à mobiliser les Européens derrière l'Ukraine face au tumultueux retour de Donald Trump à Washington.

Les relations entre les voisins étaient tombées très bas sous les successifs gouvernements conservateurs britanniques, après le vote choc de 2016 signant la sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Le travailliste Keir Starmer est arrivé en juillet à Downing Street avec la promesse de "réinitialiser" les relations avec ses alliés européens.

"Avant même d'arriver aux affaires, Keir Starmer a donné la priorité à l'établissement d'une relation solide avec le président Macron", explique une source à Downing Street, sous couvert d'anonymat.

"Il est clair qu'ils entretiennent une relation personnelle chaleureuse et ont des compétences complémentaires", selon cette source. "Il y a un immense respect des deux côtés, qui s'est construit en amont du défi actuel et qui est maintenant inestimable".

Le "défi" en question est apparu au grand jour le mois dernier, quand Donald Trump a sorti Vladimir Poutine de l'isolement diplomatique en ouvrant unilatéralement des négociations avec Moscou pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe.

Intermédiaires

Le duo a réuni des dirigeants européens et d'autres partenaires lors de sommets à Paris puis à Londres. Ils oeuvrent, depuis deux semaines, à la constitution d'une "coalition de (pays) volontaires", disposés à défendre un éventuel cessez-le-feu.

Starmer et Macron se disent prêts à déployer des troupes en Ukraine, avec un soutien des Etats-Unis, pour dissuader Vladimir Poutine de violer un accord de trêve.

Le Premier ministre britannique a encore réuni samedi une trentaine de dirigeants alliés pour préciser leur contribution, militaire ou logistique, lors d'une réunion virtuelle.

"Les équipes travaillent main dans la main", dit la source à Downing Street.

Le Royaume-Uni et la France jouent un important rôle d'intermédiaires entre l'Ukraine et l'administration Trump.

Des conseillers à la sécurité nationale des deux pays, ainsi que celui de l'Allemagne, ont rencontré Andriy Yermak - le chef de cabinet du président ukrainien Volodymyr Zelensky - et son équipe à Varsovie cette semaine.

Des tensions demeurent

Historiquement, les relations entre les deux pays ont connu des hauts et des bas.

Des siècles de conflit se sont achevés avec la signature en 1904 de "L'Entente cordiale", une série d'accords resserrant les liens entre Londres et Paris, qui en ont célébré l'an dernier le 120ème anniversaire.

A l'Elysée, on estime que le contact est immédiatement bien passé entre Macron et Starmer, qui avait été reçu par le président français en septembre 2023 en tant que chef de l'opposition britannique.

Depuis son arrivée à Downing Street, et encore plus avec le retour de Trump à la Maison Blanche, les relations se sont intensifiées. L'entourage d'Emmanuel Macron décrit des échanges permanents entre les deux hommes.

Le temps où, en 2021, le conservateur Boris Johnson, alors Premier ministre, lâchait à Emmanuel Macron "Donnez-moi un break" ("Laissez-moi souffler"), en pleine crise diplomatique, semble loin.

En 2022, Liz Truss, alors candidate pour devenir Première ministre, avait botté en touche quand elle avait été interrogée pour savoir si Macron était un ami ou un rival.

"Les relations entre le Royaume-Uni et la France n'avaient pas été aussi fortes depuis des années", dit à l'AFP Mujtaba Rahman, directeur pour l'Europe au sein du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group.

"C'est une très bonne chose" pour les deux seules puissances nucléaires européennes, souligne-t-il.

Les relations ne sont toutefois pas dénuées de compétition.

Le président français, qui a voulu devancer le Premier ministre britannique à Washington auprès de Donald Trump, revendique une "bonne relation" avec le milliardaire républicain, fort des liens noués lors de son premier mandat, et estime donc être mieux placé pour lui passer des messages.

A Paris, une certaine méfiance plane toujours à l'égard des Britanniques, jugés encore très dépendants des Etats-Unis et susceptibles de mettre en avant leurs intérêts nationaux auprès de Washington.

Des tensions entre les deux pays demeurent par ailleurs sur le Brexit, notamment sur les droits de pêche. La relation est "beaucoup plus compliquée dans le contexte de l'UE", estime Anand Menon, directeur du groupe de réflexion "UK in a Changing Europe". "Il y a des problèmes persistants".

Pour Patrick Chevallereau, ancien attaché de défense à l'ambassade de France au Royaume-Uni, "il y a un gros progrès" dans la relation, mais "il y a encore une marge de progression".

 


La Grande mosquée de Paris prise dans la brouille diplomatique franco-algérienne

En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie. (AFP)
En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie. (AFP)
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  • En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie
  • Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est annoncé à ce repas de rupture de jeune du ramadan, mais pas Bruno Retailleau, alors que le précédent ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin répondait à l'invitation depuis 2022

PARIS: La brouille diplomatique franco-algérienne place en position inconfortable la Grande mosquée de Paris, attaquée plus ou moins directement sur son lien avec Alger, et qui organise mardi son quatrième "iftar des ambassadeurs".

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est annoncé à ce repas de rupture de jeune du ramadan, mais pas Bruno Retailleau, alors que le précédent ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin répondait à l'invitation depuis 2022.

L'institution doit composer avec d'autres changements, en cette période de ramadan qui voit traditionnellement l'envoi, en renfort temporaire, d'environ 80 "imams psalmodieurs" algériens. Cette année, aucun n'est venu: "le consulat n'a pas reçu de demande de visa" de la part d'Alger, explique une source gouvernementale.

"La situation est compliquée", soupire le recteur de la Grande mosquée Chems-eddine Hafiz.

Pour le sociologue et chercheur au CNRS Franck Frégosi, "la Grande mosquée de Paris fait les frais de la détérioration des relations franco-algériennes".

En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie.

Le lien de M. Hafiz avec l'Algérie a aussi été questionné, notamment par l'ancien ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt qui l'a invité début janvier sur CNews à s'occuper "de religion et non de politique", n'étant "pas l'ambassadeur officieux de l'Algérie".

Le recteur, qui a dénoncé des "attaques totalement mensongères", défend son institution. "La Grande mosquée de Paris ne s'est jamais cachée d'avoir une relation (construite) entre l'Algérie et la France. Nous sommes une passerelle vertueuse entre les deux. Ce n'est pas une question d'influence ou de quoi que ce soit", affirmait-il début mars à des journalistes.

Inaugurée en 1926, la Grande moquée bénéficie depuis le début des années 1980 d'un financement annuel de l'Etat algérien d'environ 2 millions d'euros.

L'institution a été montrée du doigt après le refus du recteur de participer à la manifestation contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023, pour ne pas défiler aux côtés du Rassemblement national.

Un "tournant" pour Chems-eddine Hafiz: "avant, j'étais le musulman qu'il fallait fréquenter à tout prix. Après je deviens le pire des antisémites".

"Laxisme" 

La Grande mosquée "avait jusqu'à présent été présentée comme le bon soldat de la République, un peu comme le modèle du bon islam républicain", note Franck Fregosi, auteur d'un récent ouvrage "Gouverner l'islam en France" (Ed. Seuil).

Au point d'apparaître comme l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, après la disgrâce en 2021 du Conseil français du culte musulman (CFCM), représentant de l'islam de France depuis 2003.

En 2022, entre les deux tours de la présidentielle, M. Hafiz avait même organisé un "iftar républicain de soutien à la réélection d’Emmanuel Macron", en présence de l'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.

"La Grande mosquée de Paris s'est sentie pointée du doigt par un ministère qui avait plutôt été bienveillant à son égard", explique M. Fregosi, en soulignant la stratégie de fermeté de Bruno Retailleau, qui "veut apparaître comme celui qui a réussi ce que les autres n'ont jamais osé faire" sur la structuration de l'islam en France.

La crise diplomatique entre Paris et Alger, née de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental fin juillet 2024, s'est enflammée autour de l'emprisonnement de l'écrivain Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre 2024 à Alger. Dans ce contexte le recteur s'est aussi vu reprocher de ne pas avoir appelé à sa libération.

"Le regarde laxiste qu'on portait sur la Grande mosquée de Paris ne peut plus être le même depuis l'affaire Sansal", estime un bon connaisseur du dossier, qui voit l'institution "prise dans ses ambiguïtés".

La crise a aussi un volet migratoire, et Bruno Retailleau a menacé samedi de démissionner si Paris cédait sur le renvoi de ressortissants algériens en situation irrégulière.

Dans un billet très politique début mars, M. Hafiz avait lui dénoncé les "faiseurs de peurs" qui dans la classe politique et les médias nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne.

 


La France échappe à une dégradation de sa note par Fitch

Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
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  • L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative"
  • La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois

PARIS: L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative", le gouvernement se disant aussitôt "déterminé" à poursuivre le redressement des finances publiques.

La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois.

Fitch observe que, malgré son "dérapage budgétaire" de 2024 - le déficit public est passé de 4,4% du PIB en 2023 à 6% du PIB - la France conserve une économie "vaste et diversifiée", avec des "institutions fortes et efficaces".

L'agence de notation relève toutefois que le déficit public reste à un niveau élevé et que sa réduction reste difficile en raison de l'incertitude politique et de l'absence de majorité du gouvernement Bayrou à l'Assemblée nationale.

Le ministère de l’Économie français a immédiatement "pris note" de la décision de Fitch "de confirmer la notation française à AA−, témoignant de la très haute qualité de la signature française, et de maintenir sa perspective négative".

- "Bonne qualité" -

"Le gouvernement, écrit Bercy dans un communiqué, est déterminé à poursuivre la mise en œuvre de sa trajectoire de consolidation des finances publiques initiée par la loi de finances 2025 et à l’inscrire dans la durée. La résorption de nos déficits est une priorité".

La note AA- désigne une dette de "bonne qualité". Un abaissement aurait fait tomber la France en A, "moyenne supérieure", avec le risque de taux d'intérêt sur les marchés plus élevés et d'une charge annuelle de la dette qui finisse par devenir le premier budget de la nation, devant l’Éducation.

Les trois grandes agences, S&P, Fitch et Moody's, classent désormais la France de la même façon, Moody's conservant toutefois une perspective stable.

Fitch prévoit un déficit public à 5,5% du PIB cette année et non 5,4% comme espéré par le gouvernement, et la croissance à 0,6% (0,9% pour le gouvernement).

"Cette baisse s'explique principalement par les risques de montée du protectionnisme international et de ralentissement de la croissance en Allemagne, premier partenaire commercial de la France", explique-t-elle.

Le président américain Donald Trump ne cesse en effet d'agiter des menaces de hausse des tarifs douaniers américains depuis son retour à la Maison Blanche en janvier

- Défense et aéronautique -

Jeudi, il s'est dit prêt à porter à 200% les droits sur les alcools européens si Bruxelles n'abandonnait pas l'idée de taxer à 50% le bourbon. Une nouvelle qui serait "particulièrement inquiétante" pour la France, selon Sylvain Bersinger, chef économiste d'Asterès, car elle est un grand producteur d'alcool.

Fitch considère néanmoins que l'impact de ces points négatifs "est quelque peu atténué par l'augmentation des dépenses de défense européennes, qui bénéficiera au secteur français de la défense et de l'aéronautique".

L'UE va en effet augmenter massivement sa capacité de dissuasion face à la Russie, les visées de la politique étrangère américaine étant devenues plus incertaines depuis janvier.

Fitch remarque aussi que l'incertitude politique en France "a diminué après l'approbation du budget 2025". "Mais la confiance des entreprises et des ménages reste faible", observe-t-elle.

La menace d'une future dégradation est toujours là. Fitch émaille sa note d'observations selon lesquelles la situation financière française est pire que celle de ses pairs classés "AA".

"L’incapacité à mettre en œuvre un plan crédible de consolidation budgétaire à moyen terme, par exemple en raison d’une opposition politique ou de pressions sociales, qui conduirait à une stabilisation de la dette à moyen terme", au lieu d'une baisse, serait un facteur de dégradation, prévient-elle.

La dette représentait 113,7% du PIB à la fin du troisième trimestre. Fitch l'anticipe au-dessus de 120% du PIB fin 2028.